D’un bûcher la peste IX, 11 2111-2112 Le juste à tort à mort l'on viendra mettre Publiquement, & du milieu estaint : Si grande peste en ce lieu viendra naistre, Que les jugeans fuyr seront contraints. Un bûcher en 1529 Mais plus cuidoit on estaindre ce feu, et plus fort s'alumoit (Jean Gerson) (stella.atilf.fr). À l'inverse, les martyres ont pu bouleverser des
assistants dans un tout autre sens ils suscitent parfois des vocations chez les
spectateurs, voire les prĂŞtres ou les bourreaux. FĂ©lix Flatter, jeune Ă©tudiant
bâlois en médecine, est venu étudier à Montpellier, de 1552 à 1557. Fin octobre
1552, il assiste au brûlement de Bibles et d'autres livres, imprimés «par les
nôtres» (il est protestant) ; en mai 1553, il écoute le témoignage de deux
autres étudiants bâlois fraîchement arrivés et qui viennent de voir les « cinq
de Lyon » monter sur le bûcher. Le 6 janvier 1554, il assiste au brûlement de
Guillaume d'Alençon, ancien prêtre montalbanais, qui avait rapporté des livres
de Genève entassés à ses pieds, ils sont brûlés avec lui. L'homme, déjà dégradé
de son état sacerdotal, doit être porté tant il est affaibli ; mais il chante
des psaumes, s'assied sur le bûcher, retire et plie soigneusement ses
vêtements, et exhorte à ne pas faiblir deux autres condamnés qui l'entourent et
que la peur terrasse, un tondeur de draps (qui a une botte de paille attachée
sur le dos) et un jeune homme de bonne famille. Immédiatement après le supplice
éclate un violent tonnerre «Je l'ai entendu de mes oreilles, et bien d'autres
avec moi», note Platter, qui ne craint pas de parler de Wonder (merveille). Le
martyre comme imitation de la Passion du Christ. Les réformés seraient-ils à l'affût de signes venus de Dieu ? Crespin
et Bèze notent, après la mort de Louis de Berquin, et à partir d'une date
fausse... : «La nuit suivante (qui fut la veille de
saint Martin), les blés gelèrent en France, dont s'ensuivit famine et peste en
plusieurs endroits. Tandis que Satan jouait ses tragédies à Paris, Dieu
besognait quasi par tout le royaume, vérifiant ce qui a été très bien dit par
un ancien, Ă savoir que le sang des martyrs sert de fumier Ă la vigne du
Seigneur, pour la faire tant plus fructifier» (Patrick
Cabanel, Histoire des protestants en France: XVIe-XXIe siècle, 2012 -
books.google.fr). Louis de Berquin,
né vers 1490 à Vieux-Berquin et brulé le 16 avril 1529 à Paris, est un avocat,
fonctionnaire, linguiste et réformateur religieux français. Le Parlement le condamna à être brûlé avec
ses livres et ordonna l’exécution place Maubert,
le jour même, «en grande diligence afin qu’il ne fût secouru du roi ni de
Madame la régente qui étaient alors à Blois», dit le Journal d'un bourgeois de
Paris (fr.wikipedia.org
- Louis de Berquin, fr.wikipedia.org
- Vieux-Berquin). Place Maubert On y pendit, le 19 septembre 1528, un jeune homme de
vingt ans, un domestique, accusé d'avoir, avec un complice pendu au même
endroit huit jours avant, assassiné son maître. Il y avait une demi-heure que
l'exécution était terminée victime pour aller jeter son corps dans le charnier
de Montfaucon, que, mal pendu, le jeune homme vivait encore. Il s'apprĂŞtait Ă l'achever
d'un coup de poignard lorsque des femmes du quartier, qui assistaient Ă cette
scène, l'en empêchèrent en criant à tue-tête qu'il y avait là un miracle. Le
jeune domestique profita vite de l'occasion. Il s'empressa de dire qu'au moment
où il allait être jeté dans le vide, il avait à nouveau imploré Notre-Dame de
la Recouvrance honorée dans le des Carmes voisin, et que, sitôt mort, il avait
constaté qu'on le ressuscitait... On le transporta dans ce couvent, on le
coucha dans un bon lit et on le soigna si bien que, deux jours après, il ne se
ressentait plus de sa pendaison. Mais un sergent était resté en faction près de
