Futurs contingents II, 13 1641 Le corps sans ame
plus n'estre en sacrifice. Jour de la mort mis en nativité, L'esprit divin fera l'ame
felice, Voiant le Verbe en son eternité. Pour Pierre Brind'amour le
sacrifice est la souffrance qui cesse Ă la mort, d'oĂą le "corps sans ame". Et il corrige "mis" en
"mise" car ce serait l'âme échappée du corps à la mort qui renaît Pain azyme Il faut croire comme un dogme de foi que l'un et l'autre
pain, azyme ou fermenté, est la matière valide du sacrement, approuvée par l'Église,
car rien ne manque, ni Ă l'un, ni Ă l'autre, de ce qui constitue le pain.
Jamais personne n'en a douté, sinon les Grecs schismatiques qui, s'attachant
opiniâtrement à Michel Cérulaire et à ses erreurs, ont osé soutenir que le pain
fermenté seul était du pain véritable; ils voient dans le levain comme l'âme
et la forme du pain qui nourrit et anime celui qui le mange; l'azyme, suivant eux, n'est qu'une vaine
pâte, qu'une pierre et comme un corps sans âme incapable de nourrir l'homme.
C'est pour cela qu'ils appellent vain et exécrable le Sacrifice des Latins,
comme n'ayant point la vraie matière du Sacrement; aussi nous nomment-ils
azymites, et ils nous détestent, nous anathématisent comme des hérétiques
communiquant avec les Juifs dans l'usage des azymes Et comme les Jésuites sont aux yeux des Jansénistes les novateurs par excellence, ils combattent le jésuitisme, le molinisme, le laxisme et tous leurs dérivés partout où ils croient les rencontrer. C’est en cela que consiste leur jansénisme, si bien que le cardinal Bona (1609-1674), consulteur à la Congrégation de l'Index et au Saint-Office, a pu définir les jansénistes de la manière suivante : «des catholiques fervents qui n’aiment pas les Jésuites». On pourrait dire que le jansénisme est la forme française de l’opposition des catholiques aux Jésuites (Augustin Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, 1924 - fr.wikisource.org). Le corps est un
tombeau "mis en nativité" au
masculin pose problème s'il s'agissait de l'âme (féminine) qui s'échappe du
corps mort. Mais le masculin peut ĂŞtre en rapport avec le corps dans
une conception platonicienne. L'âme incarnée dans un corps est morte comme dans un tombeau. L'âme meurt et le corps naît. Platon croyait, comme les Pythagoriciens, à la métempsycose.
L'âme connaît une série d'incarnations entrecoupées de stades où elle se trouve
sans corps. Naître, c'est s'incarner; mourir, c'est
se désincarner. Mais la mort physique correspond à une véritable renaissance
(au monde des Idées, qui est le monde naturel de l'âme). Inversement, ce que l'on appelle naissance correspond à une mort de
l'âme qui, littéralement, chute dans cette prison sensible du corps "Divin"
: Divination L'acception du terme "voiant"
comme devin, voyant, prophète date du XVème siècle (Dictionnaire étymologique,
Larousse, 1969). Il s'agirait dans ce quatrain de divination. Platon dit que l'Ame peut-estre
remplie d'un esprit divin & annoncer les choses futures; & Aristote
assure que si l'âme predit quelque chose, c'est lors qu'elle
est Possedee d'une humeur melancolique. Cecy est au liure des Songes & aux problemes.
Platon dit que le souverain Bien, c'est d'estre
semblable à Dieu & Aristote a mis la félicité aux biens de fortune. Platon
dit que la felicité vient de Dieu, Aristote dit
qu'elle vient de nos bonnes actions, & que nous l'acquérons selon notre
choix et notre désir Le «Verbe» dont parle ici saint Augustin désigne le
Logos ou Raison dont les stoïciens faisaient la cause de l'enchaînement des
choses dans le monde, — ou bien encore le Nous ou Intelligence, dont les
pensées éternelles constituaient, selon les platoniciens, le monde
intelligible, dont le monde sensible
était une imitation. Pour l'expliquer plus simplement encore, considérons que
le but de la philosophie grecque a été de rechercher l'ordre rationnel, par
conséquent immuable et fixe, qui est dans les choses; le Logos ou Intelligence
universelle n'est que la réalisation métaphysique, la projection de ce besoin;
il est, posé dans l'idéal, l'ordre même que le monde sensible réalise plus ou
moins imparfaitement. Mais la doctrine du Verbe Ă©ternel, ainsi comprise, a des corollaires
qui sont nettement incompatibles avec la foi chrétienne : à savoir l'éternité
de l'ordre qui se traduit, dans l'imagination, par l'affirmation de l'éternité
du monde — et l'éternité des âmes, puisque les âmes ne sont que des aspects
particuliers du Logos universel, et qu'elles collaborent Ă l'ordre du monde.
