Duguesclin et les huîtres
Duguesclin et les huîtres

 

IX, 24

 

2121

 

Sur le palais au rochier des fenestres,

Seront ravis les deux petits royaux,

Passer aurelle Luthece, Denis cloistres,

Nonain, mallods avaller vers noyaulx.

 

 

Duguesclin

 

Les lieux cités se trouveraient dans le département de la LOzère, près de la ville de Châteauneuf-de-Randon, où, à quelques kilomètres, se trouve le hameau d'Aurelle. Le Roc de Fenestre est un sommet de 1486 mètres d'altitude se trouvant au nord de deux petits plateaux : le Plateau du Roi et le Plateau du Palais du Roi ("les deux petits royaux") et au nord-est de Châteauneuf.

 

Duguesclin mena le siège de cette ville devant laquelle il mourut le 13 juillet 1380. Sa dépouille, sur ordre du roi Charles VII, a été déposée dans la crypte des rois de France à Saint Denis ("Denis cloistres"), alors que les bourgeois du Mans lui avaient préparé un tombeau, et que ses entrailles sont enterrées au Puy-en-Velay dans l'église des Cordeliers (Quid 89, p. 611). Le personnage s'intègre aux Centuries dans leur aspect occultiste, grâce à sa première femme. En effet, Tiphaine Raguenel, morte vers 1371, passait pour avoir de grandes connaissances en astrologie. Elle avait avait indiqué à son mari les jours où il ne pouvait combattre sans risquer un échec (Encyclopédie Larousse en XX volumes, 1970).

 

La révolte des Maillotins

 

Deux ans plus tard, en 1382, a lieu la révolte des Maillotins ("Mallods"), appelés de ce nom parce qu'ils assuraient la défense des hauts remparts avec des maillets en plomb. L'émeute avait été provoquée par le vote d'impôts supplémentaires par les Etats généraux du 14 novembre 1380 (Quid 89, p. 608).

 

C'est l'une des nombreuses révoltes populaires, qui éclatent dans tout le royaume de France au cours de l'année 1382, comme celle de la Harelle en Normandie, à Rouen, ou celle des « Tuchins » en Auvergne et Languedoc, et voient le peuple se soulever pour protester (entre autres) contre l'oppression fiscale. L'origine des révoltes appartient aux métiers urbains ou au monde paysan aisé, à ceux qui sont concernés au premier chef par les prélèvements fiscaux. Mais ils sont rapidement dépassés par les couches inférieures qui transforment cette révolte contre l'impôt en révolte de la misère. Les émeutiers furent d'abord appelés Maillets. C’est seulement à partir du XVIe siècle que l’on a appelé Maillotins les Parisiens révoltés en 1382. Déjà en 1379, sous Charles V, le Languedoc se révolte contre les impôts devenus de plus en plus lourds (fr.wikipedia.org - Révolte des Maillotins, fr.wikipedia.org - Charles V le Sage).

 

Et à bon droict est iusques à praesent de prudence grandement loué Charles roy de France sixième de ce nom, lequel retournant victorieux des Flamens & Gantois en sa bonne ville de Paris, & au Bourget en France entendent que les Parisiens avecques leurs mailletz (dont feurent surnommez Maillotins) estoient hors la ville issuz en bataille iusques au nombre de vingt mille combatans, ne y voulut entrer, quoy qu’ilz remonstrassent que ainsi s’estoient mis en armes pour plus honorablement le recueillir sans aultre fiction ne mauvaise affection, que premierement ne se feussent en leurs maisons retirez & desarmez (Rabelais (1494 – 1553), Quart Livre (1552), Alphonse Lemerre, 1868 - fr.wikisource.org).

 

Nonnains Ă  Rouen

 

Deux routes conduisent de Paris à Rouen, la route dite d’en bas, par Saint-Germain, Mantes et Louviers, et la route d’en haut, par Pontoise et Magny. La route d’en bas longe, presque sans interruption, le cours riant et sinueux de la Seine, qu'elle franchit jusqu’à six fois pour en éviter les principaux circuits. Lorsqu’on suit cette route, qui est la plus agréable et la plus fréquentée, on sort de Paris par la barrière de l'Étoile, à laquelle on arrive par la grande allée des Champs Elysées, l’une des plus belles avenues que l'on connaisse. Depuis l’arc de triomphe de l'Etoile jusqu’à l'entrée du bois de Boulogne, magnifique parc situé sur la gauche de la route, on passa entre deux rangs de guinguettes, de restaurants et de maisons de plaisance fort agréables. De cet endroit, on découvre la plaine de Saint-Denis et les coteaux de Montmorency. On passe devant la porte Maillot... (Eusèbe Girault de Saint-Fargeau, Guide pittoresque du voyageur en France, contenant la statistique et la description complète des 86 départements, 1836 - books.google.fr).