lui. L'enquête, reprise, démontra d'ailleurs l'innocence du jeune homme, ce qui
justifiait le miracle. En fait, c'était la femme de son maître qui avait tué ce
dernier. Quelques huguenots ne
manquèrent pas de se gausser de cette histoire, disant que la Vierge n'avait
fait les choses qu'à demi puisqu'elle n'avait pas ressuscité aussi le premier
domestique, tout aussi innocent que le second. Les autres exécutions furent
bien plus tragiques. Elles eurent
surtout pour but de réprimer ce que Louise de Savoie, régente pendant la
captivité de son fils François Ier, appelait ceste malheureuse et damnée secte
et hérésie de Luther qu'il falloit empescher de pulluler en ledict
royaume... Aussi verra-t-on place Maubert les
supplices ci-après : 1526 : Guillaume Hubert, licencié ès lois, étranglé et
brûlé après avoir eu la langue percée ; 1529, Louis Berquin, pendu et brûlé
avec ses livres ; 1533, Alexandre d'Evreux, pendu et brûlé ; Laurent de la
Croix, religieux jacobin, et Jean Pointet,
chirurgien, brûlés à petit feu ; 1540, Claude Lepeintre,
orfèvre, brûlé vif après avoir eu la langue coupée ; 1546, Etienne Dolet,
étranglé et brûlé; 1557, Philippe de Luns, la dame de
Graveron (23 ans), l'avocat Gravelle et Nicolas Clinet, brûlés vifs ; 1560, le libraire Martin Lhomme,
brûlé ; et quatre jours après, le commerçant Robert Dehors, pendu pour avoir
montré quelque compassion lors du passage du funèbre cortège du précédent... Tant
de protestants furent suppliciés sur cette place qu'elle devint un temps un lieu
de sainteté pour ceux qu'illuminait la foi nouvelle. Ces atrocités finirent même par émouvoir le
pape : «Adverty de l'exécrable et horrible
justice que le Roy François Ier faisoit en son
royaume sur les luthériens, Paul III luy manda qu'il pensoit bien qu'il le fist en
bonne part, néanmoins que Dieu, le créateur, a usé de plus de miséricorde que
de rigoureuse justice, et que c'était une cruelle mort de faire brusler vif un homme ; donc, le requéroit
de vouloir apaiser sa fureur et rigueur de justice, en leur faisant grâce et
pardon». Les plans de Paris de 1607 et 1608 montrent la place Maubert avec une potence : celui de 1609 en montre deux. On
y pendait encore au milieu du XVIIIe siècle, puisqu'un nommé François Masson,
qui avait volé les vases sacrés et les ornements de l'église des Bernardins,
fut pendu au gibet de la place Maubert le 12 juin
1752 (Jacques
Hillairet, Gibets, piloris et cachots du vieux Paris, 1956 - books.google.fr). Au milieu Dolet condamné, la sentence a été exécutée à Paris e 3
août 1546, au milieu de la place Maubert : il était âgé d'environ trente-sept ans (Paul
Jammes, Le bucher bibliographique, 1968 - books.google.fr). Un seul, Théodore de Bèze, encore jeune et jetant sa gourme libérale, osa pleurer Dolet et, au lendemain même du supplice, réhabiliter la victime dans une ode apologétique : «A la vue de Dolet brûlant au milieu du bûcher, il y eut un gémissement dans le chœur des Muses, ce chœur dont Dolet s'était longtemps entouré. Et de toutes les sœurs d'Aonie, il n'y en eut pas une, naïade, dryade ou néréide, qui, soit avec ses larmes, soit avec l'onde puisée à la fontaine de Pégase, n'essayât d'éteindre ces flammes si cruelles. Et à peine réduit en cendres, Dolet enveloppé d'une pluie de larmes, pouvait paraître avoir échappé à la mort, lorsque le Père des dieux tonna sévèrement du haut du ciel, comme importuné par l'effort des neuf Sœurs : Cessez, dit-il, d'envier son nouvel hôte au ciel ; le ciel ! c'est ainsi que mon Hercule l'a gagné.» Le bûcher de la place Maubert se dressa bientôt pour Pierre Chapot, Dauphinois (Arthur Heulhard, Rabelais: ses voyages en Italie, son exil à Metz, 1891 - books.google.fr). Une peste à Paris:
