Prostituées et lépreux

Prostituées et lépreux

 

IX, 56

 

2144-2145

 

Camp près de Noudam passera Goussanville,

Et à Malotes laissera son enseigne:

Convertira en instant plus de mille,

Cherchant les deux remettre en chaîne et legne.

 

Noudam : nudam ?

 

Couplé avec "linea" (mot proche de "legne", par ligne, qui designerait la "laine" cf. Tristan : "Il fu en legne sanz chemise. De tel burel furent les cotes"), nudam donne quelques vers du satyricon de Pétrone (Guy Dethurens, Tristan et Yseut (version Béroul), 2016 - books.google.fr).

 

Horace dans la Staire II du Livre II dit : Cois tibi pene videre est ut nudam.

 

Coae vestes, êtoient dés habits d'une gase que l'on faisait dans l'isle de Cos & qui étoit si fin & si transparente, qu’elle laissoit voir le corps comme à nud. C’est pourquoi Varron appelloit ces habits vitreas togas. Publius Syrus les appelloit ventum textilem, du vent tissu, & nebulam lineam, une nuée de lin : "AEquum est induere nuptam ventum textilem. Palam prostare nudam in nebula linea ?". Est-il possible qu’une femme mariée porte des habits de vent, & qu’elle paroisse toute nuë sous une nuée de lin ? Seneque disoit, qu’une femme qui portoit des habits de cette gaze, n’auroit osé jurer qu'elle n’estoit pas nuë: quibus sumtis mulier parum liquido nudam se non esse jurabit. Et dans le Livre de Confolation qu'il écrit à sa mere: Nunquam tibi placuit vestis, que ad nihil aliud exigenda quam ut nudam exponeret. Vous n’avez jamais aimé ces habits qui ne font bons qu’à faire paroître le corps nud. Et S. Jerôme écrivant à Laeta [joie] sur l’éducation de sa fille : talia vestimenta paret quibus pellatur frigus, non quibus vestita corpora nudentur. A Rome, il n'y avoit que les courtisanes qui portassent ces sortes d'habits ; au lieu qu'en Orient les femmes & les filles les plus considerables en êtoient vétuës. Car c'est ce qu'Esaïe appelle Interlucentes Laconicas, des habits transparents, en parlant des filles de Jerusalem (Remarques Critiques Sur Les Oeuvres D'Horace: Avec une Nouvelle Traduction, Tome 7, 1696 - books.google.fr).

 

Ces vers sont inclus dans le Satyricon (chap. 55) et attribués par Pétrone à Publius Syrus (Yeh Wei-Jong, Le Satyricon à travers la métrique. In: Vita Latina, N°183-184, 2011 - www.persee.fr).

 

La modernité de Pétrone, pour les contemporains de Louis XIV, est avant tout historique : Petronius Arbiter redivivus, Pétrone se voit ressuscité par la découverte d’une partie importante du roman. Le fragment de Trau, copie du manuscrit contenant le festin de Trimalcion, est en effet (re)trouvé en 1650 et publié en 1664 : ce manuscrit vient combler une vaste lacune s’étendant du chapitre 37 jusqu’au chapitre 79 du Satiricon. Cette découverte est de première importance, et le texte de Pétrone que nous lisons aujourd’hui n’a guère varié depuis l’intégration du Codex Traguriensis Au début de la Renaissance italienne, le Pogge, grand chercheur de manuscrits, retrouve des «extraits courts» (excerpta vulgaria) du Satiricon qui seront publiés pour la première fois à Milan en 1482 par Franciscus Puteolanus. Cette édition princeps se voit ensuite complétée («extraits longs») par celles de Jean de Tournes (Lyon, 1575) et de Pierre Pithou (Paris, 1577). Les éditions des «extraits longs» ne subissent ensuite que des remaniements de détail. De légères variantes sont ainsi apportées par les éditions de Jean Dousa (Leyde, 1585), de Melchior Goldast de Heiminsfeld (Francfort, 1610), de Jean Boudelot (Paris, 1618), de Théodore de Juges (Genève, 1629), de Gonsalo de Salas (Francfort, 1629). C’est la découverte en 1650 à Trau, en Dalmatie, d’une copie du manuscrit contenant la cena Trimalchionis qui modifie radicalement le texte de Pétrone. Ce fragment, publié seul en 1664 à Padoue, est joint en 1669 aux extraits longs de Pétrone par Michael Hadrianides : cette édition (Amsterdam, 1669) comprend le premier texte complet de ce qui a survécu du Satiricon, quasi semblable à celui dont nous disposons aujourd’hui et qui représente environ un tiers de ce qu’était le roman intégral (Carine Barbafieri, «Il est peut-être le seul de l'Antiquité qui ait su parler de galanterie». Pétrone, figure tutélaire des mondains à l'âge classique, Littératures classiques N° 77, 2012 ).

 

L’épisode du Festin chez Trimalcion (en latin Cena Trimalchionis) couvre les chapitres 26, 7-78, 8 des éditions modernes du Satyricon. Il représente l’épisode le plus étendu du Satyricon et, probablement, le plus connu. Sa découverte remonte à la moitié du XVIIe siècle (en. 1645), quand Marino Statileo remarque une partie du Satyricon jusqu’alors inconnue dans un manuscrit appartenant à la bibliothèque de son ami le comte Niccolò Cippico. La découverte a lieu en Dalmatie, dans la ville de Trogir. Cette ville se trouve aujourd’hui en Croatie, mais à l’époque elle était sous domination vénitienne et couramment connue sous le nom italien de Traù (en latin Tragurium). Le manuscrit de Traù appartient aujourd’hui à la BnF.

 

Vers 1570 ‘le cercle de Leyde’ gravitant autour du célèbre philologue Scaliger redécouvre Pétrone, en publiant, en outre les excerpta longiora. C’est le même Scaliger qui suggère l’identification entre le Pétrone auteur du Satyricon et le Pétrone (27 ? – 66) décrit par l’historien romain Tacite dans les Annales et reconnu comme ‘arbitre du bon goût’ (arbiter elegantiae) de la cour néronienne (Le Fragment de Traù).

 

"Malotes" : "malauta" malade en provençal

 

Ripa (De Peste, III, I, 463.) et après lui Zacchias (Quest. MED. LEG. III,3, 4) ont formellement prescrit l'expulsion des prostituées de l'enceinte des villes en temps d'épidémie. Avant tous les progrès réalisés de nos jours par l'hygiène publique, la prostitution devait apparaître comme une véritable cause d'infection dans les quartiers qu'elle occupait. Chez les Romains la vie militaire obligeait à la chasteté ; c'était du moins une opinion commune : "Dicta caatra, quasi casta, quod illic custraretitr libido, nam numquam iis intererat mulier" (Isidore. HISPAL. 9, Etymol. 3) "Le mot castra (camps) est comme casta (chaste) parce que la volupté y était castram (chatrée), car jamais aucune femme n'y paraissait". Scipion, rétablissant l'ancienne discipline, expulse de son camp 2000 prostituées. (VAL. Max. II, 2, 4) (Julien François Jeannel, Mémoire sur la prostitution publique et parallèle complet de la prostitution romaine et de la prostitution contemporaine, 1862 - books.google.fr).

