Louis XIV et le Potager de Versailles

Louis XIV et le Potager de Versailles

 

II, 63

 

1677-1678

 

Gaulois, Ausone bien peu subjuguera :

Po, Marne & Seine fera Perme l'urie

Qui le grand mur contre eux dressera :

Du moindre au mur le grand perdra la vie.

 

"Perme l'urie" (toutes Ă©ditions)

 

Du latin "permeio" pour "permingo" : inonder d'urine d'oĂą "urie" (Gaffiot).

 

Ce qui conduit Ă  Gargantua :

 

CHAPITRE XVII : Comment Gargantua paya sa bien-venuè ès Parisiens, et comment il print les grosses cloches de l'ecclise Nostre Dame.

 

(Commentaires) François Ier fit deux entrées solennelles à Paris, avant la publication du Gargantua : la première, après son couronnement en 1514, où il fut reçu triomphamment, dit Bouchet (en ses Annales d'Aquitaine), et y eut joustes et tournois en la rue Saint-Anthoine, ou Use porta hardi et vaillant; la seconde en 1526, après sa captivité en Espagne. Il est évident qu'il s'agit ici de la première. Les flots d'urine dont Gargantua noya les Parisiens, à son passage dans la capitale, et pour sa bien venue, sont les nouvelles contributions dont François Ier fut obligé, lors de son avènement au trône, de surcharger son peuple, et notamment les Parisiens, pour la guerre d'Italie: «François Ier, dit Mézerai, déterminé à reconquérir le Milanez, doubla les contributions en tout genre, établit la vénalite des offices, etc.» Voyez Mézerai, Vie de François Ier. Tous les commentateurs sont d'accord à ce sujet. Le Duchat même, n'a pu s'empêcher de reconnoître ici François Ier. Voici ce qu'en dit l'abbé de Marsy. «L'arrivée de Gargantua à Paris, l'empressement des Parisiens, et ensuite la mutinerie de ce même peuple, qui voudroit le voir bien loin, renferme une allusion remarquable que Le Duchat a entrevue. François Ier montra d'abord des qualités si aimables, qu'il fut adoré des François, et en particulier des Parisiens.» «Venant à la couronne, dit Brantôme, il donna grande espérance de lui, car il estoit beau prince, jeune, gaillard, affable, de bonne grâce et majesté, tant que chacun se mit à l'aimer: si bien qu'on dit qu'il fil son entrée à Paris la plus triomphante que jamais roy fit; il s'y assembla un fort grand nombre de seigneurs, et mesme de peuple et de noblesse, qui jettoient fort l'œil sur luy.» Mais peu après son avènement au trône, ce prince, à qui l'argent manquoit pour la guerre d'Italie, créa quantité d'impôts inconnus jusqu'alors, et foula extraordinairement le peuple de Paris. C'est ce qui fait dire à Rabelais que Gargantua, peu de jours après son arrivée dans cette ville, compissa aigrement les Parisiens (Charles Esmangart, Éloi Johanneau, La vie de Gargantua et de Pantagruel, Tome 1 des Œuvres de Rabelais, 1823 - books.google.fr).

 

Jacob Le Duchat, né à Metz en 1658, en exil pour cause de protestantisme à partir de 1700, mort à Berlin en 1735, fut reçu avocat en 1677 (Jacques George de Chauffepié, Nouveau dictionnaire historique et critique pour servir de supplément ou de continuation au Dictionnaire de M. Pierre Bayle, 1750 - books.google.fr).

 

François-Marie de Marsy, nĂ© en 1714 Ă  Paris oĂą il est mort le 16 dĂ©cembre 1763, est un homme de lettres français. Admis fort jeune chez les jĂ©suites, Marsy rentra plus tard dans le monde. Il publie entre autres Analyse raisonnĂ©e de Bayle (Londres [Paris], 1755, 4 vol. in-12), recueil des passages de Bayle les plus dĂ©favorables Ă  la religion ; il fut condamnĂ© par le Parlement et fit mettre Marsy quelques mois Ă  la Bastille ; le Rabelais moderne, ou les Ĺ’uvres de Rabelais mises Ă  la portĂ©e de la plupart des lecteurs (Amsterdam [Paris], 1752, 8 vol. in-12) (fr.wikipedia.org - François-Marie de Marsy).