1531-1533 L'épidémie de 1531 fut une des plus graves de toutes celles qui affligèrent la capitale, si l'on en juge par les mesures administratives qui furent prises, dit le docteur Chereau. C'est à l'occasion de l'épidémie de peste de 1531 à 1533
que fut criée et publiée à son de trompe l'ordonnance que M. Léon Willem
réimprime aujourd'hui, et qui a été l'occasion de cette notice. Elle fut une
des plus graves de toutes celles qui affligèrent la capitale, si l'on en juge
par les mesures administratives qui furent prises. Dans ce siècle, la théorie
de la nature contagieuse des maladies dites pestilentielles règne dans toute sa
plénitude. On s'imagine que le mauvais génie peut se transmettre, non-seulement
par la cohabitation avec un malade, mais encore par les vĂŞtements, les meubles,
les ustensiles qui lui ont servi ; il y a même tels tissus qui sont regardés
comme particulièrement susceptibles de servir de refuge au mauvais air : les
lainages, les fourrures ont surtout cette propriété, qu'ils doivent sans doute
au relâchement des fils qui les composent, au moelleux de leur trame, à leurs
nombreuses lacunes, dans lesquelles le virus doit trouver un abri assurĂ©. De lĂ
les mesures prises par le Parlement, et l'ordonnance en question : les maisons
infectées auront aux fenêtres et à la principale porte, une croix de bois, afin
que chacun puisse savoir oĂą est le danger et ne pas s'y exposer. Toute personne
qui aura été malade, tout membre de sa famille, tout habitant même de la maison
habitée par ce malade, ne pourront circuler dans la ville, sans avoir à la main
une baguette ou un bâton de couleur blanche. Défense absolue de faire entrer
dans Paris ou dans les faubourgs, ni lits, ni couvertures, courte-pointes,
draps de laine, serges, rideaux, «ne autres biens oĂą la peste peult retenir;» la mĂŞme dĂ©fense s'applique aux objets Ă
transporter d'une maison infectée dans une autre. Les fripiers, les priseurs,
les couturiers, les revendeurs, etc., ne pourront mĂŞme plus continuer leurs
métiers, relativement à ces tissus, «où la peste et mauvais air se peult retenir.» Le Parisien n'aura plus le loisir d'aller
aux étuves; les propriétaires de ces derniers établissements s'abstiendront
jusqu'au prochain jour de Noël, c'est-à -dire pendant près de cinq mois, de
chauffer les dites Ă©tuves ; on craignait Ă©videmment le rapprochement entre les
gens sains et les gens contaminés. Tout marraut, tout
mendiant sera impitoyablement rejeté de l'intérieur des églises. Les ladres ou
lépreux, habitants de Paris, se retireront en leurs maladières.
Les chirurgiens et barbiers seront tenus de ne point jeter dans la partie de la
Seine comprise dans l'enceinte de Paris, le sang des saignées qu'ils auront
pratiquées, mais de le porter au-delà de cette enceinte, au-dessous de
l'Ă©corcherie aux chevaux.Ces mĂŞmes chirurgiens, s'ils
ont été convaincus d'avoir saigné des lépreux, devront s'abstenir de pratiquer
leur métier pendant un temps déterminé par la justice. Les - mêmes prohibitions
s'appliquent aux maréchaux qui recevront dans un vase le sang provenant de la
saignée des chevaux, et qui iront jeter ce sang aux voiries, hors la ville et
les faubourgs. On leur défend aussi d'entretenir leurs forges avec du charbon
de terre ; on s'imagine que les vapeurs bitumineuses répandues par ce
combustible, alors nouveau, peuvent aider le fléau dans ses manifestations.
Excellente mesure : le pavé devant les maisons, sera réparé s'il est mauvais ;
soir et matin, «mesmement dedans le ruisseau,» on
arrosera ; on empĂŞchera l'engorgement des Ă©gouts, on laissera l'eau du
ciel tomber en toute liberté, sans balayer ni nettoyer durant cette pluie ;
défense de jeter par les fenêtres quoi que ce soit en fait d'ordures, d'eaux ;
de garder longtemps dans les maisons les urines et les eaux ménagères.
