Jérusalem délivrée

Jérusalem délivrée

 

IX, 99

 

2176-2177

 

Vent Aquilon fera partir le siège

Par murs getter cendres, chauls & poussière

Par pluyes après, qu'ils leur fera bien piège

Dernier secours encontre leur frontière.

 

"Aquilon"

 

Les interprètes, juifs ou chrétiens, ne savent comment se tirer de cette difficulté; Ménochius, dont le Commentaire sur la Bible fait toujours foi depuis deux siècles, dit, en désespoir de cause : Au fait, la Chaldée est une province du Nord; reipsà septentrionalis est. Don Calmet plus sincère, avoue que «la Babylonie, la Chaldée, la Perse sont à l'orient de la Palestine», mais il déclare ne pouvoir expliquer cette anomalie. D'autres ont imaginé de dire que le conquérant, venant de Babylone, aura fait un détour et sera arrivé par le nord. Nous allons voir que les textes des prophètes réfutent toutes ces hardiesses. Je lis dans Isaïe (XIV, 31) : Que l'on pousse des cris de détresse, car voilà que de l'Aquilon s'avance un tourbillon de fumée; rien ne résiste à l'approche de cette armée. Je lis dans Ezéchiel (XXVI, 7) : Le Seigneur a dit : J'amenerai à Tyr, de la terre d'Aquilon, Nabuchodonosor, roi de Babel, avec un grand peuple. Je lis dans Jérémie (VI, 22) : Voici qu'un grand peuple vient de la terre d'Aquilon; un grand peuple s'élève des extrémités de la terre. Je lis dans Joël (XX, 2, 20) J'éloignerai le conquérant venu du septentrion avec une armée forte et nombreuse; je le rejetterai dans un pays aride; une partie de ses troupes périra vers la mer d'orient, l'autre vers la mer d'occident. Je lis dans Sophonie (II, 13) : Jéhovah étendra sa main vers l'Aquilon et il perdra le peuple d'Assyrie. Je lis dans Zacharie (II, 6.7) : Fuyez de la terre d'Aquilon, fuyez, enfants de Sion, qui habitez chez la fille de Babel. Ces textes, et dix autres que je pourrais citer, me semblent trancher la question; une ville qui, se trouve reléguée si loin au nord du pays des Hébreux n'est point en Asie. Ce nom d'Assyrie, que nous donnons aujourd'hui à la contrée où furent Babylone et Ninive, était connu des Anciens, mais appliqué à d'autres contrées. Dans la Bible, Assur se trouve au nord du pays des Hébreux; ainsi Judith s'écrie dans son chant de victoire «Assur est venu des montagnes de l'Aquilon; les fils de Titan ne l'ont point frappé, mais Judith l'a perdu par la beauté de son visage.» (Théophile Cailleux, La Judée en Europe : la vérité sur les Juifs, leur origine et leur religion, 1894 - books.google.fr).

 

Assyrie, "chaux", "pluies", "vent" et tempête

 

18. Sennacherib étant arrivé devant Jérusalem, dresse ses tentes au midi de la ville, près de la piscine supérieure, et commence les travaux du siége. Isaïe, dépositaire des desseins de la Toute Puissance, fait néanmoins cette prière au nom du peuple : «Seigneur ayez pitié de nous; ayant mis en vous notre confiance, nous avons attendu que fût venu le jour où vous avez résolu de nous délivrer; frappez-les dès le matin, ces ennemis de votre gloire; sauvez-nous, parce que notre détresse est à son comble.» Or le Seigneur a dit : «Je vais descendre sur ma montagne de Sion pour combattre mes ennemis, semblable à un lion ou à un lionceau qui se précipite en rugissant sur sa proie, sans être effrayé par les cris des pasteurs, et sans que leur nombre puisse les retenir.» De même donc, ajoute le prophète, qu'un oiseau passe en volant, ainsi l'Eternel passera bientôt sur Jérusalem pour sauver et délivrer son peuple renouvelant de nos jours la merveille qu'il fit autrefois en Egypte, lorsqu'il passa pendant la nuit, épargnant les maisons habitées par les Hébreux et frappant leurs oppresseurs.» Pourquoi donc, ô Sennacherib ! fais-tu tous ces préparatifs ? «Les cordes même de ta tente, dit encore le prophète, ne pourront résister à la violence de la tempête : elles se dénoueront et laisseront tomber le mât au haut duquel flotte ton étendard; tes richesses, formées du pillage des nations, seront la proie de mon peuple: et elles seront si considérables que le boiteux arrivera assez à temps pour avoir part au butin. Aucun des habitants de Jérusalem ne dira en ce jour : «Je ne puis marcher» et personne ne gardera le souvenir des alarmnes qui ne sont plus.

