Siège de Nègrepont II, 77 1687-1688 Par arcs feux, poix & par feux
repoussez, Cris hurlements sur la
minuit ouys : Dedans sont mis par les rempars cassez, Par canicules les traditeurs fuys. Il est déjà question de chaleur solaire dans le quatrain
II, 3 où est mentionnée l'île de Nègrepont. Poix résine On tire de l'isle de Negrepont beaucoup de résine (Hendrik
Frieseman, Description historique et géographique de l'Archipel, 1789 -
www.google.fr/books/edition). Il ne reste de l'ancienne Chalchis que quelques fragments
de marbre blanc dans les murs de plusieurs maisons et mosquées. Il y a pourtant
dans la partie du sud les ruines d'un aqueduc avec ses arches qui du temps des
Romains amenait l'eau à la ville. On doit remarquer que cette ville a été la
résidence d'Aristote, et la patrie du poëte Lycophron, et d'autres hommes
célèbres. Les principales villes de Négrepont sont : Karysto, Rovies, 'Oreos et
Kastrovata. La population de toute l'ile est estimée à 40,000 habitants suivant
les uns, et à 60,000 suivant les autres. Chalchis seule en contient 6,000,
Grecs, Turcs et Juifs. Nous ne quitterons pas cette île, la reine de l'Archipel
tant par son étendue que par sa fertilité et le rôle qu'elle a joué dans les
temps anciens, sans dire un mot de sa constitution physique. Son intérieur est
coupé par une chaîne de hautes montagnes de calcaire grossier, dont les sommets
sont pour la plupart arides et dénudés; mais les plaines et les vallées sont
d'une fertilité extraordinaire, et, année commune, on calcule que les céréales
rapportent vingt pour un. Les autres productions de l'île sont : le vin,
la laine, le coton, la poix et la serpentine. L'île peut avoir dans sa plus
grande longueur 90 milles, 162 kil. environ,
et dans sa plus grande largeur, 26 milles, 46 kil 314 (Quétin,
Guide en Orient: itinéraire scientifique, artistique et pittoresque, 1846 -
books.google.fr). La poix (obtenue principalement par le traitement de la
résine) servait à fixer les joints préalablement calfatés au moyen de filasse
ou de quelque autre matière d'emballage, puis à recouvrir la surface extérieure
entière d'une couche imperméable ; à cet effet, on se servait aussi de
cire (François
Fuhrmann, Propos de table de Plutarque, 1978 - books.google.fr). D'après Plutarque, on avait l'habitude d'ajouter Ã
certains vins de Grèce ou de Sicile, notamment à ceux de l'ile d'Eubée et de
Naxos, une certaine quantité de résine ou bien on enduisait de poix les vases
destinés à les contenir (Bouchard,
Le vin chez les anciens, Gazette Hebdomadaire de Medecine et de Chirurgie,
Volume 4, Numéros 1-52, 1867 - www.google.fr/books/edition). En 1683, Jean II Sobieski fait lever le siége de Vienne,
chasse les Turcs. On trouve dans leur camp des munitions de guerre dont de la
poix en quantité (50 quintaux) (J.P.
à Vaelckeren, Vienne assiegée par les Turcs, et delivrée par les Chrestiens;
ou, Journal du siege de Vienne, depuis le 6. de May de l'année 1683, jusqu'au
15. de Septembre de la mesme année, 1684 - www.google.fr/books/edition). Les Viennois utilisaient des feux de poix pour éclairer
les mouvements ennemis dans la nuit (Johann
von Ghelen, Relation Succinte Et Veritable De Tout Ce Qui S'Est Passé Pendant
Le Siege De Vienne, traduit en François par N. I. D. N., 1684 -
www.google.fr/books/edition). On ne sait pas si de la poix a été utilisée dans le siège
de Nègrepont en 1688. Probablement. Vénitiens et
Ottomans Les Vénitiens qui, depuis la perte de Candie, épiaient
l'occasion de se venger de la Turquie trop puissante, saisirent le moment où
elle était engagée dans une guerre contre l'empereur d'Autriche. Ils avaient
jusque-là dévoré beaucoup d'affronts et d'avanies; mais, quand ils apprirent
que l'armée ottomane, campée sous les murs de Vienne, avait été défaite par le
secours de Sobieski, roi de Pologne, ils n'hésitent plus; ils déclarent la
guerre à la Porte, qui n'avait pas coutume de se laisser prévenir, et mettent
tous leurs vaisseaux en mer. Dans cette grande occasion, ils rappellent au
commandement Morosini qui, depuis la malheureuse issue de la guerre de Candie,
subissait, malgré sa gloire, l'ingrat oubli de ses concitoyens. Morosini se vengea
comme un grand homme, en redoublant de zèle et de courage. A la tête d'une
flotte nombreuse, il se saisit d'abord de Leucade, poste avancé du Péloponèse,
et débarque d?ns la péninsule huit mille hommes qui
marchent sur Coron. C'était la première fois que l'étendard chrétien
reparaissait dans la Grèce depuis bien des années; et, quoique l'ancienne
domination de Venise eût laissé de fâcheux souvenirs, la haine du joug musulman
ne permettait aucune incertitude dans les voeux des Moraïtes. Toute la
péninsule fut ébranlée. Plusieurs évêques correspondaient avec le général
vénitien; des paysans, des pâtres de la montagne arboraient les couleurs de
Venise; et tout appelait les nouveaux conquérants. Coron fut emporté, après
quelques jours de siége, et les Turcs qui l'habitaient passés presque tous au
fil de l'épée. Alors, des hauteurs du Taygète, descendirent les Maniotes pour
combattre et piller; et leur secours servit à disperser un corps de troupes
commandé par le capitan-pacha. Ces premiers succès, poussés par le génie
guerrier de Morosini, firent tomber en peu de temps les plus fortes places de
la Morée. Dans la seconde campagne, en 1686, les deux forteresses de Navarin,
Modon, Argos et Napoli se soumirent aux Vénitiens. C'était une révolution
rapide; les Turcs se réfugiaient de toutes parts dans les villes, et les villes
capitulaient avec les vainqueurs. L'année suivante, Patràs et Néocastro furent
emportés; Lépante et Misitra se rendirent; et le séraskier de la Morée, battu
plusieurs fois, n'osa défendre Corinthe; il fit sauter les fortifications de
cette ville; incendia les magasins et se retira vers les montagnes de
l'ancienne Phocide, en massacrant tous les Grecs qu'il rencontrait sur son
passage, et qu'il accusait des maux de l'empire. Morosini, rapidement accouru,
s'empara de Corinthe, enlevée aux Turcs et aux flammes. Il était maitre de
toute la Morée où les Turcs ne possédaient plus que Malvoisie. Ce général sentit alors le besoin d'étendre ses
conquêtes, pour les assurer. Le port d'Athènes et l'île de Négrepont pouvaient
seuls garantir la possession du Péloponèse; et, tandis que toutes les forces
des Turcs étaient occupées dans la guerrre contre l'Autriche et la Pologne,
l'occasion était belle pour enlever la Grèce aux Barbares (Abel
François Villemain, Études d'histoire moderne par M. Abel-François Villemain,
1856 - books.google.fr). S'il est vrai ce que l'on mande de Malte, qu'il y a du
soulevement dans le Roiaume de Candie, & que le peuple avoit égorgé le
Bacha, & que là -dessus la force de la Republique de Venise, jointe aux galeres
de Malte, avoit pris la route vers la Canée, c'est une grande afaire pour la
Republique s'ils s'en peuvent rendre les maitres, cela leur seroit plus utile,
& beaucoup plus profitable que Negrepont : mais l'on ne peut rien dire
d'assuré que l'armée ne soit arrivée devant, & aie commencé à canonner
& bombarder ; car comme les desseins du Serenissime Doge sont secrets,
dificilement peut-on les penetrer ; & l'on n'en parle pour la plupart
que par conjecture, en quoi l'on est souvent trompé par les feintes qu'il fait.