Dorénavant, et à l'avenir, défense est faite de vider dans la rue les ordures
des maisons ; on les mettra dans des paniers, le long des maisons, oĂą elles
seront prises de suite par des charretiers pour être jetées en dehors de la
ville. Ces charretiers sont appelés à une grande diligence dans le débarras de
ces ordures ; la planche qui ferme le derrière de leurs tombereaux, devra être
aussi haute que celle de devant, afin que les immondices ne puissent tomber sur
la voie publique. DĂ©fense est faite aux bouchers, charcutiers, rĂ´tisseurs,
vendeurs de volailles, etc., d'entretenir chez eux, dans la ville de Paris, des
co- chons, des pigeons, des
poules, etc. Les propriétaires de maisons seront tenus de faire creuser
immédiatement des latrines dans leurs propriétés ; les vidangeurs ne pourront
vider ces fosses qu'après en avoir demandé l'autorisation à qui de droit. Est
expressément défendu l'étalage des draps aux fenêtres donnant sur la rue. Les
examinateurs-commissaires au Châtelet, les quarteniers, les dizainiers, les
cinquanteniers, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution de
ces différents points. Tel est le résumé succinct de l'ordonnance du 26 août
1531. Mais ce dont ne parle pas ce curieux document c'est la création des
Prévôts de la santé, lesquels, aidés d'un certain nombre d'archers, devaient
s'enquérir des maisons infectées, séparer promptement les malades d'avec les
personnes saines, veiller à l'exécution des règlements sanitaires. Ils devaient
se tenir habituellement, afin qu'on pût toujours les trouver, au cimetière de
Saint-Gervais ou Ă celui de Saint-SĂ©verin. Ils se rendaient matin et soir chez
les commissaires, et plusieurs fois dans la journée, chez les quarteniers,
dizainiers, médecins, barbiers, chirurgiens, apothicaires de chaque quartier,
afin d'apprendre d'eux les noms et demeures des citoyens frappés. Ces derniers,
ils les confiaient aussitôt aux barbiers ou aux chirurgiens nommés par la
police, ou les faisaient porter à l'Hôtel-Dieu. Les prévôts de la santé avaient
encore le soin de marquer d'une croix blanche les maisons abritant des
pestiférés, et de veiller à ce que les domestiques de ces mêmes maisons ne
sortissent qu'avec une verge blanche à la main. Les peines portées contre ceux
qui eussent osé effacer ces croix blanches marquées par les prévôts de la
santé, étaient extrêmement sévères : les délinquants avaient le poing coupé.
Enfin, ces officiers sanitaires, leurs aides et archers, ne marchaient dans les
rues que portant une casaque d'Ă©toffe noire avec une croix blanche. A cette
occasion, nous rappellerons que dans la peste qui ravagea Marseille en 1720, on
prit une mesure encore plus extravagante. Nous donnons ici le fac-simile d'une
curieuse gravure du temps représentant le costume que portaient les médecins
chargés de soigner les pestiférés : robe en maroquin du Levant, parce que cette
étoffe, par son odeuret son poil, est la pluscapable de résister au venin pestilentiel; la tête est
complétement fourrée dans un capuchon fait du même maroquin ; ce capuchon est
percé, au niveau des yeux, d'ouvertures pour permettre la vue, mais ces
ouvertures sont soigneusement bouchées par un cristal. Le nez, en forme de bec,
était rempli de parfums et de matières balsamiques. Mais, ce que le Parlement
fît de mieux dans l'épidémie de 1531-1534, ce fut de s'adresser à la Faculté de
médecine, et de lui demander aide, secours et conseils. Le 8 septembre 1533,
les Parisiens épouvantés par le fléau qui répandait de tous côtés la terreur et
la mort, furent un peu rassurés en lisant dans tous les carrefours l'arrêt suiVant : «...Et au surplus, ordonne, ladite chambre (le
Parlement), que la Faculté de médecine députera quatre médecins, docteurs régens en icelle, de qualité tant en théorie que practique, pour visiter et médicamenter les malades de
peste en cette ville et faubourgs de Paris. Et pour ce faire, auront, chascun d'eulx, trois cens livres
parisis pour ceste présente oeuure. Et il leur sera aduancé un quartier. Aussi, ordonne, icelle chambre, que
les dits quatre médecins qui seront esleus et commis
à ce que dit est, pendant le temps dessus dit et quarante jours après, s'abstiendront
de voir et visiter et médicamenter autres personnes que pestiférées, sur peine