 

19. Cependant Sennacherib termine les travaux du siége, et, remettant au lendemain à commencer l'attaque dès l'aurore, il passe le reste du jour dans le repos. Tout était calme, le temps, les assiégeants et les assiégés. Le soir arrive, et tout est trouble et terreur. Le temps se couvre, les vents se déchainent, et un orage épouvantable éclate. Le fracas du tonnerre retentissant de vallée en vallée, porte chez les peuples voisins la nouvelle de l'événement; les éclairs se succèdent avec tant de rapidité qu'on se croit témoin et victime de l'incendie de la nature; la terre tremble, les montagnes chancellent sur leurs bases, et les tours élevées par les assiégeants s'écroulent; l'eau tombe par torrents, et une grêle semblable à une pluie de pierres, écrase tout ce qu'elle frappe. Mais quel redoublement d'action dans le choc des éléments ! L'univers tombe-t-il donc en dissolution ? «C'est maintenant que je me lève, dit le Seigneur; c'est maintenant que je vais montrer toute ma puissance. Les desseins que vous avez formés, Assyriens, n'étaient qu'un feu qui couvait et qui était prêt à éclater; vos actions n'étaient que de la paille sèche, et l'emportement de votre orgueil est le souffle impétueux qui a excité l'incendie dont vous allez être consumés.» Vos bataillons assemblés contre moi vont être traités comme les pierres que l'on jette dans le four pour les réduire en chaux, comme des épines que l'on coupe pour les brûler.» (Aimé-François James, Histoire de l'Ancien Testament, Tome 1, 1839 - books.google.fr).

 

Les météores sont les armes du Tout-Puissant. Ainsi, Dieu annonce qu'il visitera avec la foudre et le tonnerre Sennachérib assiégeant Jérusalem, et l'événement justifie bientôt cette promesse. Quand Dieu manifeste sa colère, il le fait par des tempêtes, des pluies abondantes, de la grêle, des vents violents, du tonnerre, des feux brillants dans le ciel (M. Grellois, Météorologie religieuse, Mémoires de l'Académie impériale de Metz, Volume 49, 1869 - books.google.fr).

 

Tandis qu'il cherchait à Bénévent un asile moins précaire, «Frédéric, dit Gregorovius, fut anéanti comme Sennacherib». Des pluies violentes et l'air malsain de la saison engendrèrent une épidémie qui décima les chefs et la majeure partie des troupes germaniques; on jetait par milliers les cadavres au Tibre (L'Université catholique, Volume 43, 1903 - books.google.fr).

 

Cf. les quatrains en rapport avec l'empereur Frédéric Barberousse, par exemple IX, 94.

 

Le système d’encodage prophétique fourni par la littérature pseudojoachimite, contenu dans le Liber de oneribus, est une composition adaptée des malédictions adressées par Isaïe aux différents peuples proche- orientaux (onus Babylonis, onus Damasci, onus Aegypti...), dans laquelle chaque entité politique de l’Europe occidentale, l’Église et certaines catégories particulières de la population du XIIIe siècle se voient assigner une concordance avec une malédiction isaïenne. Les routes du nord par lesquelles surgissaient les envahisseurs proche-orientaux du royaume de Juda dans l’antiquité devinrent dans les prophéties médiévales l’aquilon dont descendaient pour la ruine de l’Italie les différentes manifestations (dynastiques) du mal incarné par les Staufen, Frédéric Ier, Henri VI, Frédéric II, Conrad IV, Conradin (Benoît Grévin, Rhétorique du pouvoir médiéval : Les Lettres de Pierre de la Vigne et la formation du langage politique européen (XIIIe-XVe siècles), 2008 - books.google.fr).

 

"cendres"

 

Le temple de Zeroubabel resta debout jusqu'à la dix-huitième année du règne d'Hérode (24 ans avant Jésus-Christ). L'Écriture sainte nous dit qu'un endroit spécial était destiné à recevoir l'accumulation des cendres provenant des sacrifices, et cette accumulation devait être considérable. Un passage du prophète Jérémie contient sur ce sujet un renseignement qui n'est pas à dédaigner.

 

«Il viendra, dit Jéhovah (c'est le prophète qui parle), un temps où cette ville sera rebâtie depuis la tour Hananéel jusqu'à la porte de l'Angle, et toute la vallée des Cadavres et des Cendres, et tous les champs vers la vallée du Cédron, jusqu'à l'angle de la porte des Chevaux, à l'orient, tout sera consacré à Jéhovah; rien n'en sera plus renversé ni détruit.»

 

Qu'est-ce que la vallée des Cadavres ? D'après le texte chaldéen, il s'agissait de la vallée où sont tombés les Assyriens pendant la nuit fatale où l'ange exterminateur détruisit l'armée de Sennachérib. Josèphe sait que le camp des Assyriens se trouvait sur la colline de Bezetha, devenue l'assiette de la ville neuve par la construction de la troisième enceinte. Occupé par une armée innombrable comme celle de Sennachérib, ce camp devait s'étendre bien au delà de l'enceinte actuelle, et nul doute qu'il n'ait couvert toute la plaine, jusqu'aux énormes amas de cendres existant de nos jours.