Comme jusqu'à present toutes les aparences ont été que la premiere attaque se
feroit à Negrepont, les Turcs l'ont si-bien cru, qu'ils l'ont renforcé de tout
; & mis en état de se bien défendre, mais ils feront trompés & bien
d'autres, si le Doge fait descente dans la Canée, qui est un très bon pais
fertile en bled & en huile, & ce qui marque assez la bonté du pais,
c'est le grand commerce que les Chrétiens y font continuellement. Nous ne
tarderons pas de savoir si les nouvelles de Malte que le Cardinal Pio a receues
du Grand Maitre sont veritables; quoi qu'il en soit nous vois
là à la veille de voir les premiers effets de la campagne. Il faut que le canon
se décharge sur quelque endroit a la saison est déja bien avancée ; mais
particulierement de ces côtés là , où les chaleurs sont fort incommodes, &
causent de grandes maladies aux troupes qui viennent d'un climat froid auquel
elles ne sont pas accoutumées (CONSIDERATIONS
POLITIQUES ET HISTORIQUES Sur l'état present des affaires DE L'EUROPE Pour le
16. d'Août 1688, 1688 - books.google.fr). Au commencement de la campagne suivante (1686) le comte
de Koenigsmark, général suédois, que la république avait pris à sa solde,
joignit ses troupes à celles de Morosini; les armées combinées soumirent
successivement Navarin, Modon, Argos, et Napoli di Romania, capitale de la
Morée. Ces triomphes répandirent l'allégresse dans Venise. Au mois de juillet
1687, Morosini se mit en mer et força les Turcs à abandonner Patras, chef-lieu
de l'Achaïe, le château des Dardanelles sur la côte de Morée et celui qui s'élève
sur la côte de Roumélie. Il s'empara ensuite de Lépante, de Castel-Tornèse, de
Corinthe et de Misitra. Toutes ces conquêtes rendaient les Vénitiens maîtres du
golfe de Corinthe : il ne leur restait plus qu'Ã s'emparer du port du Lion
(le Pirée), que les Ottomans occupaient sur la côte du golfe d'Egine : ce
port était celui d'Athènes, la ville des Sages, le séjour des Muses. Une
nombreuse garnison défendait les remparts. Morosini confia le commandement du
siége à Koenigsmark. Sans respect pour cette patrie des arts, le général
suédois soudroya de son artillerie ce qui restait des glorieux monuments de
l'antiquité. En peu de jours, toute la ville ne présenta plus qu'une vaste
étendue couverte de flammes et de ruines. Dès lors Athènes capitula. Les lions
de marbre, qui, en donnant leur nom Ã¥ l'ancien Pirée, paraissaient préposés Ã
la garde de ce port, furent transférés à Venise, où ils ornèrent la porte de
l'arsenal. Cette brillante campagne couvrit de gloire le héros vénitien; le
sénat fit placer son buste dans la grande salle du palais des doges, avec cette
inscription : «Le sénat à Morosini le Péloponésiaque, de son vivant.» Peu de temps après, en 1688, le doge Giustiniani étant
mort, Morosini reçut un nouveau témoignage de la reconnaissance nationale : il
fut élevé à la magistrature suprême. Ceint de la couronne ducale, il partit du
golfe d'Egine pour aller assiéger Négrepont, dont il essaya vainement de
s'emparer. Le siége de cette ville fut très-funeste aux chrétiens: la
résistance désespérée de la garnison ottomane et le fléau de la peste firent
périr le tiers de l'armée des assiégeants. Le brave Koenigsmark lui-même,
général d'une brillante valeur, succomba à la contagion, Morosini, obligé de
lever le siége de Négrepont, se rendit devant Malvoisie, qu'il se mit en devoir
d'attaquer; mais une maladie dont il fut atteint le força bientôt d'aller
chercher le repos dans sa patrie, et de laisser le commandement en chef Ã
Cornaro (François
Valentin, Histoire de Venise, 1855 - books.google.fr). Dans le journal de Anna Akerhjelm, dame de compagnie de
la comtesse, femme de Königsmark, on lit que les Turcs font des sorties tous
les soirs, mais sans résultat. Il s'est passé des choses ici qui ne sont
arrivées nulle part ailleurs jusqu'à présent. Des Turcs ont déserté et sont venus à nous. Il nous en est arrivé
quelques-uns qui racontent qu'ils sont mécontents chez eux, que la solde n'a
pas été payée depuis quelques mois, que nos pièces font beaucoup de mal Ã
l'ennemi. Ils assurent qu'il n'y a point de mines pratiquées dans leurs
ouvrages, ce à quoi il ne faut pas trop se fier; qui vivra verra. [...] Une nuit, les Turcs firent une sortie et forcèrent les
Florentins d'abandonner leur retranchement. Il y a eu là beaucoup de monde tué
et blessé. Mais les nôtres sont arrivés et ont refoulé l'ennemi dans la
forteresse (Charles
Marie Wladimir Brunet de Presle, Alexandre Blanchet, Grèce depuis la conquête
romaine jusqu'Ã nos jours, 1860 - books.google.fr, fr.wikipedia.org
- Siège de Negroponte (1688)). "arcs" Ottoman
military technology did not appear to be markedly inferior to their European
adversaries in the first half of the seventeenth century or perhaps later. They
were self-sufficient in the production of cannon and powder into the eighteenth
century, but were open to Western influences in their use. The artillery corps
numbered some 6,000 men in the 1680s. An Italian renegade who built a great
foundry in Istanbul helped modernize the artillery. A Venetian deserter at
Negroponte in 1688 improved the process of casting and firing mortars.' If the
Venetians routinely melted down Ottoman guns alter capturing them, it was in
order to reduce the variety of pieces to a few convenient calibres. Neither did
the Ottomans lag behind Western technology in infantry weapons. Their muskets
were longer and heavier than the Western ones, and better steel enabled them to
use larger powder charges, which made them more accurate at longer range.'