de punition corporelle, priuation de leurs offices,
et amende arbitrale.» Le collége des chirurgiens fut
aussi appelé à prouver son zèle et son ardeur à venir au secours des malheureux
pestiférés. Il dut élire deux chirurgiens pour visiter, panser,
et médicamenter les malades; leurs gages furent, pour chacun, de 120 livres
parisis. Enfin les barbiers fournirent aussi deux compagnons, qui devaient ĂŞtre
payés à raison de 80 livres. Nous ne devons pas oublier les noms des quatre
médecins que la Faculté choisit pour obéir aux ordres du Parlement, et qui
n'hésitèrent pas à accepter le mandat, quoique avec
les idées contagionistes exagérées de l'époque,
c'était, pensait-on, courir presque sûrement à la mort. Honneur donc à Pierre
Royer, Jacques Fournier, Jean Guido, Pierre Collier ! Ce n'est pas sans raison
que la Faculté les baptisa de suite de ces titres : Medici Parabolani,
du grec IIapá6oXoç, téméraire, audacieux, rappelant ainsi le courage civique
que montrèrent les dignes enfants de nos écoles de Paris. Toutes ces mesures,
si sages en apparence, et marquées au coin d'une si grande sollicitude pour le
salut public, engendraient pourtant, d'effroyables désordres. Ambroise Paré nous
a laissé un tableau navrant des misères de toutes sortes dans ces temps de
calamités publiques, où le malheureux pestiféré, traqué comme une bête
venimeuse, était arraché à son foyer domestique, séquestré dans des lieux
infects, et souvent victime des voleurs et des assassins. Ecoutons l'illustre
chirurgien : « ... Outre plus, les plus opulens, mesmes les magistrats et
autres, qui ont quelque auctorité au gouvernement de
la chose publicque, s'absentent ordinairement des
premiers, et se retirent ailleurs, de sorte que la justice n'est plus
administrée, n'y estant personne à qui on la puisse
requérir; et lors, tout s'en va à confusion, qui est un mal des plus grands qui
sçauroient advenir à une république quand la justice
défaut. Et a donc, les méchants ameinent bien une
autre peste; car ils entrent ès maisons, et y pillent le plus et desrobent à leur aise impunément, et couppent
le plus souvent la gorge aux malades, voire aux sains mesmes,
afin de n'estre cogneus et
accusés après. En ceste ville de Paris, se sont trouvés des gens, qui avec
l'aide de tels maistres, ayant fait entendre Ă leur ennemy qu'il avoit la peste, sans
avoir mal quelconque, et le jour qu'il devoit parler
de son procès, ou faire quelque acte eù sa présence étoit requise, l'ont fait ravir et emporter à l'Hostel-Dieu, par la force de ces galands,
quelque résistance qu'il pût faire, estant plusieurs
contre un; et si de fortune il imploroit l'aide et
miséricorde du peuple qui le voyoit, les larrons et
meurtriers l'empeschoient et crioient
encore plus fort que luy, afin qu'il ne fust entendu; ou bien, ils donnoient
Ă entendre que le mal l'avoit rendu furieux et
démoniaque, pour faire fuyr chacun d'auprès, et, ce pendant, avoir moyen de le poulser
audit Hostel-Dieu et le faire lier et coucher avec
les pestiférés. Et quelques jours après mouroit, tant
de déplaisir que de l'air infecté, ayant esté sa mort
auparavant vendue et achaptée à beaux deniers contants. Ceste maladie rend l'homme si misérable que si tost qu'il est soupçonné, sa maison (qui luy estoit le plus seur et le plus libre) luy sert
d'une cruelle prison ; car on l'enferme dedans sans qu'il puisse sortir, ny que personne y soit admise pour le secourir. Si, ce pendant, quelqu'un de ceux qui sont ainsi resserrés et
enfermés se meurt, il faut que les autres qui sont là dedans
voyent quelquefois durant long temps cet horrible
spectacle de corps remplis de vermine et pourriture, avec une grande puanteur charongneuse, qui fait renforcer l'infection et vénénosité
de l'air, qui puis après fait redoubler la peste, et est souvent cause de la
mort de tous ceux qui sont en la maison. Et si on se retire aux champs, la mesme crainte et horreur y est.Tout
est closet fermé aux villes, villages et bourgades,
voire les maisons propres sont closes Ă leurs maistres,
tellement que souvent on est contraint de faire quelque logette aux champs,
arrière de toute conversation et cognoissance. Et qui
plus est, n'a-t-on pas veu ès dites loges, que le