Donc la théorie du Verbe éternel, ou, si l'on veut, de l'ordre rationnel des
choses, prise dans sa plénitude, avec toutes ses conséquences, est incompatible avec la foi
chrétienne : si bien que nous arrivons à cette véritable incohérence : saint
Augustin est amené à rejeter comme fausses, parce que contraires à la foi, des
conséquences d'une philosophie dont il admet pourtant le principe. Quand il
s'agit de l'éternité des âmes, il fait jouer contre elle la révélation qui nous
enseigne que Dieu a créé l'âme. «Pourquoi, dit-il, ne pas en croire plutôt Dieu sur des matières qui échappent
aux recherches de l'esprit humain ?» — Et, quant à l'éternité du monde, il nous
somme de choisir entre cette doctrine et la fin surnaturelle que nous propose
la religion. On sait, en effet, que l'éternité du monde était imaginée par les
penseurs de la Grèce sous forme d'une série indéfinie de cycles ou de grandes
années qui se répètent l'une l'autre; d'où cette réflexion de saint Augustin :
«Comment est-ce une vraie béatitude, celle en l'éternité de laquelle on ne
peut croire, s'il y a toujours retour des mêmes misères ? Et, d'autre part, le
Christ n'est mort qu'une fois.» Par conséquent il n'y a pas du tout chez saint
Augustin une philosophie chrétienne, c'est-à -dire une conception de l'univers
entée sur le dogme. La seule philosophie qu'il connaisse, la seule que nous
trouvions chez lui, c'est la philosophie de Platon et de Plotin. Saint Augustin
ne connaît aucune autre culture intellectuelle que la culture païenne, humaine,
pourrait-on dire, et il ne la demande pas à la croyance chrétienne. Il a pu
avoir un moment la pensée que la spiritualité de Platon coïncidait avec
l'enseignement du Christ; mais il ne l'a pas gardée, et la philosophie reste
chez lui comme un corps étranger, toujours menacé dans son existence C'est dans la "connaissance" de la raison qui
préside à l'enchaînement des événements que réside la capacité de divination du
voyant. Cela peut ĂŞtre une des explications de la voyance pour ceux qui
l'estiment possible. Platon ne croĂŻoit qu'un Dieu
suprĂŞme, spirituel & invisible qu'il appelle l'Estre
ou l'Estre mĂŞme, le bien mĂŞme, le Pere
& la Cause de tous les Estres. Il mettoit sous ce Dieu suprĂŞme un Estre
inferieur qu'il appelle la Raison, "logos", le Conducteur des choses presentes & futures, le Créateur de l'Univers. Enfin il
reconnoissoit un troisiéme Estre qu'il appelle l'Esprit ou l'Ame du Monde Citons le magnifique passage dans lequel Platon enseigne
Ă l'homme Ă cultiver en lui le sens divin pour s'Ă©lever Ă l'immortalitĂ©, Ă
Dieu, par la pensée comme par la vie, choses que Socrate et Platon ne séparent
point : «Celui qui, par l'amour de la
vérité, travaille surtout à développer en lui le sens de l'immortel et du
divin, celui-là , nécessairement, atteindra l'immortalité autant que la nature
humaine en est capable; et puisqu'il n'a cultivé en lui que le divin, et qu'il
a nourri dans son âme l'esprit divin qui y réside, il doit aller à la
souveraine félicité. Or, toute vie s'alimente par son aliment propre et par
le mouvement qui lui convient. Mais le divin qui est en nous a pour naturels
mouvements les pensées et les mouvements universels. Ce sont là les pensées et
les mouvements sur lesquels tous les hommes devraient se régler; tous devraient
travailler Ă corriger en eux, par la contemplation de l'harmonie et des
mouvements du tout, ces mouvements propres et déréglés que la génération a
excitĂ©s au foyer de notre âme, afin que le contemplateur, devenant semblable Ă
l'objet contemplé, reprît sa première nature, et, par cette divine
ressemblance, devînt propre à posséder enfin la vie parfaite, que Dieu présente
aux hommes et pour le temps présent et pour l'éternité» (Timée 90) A l'époque de la renaissance, quand la philosophie de
Platon passa de la Grèce en Italie, presque tous les esprits étudièrent
l'astrologie : l'école de Florence, représentée par Benivieni,
Marsile Ficin et d'autres prĂŞtres de Santa Maria del Fiore, l'enseignait publiquement dans ses vers : le
prédicateur la prêchait même en expliquant dans la chaire l'évangile du
dimanche. A Rome, le moine prédisait la fin du monde, qu'il lisait dans les astres.
