Mazarinade

Mazarinade

 

II, 30

 

1653

 

Un qui les dieux d'Annibal infernaulx

Fera renaistre, effrayeur des humains :

Oncq' plus d'horreurs ne plus dire journaux

Qu'avint viendra par Babel aux Romains.

 

"journaux"

 

1652 Le Journal contenant les nouvelles de ce qui se passe de plus remarquable dans le royaume; 1665, 5 janv. Journal des Savants [littér. et sc., hebdomadaire puis mens.]; 1672 Journal du Palais [recueil des décisions des Cours souveraines]; 1683 Journal de médecine; 1777, 1er janv. Journal de Paris [1er quotidien fr., portant sur l'actualité] d'apr. E. Hatin, Bbg. de la presse périod. fr., 1866, passim, et M. Couperus, L'Étude des périodiques anciens, Colloque d'Utrecht, Paris 1973, id. Dér. de jour*; suff. -al* (avec, en a. fr. et m. fr., hésitation entre -al, forme sav. et -el, forme pop., Nyrop t. 3, § 303, -al l'ayant par la suite emporté); cf. lat. des gl. diurnalis « de jour, qui a lieu pendant le jour »; II est la substantivation de I; cf. le lat. médiév. diurnale attesté au sens « mesure de terre, proprement : surface de terre labourée dans une journée » en 704 ds Nierm., sens également rendu au XIes. par dies et diurnus, ibid., ainsi que par jornata, v. journée; à rapprocher du sens C, le lat. de l'époque impériale [acta] diurna, v. jour et diurnal; journal s'est d'abord appliqué à des publ. sav., le sens de « périodique relatant l'actualité » étant alors rendu par l'empr. à l'ital. gazette, ultérieurement évincé par journal (www.cnrtl.fr).

 

Les publications non livresques sous la Fronde

 

Le médecin Théophraste Renaudot (1586-1653), créature du cardinal de Richelieu, n’appartient pas à la corporation des libraires et imprimeurs de la capitale – laquelle y détient pourtant de jure l’exclusivité de l’impression et de la diffusion de l’imprimé. Sa Gazette bénéficie d’un monopole d’une étendue proprement exorbitante au regard de la législation des privilèges de l’époque. Imprimeurs et libraires ont eu beau protester et faire intervenir le parlement de Paris, Renaudot s’est vu confirmer en 1635, pour lui seul et ses héritiers, le droit de rédiger, imprimer et commercialiser dans tout le royaume les

 

gazettes, relations et nouvelles […] lettres, copies ou extraicts […] et autres papiers […] contenans le recit des choses passées et a[d]venuës ou qui se passeront tant dedans que dehors le royaume […] nonobstant toutes declarations, ordonnances, arrests, reglements et defenses faites ou à faire pour raison de [… l’] imprimerie et librairie (Lettres du Roy en forme de charte. Contenant le privilege octroyé par Sa Majesté à Thephraste Renaudot… et à ses enfans, successeurs et ayans droit..., février 1635).

 

Ce monopole, ce «système d’information», comme l’a qualifié Gilles Feyel, a donc contribué à détacher dès ses débuts la presse périodique française du monde du livre et de ses métiers et à en faire «la chose du roi» (ou plutôt de son principal ministre). En tant que tel, ce système était censé non seulement empêcher toute concurrence en matière de périodiques proprement dits, mais également tarir la production d’occasionnels et de relations éphémères qui jusque-là alimentait massivement les imprimeries de Paris comme de province. Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que l’un des premiers effets de la Fronde ait été la remise en question, au moins de facto, d’un monopole de l’information tributaire d’une gouvernance politique elle aussi contestée. Après avoir gardé le silence en 1648 sur nombre de troubles, à partir de janvier 1649 la Gazette de Renaudot, symbole de l’information officielle et monopolistique, entre dans une période de concurrence. [...]

 

Des périodiques publiés pendant la Fronde (parlementaire et des princes), portant le nom de Journal, Gazette, Courrier, Babillard (anti mazarin) ou Histoire journalière (pro gouvernemental) aucun ne semble quotidien. Ils paraissaient d'une manière irrégulière ou hebdomadaire. Des périodiques portant le nom de Journal : le Journal des principales audiences du parlement [de Paris] depuis l’année mil six cent vingt-trois…, par Jean Du Fresne, puis François Jamet de La Guessière, puis Michel Du Chemin paraît en 1646 ; le Journal poetique de la guerre parisienne, Dedié aux conservateurs du Roy, des loix et de la patrie, par M. Questier, dit Fort-Lys par Mathurin Questier [hebdomadaire] en 1649 ; le Journal veritab[l]e et des-interessé de tout ce qui s’est fait & passé tant à Saint Germain en Laye, qu’à Paris, depuis l’arrivée du roy audit lieu de Saint Germain, jusqu’à présent. Avec la deputation de la nobleße de Normandie & du parlement de Roüen [un seul no connu ; l’auteur promet un récit toutes les semaines] en 1652 ; le Le Journal contenant les no[u]velles de ce qui se passe de plus remarquable dans le Royaume… puis Journal contenant ce qui se passe de plus remarquable dans le Royaume… [hebdomadaire, paraissant tous les vendredis ; vendu aussi en recueil compilant les numéros précédents, d’après un avis paru dans le n° 9 du 25 octobre 1652] ; le Journal de tout ce qui s’ets [sic] passé par tout le royaume de France… [un seul n° connu] [considéré à tort par Moreau 1740 comme la 6e pièce du Journal contenant les nouvelles de ce qui se passe…] en 1652.