père et la mère estans griefvement
malades, et ne pouvans aider Ă leur enfant, l'ont veu suffoquer et manger aux mouches guespes,
et la mère cuidant le secourir, se lever, puis tomber
morte entre l'enfant et le mary ! Plus on est recogneu
des vassaux, subjects, ou serviteurs qu'on ait, chascun tourne le dos, et personne n'y oseroit
aller; mesme le père abandonne l'enfant et l'enfant
le père; le mary la femme, et la femme le mary; le frère la sœur, et la sœur le
frère ; voire, ceux que vous pensez les plus intimes et féales amys, en ce temps vous abandonnent pour l'horreur et danger
de ceste maladie. Et s'il y a quelqun meu de pitié et charité chrestienne,
ou par la consanguinité, se veut advancer pour secourir
et visiter un malade, il n'aura après parent ny amy qui le vueille fréquenter ny approcher. Qu'ainsi soit on a veu,
l'orsqu'on apercevoit
seulement ès rues les médecins, chirurgiens et barbiers, esleus
pour panser les malades, chascun couroit
après eux à coups de pierres pour les tuer comme chiens enragés, disant qu'il falloit qu'ils n'allassent que de nuict,
de peur d'infecter les sains. » (Achille
Chereau, Les ordonnances faictes et publiées à son de trompe par les carrefours
de ceste ville de Paris pour éviter le dangier de peste 1531: précédées d'une
étude sur les épidemies parisiennes, 1873 - books.google.fr). La criminelle Louise de Savoie meurt en 1531 de cette peste à Grez sur Loing (cf. quatrain II, 14). Les juges On a mêlé, en 1529, le nom de Budé à la condamnation du
seigneur de Berquin, ami d'Érasme, à la peine du feu pour crime d'hérésie,
sentence qui fut exécutée. Budé, s'il fut un de ses juges (ce que l'arrêt non
retrouvé aux archives judiciaires pourrait seul prouver), fut au contraire le
constant défenseur de ce savant et courageux gentilhomme en 1523 et en 1526: il
ne tint pas à lui qu'il n'échappât à cette exécution déplorable. Aussi jamais
le parti protestant n'en a fait un reproche à la mémoire de Budé, qui fut le
constant protecteur des gens de lettres. Ceux-ci, surtout les hellénistes,
étaient vivement attaqués par les fanatiques de cette époque, comme
propagateurs de l'hérésie de Luther et de celle que Calvin méditait en France,
et qu'il réalisa bientôt à Genève (Nouvelle
biographie générale, Tomes 7 à 8, 1855 - books.google.fr). Berquin avait eu deux sincères amis dans ces
circonstances douloureuses : d'abord la princesse Marguerite, qui fit tous ses
efforts pour le sauver. «Je vous fais pour la fin une très humble requête,
écrivait-elle encore au roi son frère à la veille du supplice du gentilhomme
hérétique, c'est qu'il vous plaise avoir pitié du pauvre Berquin...». En second
lieu, Guillaume Budé, que nous venons de voir intervenir si activement auprès
de son ami pour obtenir de lui une rétractation. Notons en passant que Budé
avait été parmi les six juges que le roi avait désignés lui-même, et il est
incontestable que le prince l'avait mis là pour atténuer la rigueur de la
procédure, et pour amener plus facilement un retour de Berquin à sa à sa foi
première. C'est à cela que tendirent tous les efforts de Budé; car fervent
catholique comme il l'Ă©tait, il cherchait Ă sauver un ami, et non point Ă
protéger un hérétique (Eugène
de Budé, Vie de Guillaume Budé: Fondateur du Collège de France (1467-1540),
1884 - books.google.fr). Les dix-huit années qui s'étendent de 1522 à 1540, date
de la mort de Guillaume Budé, sont les moins connues de sa vie. Il y exerce ses
charges de maître des requêtes et de maître de la Librairie du Roi. Mais, de
plus en plus atteint par une grave maladie qui l'accablait depuis plusieurs
années, son activité se trouvait diminuée. Des recueils de correspondance, qui
nous instruisent essentiellement sur son activité, le dernier fut publié en
1531. Cependant, il travaillait toujours à l'établissement d'un collège de
lecteurs royaux, futur Collège de France. Il fut obtenu en mars 1530. Ce fut le
dernier grand fait de sa vie. Guillaume Budé mourait le 21 août 1540. Le 23
août, le Parlement de Paris était informé de son trépas et inhumation. Il avait
fait un testament dans lequel il témoignait vouloir mourir en bon chrétien. Il
demandait Ă recevoir le sacrement de l'Eucharistie. Il affirmait sa foi en la