These muskets also had a small knife planted in the butt for close combat. By
the late seventeenth century, janissaries no longer employed bows, and used
muskets and sabres almost exclusively, although sipahis, Tatars and infantry
auxiliaries were experienced archers (Gregory
Hanlon, European Military Rivalry, 1500–1750, 2020 -
www.google.fr/books/edition). "canicule" La canicule est une période de l'année correspondant au
temps chaud de la saison d'été, de "canis" chien. Le siège de
Nègrepont commence en juillet 1688. Souterrain Pierre Brind'amour suggère un "canalicule"
petit tuyau ou souterrain (Pierre
Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition
Macé Bonhomme de 1555), 1996 - www.google.fr/books/edition). Une autre pratique
des sièges, de laquelle les Turcs sont à la fin du XVIIe siècle les spécialistes,
est celle des mines. Plutôt que d'ouvrir une brèche dans la fortification
au canon, les mines sont une alternative consistant en la formation de tunnels
débouchant, sous l'ouvrage visé, à des cavités remplies de poudre explosive. Se
développe alors une véritable «guerre de siège souterraine» entre mines et
contre-mines, assiégeants et assiégés. Les sources mentionnent les résultats
particulièrement atroces de ce type d'affrontements, du fait des conditions
difficiles qui les entourent : le manque d'espace dû à l'étroitesse des
galeries, la faible lumière des chandelles et l'air vicié, tout est réuni pour
des empoignades effroyables à l'arme blanche. Le siège de Vienne par les
Ottomans en 1683 demeure un des exemples les plus marquants de cette guerre de
siège «souterraine» (Michel
Thévenin, «Changer le système de la guerre» : le siège en Nouvelle-France,
1755-1760, 2020 - www.google.fr/books/edition). L'isle d'Eubée n'est separée de terre ferme, que par un
petit canal estroit de mer, qu'on appelle Euripe : C'est une mer furieuse
de precipitée, laquelle fluant sept fois alternatiues, au cours de recours tous
les iours &Â toutes les nuicts. Cest
Euripe rompt souuent le cours des vents, & retarde les nauires voguans Ã
pleines voiles (Philostrate,
De la vie d'Apollonius Thyaneen en VIII livres, traduit par Blaise de Vigenere,
1611 - books.google.fr). Canaliculus "canaliculus" est
aussi une partie d'une machine de siège la catapulte : Vitruve décrit deux types de machines de jet. Ces
machines appartiennent au modèle de pièce d'artillerie dit «à torsion et à deux
bras». Le principe moteur est constitué par deux faisceaux de câbles (nerui
torti) (fibres animales, cheveux de femmes), à l'intérieur desquels sont
enfilés deux bras en bois (bracchia), reliés à leur extrémité par une corde
archère. Entre ces deux faisceaux passe le fût de la machine constitué d'une
longue pièce fixe (canaliculus pour la catapulte, climacis pour la baliste), Ã
l'intérieur de laquelle coulisse un curseur (canalis fundus pour la catapulte,
chelonium pour la baliste). Ce tiroir porte une griffe (epitoxis) Ã laquelle
est accrochée la corde archère avant le tir. Le tiroir est amené vers l'arrière
au moyen d'un treuil (sucula) et entraîne donc avec lui la corde archère, qui
elle-même tire les bras et tord les faisceaux de câbles. Lorsque le point de
tension désiré est atteint, la griffe est soulevée au moyen d'un petit levier
(manucla), elle libère la corde archère qui revient violemment à sa position
première, entraînant vers l'avant le projectile qui avait été au préalable posé
sur le tiroir (Jean
Soubiran, Louis Callebat, De l'architecture de Vitruve, Volume 10, 1960 -
www.google.fr/books/edition). Avec la poix et les remparts, le quatrain décrit un
siège. La catapulte situe l'époque dans un passé antique ou moyenâgeux. Dans les chansons de geste, la catapulte sert à la guerre
psychologique en propulsant dans les lignes ennemies les cadavres, les têtes
d'adversaires ou de traitres. La Chanson de Simon de Pouille (Abilant) ou les
Enfances d'Ogier sont des exemples (Jean-Claude
Vallecalle, Remarques sur l'emploi des machines de siège dans quelques chansons
de geste, Mélanges de langue et littérature françaises du Moyen Âge offerts Ã
Pierre Jonin, 1979 - www.google.fr/books/edition). Mais dans le quatrain il s'agit de fuite. Déroulement du
siège de Nègrepont Ceint de la couronne ducale, Morosini partit le 8 juillet
du golfe d'Égine, pour aller assiéger Négrepont. Six mille hommes défendaient
cette place, Il assiége environnée de bonnes fortifications, qui avaient déja,
dans les temps antérieurs, soutenu tour-à -tour les efforts des Turcs et des
Vénitiens. Morosini débarqua à -peu-près quinze mille hommes ; le comte de
Königsmarck commença l'investissement, éleva cinq batteries, et obligea les
assiégés à se renfermer dans leurs murailles. Malheureusement le siége était Ã
peine entamé, que la peste se manifesta dans le camp,
et moissonna un tiers de l'armée. Le comte de Königsmarck lui-même y succomba,
après s'être illustré dans ces deux dernières campagnes. On lui donna pour
successeur Charles-Félix Galléas, duc de Gadagne, dans le Comtat-Venaissin;
c'était un général de réputation, qui avait servi sous le maréchal de Turenne.
Mais, pour reprendre les opérations du siége avec quelque vigueur, il fallut
attendre des renforts. Le séraskier de l'île saisit ce moment pour attaquer
dans ses lignes cette armée épuisée par la maladie : repoussé une première
fois, il recommença le combat, et pénétra jusque dans le camp vénitien; ce ne
fut que par les efforts du désespoir, et avec une perte considérable, qu'on
parvint à l'éloigner. Quatre mille hommes étant arrivés de Venise, Morosini fit
donner un assaut, le 20 août 1688. Un ouvrage extérieur, vaillamment défendu,
fut emporté ; il en coûta quinze cents hommes aux Turcs, et la moitié
moins aux Vénitiens. Mais de si rudes combats anéantissaient une armée déja
languissante. Elle s'obstina encore, pendant un mois et demi, Ã battre le corps
de la place. Enfin, lorsqu'on y eut fait une large brèche, et qu'une mine eut
comblé le fossé, en y renversant la contrescarpe, on tenta un nouvel assaut.
Les troupes albanaises et dalmates s'élancèrent sur la brèche; il y eut des
soldats qui parvinrent jusques sur le rempart; ces efforts furent infructueux.
