La Fronde
La Fronde

 

II, 25

 

1649-1650

 

La garce estrange trahira forteresse,

Espoir & ombre de plus hault mariage :

Garde deceue, fort prinse dans la presse :

Loyre, Son., Rosne, Gar. Ă  mort oultrage.

 

La Fronde

 

La Fronde parlementaire (1648-1649) avait pour but d’attribuer les fonctions des Etats généraux au Parlement alors que ses membres n’étaient pas élus.

 

Le dĂ©clenchement des Ă©vĂ©nements est dĂ» Ă  la RĂ©forme de la Paulette, la taxe imposĂ©e aux officiers royaux pour la libre transmission de leur charge. Il s’agissait, uniquement pour les autres cours souveraines que le Parlement, de remplacer la taxe en suspension des gages pour quatre ans. En signe d’opposition, le Parlement invita le 13 mai 1648 les autres cours Ă  dĂ©libĂ©rer sur la rĂ©forme du royaume. La rĂ©union fut interdite mais eut lieu quand mĂŞme. La dĂ©claration des 27 articles visant Ă  limiter l’absolutisme royal provoqua l’enthousiasme des Parisiens. Après avoir hĂ©sitĂ©, la rĂ©gente Anne d’Autriche fait arrĂŞter quelques Parlementaires dont l’honnĂŞte et vieux Broussel. Le 26 aoĂ»t, une nouvelle journĂ©e des Barricades eut lieu dans Paris. Les troupes de CondĂ©, libĂ©rĂ©es par la paix Ă©tablie par le traitĂ© de Westphalie, sont rappelĂ©es pour bloquer la ville qui rĂ©siste. A leur arrivĂ©e, Anne d’Autriche et Louis XIV fuirent Ă  Saint Germain (le 6 janvier 1649). Les privations et la dĂ©cision des Princes de faire appel aux Espagnols, pousse le Parlement Ă  traiter avec le pouvoir.

 

Condé, considérant être mal récompensé par la régente, l’exaspéra tant qu’elle le fit arrêter. La famille de Condé souleva les provinces dont il était gouverneur. Paul de Gondi, futur cardinal de Retz, entraîne Paris et le Parlement une nouvelle fois dans la révolte (février 1651). C’est la Fronde des Princes.

 

Paris se soulève avec le duc de Beaufort. Le Cardinal de Mazarin quitte la France pour l’Allemagne, libère CondĂ©, mais rentre bientĂ´t après la victoire royale de Poitiers contre CondĂ©. Turenne, revenu au roi après avoir Ă©tĂ© frondeur, attaque CondĂ© dans le faubourg Saint-Antoine en juillet 1652. CondĂ© pris entre l’armĂ©e royale et les murs de la ville (« fort prinse dans la presse Â») ne doit son salut qu’à la Grande Mademoiselle, fille de Gaston d’OrlĂ©ans, oncle de Louis XIV, qui espĂ©rait se marier avec le roi lui-mĂŞme[1] (« Ombre du plus hault mariage Â»).

 

Elle fit tirer du canon depuis la Bastille (« forteresse Â») et fit ouvrir la porte Saint-Antoine pour que CondĂ© trouve refuge dans Paris. Mazarin se rĂ©fugie une seconde fois en Allemagne. Mais les Frondeurs ne pouvant se mettre d’accord, et l’anarchie rĂ©gnant dans Paris, la ville se donne Ă  Louis XIV qui rentre triomphalement le 21 octobre suivi par Mazarin en fĂ©vrier 1653.

 

Il faut peut-ĂŞtre voir dans la « garce estrange Â» Anne de Gonzague, d’origine italienne, qui eut une jeunesse dissipĂ©e et qui « après avoir aidĂ© Ă  la coalition des deux Frondes, acceptera les offres du cardinal et le servira pendant son exil [2] Â».

 

"hault mariage" : Mademoiselle de Montpensier

 