miséricorde de Dieu et sa confiance en l'intercession de la Vierge, de saint
Paul et de sainte Madeleine (Roland
Mousnier, Le conseil du roi: de Louis XII Ă la
Révolution, 1970 - books.google.fr). En 1519-1520, on
voit Budé s'installer à Marly, en pleine campagne, pour écrire son De Contemptu rerum fortuitarum (1520) et pour s'éloigner de la peste qui sévit
Ă Paris (Robert
Aulotte, Amyot et Plutarque: la tradition des moralia au XVIe siècle, 1965 -
books.google.fr, Claude
Loutsch, Myriam Melchior, Humanistica Luxemburgensia: la Bombarda de Barthélemy
Latomus [et] les Opuscula de Conrad Vecerius, 2009 - books.google.fr). Outre son hôtel de la rue Saint-Martin, Budé possédait deux
maisons de campagne, situées l'une à Marly-la-Ville (Marlianum
prœdium), l'autre à Saint-Maur (Sammauriana
villa). Ces demeures joignaient, paraît-il, l'utile à l'agréable : élégantes
dans leur construction, elles étaient entourées de jardins fertiles. Le
propriétaire, enchanté de ses habitations, écrivait à Erasme en badinant
qu'elles pouvaient entrer en parallèle avec celles de Lucullus (Eugène
de Budé, Vie de Guillaume Budé: Fondateur du Collège de France (1467-1540)
(1884), 2020 - books.google.fr). Lors de la peste de 1531, Budé, s'il avait déjà été
malade, se trouvait probablement dans une de ses maisons, comme en 1519-1520. Typologie Le report de 2112 sur la date pivot 1529 donne 946. Mal, Mal des Ardents, Feu sacré, Mal d'enfer : nom donné
à une affection épidémique, que l'on croit de nature érysipélateuse, dans
laquelle les malheureux qui en étaient frappés sentaient leurs membres dévorés
par un feu intérieur, supplice qui se terminait par la mort. Signalé déjà par
Flodoard en 945, cet horrible fléau reparut à la suite de plusieurs années de
famine en 1043, puis en 1053, en 1060, 1061, 1063. Enfin, en 1129, dit MĂ©zerai, elle enleva Ă Paris 14,000 personnes, et ne cessa,
suivant FĂ©libien et Lobineau, que grâce Ă
l'intercession de Ste Geneviève, dont la châsse fut transportée
processionnellement dans les rues; le pape Innocent II vint Ă Paris, et c'est Ă
cette occasion que fut bâtie l'église de Ste-Geneviève-des-Ardents, vis-à -vis
Notre-Dame. Déjà les religieux de l'ordre de St-Antoine avaient été
spécialement chargés de loger et de soigner les pauvres affligés de cette maladie
(Augustin
Privat-Deschanel, Dictionnaire général des sciencies théoriques et appliquées,
Tome 2, 1877 - books.google.fr). C'est dans la chronique de Frodoart
pour l'année 945 que l'on trouve la première description authentique d'une
épidémie de feu sacré, épidémie observée à Paris. Voici le passage de Frodoart: Anno 945 in pago Parisiensi nec non per divisos circumquâque pagos diversa membra ignis plagâ pervaduntur
quæque sensim exusta consumebantur, donec tandem mors finiret
supplicia ; quorum quidem nonnulli
sanctorum ista potentes evasere tormenta, plures tamen Parisinâ in ecclesiâ sanctæ Dei genitricis Mariæ sanati sunt; adeo
quotquot illo pervenire potuerint asserant ab hac peste salvati ; quos Hugo quoque dux stipendiis
aluit quotidianis. Horumdum quidam vellent ad propria
redire, extincto refervescunt incendio, regressique ad ecclesiam liberantur (Frodoart,
chron. ad ann. 945). Sauval (Antiquités de Paris,
liv. X) signale l'apparition du feu sacré à Paris en 945 et reproduit presque
complétement la description de Frodoart :
«Quantité de monde, tant à Paris qu'aux environs, périt d'une maladie appelée
le feu sacré ou les ardens. Ce mal les brûlait petit
à petit et enfin les consumait sans qu'on y pût remédier. Pour éviter ce mal ou
en guérir, ceux de Paris quittaient la ville pour prendre l'air des champs et
ceux de la campagne se réfugiaient dans Paris. Hugues le Grand fit alors
éclater sa charité en nourrissant tous les pauvres malades, quoique parfois il
s'en trouvât plus de six cents. Comme tous les remèdes ne servaient de rien, on
eut recours Ă la Vierge dans l'Ă©glise Notre-Dame qui dans cette occasion servit
longtemps d'hĂ´pital.» A cette Ă©poque Hugues comte de Paris faisait la guerre Ă
Louis d'Outremer, et les Normands, remontant la Seine, avaient plusieurs fois
pillé et saccagé le territoire de Paris (Dictionnaire
encyclopédique des sciences médicales, Tome 2, 1878 - books.google.fr). Les premières épidémies d'ergotisme éclatèrent à Xanten en 857, puis à Paris en 945 sous le nom de «peste de