 

Selon les historiens de la mairie du 17e arrondissement, la porte Maillot ne tiendrait pas son nom d'un jeu de Mail qui aurait existé dans le proche bois de Boulogne, mais bien de la révolte des maillotins de 1382. La route de la révolte partant de là et passant au nord de Montmartre pourrait alors bien rappeler la reddition de ces révoltés qui «s'étalèrent devant Montmartre en longues files » avec «les paysans de Clichy et des Ternes» (fr.wikipedia.org - Révolte des Maillotins).

 

La décadence de la discipline monastique s'accentua à l'abbaye de Saint-Amand de Rouen pendant la seconde moitié du XIVe siècle, soit par suite de la négligence des abbesses, soit à cause des perturbations profondes dont, à cette époque, la ville de Rouen fut le théâtre. Il n'est pas possible que des événements comme l'invasion anglaise, qui dépeupla les campagnes, les fréquents passages de troupes armées, la révolte de la Harelle, au cours de laquelle le flot des émeutiers, déferlant jusqu'à Saint-Ouen, y causa de grands dégâts, l'occupation de la ville par les soldats du roi, les impôts exorbitants, la misère qui se répandit partout, n'aient pas eu leur répercussion sur la vie intérieure du monastère et n'aient pas contribué à y introduire le relâchement des moeurs, qui était alors général dans la société laïque. Pendant les vingt-cinq ans que dura l'abbatiat de Pernelle Boudart (1362-1387), le mal ne fit que s'aggraver et finit par prendre des proportions inquiétantes. Une réforme était nécessaire. L'archevêque Guillaume de Lestrange n'attendit pas la mort de l'abbesse pour l'entreprendre. Son ordonnance, qui porte la date du 26 juillet 1387, nous ouvre un singulier aperçu sur l'existence qu'on menait alors au monastère de Saint-Amand et le changement qui s'était produit dans les moeurs monastiques depuis le temps d'Eudes Rigaud. En parcourant ce document, et tout en faisant la part d'une certaine exagération dans les termes, à laquelle a cédé son rédacteur, nous voyons que les nonnes de Saint-Amand, laissant de côté toute modestie, avaient adopté à l'intérieur du couvent les modes du jour, s'habillant et se coiffant comme les séculières et portant des ornements qui ne convenaient guère à leur état. Elles ne montraient aucune piété dans la récitation de l'office divin. Sortant fréquemment de leur monastère, elles se promenaient à cheval dans les rues de Rouen. Elles recevaient chez elles des personnes suspectes. Leur conduite était une violation continuelle des voeux qu'elles avaient prononcés et un scandale pour toute la ville (Mme Marie-Josèphe Le Cacheux, Histoire de l'abbaye de Saint-Amand de Rouen, des origines à la fin du XVIe siècle, Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, 1937 - gallica.bnf.fr).

 

On retrouverait l'abbaye de saint Amand dans le Testament de Pathelin : "Item : je donne aux Filles-Dieu, A Sainct Amant, et aux Beguines, Et à toutes nonnains, le jeu Qui se faict à force d'eschines". La célèbre abbaye de Saint-Amand était à trois lieues de Tournay; mais il s'agit plutôt ici de la riche abbaye de Saint-Amand de Rouen, occupée par des religieuses bénédictines, à qui la chronique scandaleuse attribuait des rapports peu édifiants avec leurs voisins les moines de Saint-Ouen (P. L. Jacob, Maistre Pierre Pathelin : suivi du Nouveau Pathelin et du Testament de Pathelin, Farces du 15e siècle, 1859 - books.google.fr).

 

Et voici ce que nous relevons dans le compte d'Isabeau de Vieuxpont, en 1544 : « Le mercredi VIe jour du dict moys de février, jour de Saint-Amand, Madame feist faire le banquet aux dames, et disna avec elle l'evcsque des Augustins, qui dist la messe le dit jour. Payé pour demy cent et demy quarteron de gros esperlent pour frire et bouillir, pour six platz, XV sols. Le dit jour, pour six grosses plis à bouillir, X s. — XII gros merlencz, VII s. VI d. — XII careletz à frire, VII s. — Troys grosses carpes, XXX s. Une bresme, II s. VI d... Pour demy cent de poires a bailler au paticher a esté payé IIII s. VI d... » Ce jour-là, Madame alla souper à Boos, et, comme elle faisait maigre, on lui apporta une douzaine de merlans, deux plis, des éperlans et des huîtres, sans compter du cresson et « XII harencs sorets », qui durent être la part de l'office. Mais ses invités, MM. de Vieuxpont, Theuray, Moufflaines, Saint-Clair et autres de la compagnie, qui n'étaient pas tenus à l'abstinence, mangèrent un oiseau de rivière, deux vitecoqs, une douzaine d'alouettes, un connin, six bécasses et un fromage d'Auvergne. [...] Les prodigalités d'Isabeau de Vieux-Pont auraient fait courir un danger plus sérieux aux finances de l'abbaye, si cette abbesse n'était morte, le 20 juin 1544, quatre mois à peine après sa prise de possession (Mme Marie-Josèphe Le Cacheux, Histoire de l'abbaye de Saint-Amand de Rouen, des origines à la fin du XVIe siècle, Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie, 1937 - gallica.bnf.fr).