 

L'étude des termes injurieux n'est pas sans intérêt pour la connaissance des mentalités et des structures sociales. Plusieurs fueros (chartes municipales) léono-castillanes des XIIème et XIIIème siècles ainsi que le Fuero Viejo de Castilla (mil. XIVème) rangent certaines insultes verbales parmi les actes délictueux qui exigeaient sanction et réparation. [...] La sexualité est le thème dominant. Aucun fuero n'ignore puta, «putain». Les autres références à la conduite sexuelle sont beaucoup moins fréquentes : enceguladora (ceguladora), «cocufieuse» , yo te fodi, «je t'ai foutue», yo te vi foder,  «je t'ai vue foutre». Il convient peut-être de ranger dans la même catégorie : rocina (féminin de rocin, «roussin»), où je verrai plutôt une connotation érotique qu'une allusion malveillante à l'aspect physique ; monaguera (de monago, latin «monachus»), celle qui fréquente trop intimement les moines (?) ; alevosa, «traîtresse», (à la foi conjugale ?). Deux insultes seulement relèvent de registres différents. Gafa/malata, «lépreuse», suit puta en fréquence (J. Gautier Dalché, Remarques sur l'insulte verbale dans quelques textes juridiques léono-castillans, Mélanges Jean Larmat: regards sur le Moyen Age et la Renaissance :(histoire, langue et littérature), 1982 - books.google.fr).

 

On peut peut-être élargir ce types d'injures à des aires géographiques plus larges.

 

"Convertira"

 

En parlant du sort définitif des prostituées, j'ai dit que plusieurs de ces femmes, touchées de repentir et mues par des sentiments religieux, entraient dans des maisons de retraite et s'y livraient, pour le reste de leur vie, au travail et aux exercices d'une vie pénitente. Je vais dire quelques mots sur ces maisons dignes, sous bien des rapports, du plus haut intérêt. Le premier établissement qui, à ma connaissance, ait été consacré à recevoir les prostituées repentantes, remonte aux premières années du XIII° siècle ; il fut fondé par Guillaume III, évêque de Paris, qui lui donna le nom de maison des Filles-Dieu. Nous avons vu saint Louis, lors de son premier édit, accorder à cette maison une somme considérable, à condition qu'elle entretiendrait deux cents filles qui, renonçant à leurs habitudes vicieuses, voudraient rentrer dans le chemin de l'honneur et de la vertu. Cette maison, se trouvant dans la direction de l'enceinte que Charles V faisait bâtir, on fut obligé de la détruire et de la transporter rue Saint-Denis, au coin de la rue qui porte encore aujourd'hui le nom des Filles-Dieu, où elle a subsisté avec la même destination pendant plusieurs siècles. En l'année 1492, un religieux nommé Jean Tisserand, ayant converti par ses prédications un certain nombre de filles débauchées, les réunit en communauté sous le nom de filles pénitentes ; Charles VIII approuva leur institut en 1496, et le pape Alexandre VI le confirma en 1497. Dans les statuts qui leur furent donnés par l'archevêque de Paris, Jean Simon, il fut spécifié qu'on ne recevrait dans cette maison aucune fille qui n'eût perdu sa virginité (Voir Félibien, Histoire de Paris, t. II, p.886). Une autre maison s'établit en 1618 ; elle fut fondée par Robert de Montry, marchand de Paris, qui, ayant trouvé deux filles débauchées touchées de repentir, les retira chez lui et pourvut à leur existence ; celles-ci furent suivies de plusieurs autres qu'il secourut de la même manière. ( Id., id., t. II, p. 1313.) Sainte-Pélagie, établissement devenu depuis très-célèbre, fut fondée en 1665 par la dame de Miramion, qui se trouvait, à cette époque, à la tête de toutes les institutions utiles; elle fit d'abord sur dix filles l'essai des moyens et de la méthode qu'elle voulait employer sur cette classe ; cet essai ayant réussi, elle étendit sa maison , qui se trouva par la suite composée de deux classes de personnes, l'une comprenant les filles renfermées par force et à la demande de leurs parents, l'autre celles qui venaient s'y réfugier d'elles-mêmes ; en peu de temps, le nombre de ces dernières s'accrut d'une manière considérable. A cette époque de zèle et d'enthousiasme religieux, on voyait des particuliers sans mission former des maisons semblables et, de leur autorité, y faire enfermer des filles de mauvaise vie qu'ils voulaient forcer à se convertir ; les choses, à cet égard, en vinrent à un tel point que le parlement fut obligé d'intervenir et d'arrêter ce zèle indiscret. (Histoire de Paris, par Félibien, t. II, p. 1491.) Il ne faut pas confondre avec les établissements dont nous parlons, le Refuge de la Madeleine, que fonda Louis XIV. Il n'y avait, en effet, dans ces deux divisions de la Salpêtrière, que des pensionnaires qu'on y renfermait contre leur volonté : elles faisaient partie de la Force, où se trouvaient les filles incorrigibles. Vers l'année 1686 , une veuve nommée Lacombe, très-religieuse dame, reçut par charité, chez elle, une fille repentante ; celle-ci en attira d'autres, et Louis XIV, qui avait entendu parler de cette veuve et qui voulait la protéger, lui donna une maison dans la rue du Cherche-Midi. Cette dame Lacombe avait pour principe de ne refuser personne et d'ouvrir son établissement à qui voulait y entrer. En peu de temps, la maison devint trop petite ; il fallut y bâtir une aile, puis en acheter une seconde, de sorte qu'en moins de deux ans, on y comptait 120 personnes. Telle fut l'origine de la maison du Bon-Pasteur, à laquelle on donna des réglements en 1698. Dans les dix années qui suivirent , trois autres établissements analogues se formèrent dans Paris; ils étaient désignés sous les noms de Sainte-Théodore, de Sainte-Valère, et du Sauveur ; j'ignore à quelle époque fut fondée la maison de Saint-Michel qui avait la même destination. Toutes ces conversions étaient-elles bien sincères ? On a lieu d'en douter, lorsqu'on sait qu'elles s'opéraient à l'époque où Louis XIV faisait exécuter avec sévérité les réglements qu'il avait publiés contre les filles publiques. (Delamare, Traité de la Police, t. 1, p. 530, et Félibien, Histoire de Paris, t. II, p. 1522.) (Alexandre-Jean-Baptiste Parent-Duchâtelet, De la prostitution dans la ville de Paris, Tome 1, 1837 - books.google.fr).