LĂ©on X, au nom dela religion proteste contre ces
superstitions et défend d'effrayer l'imagination des fidèles par des peintures
tirées d'un monde imaginaire. Machiavel avait dit en parlant des Florentins: Ce
ne sont pas des enfants, et ils croient pourtant aux prédictions de Savonarole.
Le pape ne voulut pas que le prêtre répétât en chaire le rôle du dominicain. Il
avait vu quel parti l'incrédulité pouvait tirer de ces révélations
surnaturelles que certaines âmes voulaient s'attribuer, et il défendit, de
toute l'autorité de sa parole, confirmée encore par l'assentiment du sacré
concile, à quiconque enseignait en chaire, dans un cloître ou dans un livre, de
prédire des événements dont Dieu seul s'était réservé le secret. L'autorité
suprĂŞme avait besoin de protester contre des superstitions qui Ă©taient
protégées comme autant de vérités, non-seulement dans quelques universités
italiennes, mais jusque dans les couvents de l'Allemagne. C'est ainsi qu'Ă
Spanheim, sur les bords du Rhin, l'abbé, dont l'orthodoxie n'était pas plus
douteuse que la science, Tritheim, vénéré de Jules
II, avait publié le secret de se mettre, à l'aide des esprits célestes, en
communication avec une personne absente (Steganographia : hoc est ars per occultam scripturam
animi sui voluntatem absentibus aperiendi certa. Darmstadt, 1621; publié
pour la première fois à Lyon en 1531). Non pas que le pape nie que Dieu ne
puisse se révéler à des créatures privilégiées et que ces créatures ne puissent
prédire l'avenir; il l'a dit, il le croit, et le déclare formellement; mais il
veut qu'on éprouve ces âmes qui annoncent les futurs contingents, et que les
révélations que l'Esprit saint peut leur communiquer soient soumises à celui
qui Dieu dit par la bouche de son Christ : «Vous êtes Pierre, etc..» Dans une scolie anonyme de l'Ambrosianus
L. 93 présenterait une critique de de la doctrine stoïcienne déjà fait par
Alexandre dans le De fato, selon laquelle tout ce qui
dépend de nous s'accorde avec la doctrine du destin. De plus, le terme qui
désigne le libre-arbitre, fréquent chez Plotin, Proclus et Jamblique, se trouve
aussi attribué à Chrysippe. S'il en est ainsi, l'importance de cette scolie
anonyme ne réside pas seulement dans le fait qu'elle témoigne de
l'interprétation astrologique des futurs contingents, mais aussi qu'elle la
relie Ă la doctrine stoĂŻcienne du destin (mĂŞme s'il ne s'agit pas d'une
citation directe de Chrysippe et s'il est très probable que Chrysippe n'ait
jamais utilisé ce mot). [...] À l'époque néoplatonicienne, l'astrologie commence
à être prise au sérieux. Tous les néoplatoniciens semblent l'accepter dans sa
version soft ptolémaïque. Porphyre (IIIe-IVe siècles) et Proclus (Ve siècle)
produisent des commentaires du Tetrabiblos de
Ptolémée. Mais en réalité, la distinction entre astrologie hard et soft est
souvent difficile Ă Ă©tablir Ă cause du mysticisme, qui implique un rapport et
une union directe avec la divinité, et d'une conception ambiguë du libre
arbitre, que l'âme exerce, en dernière instance, en dehors de la vie mortelle
et en se séparant du corps. [...] Chez Aristote nous n'avons pas de traces de l'astrologie
des horoscopes. La seule action des astres qu'il admet est le mouvement du
soleil sur l'écliptique qui règle les saisons et le mouvement général de la
génération et de la corruption, mais cela appartient au domaine de la physique
et n'implique aucune action intentionnelle ni personnelle des astres sur la vie
humaine. [...] Nous savons en revanche qu'Aristote n'admettait pas la
divination des événements futurs. La plupart des rêves véridiques, dit
Aristote, sont des coĂŻncidences (sumptĂ´mata) et
notamment pour ce qui concerne les événements extraordinaires et dont le
principe n'est pas dans le rêveur, comme la prévision d'une bataille navale ou
d'événements lointains. La prévision exacte d'un événement est seulement une