 

A Vic-sur-Aisne est une pierre à pisser de Gargantua. A Mont-Saint-Père (Aisne) et dans les environs, pour empêcher les petits enfants d'aller sur le bord de la rivière, on leur raconte qu'un jour Gargantua passa par le pays. Il faisait tellement chaud, que le géant eut besoin de boire dans la Marne ; il posa un pied sur le clocher de l'église de Mézy et l'autre sur celui de Chartèves, et il se mit à boire à la rivière avec tant d'avidité qu'il avalait même les bateaux qui naviguaient sur la Marne (Paul Sébillot, Gargantua dans les traditions populaires, 1883 - books.google.fr).

 

Achab, urine et muraille

 

"moindre" du latin "minor" comparatif de "parvus", petit (Dictionnaire Ă©tymologique Larousse, 1969).

 

"murus minor" désigne le rempart alors que "murus major" le retranchement d'une place forte (A. Voisin, Cité des Cénomans, nouvelles explorations sur les remparts du Mans, Bulletin de la Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, Tome 6, 1859 - books.google.fr).

 

Le premier livre des Rois (I Rois 16,38) raconte, en effet, que Hiel, chargé par Achab de reconstruire, non la ville de Jéricho puisqu'elle est mentionnée antérieurement, mais la muraille, perdit son fils aîné Abiram lorsqu'il en jeta les fondements et le dernier de ses fils Ségub lorsqu'il en posa les portes, selon que le Seigneur l'avoit prédit par Josué, fils de Nun (Annales du musée Guimet: bibliothèque de vulgarisation, 1910  - books.google.fr).

 

On retrouve Elie (et Achab) lors de la naissance de Pantagruel pendant une grande sécheresse (Pantagruel, Livre II) en référence à I Rois 17, 1 juste après l'épisode de la reconstruction de la muraille de Jéricho (Les oeuvres de Maistre François Rabelais, Volume 4, 1881 - books.google.fr, Œuvres de Rabelais: Édition conforme aux derniers textes revus par l'auteur, Tome I, 1842 - books.google.fr).

 

Le Seigneur s'adresse alors à Élie le Thesbite (3 R 20,17) : "Dis à Achab dès que tu l'auras rencontré : Puisque tu as commis un meurtre et, ce qui n'était pas permis, tu te l'es accaparé, sache qu'à l'endroit même où les chiens ont lapé le sang de la victime, ils laperont aussi ton propre sang, qui plus est, les prostituées s'y laveront", et d'autres condamnations en plus, que le prophète exposait une à une (cf. 3 R 20,19). Comme il l'avait rencontré, Achab, sachant pourquoi il était venu, dit : "M'as-tu trouvé, mon ennemi ?" (3 R 20,20). Élie lui répondit : "Oui, je t'ai trouvé. Puisque tu as accompli le mal en présence du Seigneur et l'as transporté de fureur, pour ces raisons tu seras exterminé et laissé seul en même temps que ta maison, jusqu'à ce que tous aient été livrés à la destruction et que ne subsiste personne en train d'uriner contre un mur (cf. 3 R 20,20-22). Bien plus, ton cadavre, voici que les chiens avec les oiseaux du ciel le dévoreront et se repaîtront du sang dévoré (cf. 3 R 20,24). Jézabel aussi va souffrir les mêmes supplices que toi, elle qui, en plus du reste, sera la pâture des chiens sur le rempart, pour qu'elle reçoive le châtiment visible par tous" (cf. 3 R 20,23). Le prophète parla ainsi à Achab. Ce dernier, à ces mots se frappe la poitrine et déchire son manteau, livrant son corps au jeûne et nouant un sac à ses reins, manifestant par tout cela des signes du repentir de l'intérieur et de l'âme (cf. 3 R 20,27). Voilà pourquoi le Seigneur dit à Élie (cf. 3 R 20,28) : "As-tu vu comme Achab s'est repenti devant ma face ? Je ne ferai donc pas venir le malheur pendant son temps, mais, au temps de son fils, quand il sera lui aussi devenu mauvais et qu'il aura choisi de faire les pires choses, alors la justice le suivra à la trace" (Le saint prophète Élie: d'après les Pères de l'Église, 1992 - books.google.fr, Augustin Calmet, Pierre-François Émery, Claude-Marin Saugrain, Pierre-Alexandre Martin, Commentaire littéral sur tous les livres de l'ancien et du nouveau testament, Tome 2, 1724 - books.google.fr).