 

Se déclinent sur none : ante-antain ('tante', amita), pute-putain (*putta ?) et quantité de formations onomastiques : noms de rivières (passés aujourd'hui au masculin) : Orne-Ornain, Loing, Morin (anciennement Loue-Louain, More-Morain, lat. Lupa, Mucra), et anthroponymes : Aie-Aien (effet de Bartsch), Berte-Bertain, Eve-Evain, Gisle-Gislain, Pinte-Pintain (nom de la poule dans le Rom. de Renart), encore lisibles dans les noms composés d'agglomérations franques comme Goussainville ou Joinville (Gonzane/ Gaudiane villa) : Ja n'es tu pas filz de putain, / ne de moine ne de nonnain (Thèbes, 65-66). Par devant dient qu'eus vos aiment, / et par deriers putain vos claiment (Rose, 9210) (Gaston Zink, Morphologie du français médiéval, 1997 - books.google.fr

 

Les noms de lieu m'ont conduit à une digression médicale; les noms propres me ramènent à la grammaire. On sait que l'ancienne langue avait une forme de régime pour les noms de femme en e muet, et que cette forme était en ain : Berte, Bertain, Ide, Itlain. Ève, Évain, Jehaite, Jehanain, etc. Cela était resté inexpliqué, mais ne l'est plus grâce à M. Jules Quicherat. Les noms barbares de femme en a s'allongeaient, aux cas obliques, par l'addition d'une syllabe nasale; Truta, Trudanæ, Bertrada, Bertradanæ, Ercamberta, Ercambertanae, Fastrada, Fastradanae, Berta, Bertanæ. La nomenclature territoriale fournit son contingent d'exemples : Attainville (Seine-et-Ûise), Adtanæ villa, Dondainville (Eure-et-Loir), Dodanæ villa, Goussainville (Seine-et-Oise), GanzanÅ“ villa; tous noms faisant au nominatif Adla, Dada, Gunza. L'ancien haut allemand décline les noms féminins en a ainsi : zunka, lingua, zunkan, linguam; et le gothique dit semblablement : tuggô, tuggôn. Soit que cette finale an, on, fût accentuée ou ne le fût pas, le bas latin fareentua, et, en l'accentuant, la développa en anem, anam. La langue ne borna pas aux noms propres cette formation ; elle l'étendit à certains noms communs, par exemple antain, tante, et deux qui nous sont restés, l'un familier, nonnain, l'autre grossier, putain (Émile Littré, Pour faire suite à l'histoire de la langue française, 1880 - books.google.fr).

 

Gaudiane se rapproche de "gaudia", la joie en latin qui se décline en "fille de joie".

 

"Chaine", "laine" : tissage

 

Quoique le lin fût connu à Rome et dans l'Italie, il n'y devint d'un usage fréquent que sous les empereurs. On le recherchait surtout pour les vêtemens de dessous. Alexandre Sévère preférait sa blancheur à l'éclat de la pourpre. Il introduisit l'usage de mêler l'or aux tissus de lin, vain luxe, qui ne pouvait que leur faire perdre, avec leur souplesse, une partie de leur agrément. Il paraît que les anciens ne furent guère moins habiles que nous dans l'art de tisser le lin. Les femmes de l'antiquité chérissaient, comme celles de nos jours, ces voiles à jour, qui ne semblent faits que pour irriter les désirs, et que Varron apelle des vêtements cristal (vitreas togas), et Pétrone un nuage de lin, du vent tissu : AEquum est induere nuptam ventum textilem, Palàm prostare nudam in nebula. linea ? Les gazes de Cos étaient surtout célèbres. Mais il paraît qu'à Cos ces étoffes transparentes se faisaient avec le cotou qu'on y cultivait. Pamphila , fille de Latoüs, les avait inventées : Non defraudanda, dit Pline (liv. XI, c. 22), gloria inventae rationis ut denudet fœminan vestis. L'art de la filature a été poussé si loin, qu'on tire d'une seule once de lin quatre mille aunes de fil (Dictionnaire des sciences médicales, Volume 28, 1818 - books.google.fr).

 

Du lin impudique, on passe par la conversion à la laine qui servait à tisser la robe de bure des religieux.

 

On pense à Robert d'Arbrisel et à Vital de Savigny qui convertissent des prostituées. Dans deux textes du XVIIème siècle de l'histoire de Fontevraud la prostituée visitée par d'Arbrisel "tombe à l'instant à ses pied" (Jacques Dalarun, Robert d'Arbrissel, fondateur de Fontevraud, 2012 - books.google.fr).

 

A la fin du XVIIe siècle, par exemple, l'hôpital général de Paris, qui comprenait plusieurs établissements (aussi appelés «asiles»), dont notamment la Salpêtrière (qui accueillait exclusivement des femmes), une maison de correction pour les prostituées et la «maison Scipion» (qui était réservée aux femmes sur le point d'accoucher, aux accouchées et aux nouveau-nés), permettait de loger et d'enfermer quelques dix milles personnes. Dès 1666, le travail est devenu obligatoire dans les différents asiles de l'hôpital général ; les accouchées de la « maison Scipion » se sont ainsi retrouvées obligées de tisser et de tricoter (Stéphanie Perrenoud, La protection de la maternité: Etude de droit suisse, international et européen, 2015 - books.google.fr).

 

Le costume des filles du Bon-Pasteur était à peu près le même que celui des communautés analogues : leurs robes de bure ou de gros drap brun, à manches larges et tombantes, à col fermé et attaché par une agrafe, se serraient à la taille avec une ceinture de cuir noir, garni d'une boucle de fer noirci; elles portaient, néanmoins, par-dessus leurs robes, un corset en toute saison, et un jupon en hiver seulement, avec une camisole blanche, de revèche, sans apprêt; elles avaient des bas de laine tricotée et des sandales de bois, en guise de souliers; elles mettaient par-dessus le gros bonnet de laine qui couvrait leur tête rasée, une double coiffe d'étamine très-épaisse en forme de cornette, longue de deux tiers et profonde d'un quart d'aune. A leur ceinture pendait un gros chapelet de bois brun, terminé par une croix portant un christ en cuivre jaune. Elles ne se servaient de gants que dans la rigueur de l'hiver, pour éviter que leurs mains ne se gerçassent et ne fussent hors d'état de travailler; elles ne se débarrassaient de leurs tabliers, de serge d'Aumale, à bavette, que les dimanches et les jours de fête, où elles ne travaillaient pas à l'ouvroir (P. L. Jacob, Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde, depuis l'antiquité la plus reculée, jusqu'à nos jours, Tome 7, 1855 - books.google.fr).

 

"enseigne"

 

Le port d'une «enseigne» est obligatoire pour les filles publiques à compter d'une ordonnance du XIIIe siècle, renouvelée au XVe et au XVIe siècle. Quant aux interdits vestimentaires (défense deporter un mantelet fourré, un bonnet orné d'or et d'argent, des bijoux, des chapelets précieux, etc., sous peine de 50 livres d'amende, à Avignon), ils se rangent dans le cadre d'ordonnances somptuaires valables pour toutes les catégories sociales, et d'ailleurs respectées. Ils visent à distinguer des autres les «femmes d'état» et à éviter que de pauvres jeunes filles, à la vue de leurs belles parures, soient incitées à suivre leur exemple. Des interdits fiscaux enfin (défense de recevoir chez soi et donner à dîner et souper aux filles communes) empêchent le «secteur privé» de ruiner le monopole urbain (Madeleine Lazard, Les Avenues de Fémynie: Les femmes et la Renaissance, 2001 - books.google.fr).

 

De même les lépreux se devaient de porter une enseigne, en particulier en Languedoc. Des lettres du 7 mars 1407, produites par Charles VI, répondant à la plainte des consuls de Toulouse, exigent que les lépreux "doivent porter certaine enseigne pour estre comme (distingués) des saines personnes, et aussi doivent demourer et vevre (vivre) séparément, à ce que les soins n'en soyent pas entamiés et corrompus" (Félix Martin-Doisy, Dictionnaire d'économie charitable, Encyclopédie théologique, Migne, 1857 - books.google.fr).