question de chance, un peu comme ceux qui jouent Ă pair et impair. Et si
Aristote admet une certaine aptitude à réussir dans les prévisions, il
l'attribue Ă des raisons purement physiologiques et psychologiques et
l'identifie à une capacité exceptionnelle, chez certain individus, à saisir,
plus rapidement que les autres, les enchaînements des événements dans les
situations présentes et à en imaginer les conséquences dans le futur Pour ne pas abuser en rapportant une multitude d'autres
témoignages, il suffit de voir dans Cicéron, traité Sur le destin, comment les
stoĂŻciens qu'il introduit dans la discussion aiguisent leur intelligence et
font tous leurs efforts pour concilier la liberté avec l'ordre immuable du
destin, et répondre aux objections de leurs adversaires; et comme ils
dissertent subtilement sur les questions, devenues si fameuses dans les Ă©coles
chrétiennes, de la vérité déterminée ou indéterminée des propositions qui
regardent les futurs contingents. Cela suffit, disons-nous, pour faire
comprendre que pour les stoĂŻciens, poser le destin et enlever le libre arbitre
ou introduire une aveugle et insurmontable nécessité, n'étaient pas une seule
et même chose. Si nous voulons considérer le destin par rapport à Dieu, nous
trouverons que les stoïciens ne s'éloignaient pas beaucoup des idées de Platon,
et par ce nom ils entendaient l'inviolable exécution des immuables et éternels
décrets de la Providence. Ainsi Chrysippe a défini le destin la raison du monde
ou la loi des choses qui sont dans le monde, administrées par la Providence;
enfin la loi selon laquelle les choses passées ont élé
faites, les choses présentes se font, et se feront les choses futures. (Plutar. De plac. lib. i, cap. 28.) Contingences et vision béatifique Voici à cet égard un quatrain sans aucune équivoque : Le corps sans ame plus n'estre en sacrifice, / Jour de la mort mis en nativité (Si nous avons bien compris ces deux vers, le jour de la mort prévisible par l'horoscope d'un sujet, ne devrait pas effrayer le devin puisque la mort, libérant l'âme, lui permettra alors l'accès à l'existence suprasensible (plus n'estre en sacrifice)) : l'esprit divin fera l'âme felice (heureuse), / Voyant le Verbe en son esternité (la vision béatifique) (Serge Hutin, Nostradamus et l'alchimie, 1988 - books.google.fr). La prophétie réalisée avait toujours été regardée comme le miracle le plus probant, la prévision des futurs contingents étant manifestement réservée à la prescience divine (Albert Monod, De Pascal à Chateaubriand: Les defenseurs francais du Christianisme de 1670 à 1802, 1916 - books.google.fr). A son degré suprême (perfectio divinæ revelationis), la révélation divine trouve sa réalisation au ciel c'est là que les mystères les plus élevés et les futurs contingents sont révélés parfaitement en Dieu, dont les bienheureux ont la vision béatifique grâce à une lumière, le lumen gloriæ, perfection à l'état de forme permanente par rapport au lumen propheticum, qui n'existe que par mode transitoire et imparfait (Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, Volume 34, 1947 - books.google.fr). Les ascètes extatiques - Sufis - espèrent parvenir au-delà —des contingences du monde matériel, à la vision béatifique et immédiate de la Face divine, à l'Union avec le bien-aimé (Farid Jabre, La notion de la ma'rifa chez Ghazali, 1958 - books.google.fr). "Jour de la mort" et "nativité" : les enfants morts-nés Les anciens Peres estans d'accord que les enfans qui meurent deuant l'vsage de raison, & sans que le peché originel leur soit remis, seront priuez de la vision beatifique de Dieu, ils ont recogneu un lieu où ils sont constitués, que nous appellons Limbes des enfans morts nez, lequel apres le iour du iugement sera en la partie superieure de l'Enfer (Joachim Forgemont, Repliques aux prétendues responses faictes par P. du Moulin, ministre de Charentonneau, 1615 - books.google.fr). Comme