Franchises romaines

Franchises romaines

 

II, 72

 

1684

 

Armée Celtique en Italie vexée

De toutes parts conflict & grande perte

Romains fuis, O Gaule repoulsée

Prés du Thésin, Rubicon pugne incerte.

 

Acrostiche : AD RP

 

AD: Adjutor ;  RP: res publica (Johann Georg Graevius, Thesaurus antiquitatum et historiarum Italiae, Neapolis, Siciliae, Sardiniae, Corsicae, Melitae atque adjacentium terrarum insularumque, 1699 - www.google.fr/books/edition).

 

Les Gaulois étaient partagés, certains combattaient pour Annibal, d'autres pour les Romains. Annibal annonçait sa volonté de libérer les peuples d'Italie du joug des Romains.

 

Annibal arrivĂ© dans l'Italie, campa au pied des Alpes, pour donner quelque repos Ă  ses troupes. Elles en avoient un extrĂŞme besoin. Les fatigues qu'elles avoient essuiĂ©es Ă  monter & Ă  dĂ©cendre par des chemins si difficiles, la disette de vivres, un dĂ©labrement affreux les rendoit presque mĂ©connoissables. Il y en avoit mĂŞme un grand nombre que la faim & les travaux continuels avoient rĂ©duits au desespoir. On n'avoit pĂ» voiturer entre des rochers autant de vivres qu'il en falloit pour une armĂ©e si nombreuse, & la plupart de ceux que l'on y avoit voiturez y Ă©toient restez avec les bĂŞtes de charge. Aussi quoiqu'Annibal au sortir du RhĂ´ne eĂ»t avec lui trente-huit mille hommes de pied & plus de huit mille chevaux ; quand il eĂ»t passĂ© les monts, il n'avoit guĂ©res que la moitiĂ© de cette armĂ©e ; & cette moitiĂ© Ă©toit si changĂ©e par les travaux qu'elle avoit essuiez, qu'on l'auroit prise pour une troupe de Sauvages. Le premier soin qu'eut alors Annibal fut de leur relever le courage, & de leur fournir de quoi rĂ©parer leurs forces & celles des chevaux. Lorsqu'il les vit en bon Ă©tat, il tâcha d'abord d'engager les peuples du territoire de Turin, peuples situez au pied des Alpes, & qui Ă©toient en guerre avec les Insubriens, de faire alliance avec lui. Ne pouvant par ses exhortations vaincre leur dĂ©fiance, il alla camper devant la principale de leurs villes, l'emporta en trois jours, & fit passer au fil de l'Ă©pĂ©e tous ceux qui lui avoient Ă©tĂ© opposez. Cette expĂ©dition jetta une si grande terreur parmi les Barbares voisins, qu'ils vinrent tous d'eux-mĂŞmes se rendre Ă  discrĂ©tion. Les autres Gaulois qui habitoient ces plaines, auroient bien souhaitĂ© se joindre Ă  Annibal, selon le projet qu'ils en avoient d'abord formĂ© ; mais comme les lĂ©gions Romaines Ă©toient dĂ©ja sorties du paĂŻs, & avoient Ă©vitĂ© les embuscades, qui leur avoient Ă©tĂ© dressĂ©es, ils aimoient mieux se tenir en repos, & d'ailleurs il y en avoit parmi eux qui Ă©toient obligez de prendre les armes pour les Romains [adjutores sociosque belli]. Annibal alors jugea qu'il n'y avoit point de tems Ă  perdre, qu'il falloit avancer dans le paĂŻs, & hazarder quelque exploit, qui pĂ»t Ă©tablir la confiance parmi les peuples qui avoient envie de prendre parti en sa faveur. Il Ă©toit plein de ce projet, lorsqu'il eut avis que Publius avoit dĂ©ja passĂ© le PĂ´ avec son armĂ©e, & qu'il Ă©toit proche (Histoire de Polybe, Tome 4, traduit par Vincent Thuillier, 1728 - books.google.fr, Polybe, Historiarum quidquid superest, Tome 1, Johann Schweighäuser, 1823 - www.google.fr/books/edition).