 

Pierre, chantre de Notre-Dame, Foulques, curé de Neüilly, Pierre de Roissy, chancelier de l'église de Chartres, Guillaume de Seligny, évêque de Paris, saint Louis et Jean Tisserand, tâchèrent vainement de convertir les femmes publiques, tantôt par la sainte vie qu'ils menoient et qu'ils prêchoient, tantôt par les menaces et par les rigueurs, tantôt par l'esprit de mansuétude qui est si propre à gagner le cœur du peuple. Foulques montrait au doigt et chargeoit de malédictions, en présence de tout le monde, les prêtres qui ne se rend oient pas à ses remontrances : il appeloit Jumens du diable, les femmes qu'ils entre-tenoient : il les remplit, pour la plupart, d'une si sainte horreur, et leur donna tant de terreur des châtimens de l'autre vie, que de toutes ces femmes, les unes se marièrent, les autres s'arrachèrent les cheveux, quelques-unes expièrent leurs crimes par des pèlerinages et par des austérités, et les autres crucifièrent leur chair et leur passion dans l'abbaye de Saint-Antoine-desChamps, qu'on fonda tout exprès pour elles (Henri Sauval, La Chronique scandaleuse de Paris: Ou Histoire des mauvais lieux, 2016 - books.google.fr).

 

Henri Sauval, ou Sauvalle, baptisé le 5 mars 1623 à Paris et mort le 21 mars 1676 à Paris, est un avocat et historien français du XVIIe siècle. Il consacre la plus grande partie de sa vie à des recherches sur les archives de sa ville natale et obtint en 1656 une licence pour imprimer son Paris ancien et moderne. Cependant à sa mort le travail restait toujours à l’état de manuscrit. Ce n’est qu'en 1724, près d'un demi-siècle plus tard, qu'il fut publié grâce à son collaborateur Claude Bernard Rousseau, sous le titre Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris. Il était toutefois remanié par de lourdes digressions qui n’étaient pas de Sauval. D'autre part, toute une partie du texte, écartée, ne fut publiée qu'en 1883 sous le titre Chronique scandaleuse de Paris, ou Histoire des mauvais lieux (fr.wikipedia.org - Henri Sauval).

 

Foulques de Neuilly autre saint Paul et les 1000 prostituées de Corinthe

 

L'abbé Lebeuf rapporte, d'après un écrivain du XIIIe siècle, Jacques de Vitry que «Pierre, chanoine de Paris, voulant faire connaître les talents extraordinaires de Foulques son disciple, le fit prêcher en sa présence et Dieu donna une telle bénédiction à ses sermons, quoiqu'ils fussent d'un style fort simple que même, tous les savants de Paris s'excitaient à venir entendre le prêtre Foulques qui prêchait, disaient-ils, comme un second saint Paul» (d'après l'Historia occidentalis de J. de Vitry, ch. 8) (Adolphe Démy, Essai historique sur l'église Saint-Séverin, 1903 - books.google.fr).

 

Venite & audite Fulconem presbyterum tanquam alterum Paulum (Jacobus de Vitriaco, Historia orientalis et occidentalis, 1597 - books.google.fr).

 

Le sanctuaire d'Aphrodite regorgeait à tel point de richesses qu'il possédait à titre d'hiérodules plus de mille courtisanes, que des donateurs de l'un et de l'autre sexe avaient offertes à la déesse ; elles attiraient, bien entendu, une foule de gens à Corinthe et contribuaient à l'enrichir ; les patrons de navires avaient tôt fait de s'y ruiner ; de là vient le proverbe : De Corinthe le voyage / Ne peut être le partage / Du premier venu. On rapporte même ce mot d'une courtisane : à une femme qui lui reprochait de ne pas aimer travailler et de ne pas toucher à ses laines, elle aurait dit : «Eh bien, telle que tu me vois, j'ai, en ce peu de temps, déjà mené à bien trois entoilages.» (Strabon, Géographie - Baladié, p. 183).

 

Une autre source de richesse pour Corinthe, c'étaient les foules attirées par les plaisirs offerts par plus d'un millier de prostituées sacrées desservant le temple d'Aphrodite. Bien des introductions et des commentaires du Nouveau Testament insistent là-dessus, y voyant l'explication de l'importance que Paul a été amené à accorder au sexe en 1 Co 5 - 7. Mais le contexte montre nettement qu'ici Strabon parle de la cité telle qu'elle existait antérieurement à 146 avant J.-C, non de la colonie romaine de fondation récente qu'il a visitée en 29 avant J.-C. A cette époque, il n'y a vu qu'un «petit temple d'Aphrodite» (21 b) ; le même qualificatif convient aux deux temples mentionnés par Pausanias. Les fouilles n'ont mis au jour aucun temple d'Aphrodite, de quelque période que ce soit, correspondant aux chiffres mentionnés. On a mis en doute le récit de Strabon même pour la période antérieure à 146 avant J.-C. (Conzelmann, 1967). Si Strabon dit vrai, Corinthe s'est singularisée parmi toutes les cités grecques. La prostitution sacrée ne fut jamais un usage grec et si Corinthe sur ce point a fait exception, il est impossible d'expliquer le silence de tous les autres auteurs anciens. Apparemment, Strabon aura combiné entre eux des éléments pris à des sources différentes pour aboutir à une image totalement déformée de la réalité. Il savait qu'il y avait des femmes qui servaient dans le temple d'Aphrodite, - mais il ne s'agissait pas de prostituées. Il connaissait la réputation licencieuse de Corinthe (voir plus loin) ; et peut-être a-t-il interprété à contresens une ode de de Pindare. Il aura assemblé tout cela à la lumière de ce qu'il savait personnellement de la ville de Comana, dans le Pont : il y avait là «une multitude de femmes qui tiraient profit de leurs charmes ; la plupart d'entre elles étaient consacrées à la déesse, car en un sens cette cité est une petite Corinthe» (Géographie, 12, 3. 36). La prostitution sacrée était courante en Orient et, en réalité, Strabon a fait de Corinthe «une grande Comana», en vertu d'une fausse prémisse selon laquelle la même situation devait y régner. Corinthe avait bien une certaine réputation en matière de sexe. Aristophane (autour de 450-385 avant J.-C.) avait forgé le verbe korinthiazesthai, «se conduire comme un Corinthien», c'est-à-dire forniquer. Philétère (IVe siècle avant J.-C.) et Polioque (Athénée, Deipnosophistes, 313 c, 559 a) ont écrit des pièces intitulées korinthiastês, «Le débauché». Dans une liste des produits caractéristiques de chaque cité grecque, Antiphanes (environ 388-311) accole «dessus de lit» au nom de Corinthe (Athénée, Deipnosophistes, 27 d*). Platon (vers 429-347) emploie korinthia korê, «une fille de Corinthe», au sens de prostituée (République, 404 D) (Jerome Murphy-O'Connor, Corinthe au temps de Saint Paul: d'après les textes et l'archéologie, 1986 - books.google.fr).