 

L'Histoire journaliere, paraissant en 1652, est attribuée par Moreau à Charles Robinet de Saint-Jean (1608 ?-1698), historiographe du Roi, un des rédacteurs de la Gazette de Théophraste Renaudot ; l’auteur est en fait l’abbé Jacques Gaudin, à qui Mazarin, « indisposé envers Renaudot qu’il jugeait trop tiède », a confié la rédaction de ce nouveau périodique gouvernemental (Carrier, II, 281-284) [prévu hebdomadaire, paraît en fait irrégulièrement] (Jean-Dominique Mellot, Les mazarinades périodiques : Floraison sans lendemain ou tournant dans l’histoire de la presse française ?, 2016 - revues.droz.org).

 

Mazarinades

 

Le phénomène des Mazarinades n'intéresse pas seulement l'historien des mentalités ou le lecteur curieux de sociologie politique : cette extraordinaire vague de libelles qui submerge le royaume tout entier constitue aussi un moment très particulier de l'histoire de la presse et du livre. Certes, la presse ne date pas de cette époque : des publications ponctuelles liées aux événements politiques, il y en a eu dès l'apparition de l'imprimerie, et ces « occasionnels » n'ont cessé de se multiplier au XVIe siècle jusqu'à atteindre sous la Ligue près d'un millier de pièces à Paris dans la décennie 1585-1594 ; pendant les troubles du début du règne de Louis XIII, les chiffres sont encore beaucoup plus importants : plus de huit cent cinquante publications, par exemple, conservées dans les bibliothèques européennes et américaines pour les deux années 1614-1615 ; et si l'on considère la presse régulière, nul n'ignore que son apparition est largement antérieure à la Fronde avec le lancement simultané en 1631 de plusieurs périodiques, dont la fameuse Gazette de Renaudot promise à l'avenir que l'on sait. Mais si la Fronde n'a pas à proprement parler innové, elle n'en a pas moins provoqué un mouvement d'une ampleur inconnue jusque-là : quoi de commun entre les quelques centaines de libelles des années les plus agitées de la minorité de Louis XIII et les deux mille mazarinades imprimées en 1649 ? Il est clair qu'on ne se trouve pas ici devant une évolution simplement quantitative : en conquérant, à la faveur des progrès de l'alphabétisation, de nouvelles couches du public, en se multipliant à l'infini, en devenant en quelque sorte un produit de consommation courante, le pamphlet a nécessairement changé de nature : de texte confidentiel et clandestin, il tend de plus en plus à devenir bulletin d'information ou libre tribune ; et, l'agitation politique - a fortiori la guerre civile - excitant les curiosités même dans les provinces les plus calmes, il se banalise jusqu'à fournir alors l'aliment essentiel du commerce de librairie, comme on le voit bien par les registres de Nicolas. C'est donc tout le petit monde de la plume et du livre, depuis l'écrivain de profession ou d'occasion jusqu'au colporteur en passant par l'imprimeur et le marchand-libraire, qui s'est trouvé secoué par cette gigantesque explosion de libelles. [...]

 

Plus régulier, plus authentiquement périodique - il paraissait chaque vendredi - est le Journal contenant les nouvelles de ce qui se passe de plus remarquable dans le royaume pendant cette guerre civile: onze numéros s'échelonnant du du 23 août au 31 octobre 1652. Il est rare, et n'a certainement pas connu une très grande diffusion : rien à voir par conséquent avec l'immense succès du Courrier français, pendant le blocus ; et à ce signe encore on constate la lassitude de l'opinion. Il est pourtant bien fait et donne beaucoup de nouvelles précises intéressant la vie parisienne ; mais il est politiquement très engagé, extrêmement favorable au parti des Princes, et par conséquent hostile non seulement aux Mazarins, mais encore à la vieille Fronde, comme on le voit notamment par son compte rendu très tendancieux de l'accueil fait par les Parisiens au cardinal de Retz à son retour de Compiègne à la tête de la députation du Clergé. Il était donc inévitable que le retour du Roi amène sa disparition (Hubert Carrier, La Presse de la Fronde : Les Mazarinades, Tome 2, 1991 - books.google.fr).

 

Carthaginois et "Babel"

 

De nombreuses mazarinades font du Cardinal Mazarin un tyran digne du Nemrod babylonien et porté à la cruauté comme les dieux carthaginois d'Annibal.

 

En toy tenaist l'humeur cruelle des Assyriens, & la perfidie des Medes, la molesse des Perses, la superbe des Macedoniens, la supercherie des Grecs, & la cruauté des Carthaginois, en toy toutes choses se trouuent, & ce que la nature a semé parmy les autres elle l'a recueilly & rassemblé en toy : les vns diront que tout cela a esté infus à toy auorton dés ta naissance (Le tableau du tyran Mazarin, 1649 - books.google.fr).

 

Pauure Nemrod, tu te confonds toy-mesme dans ta Babel.

 

Icare temeraire, tu presume d’aborder

le char triomphant du Soleil de iustice ;

mais en te precipitant, il t’abismera.

 

Petit Caligula, tu veux imiter le grand Dieu

tonnant, par ton bruit artificiel ; mais Ă  peine les

mouches s’en remuënt-elles. (LE RETORQVEMENT du foudre de Iupinet, contre luy mesme, à Paris, 1649 - philologic.mazarinades.org, Baptiste-Honoré-Raymond Capefigue, Richelieu, Mazarin, la Fronde et le règne de Louis XIV., Tome 5, 1844 - bbooks.google.fr).

 

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