 

Bataille indécise du Tessin

 

Les deux armĂ©es s'avancĂ©rent l'une contre l'autre le long du TĂ©sin, du cĂ´tĂ© qui regarde les Alpes, les Romains aiant le feuve Ă  leur gauche, & les Carthaginois Ă  leur droite. Au second jour les fourrageurs de part & d'autre aiant donnĂ© avis que l'ennemi Ă©toit proche, on campa chacun dans l'endroit oĂą il Ă©toit. Au troisiĂ©me Publius avec sa cavalerie, soutenue des armez Ă  la lĂ©gĂ©re, & Annibal avec sa cavalerie seule, marchĂ©rent chacun de son cĂ´tĂ© dans la plaine pour reconnoĂ®tre les forces l'un de l'autre. Quand on vit Ă  la poussiĂ©re qui s'Ă©levoit que l'on n'Ă©toit pas loin, on se mit en bataille. Publius fait marcher devant les archers avec la cavalerie Gauloise, forme son front du reste de ses troupes, & avance au petit pas. Annibal lui vint au-devant, aiant au centre l'Ă©lite de la cavalerie Ă  frein, & la Numide sur les deux aĂ®les, pour enveloper l'ennemi. Les Chefs & la cavalerie ne demandant qu'Ă  combattre, on commence Ă  charger. Au premier choc les armez Ă  la lĂ©gĂ©re eurent Ă  peine lancĂ© leurs premiers traits, qu'Ă©pouvantez par la cavalerie Carthaginoise qui venoit sur eux, & craignant d'ĂŞtre foulez aux pieds des chevaux, pliĂ©rent & s'enfuirent par les intervalles qui sĂ©paroient les escadrons. Les deux corps de bataille s'avancent ensuite, & en viennent aux mains. Le combat se soutient longtems Ă  forces Ă©gales. De part & d'autre beaucoup de cavaliers mirent pied Ă  terre, de forte que l'action fut d'infanterie comme de cavalerie. Pendant ce tems-lĂ  les Numides envelopent, & fondent par les derriĂ©res sur ces gens de traits, qui d'abord avoient Ă©chapĂ© Ă  la cavalerie, & les Ă©crasent sous les pieds de leurs chevaux. Ils tombent ensuite sur les derrières du centre des Romains & le mettent en fuite. Les Romains perdirent beaucoup de monde dans ce combat ; la perte fut encore plus grande du cĂ´tĂ© des Carthaginois (Histoire de Polybe, Tome 4, traduit par Vincent Thuillier, 1728 - books.google.fr).

 

"Rubicon" : bataille près de Rimini

 