 

Paul prône logiquement une chasteté qui exalte une vie consacrée à la préparation du salut; en effet le Royaume est tout proche; la Parousie du Christ est attendue ; c'est pourquoi, comme le rappelle L. Rougier la première communauté chrétienne de Jérusalem priait en appelant le retour du Christ : «Maranatha (Viens Seigneur! cf. 1 Cor. 16,22)» Cette pensée s'exprime fortement à travers les Épîtres de l'Apôtre des gentils comme la première lettre aux Corinthiens. [...] Toutefois cette chasteté, état idéal symbolique de l'indifférenciation ou, si l'on préfère, de l'uniformisation des êtres le Royaume des cieux, n'est pas accessible à tous et le risque du péché est grand malgré la foi. En conséquence, le mariage, dans son aspect "hygiénique" (Hygieia en Grèce, Salus à Rome sont les divinités de la santé du corps et de l'esprit), trouve sa place dans la pensée de Paul, mais au second rang derrière la chasteté. Or, l'état marital, ce pis-aller, entraîne pour les premiers chrétiens le rappel par Paul des normes d'une conduite sexuée prônées par le judaïsme. La Première Épître aux Corinthiens exprime avec minutie l'opinion de Paul (Sylvie Vilatte, La représentation des femmes dans le discours savant du premier christianisme (Ier-IIe siècle), Femmes plurielles: Les représentations des femmes : discours, normes et conduites, 1999 - books.google.fr).

 

Goussainville et Goussainville

 

Le nom de Roissy est devenu célébré dans l’Histoire par ceux qui l’ont porté, et qui se sont distingués dans leur état en différentes maniérés. Sur la fin du XIIe siècle fleurit Pierre de Roissy, que Rigord qualifie Prêtre du Diocèse de Paris, homme lettré et de sainte vie, que Foulques, Curé de Neuilly, s’associa pour prêcher la pénitence aux femmes de mauvaise vie. Il y a à Rome, parmi les manuscrits de la Reine Christine de Suède, un volume intitulé : Manuale Magistri Pétri de Roissiaco Cancelarii Carnotensis, qui est sans doute du même sçavant. Cet ouvrage dont j’ai vu un exemplaire à la Bibliothèque de Saint Victor de Paris, et un autre dans celle du Collège des Cholets, ne paroît pas avoir été imprimé : c’est une explication des cérémonies de la Messe qui commence par ces mots : Frumentum desiderat nubes, écriture du XIIIe siècle.

 

En 1482 Raoul Jouvenel des Ursins, Chanoine de Notre-Dame de Paris, paroît avoir été le seul Seigneur de cette terre. Il avoit obtenu cette année-là au mois d’Août de Louis XI, étant à Meun-sur-Loire, la haute Justice en cette Seigneurie, pouvoir d’y établir Bailly, Prévôt, Voyer, Procureur, Garde-Scel et Sergens, dresser Fourches patibulaires et Prisons, avec exemption du ressort de la Châtellenie et Prévôté de Gonesse. Le Roi ayant écrit au Parlement de vérifier ses Lettres, il y eut informations faites Reg. Parlant, de commodo et incommodo, et le 19 Novembre de la même année 5 Sept. la Cour déclara que les Lettres Patentes seroient registrées pourvu que les habitans de Roissy ressortissent à Gonesse en cas d’Appel pardevant le Bailly \ ajoutant que le sieur Jouvenel n’aura ni Tabellion ni Scel à Contracts, et tiendra cette Justice du Roi en foi et hommage à cause du Châtelet de Paris. Mais quarante ans après, ces obstacles parurent levés, puisque le sieur Juvénal des Ursins fit acquisition des droits qui lui avoient été contestés (Jean Lebeuf, Histoire de la ville et de tout le diocese de Paris, Tome 5, 1755 - books.google.fr).

 

Pierre de Roissy commença de prêcher avec Foulques de Neuilly en 1198. «En cette année, dit Vincent de Beauvais, Foulques s'adjoignit, pour le ministère de la prédication, un autre prêtre nommé Pierre de Roissy, homme instruit et bon qui convertit beaucoup de libertins et d'usuriers. Il poussa plusieurs courtisanes publiques à la continence conjugale, et pour les doter il obtint 250 livres des écoliers et plus de 1000 livres des bourgeois ; d'autres, rejetant le mariage, prirent l'habit religieux et furent placées dans la nouvelle abbaye de Saint-Antoine, fondée exprès pour elles ; d'autres enfin se condamnèrent à des pèlerinages et à de grandes fatigues» Ce ne fut pas la seule œuvre de Pierre de Roissy : sur l'ordre d'Innocent III, il prêcha aussi la Croisade (Alexandre Clerval, Les écoles de Chartres au Moyen-âge du Ve au XVIe siècle, Mémoires de la Société archéologique d'Eure-et-Loir, Volume 11, 1895 - books.google.fr).

 

Parmi tous les monuments de cette époque, aujourd'hui disparus, on rappellera l'église de l'abbaye cistercienne Saint-Antoine-des-Champs fondée, on l'a dit, sous l'épiscopat d'Eudes de Sully pour l'accueil des prostituées converties (vers les rues actuelles Crozatier et de Cîteaux) (Bernard Plongeron, Luce Pietri, Le Diocèse de Paris, Tome 1, 1987 - books.google.fr

 

À l'origine, maison d'accueil pour des prostituées repenties fondée à la fin du XIIe siècle par le curé de Neuilly-sur-Marne, Foulques, qui fut transformée en abbaye, rattachée à l'ordre cistercien en 1204. Le monastère fut très tôt lié à la monarchie capétienne, ainsi Saint Louis était présent lors de la dédicace de l'église en 1233. Tout comme d'autres fondations féminines cisterciennes de la région parisienne (abbayes du Lys et de Maubuisson), Saint-Antoine-des-Champs abrite alors les tombeaux de deux filles de Charles V, Jeanne et Bonne de France, mortes toutes les deux en bas âge en 1360 (Alexandre Bande, Le cœur du roi (2009), 2014 - books.google.fr

 

Le chancelier du chapitre de la cathédrale de Chartres entre 1205 et 1211, Pierre de Roissy, a rédigé plusieurs homélies destinées aux prostituées et un traité sur la liturgie. A plusieurs reprises, entre autres en octobre 1208, le pape le chargea de juger certaines affaires en son nom. Son obit est très élogieux : «Le 8 septembre, mourut vénérable personne Pierre de Roissy (Resseio), prêtre et chancelier, docteur en la Sainte Écriture, et excellent prédicateur, orné à un haut point du savoir et de l'éloquence. Il légua de nombreux livres à cette Église : les Histoires de Pierre le Mangeur, les Sentences de Lombard, un Psautier glosé, les Epitres de saint Paul glosées, les Moralités sur la Bible, l'Apocalypse et les Douze petits prophètes, les Epitres canoniques et les actes des apôtres glosés en un volume; des gloses sur Paneien Testament en deux volumes; les sermons de Bernard de Clairvaux; les épitres de Gains, Sidoine Apollinaire; le livre de Sénèque de naturalibus, en un volume (Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, Tome 1, 1862 - books.google.fr).