Cette partie de la muraille était trop escarpée, pour que de la brèche on pût
descendre dans la ville, et trop découverte, pour que la position fût tenable:
il fallut abandonner l'attaque, et Morosini se décida à ordonner le
rembarquement. Obligé de renoncer à Négrepont, il se reporta devant Malvoisie (Pierre-Antoine-Noel-Bruno
Daru, Histoire de la republique de Venise, Tome 5, 1821 - books.google.fr). Le séraskier de la province étoit campé avec six mille
hommes à Thèbes, à quatre lieues de Nègrepont, & de là il faisoit entrer
pendant la nuit des secours dans la place (Histoire
universelle: depuis le commencement du monde jusqu'a present, Tome 33, 1771 -
books.google.fr). Du turc serasker («chef d’armée»), lui-même du persan
sarlashkar («chef d'armée, général»), composé de sar («tête, chef») et de
lashkar («armée») pour le turc, composé de ser («tête») et de asker («armée») (fr.wiktionary.org -
sérasquier). Acrostiche : PC
DP, la mort (in) pace depositus (Giovanni
Battista Vermiglioli, Lezioni elementari di archeologia, Tome 2, 1824 -
www.google.fr/books/edition). Dante ne pouvoit parler avec mépris d'une puissance qui
avoit favorisé l'arrivée de Henri VII; d'une puissance qui possédoit déjà la
côte orientale de l'Adriatique, toute l'ile de Candie, une partie de celle de
Négrepont, et plusieurs ports de la Morée; d'un Etat, enfin, qui prenoit à bon
droit le titre de Seigneur du quart et demi de l'empire romain (Artaud
de Montor, Histoire de Dante Alighieri, 1841 - books.google.fr). L'arsenal de Venise était une de ses merveilles il fut
son plus glorieux, son plus utile monument; et les flottes qu'il construisit,
en combattant, en repoussant l'invasion permanente des Turcs, sauvèrent la
civilisation de l'Italie et du midi de l'Europe. Il n'est aujourd'hui qu’un
magnifique témoignage de la décadence de Venise. Combien il diffère dans sa
solitude de cet arsenal peint si admirablement par le Dante, qui a fait entrer
dans sa description les termes techniques de marine, et les a rendus
harmonieux, poétiques, imitatifs, tant ce prodigieux génie sait tout dire ! Quale nell' ArzanÃ
de Veneziani Bolle l'inverno la
tenace pece A rimpalmar li
legni lor non sani Che navicar non
porno ; e'n quella vece, Chi fa suo legno
nuovo, e chi ristoppa Le coste a quel che più viaggi fece; Chi ribatte da
proda, e chi da poppa, Altri fa remi, ed
altri volge sarte, Chi terzeruolo ed
artimon rintoppa. (Inf., cant. XXI. Ces vers sont à peu près
intraduisibles; il faudrait pour les rendre un ingénieur de la marine grand
poète, et M. Ch. Dupin n'a encore fait jusqu'ici que de la prose. Voici le sens
des vers du Dante : «Tel, dans l'arsenal de Venise, bout, l'hiver, poix tenace,
afin de radouber les vaisseaux qui ne peuvent naviguer; ici l'on répare à neuf
un vaisseau; là on rapproche et l'on resserre les flancs de celui qui a fait
plusieurs voyages; l'un va de la poupe à la proue et de la proue à la poupe;
d'autres fabriquent des rames, roulent des cordages, ou dressent l'artimon et
les autres voiles.»). La population de l'arsenal, qui était alors de seize
mille ouvriers, n'était plus, au XVIIe siècle, que de trois mille, et vers la
fin de la république, que de deux mille cinq cents, auxquels étaient adjoints,
pour travaux extraordinaires, les artisans et facchini de la ville; sous
l'administration française, elle s'est élevée quelque temps jusqu'à trois mille
cinq cents; elle n'est guère aujourd'hui que de douze cents. A l'entrée sont les deux lions colossals de
marbre. enlevés d'Athènes par Morosini, mais qui, disent les savans, ne
sont plus antiques; lions qui seraient aujourd'hui plus libres s'ils fussent
restés au Pyrée, et qu'Athènes eût fait partie de la Grèce (Antoine
Claude Pasquin Valery, Voyages historiques et littéraires en Italie, pendant
les années 1826, 1827 et 1828, ou, L'indicateur italien, Tome 1, 1831 -
books.google.fr). Dans la Ve bolge qu'il compare à l'arsenal de Venise, Ã
cause de la poix épaisse qui ruisselle de tous côtés, se trouvent enfoncés
Bonturo Bonturi, le faussaire le plus infâme de Lucques ; Ciampolo, le
domestique infidèle du bon roi Thibaud, et leurs compagnons de fraude. La poix gargouillante les cuit, et dans
l'entre-temps, Malebranche, Graffiacane, Rubicante, Ciriatto et autres
hideuses figures de démons, répondant aux noms les plus hizarres, les écorchent
et les accrochent par leurs cheveux bitumineux avec leurs griffes et des
défenses de sanglier qui sortent des deux côtés de leurs bouches (Tito
Zanardelli, Dante et ses précurseurs, 1896 - books.google.fr). Malebranche, Griffes maudites : C'est le nom général des
démons de la cinquième enceinte où sont punis ceux qui ont trafiqué de la
justice, «lesquels, dit le vieux Grangier, ont griffes et ongles de lyon (Œuvres
de Dante Alighieri: la divine comédie, traduit par Auguste Brizeux, Etienne
Jean Delécluze, 1886 - books.google.fr). On sait qu'un philosophe très-doux, très-modeste,
très-judicieux, et point jaloux, a eu le secret d'enduire les hommes de
poix-résine, pour les empêcher de tomber malades ; qu'il disséquait des géants
pour connaitre la nature de l'âme, et qu'il prédisait l'avenir : de tels hommes
pourtant en ont imposé. (Id., 1775.) Le philosophe que, dans cette note,
Voltaire (écrivant ses notes sous le nom de M. de Morza) appelle ironiquement
très-doux, très-modeste, très-judicieux, et point jaloux, est Maupertuis (Dialogue
de Pégase et du Vieillard, Œuvres complètes de Voltaire, Tome 10 : Contes en
vers. Satires. Épîtres. Poésies mêlées, 1877 - books.google.fr). Le philosophe oratorien Nicolas de Malebranche (1638 -
1715) parle de la poix dans sa recherche de la vérité pour contester les
définitions Aristote (Oeuvres
de Malebranche, Recherche de la vérité, Tome 2, Jules Simon, 1846 -
www.google.fr/books/edition). Le culte égyptien
semble avoir connu une large diffusion à Érétrie en Eubée ; une stèle
datant des années 200 a.C. présente une liste importante de fidèles ayant
apporté leur contribution soit pour la célébration du culte, soit pour des
travaux effectués au sanctuaire ; et la liste de ceux qui célèbrent le rite du
"nauarchein" au Ier siècle a.C. ne comprend
pas moins de 94 noms. Parmi ces derniers figurent plusieurs théophores, surtout
dérivés d'Isis : Isigénès, Isidoros, Isidora, Isiasa ; c'est là une preuve
supplémentaire de la popularité d'Isis à Érétrie. Il ne fait guère de doute en
effet que le sanctuaire ou en tout cas le culte - n'ait été consacré en premier
lieu à la déesse, même si Sarapis et Anubis lui ont été assez vite associés,
ainsi que d'autres synnaoi apparus plus tardivement ; alors que la présence
d'Harpocrate à partir du Ier siècle a.C. est facilement explicable, celle
d'Osiris est plus surprenante : on doit constater que, à Érétrie comme Ã
Thessalonique - et le cas se produit en Égypte également - Osiris et Sarapis
non seulement ne sont pas confondus, mais peuvent recevoir un culte soit
commun, soit distinct, comme s'ils représentaient des entités tout à fait différentes.