MADEMOISELLE, princesse de Montpensier, avait été, durant les troubles, recherchée par tous les partis, successivement l'idole de tous, et quelquefois leur arbitre. Fille d'un père timide et incertain, dès sa première jeunesse elle avait donné des preuves de fermeté, de résolution, de constance et de courage. Au milieu des plaisirs, des séductions et de la licence générale, sa générosité, sa grandeur, sa retenue, son imposante dignité, semblaient réaliser l'idéal de ces héroïnes de Corneille, qui, exemptes de toutes les faiblesses du cœur, ne connaissent d'autres sentiments que ceux qu'admettent l'ambition, l'amour de la gloire, l'orgueil d'un rang élevé et d'un nom sans tache. Aucune princesse ne fut sur le point de contracter d'aussi grandes alliances, et ne vit déconcerter par les événements un plus grand nombre de projets de ce genre. Destinée par son père, dès son enfance, au comte de Soissons, la mort de celui-ci la livra à l'espoir qu'elle nourrit si longtemps d'épouser le roi. Elle se crut un instant recherchée par Charles, duc de Lorraine. Anne d'Autriche la flatta ensuite de lui procurer pour époux le cardinal infant, son frère : on la berça de l'espérance de la marier à Philippe IV, roi d'Espagne, devenu veuf. Elle repoussa les offres du prince de Galles (futur Charles II), parce qu'alors elle croyait qu'elle allait être mariée à l'empereur d'Autriche. Il y eut en effet des négociations à ce sujet, qui ne réussirent pas plus que le projet de la donner en mariage à l'archiduc Léopold, qu'on aurait fait souverain des Pays-Bas. MADEMOISELLE avait eu encore le projet d'épouser le roi de Hongrie, fils de l'empereur. La faiblesse de santé de madame la princesse de Condé fit entrevoir à MADEMOISELLE la possibilité de s'unir au prince de Condé, que l'esprit de parti lui avait fait autrefois repousser, et qui, par la même cause, était depuis devenu son héros. On désira de nouveau la donner au duc de Lorraine, ce qui ne réussit pas plus que le dessein qu'elle eut de renouer avec le prince de Galles, devenu roi d'Angleterre. Elle refusa les offres du duc de Savoie, et plus tard celles du duc de Neufbourg. Enfin, Louis XIV voulut lui imposer le roi de Portugal, Alphonse-Henri VI, parce que cela importait à sa politique. Elle opposa un refus formel aux volontés du roi, et fut, par cette unique raison, exilée à sa terre de Saint-Fargeau. Le stupide Alphonse, forcé de céder à son frère sa femme et son trône, justifia suffisamment le dédain que Mademoiselle avait manifesté pour sa personne

 

Ce qui est plus Ă©trange que la chose qui causa tant de surprise Ă  madame de SĂ©vignĂ©, c'est sa surprise elle-mĂŞme ; c'est l'ignorance oĂą elle Ă©tait, oĂą Ă©tait toute la cour, toutes les personnes qui entouraient la princesse, de son inclination pour Lauzun. Cette inclination, cependant, Ă©tait dĂ©jĂ  ancienne quand elle Ă©clata par la dĂ©claration de son mariage. MADEMOISELLE S'est plu Ă  tracer naĂŻvement, et longuement, les progrès de cette passion malheureuse. Les dĂ©plorables faiblesses dont elle fut la cause ont terni un caractère qui, sans ĂŞtre exempt d'inconsĂ©quences et de petitesses fĂ©minines, avait conservĂ© jusque-lĂ  de la grandeur et de la noblesse. Les premiers commencements de cet amour datent de l'annĂ©e 1666. Les attentions de Lauzun pour le roi, son zèle pour son service, l'espèce de familiaritĂ© qui rĂ©gnait entre le monarque et lui, l'avaient fait distinguer par MADEMOISELLE entre tous les courtisans.

 

Après plusieurs années de démarches sans nombre, de sollicitations humiliantes, et le sacrifice d'une partie de sa fortune, elle obtint enfin du roi de faire cesser la captivité de Lauzun, et probablement aussi la permission de contracter avec lui un mariage secret. La liberté qu'il lui devait, les dons qu'elle lui fit, les preuves multipliées de son long et touchant attachement, ne purent la garantir de son ingratitude et de ses indignes procédés. Moins oppressée par sa passion, elle retrouva encore assez d'énergie et de fierté natives pour se séparer de lui, et le bannir pour toujours de sa présence [1684]. Elle ne fit pas la moindre mention de lui dans son testament. Lauzun vécut jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans, et vers la fin de sa carrière il obtint par ses services de nouveaux grades et de nouveaux honneurs, mais jamais il ne put reconquérir la faveur du roi. MADEMOISELLE, depuis son fatal amour, n'eut plus à la cour cette haute influence qu'elle y avait exercée si longtemps. Sa personne avait cessé d'inspirer cette estime et ces éclatants respects qui l'avaient entourée jusque-là (Charles Athanase Walckenaer, Mémoires touchant la vie les éscrits de Marie de Rabutin-Chantal, dame de Bourbilly, marquise de Sévigné, 1846 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Antonin Nompar de Caumont).