 

Dans l'Historia Occidentalis, composée en 1219 et 1221, Jacques de Vitry présente deux visages successifs de Paris, qui correspondent bel et bien aux deux temps classiques d'une conversion collective, intervenue selon lui à la fin du XIIe siècle. Avant l'arrivée de Pierre le Chantre, peu après 1170, la capitale et plus encore le milieu scolaire baignaient dans les ténèbres et dans le stupre. Tout a changé à partir du moment où l'ancien lecteur en théologie de Reims a commencé son enseignement et son apostolat. À partir de 1195, selon Jean Longère, il a été épaulé par son disciple Foulques, curé de Neuilly-sur-Marne, qui s'est chargé de poursuivre l'œuvre entreprise après le décès de son maître, survenu en 1197. Très apprécié des écoliers et des simples fidèles, Foulques serait devenu, à en croire Jacques de Vitry, un nouveau saint Paul. Attirant les foules sur la place des Champeaux, à proximité des Halles, il aurait opéré de spectaculaires conversions en série. Il aurait ensuite cherché à étendre cette révolution des mœurs au royaume de France et à une partie de l'Empire. Archétype du prophète itinérant, écouté à la fois par le peuple et par les princes, il était capable de terroriser les pécheurs, de guérir les âmes, de soigner les corps et d'atténuer les plaies sociales en déterminant les accapareurs à ouvrir leurs greniers en période de famine. Il engendra une brillante lignée de disciples, saluée par l'auteur des Sermones vulgares, où Etienne Langton côtoyait Robert de Courçon, Adam de Perseigne et Jean de Nivelles. Vu le zèle déployé par ces «athlètes de la foi», Paris serait devenue, vers 1220, une ville fidèle et glorieuse, un «puits d'eaux vives capable d'irriguer toute la surface de la terre». Quel qu'ait été le véritable Foulques de Neuilly, dont Alberto Forni a montré qu'il menait une existence confortable, très différente de celle des ascètes farouches du XIIe siècle, retenons que le stéréotype du missionnaire «convertisseur» est est constitué avant l'entrée en scène des Mendiants (Hervé Martin, Sur la conversion en France au XIIIe siècle, Clovis, Tome I, 1997 - books.google.fr).

 

La lèpre est assimilée au péché mortel qui sépare de Dieu. Richard de Saint-Victor, mort vers 1173, commente ainsi un passage de saint Matthieu : «Alors que Jésus descendait de la montagne, la foule le suivit, et voici qu'un lépreux venait se prosterner devant lui et disait : “Seigneur si tu veux, tu peux me purifier» (Mt, 8.) «Ce lépreux est le genre humain qui demeura séparé et fort éloigné de Dieu et de la Cité de Dieu, c'est-à-dire Jérusalem, qui En Haut est notre mère, tant qu'il fut lépreux.» Les clercs n'acceptent pas sans réserve l'idée de la lèpre sanction et, entre la fin du XIe siècle et le milieu du XIIIe siècle, la maladie acquiert une signification plus positive, ambivalente, sinon contradictoire : image du péché, mais aussi incitation à la conversion, évocation des souffrances du Christ. Toutefois, en intitulant trois de ses sermons «aux lépreux et aux rejetés», le franciscain Guibert de Tournai se différencie de Jacques de Vitry ou du dominicain Humbert de Romans. Alors que Jacques de Vitry par exemple associe les associe les lépreux aux autres malades qu'ils représentent en quelque sorte, Guibert sépare la parole destinée aux pauvres et aux malades de celle réservée aux lépreux et abjects ; le rejet succède à la distinction (Jean Verdon, Le Moyen Age, ombres et lumières, 2013 - books.google.fr).

 

On retrouve Jacques de Vitry au quatrain suivant IX, 57.

 

Roissy jouxte Goussainville (Val d'Oise). Neuilly sur Marne (Seine saint Denis) jouxte Chelles (Seine et Marne) au sud de Roissy.

 

Nous entrons maintenant dans le diocèse de Chartres, dont la partie nord le long de la Seine formait l'archidiaconé du Pincerais, qui se divisait en doyenné de Poissy et doyenné de Mantes. Grâces au pouillé chartrain du XIIIe siècle, publié par M. Guérard dans le cartulaire de Saint-Père, nous connaissons parfaitement l'étendue de ces doyennés à cette époque, et tels qu'ils sont restés jusqu'à la Révolution.

 

Le doyenné de Poissy commençait à Maisons-sur-Seine et Saint-Léger-en-Laye, laissant Saint-Germain-en-Laye au diocèse de Paris; la Seine lui servait de limite jusqu'à l'embouchure de la Mandre; de là il prenait les paroisses de La Falaise, Boinville, Goussainville, Hargeville, Saint-Martin-d'Elleville, Osmoy , Behout, la Queue, Montfort et Saint-Léger-en-Iveline; il laissait au doyenné de Mantes, Epone, Arnouville, Septeuil, Orgerus, Grosrouvre, Gambaiseul, Coudé et la Boissière. Le doyenné de Mantes touchait par cette extrémité le doyenné d'Epernon; il renfermait tout le canton de Houdan; enfin il prenait dans Eure-etrLoir une lisière où se trouvaient Senantes, Favorolles, Prémont, Bu, Rouvres, Anet et Saussay, où il retrouvait l'Eure pour limite (M. de Dion, Mémoire sur le pagus Madriacensis, Trente-sixième session tenue a Chartres au mois de septembre 1869, 1870 - books.google.fr).

 

Le prieuré Saint-Thibault de Goussainville dépendait de l'abbaye de Bourgueil

 

Le maître de Foulques de Neuilly, Pierre le Chantre, serait l'oncle de Raoul de Houdenc ou de Houdan.

 

Trouvère, Raoul de Houdan reçut une éducation de clerc et mena, semble-t-il, une vie pauvre et errante. L'origine de son nom reste incertaine : Le Houdenc (Picardie) ou Houdan (Yvelines) selon M. Friedwagner (Edition de Meraugis) ? Il est l'auteur d'un roman arthurien, Méraugis de Portlesguez, et de deux poèmes allégoriques, Le Songe d'Enfer et le Roman des Eles de courtoisie (www.universalis.fr, Gilles Roussineau, La vengeance Raguidel de Raoul de Hodenc, 2004 - books.google.fr).

 

"Cherchant"

 

Le chancelier du chapitre de la cathédrale, Pierre de Roissy, a rédigé plusieurs homélies destinées aux prostituées: faut-il voir dans le vitrail du Fils Prodigue une sorte d'écho de ce type de prédication en images? On sait, par un texte du XIIIe siècle de de Thomas de Chobham, qu'à Paris des prostituées avaient souhaité offrir une verrière. Le fait que l'évêque Maurice de Sully ait refusé ce don avait même choqué le théologien Pierre le Chantre. On peut donc parfaitement imaginer que ces images sont le développement des habituels portraits du travail humain, développement qui n'est pas unique puisque la verrière de saint Lubin (baie 45) leur donne aussi une place très importante. Comment justifier autrement l'absence, exceptionnelle à Chartres, de donateurs ? On connaît, par les autres verrières, en particulier celle du Samaritain, le souci des concepteurs de trouver une manière d'intégrer ces destinataires dans le récit. Cette intégration est ici parfaitement réussie. La digression a peut-être pour fonction de désigner le risque principal principal qui guette le pèlerin au détour de son itinérance. Elle témoigne en tout cas à la fois de la très grande liberté des hommes du Moyen Âge par rapport au texte évangélique et de l'extrême tolérance d'une société qui confie à l'œuvre d'art, et à un lieu sacré, des sujets que bien des époques ultérieures, jusqu'à la nôtre, entourent de tabous (Colette Manhès, Jean-Paul Deremble, Vitraux de Chartres, 2003 - books.google.fr).