On a vu que le culte d'Érétrie devait présenter des aspects très égyptiens, ou
du moins égyptisants. [...] Est-ce d'Érétrie que le culte égyptien s'est propagé à la
ville voisine et rivale de Chalcis ? A Chalcis en tout cas les témoignages de
ce culte sont un peu plus tardifs (Françoise
Dunand, Le Culte D'Isis Dans Le Bassin Oriental De LA Mediterranee, Le Culte
D'Isis En Grece, 1973 - www.google.fr/books/edition). La momification dans l'Égypte antique s'inscrivait dans
un rituel funéraire. En Égypte antique, la conservation du corps était un symbole
très important. La destruction de celui-ci représentait un risque très grave.
Les Égyptiens croyaient en l'immortalité. La mort, chez les Égyptiens,
représentait la séparation entre le support matériel et les éléments
immatériels : le ba qui correspond à la personnalité, l'ânkh qui représente le
souffle vital et le ka l'énergie vitale. Il fallait donc que le ba et le ka, au
réveil de sa nouvelle vie, puissent réintégrer le corps, préalablement
conservé. «La momification avait comme but principal de purifier et de rendre
divin le corps pour que celui-ci devienne un Osiris» (fr.wikipedia.org
- Momification en Egypte antique). Mathiol s'accorde bien que du Bitume seul, & du
Pissasphaltum naturel & artificiel, les anciens en conseruoient &
embausmoient les corps des trespassez : puis que des drogues susdi&tes les
corps se peuuent embausmer & preseruer de corruption trouue il si estrange
que les Poix liquides extraictes de Pin, Sapin, Pinasse, Melesse, Suye, Cyprés,
Géneure, & autres ne puissent faire le semblable ; & veu aussi que
luy mesme recite par authorité de Galien & de Paulus Ægineta qu'en deffaut
de Bitume est requis substituer la Poix liquide. Je dis d'auantage pour
maintenir le dire de Belon estre bon & valable, que Dioscoride attribue les
mesmes vertus & proprietez à la Poix liquide, à la Suye, & en son huile
dicte Pisseleon, qu'il fait à la Poix du Cedre ditte Cedria, à la Suye, & Ã
son huile ditte Cedreleon. [...] Ledit Belon outre l'experience qu'il à ne l'a
escrit qu'auec authorité de Dioscoride qui dit : on met la Poix liquide aux
medicamens corrosifs auec grand effect. Or tels medicamens corrosifs, comme la
poix liquide, le Cedria, l'Alun, le Sel, le Nitre, la Chaux, le Sandaraca,
l'Orpin, la cendre grauelée, & autres semblables operent és corps vifs,
avec rongement, bruslement, & mordication violence : és corps morts
ils operent desseichans toutes les humiditez du corps, pour la vertu de leur
siccité & altriction. Et par ainsi on sale les corps de sel pour les
dessecher & garder de corruption. Voyla que dit Galien des medicamens qu'il
nomme Septica, c'est à dire, putrefians les corps vifs & dessechant les
morts. Et ce qui a faict que les anciens Grecs & Latins ont donné le bruict
au Cedria de conseruer les corps morts & non autres poix, ce a esté qu'il
n'y auoit que les Syriens & Ægypciens qui embausmoient les Trespassez,
& pour les conseruer les embausmoient de Cedria, qui est la poix liquide
extraicte du Cedre du mont Liban de Syrie, duquel ils ont quantité, & point
de Pins ny Pessés pour faire la poix, comme a bien noté Theophraste: Et combien
que les Grecs &Â Latins eussent
quantité de poix & de plusieurs sortes d'arbres, & ne leur ont iamais
attribué la vertu du Cedria, qui est de preseruer les corps morts : c'est que
les vns les brusloient, & les autres les enterroient ; & par ainsi
entre toutes les poix, il n'y auoit que la poix du Cedre, dite Cedria, qui fust
en bruict vsage. Or pour retourner à nostre Momie, il faut noter qu'il y a
grande difference entre celle des anciens & la nostre : car ses
Squelettes & Anatomies seches & noires qui sont apportées pour le
iourd'huy de Syrie & d'Æygpte pour & au nom de la vraye Momie, n'est
celle des anciens, car ces corps ainsi noirs & dessechez sont falsifiez des
Syriens & Ægyptiens par le souhait du gain qui prouient de la vente de
celles Anatomies, ainsi bien dessechées au deffaut de ne pouuoir recouurer des
corps & confitures des anciens Sepulchres. Et ne faut suiure l'opinion de
la plus part de nos Medecins modernes, qui pensent que telles Anatomies
entieres qu'on void à Venise, Lyon, & de la distribuées foubs le nom de Momie
par toute l'Europe, ayent esté tirées des Sepulchres, ains sont corps de
pauures & indigences personnes morts, lesquels apres auoir esté euentrez,
sont remplis & farcis par le dedans de pissasphaltum, puis cousus: Et par
le dehors, bras, iambes, & autres parties du corps & des le sommet de
la teste iusques a la plante des pieds, font oingts & enduits du mesme
Pissasphaltum : Puis ayant enuclopé ces corps ainsi parez d'vn vieil
linçeul, les mettent cuire & secher au four, iusques a ce qu'ils
cognoissent l'humidité du corps estre consommée, & le Pissasphaltum desseche.
Voyla comment nous nous deuons assurer des medicaments & drogues composées
qui passent par les mains de ces inhumains & Barbares Mahometains ennemis
de nostre Foy & Religion, ne raschans qu'a nous decepuoir & tromper ;
parquoy le Medecin Chrestien doit doresnauant aduiser & s'abstenir de faire
vser par bouche de celles Momies qui se trouuent par les boutiques des
drogueurs & Apoticaires, s'ils ne veulent encourir la mesme & semblable
inhumanité de ceste brutalité Turquesque (Les
Oeuvres de Iacques et Paul Contant pere et fils divisees en cinq traictez, Tome
4, 1628 - www.google.fr/books/edition). Médecine
sympathique On nommait mumie «certaine liqueur odorante et de
consistance de miel», recueillie dans les anciens tombeaux de l'Égypte. Au
début, on ne fouilla que les sépultures des rois et des grands personnages, et
alors la mumie administrée en boisson opérait des guérisons merveilleuses.