Jansenius, Conrius part du principe de l'autorité absolue de S. Augustin en matière de la grâce. A la suite de ce Docteur, il soutient que les enfants morts sans baptême ne sont pas seulement privés de la vision béatifique, mais sont encore sujets aux peines sensibles de l'enfer. Pour établir cette opinion, il reprend les arguments scripturaires de S. Augustin, et les développe à sa suite. Quant aux preuves théologiques, il s'appuie sur ces deux considérations : la déchéance de l'état de nature élevée a été pour les démons la seule cause des peines sensibles qu'ils subissent; de même, d'après la croyance de l'Église universelle, la chute d'Adam ne nous a pas seulement rejetés dans un état de pure nature : elle a entraîné un désordre dans nos facultés naturelles. Conrius en conclut que le péché de nature que tous les hommes contractent dès leur conception, mérite une peine positive. Les enfants morts sans baptême la subissent en enfer; mais, de l'avis de S. Augustin, leur peine sensible est très légère, attendu que le péché originel est le plus léger des péchés mortels. Jansenius discute longuement la question de savoir si, d'après Pelage, les enfants morts sans baptème ne jouiront pas de la vision béatifique. Après avoir donné plusieurs arguments pour et contre, il s'arrère à la réponse négative; car, dit-il, les pelagiens aflirmèrent explicitement que les enfants naissent dans un état naturel (Albert de Meyer, Les premières controverses jansénistes en France (1640-1649), 1919 - books.google.fr). On convint communément que l'erreur de Pélage consistait à attribuer aux enfants morts sans baptême la vision béatifique dans un lieu distinct du royaume du ciel (Edmond Perrin, Le cardinal Billot et le dogme du péché originel, Revue d'histoire et de littérature religieuses, Volume 7, 1921 - books.google.fr). Jansen promu en 1636 å l'évêché d’Ypres, mourut le 6 mai 1638, un mois avant l'arrestation de son ami, laissant une grande réputation de piété et de charité. Il venait, après un travail de vingt-trois ans, d'achever son Augustin, ou de la doctrine de S. Augustin, concernant la santé, maladie et guérison de la nature humaine contre les Pelagiens et Marseillais (c'est-à -dire les Semi-Pelagiens). Ses amis le publièrent en 1640; il fut réimprimé à Paris en 1641 (Friedrich Schoell, Cours d'histoire des etats europeens, depuis le bouleversement de l'Empire romain d'occident jusqu'en 1789, Tome quatrième, 1832 - books.google.fr). Cf. quatrain IV, 31 - La vision béatifique - 1800-1801. La fréquente communion «cette troupe d'hommes charnels, qui composait le Vieil Testament, ne savait ce qu'elle faisait en
représentant les mystères de l'Évangile [...]. Les comédies des hommes ne
représentent que les choses passées [...], au lieu que la représentation de
l'Ancien Testament n'était que des choses futures.» Avec cette image,
Jansénius, loin de rendre méprisable l'Ancien Testament, a voulu au contraire «le relever autant qu'il le peut être dans la vérité; puisque sa plus grande
gloire consiste à avoir été une admirable représentation des mystères de Jésus-Christ
et de son Église [...], selon la parole expresse de saint Paul : Toutes choses
leur arrivaient en figure (1 Corinthiens, 106)» L'ouvrage d'Antoine Arnauld, De la fréquente communion,
connaît un grand succès en 1643. Il préconise de différer l'absolution et
promeut la privation de communion comme moyen d'ascèse Écrit en français, il contribuait à diffuser très
largement les idées de Saint-Cyran, notamment sur la
pénitence et la communion. Le frontispice, dessiné par Philippe de Champaigne
et gravé par François de Poilly pour l'édition de
1648, illustre la parabole des invités à la noce (Matt. 22, 1/14), considéré
comme le principal récit biblique sur la prédestination : l'invité indigne est
rejeté hors de la salle où doit se dérouler le festin des noces («beaucoup