 

JĂ©zabel et Sidon

 

De manière à mettre en lien avec le quatrain, deuxième plus haut, II, 61 - Au Liban - 1675-1676 :

 

Jézabel, femme d'Achab, était une princesse d'origine sidonienne, fille du roi de Sidon Ittobaal, grande adoratrice de Baal, le dieu de la pluie. Sidon, le fondateur de la ville portant son nom, était le fils aîné de Canaan, petit fils de Noé. Or, Noé avait maudit Canaan et cette malédiction tomba aussi sur Sidon qui était le premier-né de Canaan. «Canaan engendra Sidon, son premier—né...» (1 Chroniques 1:13). Jézabel venait donc d'un pays dont l'ancêtre était maudit par Noé. Elle était donc condamnée à être une esclave des descendants de Sem. Mais, au lieu d'être l'esclave des hébreux selon la prophétie de Noé, Jézabel s'organisa pour être leur princesse et leur chef. [...] «Les chiens dévoreront Jézabel près du rempart de Jizreel», tel fut lejugement de Dieu contre cette femme, à cause de ses forfaits et ses violations de la loi morale» (1 Rois 21:23) (Shora Kuetu, Entre les mains du Potier, 2011 - books.google.fr).

 

La "cruelle" Jézabel, adepte du multiculturalisme, est connue pour avoir venger la mort de centaines de prêtres de Baal que fit massacrer le "bon" prophète Elie.

 

"urie"

 

Ce mot rappelle un personnage de l'ancien testament, victime du roi David.

 

Que dirait-on, mes frères, si, lorsque l'empereur Charles-Quint eut un roi de France en ses mains, son chapelain fût venu lui dire : «Vous êtes damné pour n'avoir pas tué François Ier,» et que ce chapelain eût égorgé ce roi de France aux yeux de l'empereur, et en eût fait un hachis ? Mais que dirons-nous du saint roi David, de celui qui est agréable devant le dieu des Juifs, et qui mérite que le Messie vienne de ses reins ? Ce bon roi David fait d'abord le métier de brigand : il rançonne, il pille tout ce qu'il trouve; il pille entre autres un homme riche nommé Nabal, et il épouse sa femme. Il se réfugie chez le roi Achis, et va, pendant la nuit, mettre à feu et à sang les villages de ce roi Achis son bienfaiteur : il égorge, dit le texte sacré, hommes, femmes, enfants, de peur qu'il ne reste quelqu'un pour en porter la nouvelle. Devenu roi, il ravit la femme d'Urie [Bethzabée], fait tuer le mari; et c'est de cet adultère homicide que vient le Messie, le fils de Dieu, Dieu lui-même : ô blasphème ! (Oeuvres complètes de Voltaire: Mélanges, 1860 - books.google.fr).

 

Au sujet de Nabal, il est question encore d'uriner :

 

"si reliquero de omnibus que ad ipsum pertinent, usque ad mingentem ad parietem" : "Si je laisse en vie aucun de ceux qui urinent contre la muraille". Plusieurs Interprétes croyent que cette circonlocution désigne les mâles. Je ne laisserai aucun mále en vie. Uriner contre les murailles, ne convient proprement qu’aux hommes, selon nos manieres d'aujourd'hui. Et si on considére l’exécution des menaces semblables, qu’on lit dans d'autres endroits de l'Ecriture, on verra qu’elles ne tombent que sur les hommes. Par exemple, le Prophéte Abias dit que Dieu va faire fondre sur la maison de Jéroboam toute sorte de malheurs ; qu’il y fera mourir tout ce qui urine contre la muraille, ceux mêmes qui sont enfermez, est les derniers dans Israël ; que ceux de cette maison, qui mourront dans la Ville, seront mangez des chiens ; & ceux au contraire qui mourront aux champs, seront dévorez des bêtes. En exécution de cette sentence, Basa tua Nabab, Roi d'Israël, & toute la famille de Jéroboam, sans en laisser une seule ame en vie : Percussit omnem domum Jeroboam. Non dimisit ne unam quidem animam de femine ejus, donec deleret eum. Le Prophéte Elie ayant fait une menace semblable à Achab: Interficiam de Achab mingentem ad parietem, & clausum, & ultimum in Israël ; Jéhu fut exécuteur de cet arrêt ; il fit tuer tous les fils de ce Roi impie, ses parens, ses Officiers, & ses Prêtres. Mais d'autres Commentateurs, en bien plus grand nombre, soutiennent, qu’à la lettre, celui qui urine contre la muraille, est le chien ; & que David, pour marquer d'une maniere hyperbolique, & par une expression proverbiale, qu’il fera main basse sur tout ce qu’il trouvera dans la maison de Nabal, déclare qu’il n’y laissera pas même un chien en vie. On fait que cet animal urine contre la muraille; & cette coûtume, qui lui est naturelle, ne varie pas, comme font les usages des hommes (I Rois XXV, 22 aujourd'hui I Samuel 25,22) (Augustin Calmet, Commentaire littéral sur tous les livres de l'ancien et du nouveau testament, Les Trois Premiers Livres Des Rois, 1711 - books.google.fr).