Mais, onsuite on s'avisa d'ouvrir les cercueils de pauvres diables « qui
estoient morts de ladrerie ou de peste, pour en tirer la pourriture cadavéreuse
qui en distilloit et la vendre pour vraie et légitime mumie». (Jehan de Renou,
médecin de Henri IV). Ce que voyant, les apothicaires
se mirent à fabriquer de la mumie à Paris même. Le médecin Claude Dariot (1859)
nous enseigne tout au long comment se préparait la mumie liquide, la mumie
sèche, et aussi le produit de la pulvérisation du crâne humain, remède
souverain contre l'érysipèle et la gravelle (Lyon
médical, organe officiel de la Société médicale des hôpitaux de Lyon et de la
Société médico-chirurgicale des hôpitaux de Saint-Etienne, Tome 69, 1892 -
books.google.fr). Inescation : Procédé de médecine occulte qui consistait Ã
donner à un animal la maladie d'un homme, puis on tirait de cet animal les
principes dont on faisait des préparations pour obtenir la guérison du malade.
Ce terme dérive de Esca (nourriture) parce que c'était
par la nourriture qu'on inoculait la maladie à l'animal. Toute la médecine
Pastorienne, toute les préparations hypodermiques, en
un mot, la sérothérapie tire son origine de l'Inescation. Il ne faut pas
confondre ce procédé de médecine occulte avec le transfert ou la transférence,
qui est tout autre chose (Ernest Bosc
(1837-1913), Glossaire raisonné de la divination, de la magie et de l'occultisme,
1910 - gallica.bnf.fr, LE
GRAND DICTIONNAIRE DES ARTS ET DES SCIENCES, Tome 3 : A-L, Académie des
sciences (France), 1695 - www.google.fr/books/edition). Le processus surtout employé par les disciples de
Paracelse pour guérir les maladies fut le traitement de l'od extériorisé, ou la
transplantation de la mumie . C'était ce qu'on nommait
Transplantatio morborum . On se disait que l’Od (on le
nommait «esprit vital» au moyen âge), pénètre par tout le corps, et qu'ainsi
tous les produits expulsés du corps (appelés mumies), en sont pénétrés. [...] L'esprit
vital de la mumie reste en relation avec celui du corps et on peut constater
que cette relation subsiste même à distance. [...] Si l'on met la mumie en
rapport avec un corps qui possède des qualités salutaires, c'est-à -dire dont
l'Od peut influencer favorablement l'Od du malade, l'esprit vital malade du
patient est consumé par l'esprit vital sain avec lequel il a été affilié.
Toutes les méthodes de la transplantation ont pour but principal, d'abord de
stimuler l'esprit vital souffrant; ce sont ensuite les différents lieux de
transplantations qui décident de l'effet produit sur la mumie. On peut faire
agir sur la mumie certains corps minéraux (nous rappelons ici les poudres
sympathiques et l'onguent des armes, du moyen âge); on peut dessécher la mumie
à l'air, on peut la brûler, la jeter à l'eau, selon que la maladie l'exige. On
peut également donner la mumie comme nourriture aux animaux, ou bien la
transplanter dans des arbres; en ce cas la mumie participe à la croissance des
animaux ou des arbres et, par là , la force magnétigue de la mumie se détache et
revient régénérée vers l'organisme malade. Les animaux et les plantes peuvent
régénérer cet Od implanté en l'unissant au leur; ou bien ils l'attirent en eux,
absorbent la maladie et en délivrent ainsi le malade (L'Initiation,
revue philosophique indépendante des hautes études, Volumes 23-24, 1894 -
books.google.fr). L'od est à rapproché du pneuma de Galien. Voici, par ailleurs, comment Pline, après avoir évoqué
les sympathies et antipathies des plantes entre elles, ou avec les animaux,
parle de celles qui réunissent et opposent diverses substances. C'est une sorte
de «proto-chimie» mâtinée de cuisine. Qui plus est, cette proto-chimie sert Ã
expliquer la médecine. (Ici, les propriétés naturelles sont désignées par le
mot vis qui, en latin, signifie à la fois «force», «puissance» et «essence»,
soit un terme équivalent du grec dynamis, qui désigne aussi bien la «puissance»
aristotélicienne que la «faculté» galénique). Les choses
insensibles [inanimées], même les
plus petites, ont aussi leurs contraires. Les cuisiniers dégagent les viandes
du sel dont elles sont imprégnées, avec de la fleur de farine et l'écorce fine
du tilleul. Le sel ôte la fadeur des choses trop douces. Les eaux nitreuses ou
amères sont corrigées avec de la polenta, au point qu'on les rend potables en
deux heures; pour la même raison on met de la polenta dans les chausses à vin.
La même propriété [vis] appartient Ã
la craie de Rhodes et à notre argile. Voici des exemples d'affinité: l'huile
emporte la poix, parce qu'elles sont l'une et l'autre de nature grasse. L'huile
se mêle à la chaux, parce que toutes deux sont ennemies de l'eau. La gomme est
enlevée par le vinaigre, l'encre par l'eau pure. Enfin il est une infinité
d'autres sympathies et antipathies que nous aurons soin de mentionner en leur
lieu. De là est née la médecine (HN, L. XXIV, 1, 3). Galien lui-même a recours à cette sorte de sympathie ou
antipathie entre les substances. Ainsi, il explique que les différentes parties
du corps attirent l'aliment qui leur convient, de la même manière que l'aimant
attire le fer, soit une «explication métaphorique» très simple de la faculté
attractrice. Il y a sans doute une bonne part de «physico-chimie» empirique,
voire populaire, dans l'idée que les différentes substances (et donc les
différentes parties du corps) ont certaines facultés naturelles (idée qu'on
retrouve dans la magie antique, mais aussi dans la pharmacie égyptienne, puis
grecque). Et cette «physico-chimie» empirique et populaire se mêle aux
physiques plus savantes, comme l'aristotélicienne et la stoïcienne, ou à des
doctrines alchimiques, sans que la cohérence soit toujours parfaite. [...] Chez Galien (et donc bien avant Descartes), les fonctions
biologiques et les fonctions psychologiques ont tendance à se séparer. Seules
celles-ci restent vraiment inhérentes à une âme (l'encéphalique, dite
hégémonique) ; les âmes cardiaque et hépatique étant mentionnées mais sans
qu'elles aient une fonction biologique bien définie. C'est dire qu'on voit
s'esquisser ce qui deviendra le dualisme cartésien : une âme encéphalique
chargée des opérations intellectuelles et sensori-motrices (via un pneuma
psychique chez Galien, et via des esprits animaux chez Descartes), et un corps
dont la physiologie échappe à toute espèce d'âme et ne dépend plus que de
principes naturels (facultés naturelles chez Galien, principes mécaniques chez
Descartes). On s'est beaucoup moqué des facultés naturelles de Galien (cf.,
chez Molière, la vertu dormitive de l'opium). C'est un peu facile, et c'est
surtout ne pas voir en quoi ces facultés sont importantes dans l'histoire de la