Entre CĂ©sène et Rimini, on franchit le Rubicon. Le Rubicon ! S'il est un nom qui fasse battre le cĹ“ur, quand on pĂ©nètre dans l'Italie centrale par Bologne et la marche d'AncĂ´ne, c'est celui d'un ruisseau aujourd'hui presque imperceptible, et qui, dans l'antiquitĂ©, sĂ©parait la Gaule Cisalpine de l'Ombrie, territoire relevant de la rĂ©publique romaine. Il faut le souvenir de CĂ©sar et de la destinĂ©e de Rome pour que le regard du voyageur cherche de nos jours, Ă  travers les broussailles qui le couvrent en partie, ce Rubicon que nul, au retour d'une expĂ©dition guerrière, ne pouvait franchir les armes Ă  la main sans la permission du SĂ©nat romain, sous peine d'ĂŞtre vouĂ© aux dieux infernaux. Écolier, combien de fois n'avais-je point passĂ© le Rubicon avec CĂ©sar ! Et, dans ma pensĂ©e, devant le fleuve (et le fleuve m'apparaissait dans des proportions gigantesques,) debout comme dut s'arrĂŞter le chef des lĂ©gions victorieuses prĂŞt Ă  porter les armes aux portes de Rome, je m'arrĂŞtais sur les bords du Rubicon. Et telle est encore l'influence des premières impressions, que je cherchais le fleuve, et CĂ©sar, et l'armĂ©e, quand enfin je me trouvai au milieu de ce pont qui sĂ©parait des provinces. J'aurais pu le franchir d'un bond. Ce grand fleuve est tellement chĂ©tif et minuscule qu'on l'appelle aujourd'hui le Pisciatello, nom de mĂ©pris que je me garderai bien de traduire. La première ville que le voyageur aperçoit en poursuivant sa route, c'est Rimini, avec ses hautes tours d'un brun sĂ©vère, avec son port que les eaux du golfe ont depuis longtemps abandonnĂ©. Publius Sempronius Sophus, qui Ă©tait consul avec Appius Claudius, l'an du monde 3786, mena une colonie romaine Ă  Ariminium. Dès lors cette ville cessa d'ĂŞtre comprise dans la Gaule Cisalpine. FortifiĂ©e pour s'opposer aux excursions des Gaulois, Rimini Ă©tait regardĂ©e comme une place d'armes, et c'Ă©tait lĂ  que les gĂ©nĂ©raux s'assemblaient et oĂą ils avaient coutume de recevoir les ordres du sĂ©nat. Ce fut aussi la ville des conciles, et saint JĂ©rĂ´me fut prĂ©sent Ă  l'un d'eux. Ensuite ce fut la ville des Malatesta, de ces Guelfes tout bardĂ©s de fer au moyen âge, qui prĂ©tendaient descendre de l'antique famille CornĂ©lienne et des Scipions. Sur la grand place de Rimini se trouve l'antique piĂ©destal du haut duquel, si l'on en croit l'inscription et la tradition, CĂ©sar harangua ses troupes après avoir franchi le Rubicon (Patrice Chauvierre, Voyage en Orient, 1885 - books.google.fr).

 

Servilius était encore près de Rimini, où il avait livré quelques combats aux Gaulois et pris une petite ville, lorsqu'il apprit le désastre de Flaminius. Craignant pour la capitale, qui pouvait courir des dangers, il en prit le chemin avec son armée. Ce fut auparavant que Servilius, ayant appris à Rimini  selon Polybe), qu'Annibal marchait sur Arezzo, lui envoya Centenius avec 4,000 chevaux. Ce dernier fut pris en Ombrie, où il rétrogradait, lorsqu'il apprit l'évènement du Trasymène. Après cette bataille, Annibal essaya de prendre Spolète; ayant échoué, il passa dans le Picenum pour donner du repos à son armée (Frédéric Guillaume de Vaudoncourt, Journal Des Scienes Militaires Des Armées De Terre Et De Mer, Tome 27, 1832 - books.google.fr).

 

"Romains fuis" : bataille de Trasymène

 

On avait nommé à Rome pour consuls Cn. Servilius et C. Flaminius. Annibal ayant appris que celui-ci était déjà arrivé à Arrétium, ville de la Toscane, crut devoir hâter sa marche pour l'atteindre au plus tôt. De deux chemins qu'on lui indiqua, il prit le plus court, quoiqu'il fût très difficile et presque impraticable, parce qu'il fallait passer à travers un marais. L'armée y souffrit des fatigues incroyables. Pendant quatre jours et trois nuits elle eut le pied dans l'eau, sans pouvoir prendre un moment de sommeil. Annibal lui-même, monté sur le seul éléphant qui lui restait, eut bien de la peine à en sortir. Les veilles continuelles, jointes aux vapeurs malsaines qui s'exhalaient de ces lieux marécageux et à l'intempérie de la saison, lui firent perdre un cil. Annibal alla ensuite camper entre Arrétium et Fésule, dans le territoire le plus riche et le plus fertile de la Toscane. Il s'attacha à connaître le caractère de Flaminius et il commença à irriter sa témérité par les dégâts et les incendies qu'il fit faire à sa vue dans les campagnes. Tout en agissant ainsi, il s'avançait toujours sur Rome, ayant Cortone à sa gauche et le lac de Trasymène à sa droite. Flaminius s'embarrassa dans un défilé près de ce lac, non loin de Pérouse.