 

"Loire... outrage" : innondations de 1649

 

...dès le mois de janvier 1649, étant survenu une crue extraordinaire en ladite rivière de Loire [...] les arbres et vignes de ladite Vallée sont morts par le croupissement des eaux, quantité de personnes péries et mortes par accident, et tout ce bon pays, généralement quelconque réduit en une étrange désolation (Arrêt du Conseil, du 24 mai 1651, pour le rétablissement des turcies et levées de la Loire après les grandes inondations arrivées en 1649 et 1651) (Maurice Champion, Les inondations en France depuis le VIe siècle jusqu'à nos jours, Tome 2, 1859 - books.google.fr).

 

L'an 1649, le XIIIe janvier, le Rosne est tellement desbourdé qu'il couuroit toutte la plainne de Coindrieu et estoit jusques dans le vergier des héritiers messire Jean-Charles de Gayand et sortoit par dessoubs le soullive de la porte dudit vergier, du cousté des granges, et venoit par une raze (rigole), qu'il y a jusques à vng puis proche de la porte des Granges, lequel par son inondation a faict beaucoup de mal en plusieurs endroictz (fo 214. V°).

 

On lit dans un manuscrit bourguignon, œuvre d'un avocat de Semur-en-Auxois, Me Lemulier, le fragment suivant, qui explique cette inondation du Rhône : «Le 28 novembre 1648, les pluyes furent si abondantes que la rivière d'Armanson, qui n'est qu'un torrent, inonda les maisons des faubourgs des vaux de la ville de Semur et vuida une partie des vins qui estoient aux caves; sur les deux heures après minuit, le clergé marcha en procession avec le peuple, et est vraye qu'à la vue du Saint Sacrement la rivière se retira et les pluyes cessèrent miraculeusement. Les grandes pluyes causèrent une stérilité universelle de bleds et froments, qui furent si rares en toute la France, qu'en l'année suivante (1649), le pauvre peuple ne mangeoit qu'aveyne et orge...» (Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, 1873, p. 396) (Joseph Denais, Les comptes et la chronique de la ville de Condrieu, Revue du Lyonnais, 1891 - books.google.fr).

 

Le 13 janvier 1649, le Rhône déborde le même jour que la prise de la Bastille.

 

La Garonne dĂ©borde de nouveau en 1649 et au cours des annĂ©es 1651-1653 : le «grand dĂ©luge», l'inondation «furieuse» des 25 et 26 juillet 1652, Ă  une Ă©poque inhabituelle, laissera un souvenir durable (Francis Loirette, L'Ă©tat et la rĂ©gion: l'Aquitaine au XVIIe siècle : centralisation monarchique, politique rĂ©gionale et tensions sociales, 1998 - books.google.fr).

 

"garce" : la prise de la Bastille et la duchesse de Bouillon

 

Le mot "estrange" a encore le sens d'"étranger" au XVIIe siècle et "bizarre" dès le XIIe siècle (Dictionnaire étymologique Larousse, 1969).

 

Dans la Vie de Rancé de Chateaubriand, Mademoiselle de Montpensier y est traitée de «grand hurluberlu qui se trouvait partout avec son imagination», Retz de «vieil acrobate mitré» et de «vieux réveille-matin détraqué» (Jean Dutourd, Domaine public, 1976 - books.google.fr).

 

Éléonore Catherine Fébronie de Wassenaer de Bergh, née le 6 mai 1613 à Bruxelles et morte le 14 juillet 1657 à Paris, à 44 ans, est duchesse de Bouillon et la dernière princesse de Sedan. Elle a contribué fortement à la conversion de son époux, Frédéric Maurice de La Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, prince de Sedan, à la religion catholique. Elle lui sauva également la vie à la suite de son arrestation pour sa participation à la conspiration de Cinq-Mars, mais elle ne put empêcher l’annexion du territoire de Sedan par le roi de France. Elle joua enfin un rôle essentiel dans la Fronde (fr.wikipedia.org - Eléonore de Bergh).

 