d’appelés, peu d’élus») Contingences On voit dans la Cité de Dieu et De Trinitate
la préoccupation dominante de saint Augustin, de sauvegarder la pleine
immutabilité de Dieu en affirmant sa parfaite science des choses futures (ou
passées) au moyen de ses Idées exemplaires et créatrice : c'est donc avant tout
dans ces Idées générales que tout est présent à la science divine. Pourtant
certains textes du deuxième groupe disent assez clairement que ces Idées, pour
que Dieu sache ce qu'il fera, contiennent aussi les choses et les faits
individuels du futur. Mais cette précision de la prescience divine comme «vision des faits futurs dans le Nunc stans de
l'éternité», qui sera explicite en saint Thomas, I P., q. 14, a. 13, reste
implicite en saint Augustin La saisie de l'universel dans le singulier est le
problème fondamental de l'épistémologie de cette époque et la lutte qui
s'engage lors de la querelle des universaux se poursuit sous des formes
diverses. On peut faire simplement allusion Ă la querelle des futurs
contingents, querelle surtout centrée à l'université de Louvain, et qui porte
sur les doutes issus de la difficulté de concilier la prescience divine avec la
contingence des choses terrestres. Une telle querelle, simple thème de dispute,
ou du moins simple question de spécialistes, dont déjà , cependant, le Roman de
la rose se faisait l'écho, deviendra, au XVIe siècle, une des questions
principales posées par la Réforme puis, au XVIIe siècle, par le jansénisme D'où Dieu sait-il que telle
occasion nous étant fournie, notre libre arbitre prendra telle décision ? Les
Déterministes, comme Leibniz, et les Augustiniens du type Jansénius ou Fromond répondent : il le sait, parce qu'il peut calculer
quelles seront, dans cette occasion, la force et la direction des délectations (ou,
si l'on préfère, des mobiles) qui pèseront sur la volonté. Les Thomistes et les
Augustiniens du type Arnauld ou Quesnel répondent : il le sait, parce qu'il
sait si, oui ou non, dans cette occasion, il est décidé à donner sa prémotion physique, en vertu de laquelle, immanquablement,
la volonté créée doit se porter du côté du bien, et faute de laquelle,
immanquablement, elle doit tomber du côté du mal. Enfin, les Molinistes
répondent : il le sait, parce que sa
science moyenne lui découvre quelles seraient en fait, par rapport aux divers
ensembles de conditions devant lesquelles elle pourrait se trouver, les
décisions de chaque volonté humaine, cela sans qu'il y ait entre ces décisions
et ces conditions le moindre lien causal, et sans que la volonté humaine subisse aucune prémotion
déterminante. C'est cette science moyenne — non pas la science divine en
général, laquelle comprend la science de simple intelligence concernant les
possibles et leurs relations nécessaires, et la science divine concernant les
futurs contingents, - c'est cette science des futurs conditionnels ou
futuribles, qui est le véritable instrument du gouvernement de Dieu, suivant un
Molina, comme aussi (quoique d'une façon un peu différente) suivant un Vasquez
ou un Suarez, ou encore un Malebranche Deux écoles s'affrontent : les déterministes pour lesquels les futurs contingents n'existent pas et les partisans du libre-arbitre. Pour ces derniers, les futurs contingents existent car de nombreux événements dépendent de notre propre volonté. Par exemple : «il pleuvra demain» est un futur non contingent car nous ne pourrons pas faire la pluie et le beau temps. Mais «j'écrirai demain» est un futur contingent car cette action dépend de mon libre arbitre (Pierre Anglès, Etudes des rapports entre le mythe et la politique chez Platon, 1999 - books.google.fr). Avant d’être nommé évêque d’Ypres, Cornelius Jansénius
(1585-1638) enseigna la théologie à l’université de Louvain, bastion de
l’augustinisme. Héritier de Baius et fervent
défenseur de ses positions, il rédigea, entre la fin des années 1620 et 1636