 

Verts noyaux : les huîtres

 

Dans cette lutte pour manger et pour vivre, les Anglais ne sont pas les seuls adversaires des Rouennais. Un « Cant Rial » de David Ferrand (vers 1590 - vers 1660) montre un chargement d'huitres arrivé à Rouen et destiné aux seuls Maillotins, surnom des Parisiens, par référence à l'insurrection parisienne du XIVe siècle. La colère des revendeuses de coquillages monte car c'est leur gagne-pain qui leur échappe (« Vingt-deuxiesme partie de la M. N. », p. 353-358) : le somme bien chinq chens de compagnie / « nous sommes » Dessu su quay à guaitter ses batiaux. I'auon les mains dessouz nos deuantiaux, / « nous avons » « nos tabliers » Le cul o vent, & au nez la roupie / « la goutte » Auec nos pots peintres de maqueriaux, / « nos chaufferettes qui tachent notre peau » Et ie verron vn nombre de quenaille / « canailles » No z'enlever notte propre vitaille, / « nourriture » Chen qui no dait nourrir iournellement, / « ce qui doit... » Gens qui ne sont o pays que des tritres / « au pays » ; « des traitres » Chela sera, i'en auons fait serment : / « cela se produira » Les Les Maillotins n'aualleront pus d'ouistres / « Les Parisiens » ; « d'huitres » (p. 355, v. 34-44) Il faut donc empêcher que ces bateaux ne remontent à Paris et approvisionner d'abord Rouen. C'est finalement ce que réussissent à obtenir ces femmes qui n'avaient à la gueulle la cranque, en utilisant pour défendre leur cause l'organe mixte de la parole et de la manducation (Catherine Bougy, La contestation deu pouvoir dans La Muse Nomrande de David Ferrand, Images de la contestation du pouvoir dans le monde normand (Xe - XVIIIe siècle): Actes du colloque de Cerisy-la-Salle (29 septembre-3 octobre 2004), 2007 - books.google.fr).

 

Cette exploitation est la principale ressource des localités au nord de Granville et « fait vivre tout le menu peuple de Granville ; on estime qu'elle produit 40 a 50.000 livres par an ». Le commerce des huîtres était entre les mains de négociants ou « traitants » groupés en sociétés. Dès le XVIe siècle, on trouve mentionnés ces trafiquants faisant « bource commune », pour avancer aux pêcheurs de l'argent, accaparer les huîtres de leur pêche, se porter au-devant d'eux pour éviter toute fuite et mener leur marchandise à Rouen et à Paris ; les interdictions renouvelées contre ces « monopoles » restèrent sans effet. [...] Mention en 1564 de la pêche des huîtres à Granville par des « navires vaquets » (Éric Dardel, État des pêches maritimes sur les côtes occidentales de la France au début du XVIIIe siècle, 1941 - books.google.fr).

 

Les Huîtres qui sont livrées au commerce dans une grande partie du nord de l’Europe et surtout à Paris, proviennent de la baie de Cancale, sur les côtes de la Manche, entre le bourg de ce nom, le Mont Saint-Michel et Saint-Malo. Le fond de cette baie paraît uni, solide et sans courant : toutes circonstances favorables pour la reproduction de ces animaux. Elle doit être fort considérable, et le banc que les Huîtres ont produit doit être extrêmement étendu, pour suffire à la pêche continuelle, qui s’y fait depuis si longtemps, sans qu’il y ait aucun signe de diminution. [...] Ces Huîtres, débarquées dans les ports de Granville et de Cancale, sont ensuite transportées dans les différens endroits où l’on a établi des parcs. Si l’on désire avoir des Huîtres blanches, bien claires, bien blondes et même plus grosses , il faut pouvoir changer l’eau à toutes les marées comme à Etretat et dans différens points de l'Océan; si, au contraire, on désire les avoir plus petites, plus tendres, et surtout les rendre vertes, il faut laisser les Huîtres dans la même eau, pendant un temps plus ou moins long, suivant la saison et quelques circonstances, probablement atmosphériques, que l’on connaît assez peu. [...] Il paraît que sur celles du pays d’Aunis, cet art est beaucoup plus perfectionné encore ; et en effet c’est de ces lieux que proviennent les excellentes Huîtres vertes de Marennes (Alexandre Martin, Gino Doria, Manuel de l'amateur d'huîtres contenant l'histoire naturelle de l'huître, une notice sur la pêche, le parcage et le commerce de ce mollusque en France, 1828 - books.google.fr).