 

Une verrière de la cathédrale représente saint Nicolas (cf. quatrains VI, 78 ; IX, 59) donnant des pièces d'or à trois jeunes filles pauvres pour leur éviter la prostitution.

 

L'édification, sur les frais communs de la cité, du prostibulum publicum répond au souci de réguler une activité en lui donnant des limites visibles. Le lupanar est une chose d'utilité publique, et la publicité que lui fait le vitrail atteste de la normalisation de son établissement. Normal en est l'usage pour ce jeune homme riche, comme il l'est pour les jeunes gens aisés de ce début de XIIIe siècle : l'accès au prostibulum n'est répréhensible que pour les clercs ou les hommes mariés. La fréquentation de ces lieux, loin de prêter à scandale, fait figure de pratique coutumière, et c'est de cela d'abord dont le vitrail témoigne (Marie-Madeleine Gauthier, Colette Deremble, Les saintes prostituées, légende et imagerie médiévales, La Femme au moyenâge: Actes du colloque, Maubeuge 1988, 1990 - books.google.fr).

 

Au début du XIIIe siècle, aux environs des années 1208 à 1213, au temps où l'on commence à concevoir l'iconographie des baies latérales Nord et Sud, Pierre de Roissy, à son tour dans son traité, Job Glossatus secundum Magistrum Petrum cancellarium Carnotensem, reprend l'interprétation typologique donnée de Job par saint Grégoire qu'il connaît à l'évidence, puisqu'il le cite à maintes reprises.

 

Qu'est-ce qu'un hérétique ? Comme nous l'avons dit, un chrétien adoptant de fausses doctrines. En aucun cas il ne s'agit de fidèles d'une autre religion ni de philosophes. Dans les textes des IIIe et IVe conciles du Latran où le terme «hérétique» revient fréquemment, il en est bien ainsi. Et Pierre de Roissy était homme trop savant pour avoir donné à la légère une acception différente à ce terme. En revanche, nous allons bientôt voir qu'au tympan de Chartres les opposants désignés ne seront plus simplement les hérétiques. Malgré son obscurité, la description du chancelier de Chartres nous livre quelques indications intéressantes. A son tour il interprète les noms des amis :

 

Les trois amis de Job, entendant par là ceux qui étaient de faux amis et qui cependant viennent pour le consoler. Par ces gens-là on comprend allégoriquement les hérétiques qui se disent faussement amis des simples chrétiens. Parce qu'ils se prétendent amis, et sous prétexte de recevoir une consolation, des chrétiens viennent à eux. Le point d'où ils sont partis permet de les appeler Éliphaz, qui signifie mépris de Dieu. Ils sont hérétiques parce qu'ils ont du mépris et Thémanites (de Téman) qui signifie vent du Sud. Ils disent qu'ils ont, eux, le vent du Sud , c'est-à-dire l'Esprit Saint, duquel "lève-toi Aquilon, et viens vent du Nord". De même, Bildad qui doit être interprété comme vieillesse, simplement parce que ceux-là sont pécheurs depuis longtemps et Suithes qui signifie parlant parce qu'ils disent qu'ils ont, eux, la parole de Dieu. De même Sophar qui doit être interprété comme chercheur parce que ceux-là disent eux-mêmes qu'ils examinent le monde céleste et qu'ils ont l'intelligence de l'Écriture Sainte et Nantaa que l'on doit interpréter par beauté parce qu'ils disent qu'ils ont, eux, la beauté des vertus (Nicole Lévis-Godechot, Chartres: révélée par sa sculpture et ses vitraux, 1987 - books.google.fr).

 

Le vers 4 semble renvoyer ces prêcheurs au Sophar du Livre de Job.

 

L'injonction vétéro-testamentaire à placer les lépreux «hors du camp» (Nombres, 5, 1-3) participe de la délimitation du pur et de l'impur, tandis que la purification du lépreux par le Christ annonce la mission apostolique. La lèpre entre ainsi dans un jeu allégorique qui caractérise, comme autour de la figure de Job, «les errements propres à la nature déchue de l'homme» (p. 106), entre péché et rédemption. L'association du péché de et de la maladie de la chair, en relation avec les interdits du sang et du sexe, explique la contamination morale du discours médical (qui fait par exemple de la lèpre la conséquence du commerce des prostituées). A l'inverse, l'idéal monastique, qui valorise le mépris du monde et le mépris du corps, contribue à faire de la maladie une «invitation à la perfection» (p. 192). «Purgatoire présent» selon Jacques de Vitry, la lèpre confère une fragilité exemplaire. Le lépreux sanctifié se rapproche du Christ, et offre aux autres l'occasion de la sainteté (ce que dit la légende de saint Julien l'Hospitalier) : il n'est pas nécessairement un réprouvé. En dehors de la diffusion d'un modèle d'assistance que résume l'image de Saint Louis faisant l'aumône à un «mesel» et baisant sa main, Fr.-O. Touati montre d'ailleurs qu'avec saint Martin, Clovis (qui, lors du baptême, selon Grégoire de Tours «s'avance, nouveau Constantin, vers la piscine pour se guérir de la maladie d'une vieille lèpre»), et saint Denis (un lépreux, ensuite guéri, aurait été le seul témoin de la venue du Christ dans la basilique à la veille de la consécration), la lèpre intervient dans la constitution symbolique de la royauté thaumaturge et sacrée (A. Provost, Compte rendu de "Maladie et société au Moyen Âge. La lèpre, les lépreux et les léproseries dans la province ecclésiastique de Sens jusqu'au milieu du XIVe siècle" de François-Olivier Touati, 1998, Revue historique, 1999 - books.google.fr).

 

Typologie

 

En prenant la date pivot de 1197 et en y reportant 2145 on obtient 249.

 

La date de fondation de Saint Antoine des Champs est parfois repoussée à 1197 (ça arrange la typologie) (Katherine Ludwig Jansen, The Making of the Magdalen: Preaching and Popular Devotion in the Later Middle Ages, 2001 - books.google.fr).

 

Mais, par malheur, l'épée ou plutôt le poignard des soldats avait toujours le dernier mot. Et les deux Gordiens, et l'empereur patricien Balbinus, et l'empereur serrurier Maxime, et au bout de quelques années le jeune Gordien, tout cela est ou assassiné ou contraint au suicide. Mais après eux, le hasard des révolutions amène sous la pourpre, non plus seulement un prince tolérant, mais un prince chrétien, le témoignage de l'antiquité ecclésiastique nous autorise à le croire ; chrétien peu digne de ce nom, nous sommes obligés de le dire. Soixante ans avant Constantin, l'Arabe Philippe porte dans le palais des Césars un front consacré par le baptême. Et cet avénement du premier prince chrétien à Rome est signalé par le premier acte d'autorité de l'Église chrétienne sur les princes. Lorsque Philippe, devenu Auguste par le meurtre de son prédécesseur, se présenta dans l'assemblée des fidèles pour faire son offrande au temps de la pâque, l'évêque Babylas le repoussa comme plus tard l'évêque Ambroise devait repousser Théodose ; comme Théodose, il se soumit, et le premier César chrétien fut le premier César pénitent. Il y eut donc pour l'Église un moment de paix et même de gloire. Les jeux séculaires qui marquèrent l'achèvement du premier millénaire romain furent célébrés par un prince chrétien, qui, selon le chrétien Orose, voua par la pensée cette solennité à la gloire du Christ, la célébra sans monter au Capitole et sans immoler une victime. Mais, bien plus que de son César, l'Église pouvait se glorifier de ses évêques et de ses docteurs. Babylas à Antioche, Cyprien à Carthage, Grégoire le Thaumaturge à Néocésarée dans le Pont, Firmilianus à Césarée en Cappadoce, Denys à Alexandrie, Origène en Palestine, à Alexandrie ou pour mieux dire partout ; presque tous païens convertis, presque tous avant leur baptême ou nobles, ou savants, ou philosophes, étaient vénérés même des Gentils. L'Église était en paix, et cette paix profitait à la société romaine.