environ, une synthèse de la doctrine augustinienne de la grâce qui présente de
manière systématique la pensée que saint Augustin avait disséminée dans de
multiples œuvres. Le livre ne fut pas publié par Jansénius lui-même, emporté
par la peste en 1638, mais par ses disciples. L’édition originale parut à Louvain en 1640, munie d’un frontispice
où s’exprime l’esprit de combat qui préside à l’ouvrage : saint Augustin,
tenant dans la main gauche son cœur enflammé par l’amour divin, foule aux pieds
l’hérésiarque Pélage et ses disciples Cælestius et Julien,
pour qui la nature humaine n’a pas été corrompue par le péché d’Adam et peut
incliner au bien sans le secours de la grâce. Autour du centre que forme le
père de l’Église sont disposés en cercle le pape Innocent Ier, qui prononça en
417 la première condamnation du pélagianisme, et ses trois successeurs
immédiats qui la renouvelèrent, Zosime, Boniface et Célestin : cohorte de papes
de la primitive Église qui illustre par sa seule disposition l’adage Ubi est Augustinus, ibi est Ecclesia («là où est
saint Augustin, là est l’Église»). Aux yeux de Jansénius et des théologiens
augustiniens de Louvain, le molinisme n’était autre qu’un néo- ou
semi-pélagianisme, contraire à la vraie et invariable doctrine de l’Église. Le livre de Jansénius fut édité dès 1641 en
France. Il est certain que Pascal en prit connaissance bien avant de
s’engager dans la campagne des Provinciales, dès sa «première conversion» : non seulement on
décèle des traces de sa lecture dans le projet de préface du Traité sur le vide
rédigé au plus tard en 1651, mais en 1647 déjà , au moment de l’affaire
Saint-Ange, Pascal et ses amis Auzoult et Hallé de Monflaines s’enquièrent
de l’avis de leur interlocuteur sur les thèses de Jansénius Leibniz (1646 - 1716) commence par déclarer que «les philosophes conviennent aujourd'hui que la vérité des futurs contingents est déterminée», suggérant par là qu'autrefois il en allait autrement. Et, en effet, cette opinion renverse l'opinion d'Aristote. Dans le chapitre 9 du Péri herménéias, celui-ci énonce deux choses. Premièrement, parce qu'ils sont contingents, les futurs sont indéterminés. Ce qui est vrai, d'une vérité déterminée, c'est l'alternative, mais ce n'est ni l'un ni l'autre des deux membres de l'alternative : c'est que tel événement arrivera ou n'arrivera pas, mais ce n'est ni que tel événement arrivera, ni que tel événement n'arrivera pas. Car, pour Aristote, il n'est pas question de sacrifier le principe de contradiction à la contingence du futur. De manière générale, comme Leibniz le précise dans l'article 169 de la 2e partie, on ne peut que refuser d'exposer le principe de contradiction aux débats sur la contingence ou la nécessité des événements; sinon, au rapport de Cicéron dans son De fato, on le nierait, avec Épicure, afin d'établir la contingence, ou on le restaurerait, avec Chrysippe, afin d'établir la nécessité. Deuxièmement, parce qu'ils sont contingents et indéterminés, les futurs n'ont pas le même statut que les présents et les passés. La vérité des présents et des passés est déterminée parce que, avec leur actualisation, ils sont devenus nécessaires. Comme le dit Aristote, «que ce qui est soit, quand il est, et que ce qui n'est pas ne soit pas, quand il n'est pas, voilà qui est nécessaire». La vérité des futurs est indéterminée parce que les futurs ne sont pas en acte, mais seulement en puissance (Hélène Bouchilloux, Le jansénisme dans les Essais de théodicée de Leibniz, Le jansénisme et l'Europe: actes du colloque international, organisé à l'Université du Luxembourg, les 8, 9 et 10 novembre 2007, 2010 - books.google.fr). Mais si la prescience de Dieu n'a rien de commun avec la
dépendance ou indépendance de nos actions libres, il n'en est pas de même de la
préordination de Dieu, de ses décrets et de la suite
des causes que je crois toujours contribuer à la détermination de la volonté.