Le 14, sur le soir, madame la duchesse de Bouillon fut emportĂ©e par une fievre qui luy avoit durĂ© quelques iours. Elle estoit de la maison de Berghen; (fille du comte de Bergh ou Berghen. NĂ©e en 1615, elle avait Ă©pousĂ© en 1634, FrĂ©dĂ©ric Maurice de La Tour, duc de Bouillon, frère aĂ®nĂ© de Turenne, qui mourut en 1652) et pour son malheur, et celuy de toute sa maison et de sa conscience, le duc de Bouillon en devint amoureux, l'espousa contre le grĂ© de tous ses parens; et se laissoit si fort gouverner Ă  cette adroite femme, qu'il en changea de religion, en perdit le gouvernement de Maestricht, et quelque temps apres sa seigneurie de Sedan. Femme dissimulĂ©e et artificieuse plus que toutes celles des siecles passĂ©s et du present, qui pour ĂŞtre extrĂŞmement belle n'a iamais rien enfantĂ© de bon ni de beau : soit que l'on regarde ses actions et sa vie, soit que l'on considere les enfans qu'elle a laissĂ©s, qui sont en grand nombre et tous assez mal faicts; attachĂ©e Ă  sa religion, plus pour les advantages qu'elle en pouvoit esperer en cette vie que pour ceux qu'elle en devoit recevoir en l'autre: aussi en mourant, pour ne point fonder de messes, elle dit qu'elle estoit trop grande pecheresse pour sortir du purgatoire et qu'elle vouloit y demeurer tout autant de temps qu'il plairoit Ă  Dieu; et ainsi mourut sans avoir contentĂ© les prestres Ă  qui elle n'a rien laissĂ© pour chanter Ă  son honneur.

 

Madame de Motteville en parle autrement que nos voyageurs : «Cette dame, dit-elle, a Ă©tĂ© illustre par l'amour qu'elle a eu pour son mary, par celuy que son mary a eu pour elle, par sa beautĂ© «et la part que la fortune lui a donnĂ©e aux Ă©vĂ©nements de la cour.» (Armand Prosper Faugère, Journal de Philip de Villers d'un voyage Ă  Paris en 1657-1658, 1862 - books.google.fr).

 

Les Parisiens qui ignoraient que la Bastille fĂ»t si mal gardĂ©e et dans un tel dĂ©nument, n'avaient pas osĂ© d'abord attaquer cette forteresse qu'ils croyaient en Ă©tat de foudroyer la ville. Le parlement n'Ă©tait pas mieux instruit sur ce point; mais il pensa qu'il suffirait peut-ĂŞtre d'une vigoureuse dĂ©monstration pour intimider du Tremblay, beaucoup plus geolier que soldat, et il ordonna au duc d'ElbĹ“uf d'investir cette place et de s'en emparer. Cinq jours s'Ă©taient Ă©coulĂ©s depuis la fuite de la rĂ©gente, lorsque, le 11 janvier, les Parisiens furent rĂ©veillĂ©s par le son du tambour et les cris aux armes ! qui retentissaient de toutes parts. Les bourgeois, encore mal armĂ©s, descendent nĂ©anmoins en foule dans les rues; les nouveaux officiers courent Ă  l'HĂ´tel-de-Ville recevoir les marques de leurs dignitĂ©s des mains des duchesses de Longueville et de Bouillon. «Le mĂ©lange d'Ă©charpes bleues, dit le cardinal de Retz dans ses MĂ©moires, de dames, de cuirasses, de violons dans les salles, le bruit du tambour et le son des trompettes dans la place donnaient un spectacle qui se voit plus dans les romans qu'ailleurs.» Il n'en fallait pas davantage pour enthousiasmer les esprits, et bientĂ´t vingt mille hommes, armĂ©s tant bien que mal, font entendre les cris : A la Bastille ! Ă  bas la Bastille !

 

Cependant du Tremblay n'espĂ©rant plus d'ĂŞtre secouru, avait rĂ©solu de se rendre; il n'attendait, pour cela, qu'un simulacre d'attaque; aussi, au deuxième coup de canon tirĂ© contre ses murs, ce gouverneur s'empressa-t-il d'envoyer un parlementaire aux assiĂ©geants pour demander Ă  capituler. Alors, pour la seconde fois, le comte de Rieux pĂ©nĂ©tra dans la Bastille. «Le gouverneur promit de se rendre s'il n'Ă©tait pas secouru dans vingt-quatre heures : il sortit en effet de la forteresse, le 13 Ă  midi, avec ses vingt-deux soldats, et il abrĂ©gea ainsi les plaisirs des dames de Paris.» (Camille Leynadier, Histoire de la Bastille, 1878 - books.google.fr).

 

La duchesse de Bouillon est assignée à résidence en janvier 1650, elle s'échappe mais est reprise et enfermée à la Bastille. Elle sera élargie en octobre après la paix de Bourg.