 

Annibal l'ayant laissé avancer avec toutes ses troupes plus de la moitié du vallon, et voyant l'avant-garde des Romains assez près de lui, donna le signal du combat, et envoya ordre à ses troupes de sortir de leur embuscade pour fondre en même temps sur l'ennemi de tous côtés. On peut juger du trouble des Romains. Ils n'étaient pas encore rangés en bataille, et n'avaient pas préparé leurs armes, lorsqu'ils se virent pressés par devant, par derrière, et par les flancs. Le désordre se met en un moment dans tous les rangs. Flaminius seul intrépide dans une consternation si universelle, ranime ses soldats de la main et de la voix, et les exhorte à se faire un passage par le fer à travers les ennemis. Mais le tumulte qui règne partout, les cris affreux des ennemis, et le brouillard qui s'était élevé, empêchent qu'on ne puisse ni le voir ni l'entendre. Cependant, lorsqu'ils s'aperçurent qu'ils étaient enfermés de tous côtés ou par les ennemis, ou par le lac, l'impossibilité de se sauver par la fuite rappela leur courage, et l'on commença à combattre de tous côtés avec une animosité étonnante. L'acharnement fut si grand dans les deux armées, que personne ne sentit un tremblement de terre qui arriva dans cette contrée, et qui renversa des villes entières. Dans cette confusion, Flaminius ayant été tué par un Gaulois insubrien, les Romains commencèrent à plier, et prirent ensuite ouvertement la fuite. Un grand nombre cherchant à se sauver se précipita dans le lac: d'autres, ayant gagné le chemin des montagnes, se jetèrent eux-mêmes au milieu des ennemis qu'ils voulaient éviter. 6,000 seulement s'ouvrirent un passage à travers les vainqueurs, et se retirèrent en un lieu de sûreté : mais ils furent arrêtés et faits prisonniers le lendemain. Il y eut 13,000 Romains de tués dans cette bataille. Environ 10,000 se rendirent à Rome par différentes voies. Annibal renvoya les Latins alliés des Romains sans rançon. Il fit chercher inutilement le corps de Flaminius pour lui donner la sépulture. Il mit ensuite ses troupes en quartiers de rafraichissement, et rendit les derniers devoirs aux principaux de son armée, qui étaient restés sur le champ de bataille, au nombre de trente. De son côté la perte ne fut en tout que de 1,500 hommes, la plupart Gaulois (Abel Clarin de la Rive, Histoire générale de la Tunisie depuis l'an 1590 avant Jésus-Christ jusqu'en 1883, 1883 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Louis XIV fut l'arbitre des destinĂ©es de l'Europe au congrès de Nimègue (1678), après la guerre de DĂ©volution, qui lui laissa la Lorraine, une partie de la Flandre, etc. Ce fut l'Ă©poque la plus brillante de son règne. Tant de gloire exalta l'esprit envahisseur du grand roi; il osa en pleine paix prendre par surprise plusieurs villes, telles que la ville impĂ©riale de Strasbourg (1681), acte qui rĂ©pandit l'inquiĂ©tude dans l'Europe, qui voyait en outre la puissante marine française purger la mer des pirates, punir les puissances barbaresques, bombarder deux fois Alger, humilier Tripoli et Tunis, bombarder GĂŞnes, dont le doge venait humblement implorer son pardon Ă  Versailles, et humilier la papautĂ© jusque dans Rome (1684). Mais en s'Ă©levant ainsi au faite de la grandeur, Louis XIV allait Ă©puiser la France, et y anĂ©antir toutes les libertĂ©s par le pouvoir absolu dans toute sa plĂ©nitude: il n'y eut plus en France qu'un roi, et les sujets les plus soumis devant tant de grandeur et tant de gloire. Le premier acte impolitique de Louis XIV fut la rĂ©vocation de l'Ă©dit de Nantes (1685), qui, sous l'influence fatale de Louvois et de madame de Maintenon, amena les persĂ©cutions et les supplices contre les protestants, qui n'Ă©taient plus Ă  craindre depuis qu'ils s'Ă©taient adonnĂ©s Ă  l'industrie et au commerce : ils allèrent porter Ă  l'Ă©tranger leurs richesses, leur industrie et surtout la haine contre leurs persĂ©cuteurs. Cet abandon de la grande politique de Henri IV, de Richelieu, de Mazarin, perdit Louis XIV. L'Europe se souleva contre lui. L'Empire, l'Espagne, la Hollande, la Bavière, la Suède, prennent les armes, sous l'influence toute-puissante du prince d'Orange, qui va passer au trĂ´ne d'Angleterre : c'est la Ligue d'Augsbourg (Ed. Braconnier, Application de la gĂ©ographie Ă  l'histoire ou Ă©tude Ă©lĂ©mentaire de gĂ©ographie et d'histoire gĂ©nĂ©rales comparèes, 1845 - books.google.fr).