Et si je suis pour les molinistes dans le premier point, je suis pour les prédéterminateurs dans le second, mais en observant
toujours que la prédétermination ne soit point nécessitante. En un mot, je suis
d'opinion que la volonté est toujours plus inclinée au parti qu'elle prend,
mais qu'elle n'est jamais dans la nécessité de le prendre. Il est certain
qu'elle prendra ce parti, mais il n'est point nécessaire qu'elle le prenne.
C'est Ă l'imitation de ce fameux dicton : Astra inclinant, non necessitant; quoiqu'ici le cas ne soit pas tout Ă fait
semblable. Car l'événement où les astres portent, en
parlant avec le vulgaire, comme s'il y avait quelque fondement dans
l'astrologie, n'arrive pas toujours; au lieu que le parti vers lequel la
volonté est plus inclinée ne manque jamais d'être pris. Aussi les astres ne
feraient-ils qu'une partie des inclinations qui concourent à l'événement; mais
quand on parle de la plus grande inclination de la volonté, on parle du
résultat de toutes les inclinations, à peu près comme nous avons parlé
ci-dessus delà volonté conséquente en Dieu, qui résulte de toutes les volontés
antécédentes (Essais sur la théodicée, 1710) Selon Jansénius, la presque totalité des théologiens
suivent dans leurs études une méthode défectueuse. Ils partent de
considérations philosophiques et établissent à priori certaines théories,
telles la liberté absolue et complète de la volonté, la
possibilité d'un état de pure nature, celle de la pratique des vertus par les
seules forces naturelles, etc. Cette méthode de procéder est condamnée par les
vrais principes qui doivent guider le théologien dans la recherche des vérités religieuses.
La théologie doit être basée avant tout sur l'Ecriture et la tradition, sources
de la révélation. Ce que l'intelligence humaine ne parvient pas à comprendre,
la discipline ecclésiastique le pose à croire. Telle est la règle unanimement
suivie par les Pères. En réalité, les sources de la révélation nous proposent
plusieurs vérités dont la raison intime, le quomodo,
nous Ă©chappe. Ainsi en est-il du dogme
de la sainte Trinité et de la prescience infaillible que Dieu possède des
futurs contingents. L'intelligence humaine peut s'efforcer de pénétrer ces
dogmes; mais outre qu'elle suit ainsi une voie dangereuse, elle se voit
nécessairement arrêtée aux limites que Dieu lui a imposées. Parmi les
vérités révélées, la grâce occupe une place importante. Elle est en effet un
secours spĂ©cial (sui generis) que Dieu donne aux hommes pour atteindre la fin Ă
laquelle il les a appelés. Or en parcourant la tradition relative aux questions
de la grâce, il est impossible de ne pas remarquer l'autorité qui revient en
cette matière à S. Augustin. Sa doctrine sur la grâce est évangélique,
apostolique, catholique, d'une autorité céleste et irréfragable. Plusieurs
conciles l'ont reprise pour leur compte et, à différentes occasions, les
souverains pontifes l'ont recommandée. Le théologien qui expose fidèlement la
doctrine de la grâce telle qu'elle a été enseignée par S. Augustin, ne saurait
verser dans l'erreur. D'après Jansénius, son ouvrage n'a pas d'autre but : il
n'y veut reproduire que l'enseignement du grand évéque
d'Hippone; pour le cas où il se serait trompé dans l'interprétation de la
pensée de ce Docteur, il s'en remet à l'autorité du Saint-Siège La prophétie réalisée avait toujours été regardée comme
le miracle le plus probant, la prévision des futurs contingents étant manifestement
réservée à la prescience divine |