 

La méfiance du Cardinal tient à la personnalité et aux compétences propres de la duchesse, qui se révèle être une femme tout aussi audacieuse et déterminée que généreuse et désintéressée. [...] La duchesse de Bouillon n’est pas seulement une aventurière, elle est aussi capable de calcul politique, voire de duplicité, lorsqu’il s’agit de favoriser les intérêts de la maison de Bouillon. Mazarin, qui est lui-même un expert en matière d’hypocrisie politique et de manipulation, s’en inquiète bien avant le déclenchement de la Fronde. [...] La duchesse de Bouillon est une figure politique avec laquelle Mazarin doit compter pendant la Fronde des Princes, ce n’est pas seulement parce qu’elle est hardie et entreprenante, mais aussi parce qu’elle dispose d’un réseau relationnel potentiellement très dangereux mis sans réserve au service de la maison de La Tour d’Auvergne. [...] Mais il y a plus, car dans la France moderne, une femme, aussi brillante et courageuse soit-elle, ne saurait avoir de véritable potentiel politique sans être associée à un homme. Thierry Wanegffelen a récemment montré combien cette dépendance et cette soumission du féminin à l’égard du masculin était un apport de ce qu’il appelle la «Mâle Modernité». Le processus qui tend à imposer cette norme dans les mentalités à partir de la Renaissance peut être lent et irrégulier, mais au temps de la Fronde il est devenu évident qu’une femme ne peut prétendre agir dans les affaires publiques sans se prévaloir du «crédit», comme on dit alors, qu’elle a auprès d’un frère, d’un père ou d’un mari. Or il est vrai que les contemporains sont unanimes à reconnaître la très grande affection et la confiance réciproque qui unissent le duc et la duchesse de Bouillon. Ces sentiments sont d’autant plus remarqués qu’ils sont rares en un temps et dans un milieu socio-culturel où les mariages ont peu de rapport avec l’inclination sentimentale des époux (Sophie Vergnes, Braver Mazarin. La duchesse de Bouillon dans la Fronde, Clio N° 33, 2011 - journals.openedition.org).

 

Acrostiche : LEGL, LEGalité

 

Joël Cornette a bien montré qu'après l'abjuration, suivie du sacre d'Henri IV, la seconde caractéristique du siècle est une métamorphose dans l'art de gouverner. On peut la dater des années 1630 mobilisation militaire et dépenses vont de pair, ces dernières passant de 10 millions de livres à 100 millions en quelques années. Jusque-là, père du peuple, «le prince se transforme en exécuteur froid d'un État machine» dont la légitimation est sa simple survie. Maître des trois fonctions – la souveraineté, la guerre, la gestion de l'économie -, il appartient au roi de choisir laquelle lui paraît la plus utile à sa gloire, et cela lui appartient à lui seul, ni à la Cour, ni au Parlement. Il reste à faire la démonstration, par la force, de cette autorité, étant entendu que s'opposent encore la légalité délibératoire et critique des parlements et la légalité exécutive du prince. Pivot d'un champ de forces, le Prince est censé agir dans l'intérêt d'un État qu'il incarne, et que doit commander la raison. Il s'agit de ne plus gouverner à partir de maximes, mais de l'expérience acquise par la connaissance du passé (Marc Ferro, Histoire de France, 2018 - books.google.fr).

 

La Fronde finit par une défaite commune des ennemis de la cour et de ceux du cardinal. La Fronde des gens de robe succomba comme celle des gens d'épée. Mais si le Parlement avait commis plus d'une faute chèrement payée, il n'en faut pas moins reconnaître que son rôle n'avait pas été sans dignité et sans grandeur. S'il succomba par sa propre faiblesse, et plus encore par les folies et les crimes des princes ses alliés, il eut du moins la prétention, qu'il soutint avec persévérance, d'établir un régime de légalité substitué à un régime de bon plaisir. Tel n'était nullement le but des princes. Orléans, Condé et les chefs des Frondeurs ne firent que troubler l'État par des ambitions personnelles démesurées et dignes d'un autre âge. La Fronde ne fut pour eux qu'une sanglante et malheureuse protestation contre l'autorité royale telle que l'avaient faite Henri IV et Richelieu. Condé était encore de l'école de ces princes du sang qui se faisaient un droit de la révolte et un jeu de la guerre civile. Au reste, il ne faut pas comprendre le corps de la noblesse dans cette accusation portée contre les grands seigneurs. Si les princes trouvèrent individuellement beaucoup de partisans chez les gens d'épée attachés à leur fortune ou habitués à se battre sous leurs ordres, la noblesse ne regarda jamais leur cause comme la sienne. Généralement elle resta fidèle au roi. Elle n'agit comme corps qu'une seule fois; or ce fut pour demander la réforme et les états généraux (Antoine-Elisabeth-Cléophas Dareste de La Chavanne, Histoire de France depuis les origines jusqu'à nos jours, Tome 5, 1884 - books.google.fr).

 



[1] A. Malet et J. Isaac, « XVIIème & XVIIIème siècles Â», Hachette, 1923, p. 87

[2] Claude Dulong, « Mazarin Â», Perrin, 1999, p. 149

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