biologie et de la médecine. Elles naturalisent la vie : ce qui était effectué
par l'âme et le pneuma chez Aristote, l'est maintenant par des facultés
peut-être occultes et mystérieuses, mais naturelles, déterministes et
indépendantes de l'âme. Cette esquisse d'une physiologie non machinique a été
complètement occultée par la comparaison de l'animal à une machine, qui est
devenue le paradigme de la biologie mécaniste (alors qu'elle n'était qu'une
métaphore et, pour Descartes lui-même, une conception provisoire). Et, comme
elles n'ont jamais été développées ni par leur auteur ni par ses successeurs
«mécanistes», la physiologie et l'embryologie cartésiennes sont restées
séparées et inarticulées. L'animal-machine devint ainsi le paradigme de la
physiologie mécaniste, et il l'est resté jusqu'à nos jours. Restait, irrésolu,
le problème de sa formation. «La philosophie
ayant compris l'impossibilité où elle était d'expliquer mécaniquement la
formation des êtres organisés, a imaginé heureusement qu'ils existaient déjà en
petit, sous la forme de germes, ou de corpuscules organiques. Et cette idée a
produit deux hypothèses qui plaisent beaucoup à la raison. La première suppose,
que les germes de tous les corps organisés d'une même espèce, étaient
renfermés, les uns dans les autres, et se sont développés successivement. La
seconde hypothèse répand ces germes partout, et suppose qu'ils ne parviennent Ã
se développer, lorsqu'ils rencontrent des matrices convenables, ou des corps de
même espèce, disposés à les retenir, à les fermenter et à les faire croître. La
première hypothèse est un des grands efforts de l'esprit sur les sens. Les
différents ordres d'infiniment petits abîmés les uns dans les autres, que cette
hypothèse admet, accablent l'imagination sans effrayer la raison. Accoutumée Ã
distinguer ce qui est du ressort de l'entendement, de ce qui n'est que du ressort
des sens, la raison envisage avec plaisir la graine d'une plante ou l'oeuf d'un
animal, comme un petit monde peuplé d'une multitude d'êtres organisés, appelés
à se succéder dans toute la durée des siècles. Les preuves qui établissent la
division de la matière à l'indéfini, servent donc de base à la théorie des
enveloppemente» (Charles Bonnet, Considération sur les corps oragnisés,
1762). [...] Si ce n'est qu'une mécanisation partielle et locale du
galénisme, la théorie de l'animal-machine était l'application biologique du
mécanisme à la fois la plus aisée et la moins perturbatrice, tant d'un point de
vue scientifique que religieux. D'un point de vue scientifique, elle
s'accordait parfaitement à la mécanique galiléo-cartésienne et à la mode des
automates (lesquels fournissaient une métaphore commode), et elle conservait le
principe «organe-fonction» qui était le fondement de la physiologie depuis
Galien. D'un point de vue religieux (car ces «mécanistes» étaient loin d'être
des mécréants, un Malebranche les représente mieux qu'un La Mettrie), elle
s'accordait très bien avec les thèses augustiniennes (notamment celle de la
création divine, voulant que Dieu ait tout créé au début du monde), thèses que
le protestantisme et le jansénisme avaient revivifiées (d'une certaine manière,
la préformation est la version biologique de la prédestination). Elle
s'accordait également avec la théologie naturelle du XVIIIe siècle, et elle
conserva des adeptes jusqu'au début du XIXe malgré les travaux d'embryologie
(notamment ceux de Caspar-Friedrich Wolff, en 1759) qui montraient son
caractère fallacieux, et malgré de nombreuses critiques plus théoriques. Si
bien que, finalement, c'est cette théorie de la préformation qui devint le
complément embryologique de la physiologie de l'animal-machine, elle-même
considérée comme le paradigme de la biologie mécaniste. Au point où nous en
sommes, on est donc passé d'une autonomie de l'être vivant qui est tout entier
sous le contrôle d'une âme, tant pour ce qui concerne sa biologie que sa
psychologie (Aristote), à une soumission totale de cet être aux lois
universelles de la mécanique pour ce qui concerne la biologie, et où seul le
domaine psychologique reste sous la coupe d'une âme libre (Descartes). Ce qui
équivaut à une disparition de la vie, au profit des seuls domaines physique (la
substance étendue) et psychologique (la substance pensante) (André
Pichot, Expliquer la vie, De l'âme à la molécule, 2011 -
google.fr/books/edition). Malebranche accueillit l'inclusion des germes. «Il ne
paraît pas déraisonnable de penser qu'il y a des arbres infinis dans un seul
germe, puisqu'il ne contient pas seulement l'arbre dont il est la semence, mais
aussi un très grand nombre de semences, qui peuvent toutes renfermer dans
elles-mêmes de nouveaux arbres et de nouvelles semences d'arbres, lesquelles conserveront
peut-être encore dans une petitesse incompréhensible, d'autres arbres, &
d'autres semences aussi secondes que les premières, & ainsi à l'infini. De
sorte que, selon cette pensée, qui ne peut paroître impertinente & bizarre,
qu'Ã ceux qui mesurent les merveilles de la puissance infinie d'un Dieu avec
les idées de leurs sens & de leur imagination, on pourroit dire dans un
seul pépin de pomme, il y auroit des pommiers, des pommes, & des semences
de pommiers pour des siécles infinis ou presque infinis dans cette proportion
d'un pommier parfait à un pommier dans sa semence» (Auguste
Eymin, Médecins et philosophes, notes historiques sur les rapports des sciences
médicales avec la philosophie depuis le VIe siècle avant J-C. jusqu'aux
premières années du XIXe siècle, 1903 - www.google.fr/books/edition). PCDP : Pars - Caput - Dogma – Pagina (Bartolomeo
Castelli, Jakob Pancraz Bruno, Bartholomaei Castelli Lexicon medicum
Graeco-Latinum, 1713 - www.google.fr/books/edition). Bartolomeo
Castelli was a 16th-century scholar known for his studies in philosophy and
medicine. While teaching at Messina in 1598, he published his ‘Medical Lexicon’
which gained instant, wide-spread popularity. Castelli based his lexicon on the
teachings and practices of fellow French physician Gorraeus (i.e. Jean de
Gorris) (www.barnebys.fr). Opera, Definitionum Medicarum libri XXIIII. Paris: Societatum Minimam,
1622. - 2 parties en un volume in-folio, (6 ff.), 716 pp. ch. 722, (1 f.); (2
ff.), 166 pp., (1 f.). Veau brun, double filet doré en encadrement sur les
plats, dos à nerfs orné, tranches jaspées (reliure de l'époque). Édition
estimée, dédiée à Louis XIII, des œuvres du médecin calviniste Jean de Gorris
(1505-1577). Elle fut publiée par le petit-fils de l'auteur, le médecin
ordinaire de Louis XIII Jean de Gorris (158.-1662). La première partie de