 

Gênes, alliée de Madrid, construisait quelques galères pour l'Espagne, et ses marchands avaient, disait-on, fourni des munitions aux Barbaresques. Louis XIV la traita comme un repaire de pirates. Duquesne reçut ordre de bombarder ses palais de marbre (mai 1684). Il se plut ensuite à écraser de sa puissance le petit Etat de Gênes. Le doge, Imperiale Lascaro, dut venir à Versailles avec 4 sénateurs, pour faire ses soumissions au roi (1685).

 

Enfin le pape lui-même vit braver dans Rome son autorité temporelle. Déjà en 1682 les deux puissances s'étaient trouvées aux prises, à propos du droit de régale. Une assemblée du clergé de France, dirigée par Bossuet, avait donné au roi le droit de percevoir, dans tout le royaume, les revenus des évêchés vacants, et de conférer les bénéfices qui en dépendaient. Le pape Innocent XI ayant cassé les décisions de cette assemblée, le clergé, de nouveau réuni, avait répondu par la fameuse déclaration de 1682, rédigée par Bossuet. Innocent XI n'accepta pas les 4 articles et refusa les bulles d'investiture aux évêques nommés par le roi. Trois ans plus tard (1687) le roi exerça de violentes représailles. Le pape voulait détruire dans Rome d'anciennes franchises, qui protégeaient contre les visites de la police l'hôtel et le quartier des Ambassadeurs (Louis Désiré Brissaud, Examen de Saint-Cyr, Cours d'histoire de France pendant les temps modernes, 1453-1815, Tome 1, 1860 - books.google.fr).

 

Victor-Amédée succède, pendant sa minorité, à Charles-Emmanuel II. Jeanne-Catherine de Nemours, sa mère, est nommée tutrice et régente. Cette régence, pendant laquelle la France exerce une influence exclusive, s'écoule sans troubles et sans guerres, et finit en 1684; mais ce n'est qu'en 1686 que le duc déclare vouloir désormais régner par lui-même. Par suite de la révocation de l'édit de Nantes, la volonté despotique de Louis XIV oblige Victor-Amédée à faire la guerre aux calvinistes persécutés qui ont cherché un refuge sur le sol piémontais. Bientôt les exigences du grand roi; au sujet des Vaudois expulsés, n'ont plus de bornes; une armée française, sortie de Pignerol sous le commandement de M. de Catinat, vient camper à Aveillane pour appuyer ses prétentions. Les hostilités obligent le duc à signer, le 3 juin 1690, un traité d'alliance avec la ligue d'Augsbourg. La guerre qui s'ensuit se prolonge jusqu'en 1696 en Italie (Henri de Giustiniani, Statistique militaire des Etats Sardes, Le Spectateur militaire; Recueil de science, d'art et d'histoire militaires, Volume 43, 1847 - books.google.fr, Henri Martin, Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, Tome 14, 1862 - www.google.fr/books/edition).

 

Lors de la guerre de Succession d'Espagne (1701 - 1714), l'Italie septentrionale sera encore théâtre de guerre (Paul Gagnol, Cours d'histoire rédigé conformément aux derniers programmes (1890-1891), Tome 7, 1895 - books.google.fr).