 

Naboth et les impĂ´ts

 

Le texte de l'épisode de la vigne de Naboth a été visiblement très remanié. On connaît trop les préambules de la vente, pour comprendre qu'il ne s'agissait pas ici d'une offre d'achat (cf. Gen. 23.12-16 ; 2 S. 24.20-25 ; etc.). Ce qui, par contre, transparaît clairement, c'est que Naboth au nom de son Dieu Yahvé, a refusé de donner au roi quoi que ce soit de ce qu'il considérait comme «l'héritage de son ère». Si, comme nous le comprenons, Naboth ne voulait payer d'impôt qu'à Yahvé, il avait, aux yeux de la loi, «maudit le dieu (local) et le roi» (1 R. 21.10). C'est sous cette inculpation que Naboth fut jugé par des magistrats «devant le peuple», qu'il fut condamné à mort et ses biens confisqués. Elie devait reprocher à Achab de s'être «vendu», en délaissant le culte de Yahvé (1 R. 21 .20,26). [...]

 

C'est ainsi qu'il faut interpréter l'incident de la vigne de Naboth (1 R. 21.2-19). Achab offrait en échange du terrain patrimonial une autre vigne, soumise à rétrocession l'année jubilaire. L'offre d'achat (à un prix fictif ou très bas) ne devait compenser que la différence entre la somme due au titre des impôts et la valeur du champ. Pour refuser la cession de sa vigne, Naboth invoqua Yahvé (1 R. 21.3-4) et opposa le droit divin au droit du souverain (1 R. 21.7) (Henri del Medico, Armées et finances dans l'ancien testament, L'Ethnographie: Nouv. sér, Numéro 42, Société d'ethnographie (Paris, France), 1944 - books.google.fr).

 

Mur d'Hadrien

 

Charles Emmanuel II duc de Savoie, surnommé Adrien, du nom de l'empreur qui construit le mur entre l'Angleterre et l'Ecosse, meurt en 1675. Ses Etats sont traversés par le Pô ("Pô") en Italie, poétiquement l'Ausone.

 

Typologie

 

Le report de 1678 sur la date pivot de 1514 (entrée de François Ier à Paris) donne 1350.

 

C'est la lutte contre les Anglais qui fit de l'impôt une nécessité nationale et qui donna à la royauté la victoire contre la féodalité, écrasée à Crécy, à Poitiers et à Azin- court. Après Crécy, Philippe-de-Valois établit une aide générale en 1347. Sous Jean-le-Bon, les Etats de 1350 et de 1355 votent des subsides, et les Etats de 1355 nomment 3 généraux de finances, pour chaque ordre, pour veiller à la levée de l'aide. Celle-ci, constituée d'abord par une taxe sur les ventes et un impôt sur le sel est transformé en 1356 en un impôt direct sur le revenu des immeubles, pensions et gages. A Paris, six députés élus la perçurent : Dans les provinces 3 députés élus par cité l'assoient et la font recueillir par des collecteurs élus dans chaque paroisse : d'où le nom de pays d'élections. Enfin Charles V établit un véritable impôt foncier sous le nom de fouages, impôt qui faillit devenir permanent et prendre un caractère définitif. Ces fouages furent créés en 1369-1374, et 1377. Les propriétés étaient évaluées d'après le nombre de feux et de maisons. Lorsque le roi mourut le 16 septembre 1380, l'impôt était établi pour un temps indéterminé et se percevait sans résistance ; mais pris d'un remords inexplicable, il le supprima le jour même de sa mort (Émile Cormeray, De l'assiette et de la répartition de l'impot foncier a Rome & dans la France ancienne & moderne, 1884 - books.google.fr).