l'ouvrage constitue les Définitions de médecine; il s'agit de l'œuvre la plus importante
de l'auteur donnant la définition des termes grecs de médecine. Dans cette
édition près de la moitié des définitions sont de Jean de Gorris, petit-fils de
l'auteur (www.ader-paris.fr). Important, d'une certaine manière, pour la diffusion de
la pensée galénique fut le Lexicon
medicum de Bartolomeo Castelli (Messina, 1598), qui connut de très
nombreuses rééditions mises à jour et augmentées. La pensée scientifique du
XVIIe siècle était donc bien équipée pour connaître et pratiquer Galien (Jean
Robert Armogathe, La nature du monde, science nouvelle et exégèse au XVIIe
siècle, 2007 - www.google.fr/books/edition). Les causes occasionnelles sont une hypothèse imaginée par
l'école cartésienne pour expliquer les rapports de l'âme et du corps ;
Dieu lui-même excitant, à l'occasion des phénomènes de l'âme, dans notre corps
les mouvements qui leur correspondent, et faisant naître, à l'occasion des
mouvements de notre corps, les idées qui les représentent ou les passions dont
ils sont l'objet ; cette hypothèse provient de la difficulté que ces
philosophes trouvaient à expliquer comment les deux substances, âme et corps,
pouvaient agir l'une sur l'autre (dictionnaire.sensagent.leparisien.fr). Une difficulté subsistait encore, et pour joindre deux
natures d'essences aussi différentes, transmettre les ordres d'une âme qui
tenait les rênes du gouvernement sans sortir de son palais, plus que jamais des
mandataires étaient utiles. Le cartesianisme les trouvait sans peine dans les
esprits de l'ancienne physiologie. Ils devinrent les messagers dociles de l'âme
et furent chargés de porter le mouvement par tout l'organisme. Au lieu des
esprits naturels, vitaux et animaux, il ne resta que les esprits animaux. Malebranche
versait dans les causes occasionnelles, l'âme, d'après ce philosophe, ne jouant
plus qu'un éventuel. Descartes
lui-même se tint à l'abri de ces exagérations. La sensation parvient à la
glande pinéale sans les esprits animaux, grâce à une impression mécanique sur
les nerfs, et les mouvements de la glande pinéale ébranlent les esprits. Les
adversaires de cette physiologie disaient, à bon droit, que si l'âme
spirituelle consent à des rapports avec les esprits animaux, qui sont de la
matière, ces esprits sont inutiles, et l'âme peut tout aussi bien communiquer avec
les organes. C'est ainsi que raisonna Stahl ; mais l'animisme a
considérablement modifié l'âme de Descartes, quoi qu'on en ait dit. Mais il n'est pas inutile de faire savoir ce que
pensaient encore des esprits les galénistes du XVIe et du XVIIe siècle. L'article
"pneuma" du glossaire classique de Jean Gorris, publié en 1564, et
réédité par son fils en 1622 dit en réduction : Le corps humain est formé de
solides, d'humeurs et d'esprits .Les esprits ne partagent pas le sort des
autres substances naturelles. Ils sont les compagnons inséparables de la
chaleur innée, et participent de son origine et de sa destinée. Partout où il y
a de la chaleur, se trouve aussi
l'esprit. Leur association intime et indissoluble peut les faire tenir pour une
seule et même chose. L'un comme l'autre s'appelle «la nature», «l'architecte»,
«l'âme», «ou leur instrument», le principe des actions vitales. Cet esprit est
chaud, par nature, ou en raison de son commerce avec la chaleur innée. Léger et
subtil, il s'insinue partout avec la chaleur, il se répend avec impétuosité.
Les esprits sont les ta évoquarta, impetum facientia
d'Hippocrate, serviteurs de la nature. Comme la chaleur naturelle, l'esprit est
simple, mais, suivant son siège ou les actes auxquels il subvient, il se divise
en trois classes très différentes. De même que chaque partie jouit d'une
chaleur naturelle qui lui est propre, elle possède un esprit, qui lui est
départi au début de la vie, et se renouvelle de celui qui est fabriqué par les
organes principaux. Nous avons en nous autant d'esprits innés qu'il y a de natures
et de chaleurs différentes. Les esprits s'alimentent à une triple source :
l'esprit naturel dans le foie, l'esprit vital dans le cœur, et l'esprit animal
dans le cerveau (Auguste
Eymin, Médecins et philosophes, notes historiques sur les rapports des sciences
médicales avec la philosophie depuis le VIe siècle avant J-C. jusqu'aux
premières années du XIXe siècle, 1903 - www.google.fr/books/edition). Aristote, une île A la mort d'Alexandre le Grand, accusé d'impiété, Aristote déclara qu'il ne vouloit pas
exposer la Philosophie à souffrir un nouvel affront. Il partit d'Athenes, & se retira à Calchis dans l'isle d'Eubée. Il y
passa quelques années, & y mourut enfin de maladie, étant plus que
sexagénaire (Melanges
tires d'une grande Bibliotheque, Tome 13, 1781 - www.google.fr/books/edition). Aristote y finit ses jours; mais je ne puis croire, sur la foi de je ne sais quelle chronique, qu'il se précipita dans l’Euripe, par dépit de ne pouvoir comprendre les causes de son reflux. L'histoire naturelle a bien assez d'un martyr dans Empédocle. Je me figure seulement que quand, accusé d'impiété par les Athéniens, Aristote choisit l’Eubée pour sa retraite, sa préférence fut déterminée surtout par les richesses apparentes et cachées de cette île, par ses mines, sa végétation, et par ses phénomènes si attrayants pour le "secrétaire et le confident de la nature". C'est ainsi que le désigne Suidas, et je n'en veux pas savoir davantage. Maintenant, je me demande si toute la science d'Aristote suffirait pour venir à bout d'une autre énigme originaire de l'Eubée, et plus difficile à deviner encore que les reflux de l'Euripe. Je veux parler de deux de ses fleuves, le Ciréus et le Niléus. «L'eau de l'un,» dit Strabon, «teint en blanc les moutons qui en boivent; l'autre les rend noirs.» Mais, comme le géographe a oublié de nous dire lequel des deux est le fleuve blanchissant, il y a risque de se tromper, sur sa foi, du tout au tout, ou, pour mieux dire, du blanc au noir. «Les bergers du pays, ajoute sérieusement Sénèque, quand ils veulent de la laine brune, savent qu'ils ont là gratis le teinturier.» A la bonne heure; mais, quant à moi, je craindrais d'autant plus de me tromper de couleur, que je viens de lire un auteur indigène, un certain Antigone, natif de Caryste même, en Eubée, lequel, dans la métamorphose opérée par les deux fleuves, substitue les femmes aux moutons. Je serais, je l'avoue, inconsolable, si, quand je commande à l'eau du Niléus ou du Ciréus une femme blanche comme Hélène, ils allaient me livrer une négresse du Congo (Marie-Louis-Jean-André-Charles de Martin du Tyrac Marcellus, Episodes litteraires en Orient, Tome 2, 1851 - books.google.fr). |