 

Le sens primitif du mot "huître" est obscur, comme cela est souvent le cas lorsque le corrélatif sanscrit manque. Sa racine est sans doute la même que celle de "osteon", en composition "osto", os, noyau, et de "ostrakon", coquille, terre cuite. Nous sommes donc renvoyés au sanscrit asthi, asthika, en composition astha, os, noyau de fruit, qui se retrouve également dans le persan âstah, kurde astii, ossète asteg, latin os, ossis, albanais ashti, etc. (Cf. albanais ash-terate, coquilles, écaille de tortue). L'arménien osgr indique un suffixe différent qui reparaît dans l'irlandais eas-gar, noyau, et le cymrique as-guvrn, armoricain as-kourn, os. La racine ne peut être que as, qui signifie en sanscrit jacere, jaculari, et l'os ou le noyau paraît ainsi avoir été ce que l'on rejette comme inutile à l'alimentation (Adolphe Pictet, Les origines indo-européennes: partie. Ethnographie et géographie. Histoire naturelle, Volume 1, 1859 - books.google.fr).

 

Cancale

 

Bertrand du Guesclin est né vers 1320 au château de la Motte-Broons, près de Dinan. Fils aîné des dix enfants de Robert II du Guesclin (v. 1300-1353), seigneur de la Motte-Broons, et de son épouse Jeanne de Malesmains (morte en 1350), dame de Sens-de-Bretagne, Bertrand du Guesclin est issu d'une rustique seigneurie de la petite noblesse bretonne. Les Guesclin font en effet partie des familles nobles de Bretagne, mais Robert du Guesclin n'appartient qu'à la branche cadette de la famille (la branche aînée vit au château du Plessis-Bertrand et au château de la Motte-Jean) et occupe un modeste manoir à la Motte-Broons (Broons anciennement Bron). En 1251, le seigneur de Pontorson et autres lieux, Robert II du Guesclin, devient seigneur de Bron en épousant l'héritière.

 

Le Fort du Guesclin est construit sur un îlot, l’île du Guesclin accessible à marée basse, à Saint-Coulomb en Ille-et-Vilaine (Bretagne), entre Saint-Malo et Cancale. La première construction fut bâtie en 1026 par un connétable du Guesclin, un imposant château fort flanqué de trois tours et d'un donjon, protégé par deux cercles d'enceintes et doté d'une citerne profonde de 33 mètres. En 1207, Jean sans Terre, roi d'Angleterre, fit occuper le fort jusqu'à ce que Juhel III de Mayenne en chassât les Anglais à la suite de sanglants combats. Les du Guesclin, trouvant le site trop exposé, quittèrent le fort vers 1259 et s'établirent non loin de là, dans les terres, au Plessis-Bertrand que venait de faire construire l'arrière-arrière-grand-père de Bertrand Du Guesclin. Le fort, démantelé depuis, fut racheté en 1500 par Guillaume de Châteaubriant et revendu en 1589 à la Maison de Rieux. Finalement, de 1757 à 1759 l'ancienne construction fut rasée et Vauban y fit construire un fort comprenant une caserne avec poudrière et des plateformes canons pour protéger la côte des Anglais.

 

Plus à l'Est, Saint-Malo et Saint-Servan, se trouvent au débouché de la Rance et, en fond d'estuaire, Dinan. Cancale enfin, se développe dans un double site de vallée et de baie.

 

L'huître de la baie de Cancale est la préférée dans le commerce, tant à cause de son abondance que par sa proximité des côtes de la Manche, et de sa grosseur moyenne, qui en facilite le transport. Des bateaux [...] de Granville, de Cancale et d'autres petits ports du voisinage, s'occupent presque exclusivement de la pèche. [...] Les huîtres ne sont point vertes lorsqu'on les apporte de Cancale, ce n'est qu'à force de soins qu'elles le deviennent (fr.wikipedia.org - Bertrand Du Guesclin, fr.wikipedia.org - Fort du Guesclin, Claude Nières, Les Villes de Bretagne au XVIIIe siècle, 2004 - books.google.fr, Amédée Gréhan, La France maritime, 1855 - books.google.fr).

 

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