feu». En 1090, une autre de ces épidémies se déclara dans le Dauphiné. A la
suite d'une guérison miraculeuse attribuée à Saint Antoine l'ordre des Antonins
fut créé par quelques gentilshommes et se consacra aux victimes du feu sacré
appelé désormais «feu de Saint Antoine». Les épidémies se succédèrent pendant
plusieurs siècles. En 1581, une forme convulsive s'accompagnant de délire et de
troubles mentaux frappa la ville de LĂĽmbourg en
Allemagne. Cette forme prit le nom de «mal des ardents» ou «mal de Saint
André», et les perturbations mentales invitèrent rapidement à parler de
possession à son endroit, justifiant par-là l'exorcisme et le bûcher. Les causes
du feu sacré furent abordées vers la fin du XVIIe siècle, à l'occasion d'une
épidémie gangréneuse en Sologne en 1670. Pour la première fois, on met en cause
l'ergot de seigle dans l'apparition de la «gangrène des Solognots». Le pain de
seigle préparé avec des grains ergotés est tenu pour responsable par des
médecins et des chirurgiens de la région (Jean
Dugarin, Patrice Nominé, Toxicomanie : historique et classifications, Histoire,
économie et société, Volume 7, 1988 - books.google.fr). Cf. quatrain précédent IX, 10 - Catalogne, Navarre et
Dauphiné - 2110-2111. Depuis la défaite de Siagrius
qui fut le dernier Romain Ă commander en Gaule, jusqu'Ă Hugues Capet, prince
gaulois, bien que les Allemands prétendent le contraire, et même Angevin de
naissance, qui arracha l'empire au mains des Francs, il y a 496 ans, le nombre
parfait. De Pharamond jusqu'Ă Hugues Capet on en trouve 567, c'est-Ă -dire le
carré de neuf multiplié par sept ; de Pharamond à la défection de Hugues
le Grand et des princes envers le roi Louis IV et à la captivité de celui-ci il
y a 512 ans, cube parfait : de là jusqu'à l'autre défection, celle de Charles
de Bourbon envers François Ier et à la captivité de celui-ci, il y a le carré
de deux fois douze, c'est-Ă -dire 576 ; on en compte autant depuis Hugues Capet
jusqu'à cette funeste guerre de religion qui fit couler récemment le sang de
nos concitoyens. Et il n'y en a ni plus ni moins depuis la captivité du duc
Charles de Lorraine (que Capet écarta de la légitime succession au trône en
l'enfermant dans un cachot à Orléans) 8 x 8 x 8 = 512, jusqu'à ce Charles de
Lorraine qui, Ă©tant parvenu Ă la puissance royale, enferma Ă son tour dans les
cachots d'Orléans les descendants de
Capet : dans l'une et l'autre circonstance OrlĂ©ans n'en fut pas moins funeste Ă
la famille de Lorraine (Jean
Bodin, La méthode de l'histoire, traduit par Pierre Mesnard, 1941 -
books.google.fr). La place Maubert est peu étendue, de forme irrégulière, entourée de maisons où la population est entassée à quatre ou cinq étages, située au bas de la rue de la Montagne. Piganiol et le Maire font dériver ce nom de maître Albert Groot (mot allemand qui signifie grand). C'était un dominicain fameux, disent-ils, qui, ne trouvant pas de salle assez vaste pour son auditoire, prit le parti de ses lecons sur la place publique. De là cette place prit le nom de Maitre-Albert et par contraction de Malbert et Maubert. L'abbé Leboeuf et l'abbé Ladvocat, bibliothécaire de la Sorbonne, croient que le nom de cette place vient d'un évêque de Paris nommé Madelbert. Jaillot combat cette opinion et il pense d'après divers titres qu'il cite que ce nom de Maubert est dû à Aubert qui fut le second abbé de Sainte-Geneviève. Le terrain de cette place était dans la censive de l'abbaye, et ce fut l'abbé Aubert qui permit d’y bâtir des étaux de boucher. La Montagne-Sainte-Geneviève commence à la place Maubert et finit au Carré-Sainte-Geneviève. Elle porte ce nom depuis le quatorzième siècle. On la nommait auparavant rue de Sainte-Geneviève. Plus tard on l'appela quelquefois rue des Boucheries, à cause de celles qu'on y avait établies dès le douzième siècle. On donne le nom de Carré-Sainte-Geneviève au petit espace de terrain qui se trouve devant Saint-Étienne et l'emplacement de l'ancienne église de Sainte-Geneviève. Quant à la place du même nom, elle s'est formée aux dépens de plusieurs maisons qui ont été abattues (J. De Marles, Paris Ancien Et Moderne ou Histoire de France, 1838 - books.google.fr). |