 

Franchir / Franchises

 

Le gouvernement pontifical avait résolu de ne pas tolérer plus long-temps l'abus des franchises que les ambassadeurs s'étaient arrogées, non-seulemement dans leurs hôtels, mais dans tout le quartier environnant. Les ambassadeurs ne voulaient permettre l'entrée de ces quartiers à aucun officier des tribunaux ou des finances du Pape. En conséquence, ils étaient devenus l'asile de tous les gens de mauvaise vie, de tous les scélérats du pays. Non-seulement ils venaient s'y dérober aux recherches de la justice, ils en sortaient encore pour commettre des crimes dans le voisinage : en même temps, ils en faisaient un dépôt de contrebande pour toutes les marchandises sujettes à quelques taxes. Les cardinaux, les princes romains avaient imité les ambassadeurs. On aurait été considéré à Rome comme un homme sans dignité, sans crédit, si on n'avait pas étendu sa protection sur un certain nombre de clients, de voleurs, d'assassins, de contrebandiers, de débiteurs faillis qu'on dérobait à la justice. Il en était résulté qu'il y avait à peine quelques rues où les archers des tribunaux osassent se montrer, et que ces gabelles ne rendaient presqu'aucun revenu. Les papes Jules III, Pie IV, Grégoire XIII, Sixte V avaient rendu plusieurs décrets pour supprinner ces franchises ; les ambassadeurs n'avaient jamais voulu s'y soumettre, et les gens de leur suite avaient toujours attaqué et chassé les sbires qui s'approchaient de leurs hôtels. Innocent XI, dont le caractère était ferme jusqu'à l'opiniâtreté, et qui comptait en même temps sur le respect qu'inspireraient sa vertu, son désintéressement, sa modestie et la soumission où il contenait sa famille, résolut de supprimer enfin un abus qui devenait intolérable. Il annonça qu'il ne changerait rien aux habitudes des ambassadeurs déjà établis à sa cour, mais qu'il n'en recevrait plus aucun s'il ne s'engageait auparavant à renoncer à ces franchises. Cette innovation rencontra d'abord quelques difficultés : la cour d'Espagne, plutôt que de se soumettre, s'abstint pendant quelque temps d'envoyer un ambassadeur à Rome; la république de Venise rappela le sien, à qui le Pape avait refusé audience parce qu'il n'avait pas fait la renonciation demandée; mais enfin tous, l'empereur, le roi d'Espagne, le roi de Pologne, le roi Jacques II d'Angleterre et les autres avaient accédé aux demandes d'Innocent XI.

 

Louis XIV avait laissé le duc d'Estrées à Rome jusqu'à sa mort, en 1687, pour éviter de prendre une décision. Lors de cet événement, le nonce Ranuzzi lui demanda avec instance d'ordonner à celui qui le remplacerait de faire une renonciation que tous les autres ambassadeurs avaient déjà faite, et de contribuer ainsi à rendre la paix et la sécurité à la capitale du monde chrétien. Mais le roi répondit «qu'il ne s'était jamais réglé sur l'exemple d'autrui ; que Dieu l'avait établi pour donner l'exemple aux autres, non pour le recevoir.» Il nomma Henri-Charles de Beaumanoir, marquis de Lavardin, pour remplacer le duc d'Estrées, et il lui donna la commission expresse de maintenir les franchises dont ses prédécesseurs avaient été en possession (René François Rohrbacher, Histoire universelle de l'Église catholique, Tome 26, 1848 - books.google.fr).

 

Tous les souverains s'empressèrent de renoncer Ă  ce privilĂ©ge si funeste au bon ordre et Ă  la sĂ»retĂ© de Rome. Louis XIV seul refusa de cĂ©der. Ce qui rend surtout sa conduite inexcusable, c'est le motif qu'il en donna : « Je n'ai jamais Ă©tĂ© rĂ©glĂ© par l'exemple d'autrui, rĂ©pondit-il au saint-père; Dieu m'a Ă©tabli, au contraire, pour servir d'exemple aux autres.» Le marquis de Lavardin, son ambassadeur, parut ensuite, escortĂ© de 800 hommes armĂ©s, et vint prendre possession de son palais et de son quartier. Innocent XI l'excommunia; Louis XIV retint le nonce prisonnier et se saisit d'Avignon. Un schisme allait Ă©clater, et Louis XIV n'y aurait vu que l'occasion de faire du clergĂ© gallican un clergĂ© tout Ă  fait national; Innocent XI cĂ©da (1688). [...] A la suite de ses premières hostilitĂ©s contre la cour de Rome, Louis XIV voulut donner un gage Ă  l'orthodoxie catholique en supprimant en France la religion protestante (Louis DĂ©sirĂ© Brissaud, Examen de Saint-Cyr, Cours d'histoire de France pendant les temps modernes, 1453-1815, Tome 1, 1860 - books.google.fr).