 

En effet, lorsqu'on sort de Jérusalem par la porte de Damas, si l'on prend la route de gauche, qui longe le pàté de rochers sur lequel s'éleva l'église de Saint-Étienne, on arrive bientôt à des monceaux de cendres, constituant un véritable groupe de collines; cendres de fabricants de savon, dit la voix publique; cendres animales, dit Liebig, le célèbre chimiste, dont personne n'oserait nier la compétence.

 

Je m'étais promis de me munir, pendant mon séjour à Jérusalem, d'échantillons de ces cendres, pris à diverses profondeurs, afin de les faire analyser à mon retour; je n'y ai pas manqué. Une fouille a été pratiquée sur le flanc de l'amas le plus considérable, et trois spécimens ont été recueillis. A ce moment je ne doutais plus guère de l'origine des collines, collines, je les attribuais au dépôt séculaire des restes des holocaustes; mais depuis j'ai retrouvé des amas tout à fait analogues auprès de Naplouse, et mes doutes sont revenus. Les trois analyses exécutées au laboratoire de l'École des mines ont donné des résultats peu différents. L'acide phosphorique, qui devrait abonder dans les cendres animales, est ici en faible proportion; mais il se peut que les pluies de l'hivernage, si intenses à Jérusalem, l'aient dissous (Louis Félicien Joseph Caignart de Saulcy, Jérusalem, 1882 - books.google.fr).

 

"Dernier secours" de Jérusalem : l'Egypte

 

Isaïe avait prédit, lors des premières sommations adressées par Sennacherib à Ézéchias, que le roi assyrien «entendrait une rumeur» qui l'obligerait à la retraite (2 Rois, XIX, 7). Au v. 9 nous lisons que Sennachérib apprend la nouvelle de l'approche de Taharqa et se replie sur Libna. Il fait une dernière tentative, infructueuse, pour obtenir la capitulation d'Ézéchias. En même temps l'armée assyrienne se trouve aux prises avec un fléau qui la met hors d'état d'attendre l'ennemi. Ce fut le salut de Jérusalem, mieux assuré que par une bataille (A. Van Hoonacker, L'invasion de la Judée par Sennachérib, Volume 40 de Recueil de travaux d'histoire et de philologie, Université catholique de Louvain (1835-1969), 1914 - books.google.fr).

 

Acrostiche : VPPD

 

Une inscription qui se trouve à l'hôtel-de-ville de Sion porte un X des Grecs surmonté d'une croix, ce qui indique le nom de J. C. Le quatrième consulat de Gratien répond à l'an 377 de notre ère. «On voit, dit le savant De Rivaz, que le préteur Ponce Asclépiodote avait fait rebâtir les églises de Sion. Un anonyme a douté si ces mots ædes augusta ne pouvaient pas s'interpréter de quelque bâtiment public; mais le distique suivant d'Ovide décide la question : Sancta vocant augusta patres, augusta vocantur / Templa sacerdotum rite dicata manu (FAST., L. I, v. 610), et montre que cette expression augustas ædes ne peut s'entendre que des temples, comme l'alpha et l'omega indiquent qu'il s'agit de l'église des chrétiens. On reconnaît ici l'effet de la persécution de Maximien, qui les fit toutes abattre en Italie, et dont l'empereur Gratien en « fit rebâtir un grand nombre.»

 

Ces lettres V.P.P.D. doivent s'expliquer ainsi : Vallis PÅ“ninæ prætor dedicavit. L'augustas Pontius ædes porte àcroire que le préteur ne s'est pas contenté de rétablir l'église de Sion, mais qu'il a encore relevé celles des chefs-lieux du Valais, que la persécution de Maximien avait détruites dans l'Italie, dont le Vallais faisait partie. Nous en avons une preuve dans l'ouvrage du savant De Rivaz (Éclaircissimens sur le martyre de la légion thébéenne, Paris, 1779), qui fixe l'époque du martyre de la légion thébéenne, dans Agaune, à l'an 302 de notre ère (Laurent-Joseph Murith, Médailles, inscirptions, statues et autres antiquité sdu Valais, Mémoires et dissertations sur les antiquaires nationales et étrangères, Volume 3, 1821 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 2177 sur la date pivot -701 donne -3579.

 

Epoque de Noé, 65 ans après sa naissance (Nicolas Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l'histoire universelle sacrée et prophane, ecclésiastique et civile, depuis la création du monde, jusq'à l'an 1743, Tome 1, 1744 - books.google.fr).

 

Son terrible siège de Jérusalem en 701 avant J.C., et le châtiment qui s'ensuivit, valut à Sennachérib une large attention à titre posthume dans les commentaires rabbiniques du Talmud babylonien au début du Ier millénaire après J.C. L'un de ces passages montre Sennachérib de retour chez lui, occupé au temple à vénérer une planche de l'Arche de Noé (Irving Finkel, L'Arche avant Noé, 2015 - books.google.fr).

 

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