 

Les impĂ´ts sous Louis XIV

 

En août et en septembre 1678, les traités de Nimègue mettaient fin à une guerre peut-être glorieuse pour Louis XIV, mais en tout cas onéreuse pour les finances royales : «une des plus fortes guerres dont le royaume ait jamais été chargé», au dire de Colbert Elle compromettait l'œuvre de redressement financier entreprise depuis le début de son ministère : il avait fallu recourir aux expédients habituels, emprunts, ventes d'offices, cessions de domaines royaux, impositions extraordinaires  comme celles sur la vaisselle d'étain ou le papier timbré qui sont à l'origine des révoltes bretonne et bordelaise de 1675. La paix revenue, Colbert s'efforça, dans la mesure où le permettaient les charges militaires et les dépenses de prestige, de rétablir un certain équilibre dans les finances. Parmi les composantes de cette politique il envisageait, en dehors d'une reprise du commerce maritime qui alimentait de fructueuses taxes indirectes comme celle dite «Convoi et comptablie de Bordeaux», l'atténuation - à défaut de la suppression - des inégalités fiscales à l'intérieur d'un système qu'il n’était pas question de bouleverser. Jusqu'à l'instauration de la capitation en 1695, la taille royale, impôt de répartition assorti de quelques suppléments - solde de la maréchaussée, étape des troupes - constituait l'essentiel de la charge fiscale directe. Toutefois, ses modalités d'assiette et de perception différaient, on le sait, suivant les provinces (F. Loirette, Un mémoire d'intendant sur le Marsan en 1682, Les Landes, thermalisme et forêts, Congrès d'études régionales, Volume 40, 1989 - books.google.fr).

 

Pour les impĂ´ts sur la Provence, cf. quatrain II, 59.

 

La vigne de Naboth et Orange

 