 

Innocent XII mourut en 1689, et Louis XIV rendit Avignon à son successeur Alexandre VIII pour gagner son affection (Bonaventure Racine, Abrégé de l'histoire ecclésiastique: contenant les événemens considérables de chaque siecle, Tome X, 1767  - books.google.fr).

 

Le cardinal qui est payé pour prendre soin de tout ce qui passe en consistoire pour une nation s'appelle le protecteur de cette nation; et de là protecteur de la couronne de France, d'Espagne, etc. C'est à lui que s'adressent les banquiers en cour de Rome pour l'expédition des bénéfices et des autres choses qui passent en consistoire, où c'est à lui à proposer et à préconiser les évêchés, et il se mêle aussi de beaucoup de choses qui passent par la chancellerie, par la pénitencerie et par les signatures. Le roi, ayant donc à choisir un protecteur, jeta les yeux sur le cardinal Ottobon. Plusieurs raisons l’en devoient empêcher. Son oncle que M. de Chaulnes fit pape (Alexandre VIII), et qui avoit promis merveilles sur les franchises et sur d'autres points plus importants qui avoient brouillé le roi avec Innocent XI, son prédécesseur, qui depuis longtemps ne donnoit aucunes bulles en France, manqua de parole, et se moqua de la France en pantalon qu'il étoit; en sorte qu'il la fit passer à tout ce qu'il voulut; et à ce qui auroit tout terminé même avec Innocent XI. [...]

 

Ottobon balança à l'accepter, non qu'il ne la désirât beaucoup, mais par respect pour ses maîtres, et dans l'espérance de les y faire consentir. Il y échoua. Ils tinrent ferme, ils refusèrent le roi qui s'abaissa à les prier. Le roi, qui n'en voulut pas avoir le démenti, pressa Ottobon de passer outré. Il se trouva embarrassé, et toute cette lutte dura assez longtemps. Enfin, tenté par de grosses abbayes, il passa le Rubicon. Les Vénitiens l'effacèrent du livre d'or, le proscrivirent, défendirent tout commerce avec lui, même à ses plus proches, et à leur ambassadeur à Rome de le visiter. L'abbé de Pomponne, ambassadeur à Venise par qui cette négociation avoit passé, sortit de Venise, se retira à Florence, et l'ambassadeur de Venise à Paris eut ordre de s'en aller, partit sans audience de congé, et ne tarda pas à arriver à Paris et à Versailles (Louis de Rouvroy Saint-Simon, Mémoires complets et authentiques su duc de Saint-Simon, 5: sur de Siècle de Louis XIV et la Régence, 1865 - books.google.fr).

 

Pietro Ottoboni (1677-1740) était le neveu d'Alexandre VIII Ottoboni qui le nomma cardinal en 1689. Désigné Protecteur de France par Louis XIV en 1710, ce qui fut à l'origine d'une rupture entre Venise et la France jusqu'en 1720 (fr.wikipedia.org - Pietro Ottoboni (1667-1740)).

 

Un autre Annibal

 

François-Annibal II d'Estrées (1623 - Rome 30 janvier 1687) naît dans la Maison d'Estrées, une famille de la noblesse picarde. Il est le neveu de Gabrielle d'Estrée, favorite d'Henri IV. Il est ambassadeur de France à Rome de 1672 à sa mort en 1687 sous les pontificats de Clément X (1670-1676) et d'Innocent XI (1676-1689). Il est en première ligne lors des conflits qui opposèrent dans la période Louis XIV au Saint-Siège. Il fut soutenu dans son action par son frère le cardinal César d'Estrées qui résidait à Rome. il meurt le 30 janvier 1687 à Rome (fr.wikipedia.org - François Annibal II d'Estrées).

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