 

Philippe osait faire à Rome ce qu'Alexandre Sévère avait été tenté d'y faire, mais n'avait point osé Habuit ((Alexander Severus in animo ut exoletos vetaret, quod postea Philippus fecit. Lamprid., in Alex. Sever., 23). A Rome, jusqu'au milieu du IIIe siècle, c'est-à-dire, jusqu'au règne de l'empereur Philippe, il y eut des maisons publiques de mignons, scorta virilia, également soumises à l'impôt spécial des prostituées. Philippe parvint à les abolir.

 

Mais c'en était trop pour le monde païen. Il pouvait bien supporter un prince assassin, et il en avait supporté beaucoup; mais il ne pouvait supporter un prince qui se soumettait à la censure épiscopale et qui prétendait purifier les mœurs de Rome. La patrie païenne était en danger. Des révoltes militaires éclatent, Philippe est vaincu, et il est tué par ses propres soldats.

 

M. Julius Philippus, fils d'un chef de voleurs, né à Bostra, en Arabie, devient préfet du prétoire en 243, Auguste, le 10 mars 244, consul, 245, 247, 248. Il est vaincu par Dèce et tué le 10 mars 249, ainsi que son fils M. Julius Philippus, qu'il avait fait César (Franz de Champagny, Les Antonins: Ans de J.-C. 69-180. Suite de Césars et de Rome et la Judée, Tome 3, 1875 - books.google.fr, Alexandre Monnier, Histoire de l'assistance dans les temps anciens et modernes, 1856).

 

Ainsi en 1197 régnait Philippe II Auguste (cf. quatrain suivant IX, 57), et, en 249, Philippe l'Arabe, Auguste depuis 244.

 

L'abbé Lebeuf puis Léopold Delisle ont fait naître Philippe Auguste à Gonesse. Si le premier ne présente pas cependant le fait comme certain, le second a avancé les trois arguments suivants à l'appui de sa thèse. Le roi Philippe Auguste est appelé «de Gonesse» dans trois textes des XIIIe et XIVe siècles. A fa fin du petit pastoral du Cartulaire de Notre-Dame, une liste des rois de France composée au temps de Saint Louis mentionne Philippe Auguste de la façon suivante : «Philippus de Gonessa, filius Ludovici». En 1261, l'un des compilateurs de la Généalogie de saint Arnoul écrit : «Regina genuit Philippum de Gonesse, regem Franciae, ex Ludovico rege». Enfin dans une liste de rois de France contenue dans un registre manuscrit de la Chambre des Comptes datant du XIVe siècle, L. Delisle a relevé l'énumération suivante : «Ludovicus Grossus, Ludovicus, Ludovicus de Gonessia, Ludovicus qui decessit apud Montpansier». Il faut lire en fait Philippus et non Ludovicus et il s'agit bien de Philippe Auguste qui figure entre Louis VI le Gros, Louis VII le Jeune et Louis VIII mort à Montpensier en 1226. Le deuxième élément de la démonstration est le passage de la Grande Chronique de Tours composée dans la première moitié du XIIIe siècle, dans lequel la terre de Gonesse est représentée comme le «patrimoine» par excellence de Philippe—Auguste. [...] La récompense que reçut le sergent qui annonça à Louis VII, retenu à Etampes, "une rente de trois muids de froment à prendre sur la grange de Gonesse", la naissance tant attendue de son fils constitue le dernier argument de L. Delisle. Un quatrième argument qui a échappé à Delisle est signalé successivement par H. Delaborde puis par A. Cartellieri. Deux vers du poème de Philippe Mousket révèlent que Philippe Auguste dut résider à Gonesse pendant son enfance : «A la Gonesse fu nouris S'ot non Felipes de Gonnesse». Ces éléments suffisent-ils à prouver la naissance gonessienne de Philippe II ? Les textes relatifs à la naissance du roi sont rares. Le plus souvent, les auteurs comme Rigord se contentent d'énoncer brièvement l'événement en insistant surtout sur l'intérêt politique de celui-ci, car jusqu'alors «...li rois Loys ses peres, qui estoit sains hons et bons crestiens, avoit receues pluseurs filles de III fames que il ot espousées; ne avoir ne pooit nul hoir masle, qui après lui governast le roiaume de France». La reine Alix, mère de Philippe, séjournait-elle à Gonesse le soir du samedi 21 août 1165 ? Rien ne permet de l'affirmer. Pas même la charte dans laquelle Louis VII fait don à Ogier d'une rente annuelle de trois muids de froment. Nous avons vu en effet que les libéralités royales puisaient beaucoup dans la grange de Gonesse bien avant la naissance de Philippe Auguste. Quant au surnom gonessien du roi assez répandu il est vrai, il faut sans doute l'attribuer au fait que le domaine possédé par les Capétiens à Gonesse et les revenus qui lui étaient liés avaient été donnés par Louis VII au jeune prince pour (Jean Pierre Blazy, Gonesse, la terre et les hommes: des origines à la Révolution, 1982 - books.google.fr).

 

Le Crou, ou le Crould, Crodoldus, autrement nommé la riviere de Gonesse, a sa source à la fontaine de Goussainville. Ce lieu est un gros Bourg, & un Chateau qui appartiennent à M. de Nicolaï Premier Président de la Chambre des Comptes de Paris. On prétend que les eaux seules de ce Ruisseau contribuent à la bonté du pain qui a pris son nom du Bourg de Gonesse. Cela est fondé sur l'expérience de ceux quitravaillent tous les jours à former ce pain. Olivier de Serres, dans son Theatre d'Agriculture, rapporte que les Boulangers de Gonesse ayant été interrogés juridiquement sur ce qui donnoit à leur pain les bonnes qualités qu'on y remarqué , ils répondirent unaniment que c'étoit l'effet de l'eau dont ils se servoient. Mais, si c'est à l'eau qu'il faut rapporter les qualités particulieres de ce pain, d'où vient qu'on n'en fait pas de pareil dans tous les lieux qu'arrose ce ruisseau ? Ils répondront peut-être que les qualités de l'eau de la fontaine de Goussainville y sont trop altérées par celles des ruisseaux que le Crould reçoit dans son cours. Mais à cela on peut repliquer, & demander pourquoi le pain qu'on fait à Goussainville n'a ni le goût, ni la blancheur de celui qu'on fait à Gonesse (Jean Aymar Piganiol de La Force, Nouvelle description de la France, Tome 1, 1753 - books.google.fr).

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