Toute l'Europe vous demande encore (SIRE) si Vostre Majesté même croid d'avoir raison en ce que le 6. de Septembre 1688, elle a escrit au Cardinal d’Estrées, avec ordre d'en lire, ou declarer le contenu au Pere commun de l'Eglise pour le quereller. Vostre Majesté s’est-elle bien fait informer de la juste cause de Sa Sainteté ? Je vous demande derechef (grand Roy) pourquoy osez-vous bien lui disputer le pouvoir absolu, qui luy appartient aussi souverainement dans Rome, que le vôtre l'est dans Paris ? Il ne demande rien par la conservation de ce qui luy touche independemment, de qui que ce puisse estre, que de s'acquitter de tout ce qu' il doit à Dieu, dont il est le Vicaire en terre, affin de rappeller la Justice, exilée par le support du Vice, bannir les Sacrileges, exterminer les adultères, prevenir, & empecher les assassinats, fermer la porte à la retraitte des voleurs, des larrons, des bandits, des banqueroutiers, & Imposteurs, & aneantir les occasions des conspirations, des soulevements, & tout ce qui est capable de proteger les débauches, & abominations qui se mettoient à couVert du manteau d'une pretendue, & scandaleuse franchise, & protection Françoise, en depie de Dieu, si l'on pouvoit. Cette retraite se pouvoit comparer à l'apparition du linceul dont il est parlé aux Actes des apôtres, dans lequel estoient assemblés les dragons, les serpens, les viperes, & tot ce que la nature a jamais produit de venimeux, & de farouche : une voix du Ciel commennda à l'Apôtre de dévorer ces monstres. Er vous SIRE, à qui la nature avoit donné des dents, comme à un second Curius dentatus, lors qu'elle vous a mis au monde & à qui Dieu a mis le diademe sur la teste, & le Sceptre de Justice en main, pour soutenir les bons, & châtier les mechants, vous ne voulez pas mordre les vices, mais leur donner tout Asyle & protection dans Rome, où le saint Siege, occupé parle S. pere, INNOCENT, de fait, comme il l'est de nom, comme pour en faire une Babylon au lieu d’un Sanctuaire. Vous voulez empecher l'extirpation des abominations, & arracher plustôt à belle dent le patrimoine de l'Eglise, j'entends Avignon, & luy quitter son ancienne, & sacrée possessïon par la brisûre des armes, du S. Siege, depouiller, chasser, maltraitter, emprisonner ceux, qui ne peuvent pas se dédire de ce qu'ils doivent à leur souverain, sans distinctions de sexe, d'estat, de rang, ny de possession, fut elle religieuse, d’Eglise, ou seculiere. Il est de la gloire du Roy, (disent vos Ministres) de ne pas souffrir d'independant dans l'estendüe de son Royaume de France. Tout ce qui est de sa bienseance, ne peut pas étre à d'autres. Il est de sa gloire, de ne pas souffrir aucun refus du Pape, mais bien luy en faire ressentir les effects, de son indignation. Mais (SIRE) à qui quittés vous cet Estat ? Il est à l'Eglise, le Pape n'en a rien de propre; qui vous a autorizé, ou qui peut justifier vostre conduite ? Est il permis'à un fils âine de depouiller sa mere ? La Religion reformée estoit vostre pretexte, pour envahir la Principauté d'Oranges, & l'unir a vostre Couronne ; ce sujêt cesse pour Avignon, & vous ne laissez pas d'en user de même. Où est la gloire, que la Trousse vous a acquis en troussant Avignon, & son estat & Comtat, qui n' étoit deffendüe que par la sousmission, les prieres, les larmes des gens d’Eglise, des autres Religieuses & d’ames innocentes. La convoitise de la vigne de Naboth alloit coûter cher au Roy Achab, s’il ne s'avoit pas humilié devant le Prophete... Il ne l'avoit pas demandé que par droit de bienseance, point pour rien, ny par force mais comme voisine à la sienne; le refus du pauvre Naboth luy coûta la vie: Ce n'étoit qu'un seul home; & vous SIRE, à combien de millemes innocentes croyez voué, que le droit de bienseance par lequel seul vous voulez excuser vos usurpations, a cousté la vie ? Ce n'est pas une Vigne, que Vôtre Majesté ravit à l'Estat de l'Eglise Romaine, c'est un Avignon avec son Comtat: ce n'est pas un homme que vous voulez châtier, comme estoit Naboth, pour avoir refusé sa vigne; c'est le Vicaire de Dieu à qui vous en voulez, & qui refuse avec justice de flechir devant le fils de l'Eglise ; c'est un Pere commun de la Chrétienté, qui ne doit pas de soûmission à son enfant ; c'est au chef supreme que vous osez vous prendre, qui l'est par ordre de Dieu ; Il represente en successeur celuy contre lequel le Sauveur a dit, que toutes les Puissances, & les portes de l'enfer ne pourront jamais prevaloir fussent elle secondées de tous vos François, vos Bombes, & vos Carcasses. Soûvenez vous, SIRE, que le cris d’un oison au Capitole eveilla Rome pour donner la chasse aux Gaulois, les ancêtres de vos Peuples; Cette ville n'étoit pas consacrée au vray Dieu, comme elle l' est a present, ny au Trône d'un Monarque de l'Église ; croyez-vous que le foûdre du Vatican puisse faire moins de bruit par toute l'Europe, pour l'eveiller contre vous ? Elle est, SIRE, elle est deja allerte, elle est sur pied, & en armes par la juste disposition de Dieu, protecteur d'Innocent, & de l'Église qu'il luy a confié. Ce même Dieu a inspiré aux Princes Protestants de s'unir & allier avec les Catholiques, pour vous confondre, &c vous enseigner le respect qu'un fils âiné doit à son Pere (La Vérité chrétienne à l'audience du Roy très-chrétien: discours 1 - 3, 1689 - books.google.fr).

 

Guillaume-Henri, né à La Haye le 14 novembre 165o, succéda à son père dans la principauté d'Orange ; la charge de Stathouder fut rétablie en 1672 et le prince d'Orange en fut revêtu. Louis XIV fit prendre possession en 1673 de la principauté d'Orange au nom du comte d'Auvergne. A la paix de Nimègue, en 1678, elle fut rendue au prince ; mais le roi s'en saisit de nouveau, et elle ne fut restituée à Guillaume que par le traité de Ryswick, de 1697. Guillaume, qui en 1677, avait épousé Marie Stuard, fille de Jacques, duc d'York, qui devint roi d'Angleterre sous le nom de Jacques II, fut couronné roi d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, avec la princesse Marie son épouse, au mois d'avril 1689 , et reconnu roi par le traité de Riswick en 1697. Il mourut le 19 mars 1702, ayant institué pour héritier Jean Guillaume Frison, prince de Nassau-Dietz. Après la mort de Guillaume III, la place de Stathouder demeura vacante pendant 47 ans, et Louis XIV investit le prince de Conti de la principauté d'Orange, qui lui fut confirmée par le traité de paix d'Utrecht de 1713, par lequel le roi de Prusse, héritier de cette branche de Nassau, céda la principauté au roi de France (C. de Franquen, Recueil historique, généalogique, chronologique et nobiliaire des maisons et familles illustres et nobles du Royaume, précédé de la généalogie historique de la maison royale des Pays-Bas Nassau-Orange, 1826 - books.google.fr).

 

De la vigne de Naboth au Potager de Versailles

 

Près du palais du roi, Ă  Jezrahel, un homme considĂ©rable, Naboth, possĂ©dait une vigne que souhaitait Achab pour en faire un jardin potager. Il lui offrit un Ă©change ou un prix avantageux. Mais Naboth rĂ©pondit : «JĂ©hova me garde de vous donner l'hĂ©ritage de mes pères !» Les princes iniques ressemblent Ă  des enfants mal Ă©levĂ©s, surtout les nouveaux parvenus ou leurs fils; ceux-ci encore plus que ceux-lĂ ; car ces derniers s'Ă©lèvent d'ordinaire sur le trĂ´ne par des qualitĂ©s au moins apparentes, et ont Ă©tĂ© formĂ©s Ă  l'Ă©cole de la vie privĂ©e, ou bien Ă  celle de l'adversitĂ© et du pĂ©ril. Le fils d'Amri fut inconsolable du refus de Naboth, se jeta sur son lit, se tourna du cĂ´tĂ© de la muraille et se refusait Ă  manger. JĂ©zabel arriva, s'informa de la cause de sa tristesse, et, ayant appris qu'il avait offert au voisin un prix d'achat ou un Ă©change : «VoilĂ , dit-elle, comme tu fais le roi en IsraĂ«l ! Lève-toi, mange et sois en repos; c'est moi qui te donnerai la vigne.» Non moins astucieuse que cruelle, elle expĂ©dia, sous le sceau du roi, des lettres aux principaux de la ville, portant ordre de publier un jeĂąne, et, en cette occasion, de faire asseoir Naboth entre les premiers du peuple. VoilĂ  comme, sous le nom de son Ă©poux, elle affectait hypocritement la piĂ©tĂ© ainsi que l'estime pour le mĂ©rite d'un homme dont elle tramait la perte; car, dans les mèmes lettres, elle ordonnait de produire contre lui de faux tĂ©moins, comme s'il avait blasphĂ©mĂ© contre Dieu et contre le roi. Elle connaissait bien les hommes Ă  qui elle demandait un pareil crime. Ils obĂ©irent, des tĂ©moins parurent, Naboth fut conduit hors de la ville et lapidĂ©. AussitĂ´t qu'elle en fut informĂ©e, JĂ©zabel dit Ă  Achab : «Levez-vous et prenez possession de la vigne de Naboth, car il n'est plus» (RenĂ© François Rohrbacher, Histoire universelle de l'Église catholique, Tome 1, 1878 - books.google.fr).

 

Un premier potager, établi en 1631, sous Louis XIII, est situé approximativement à l'emplacement de l'hôtel du secrétariat d'État des Affaires étrangères, proche de l'église Saint-Julien, et s'étend jusqu'à l'actuel parterre du Midi et l'Orangerie. [...] En 1677, le directeur du potager, Jean-Baptiste de La Quintinye, est chargé de créer un nouveau potager aux dimensions qui soient en adéquation avec les besoins et la magnificence du château. [...] Les travaux commencent en 1677 avec l'élévation du mur d'enclos et se poursuivent jusqu'en 1683 (Versailles: Histoire, Dictionnaire et Anthologie, 2015 - books.google.fr).

 

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