Danses macabres IX, 58 2146-2147 Au costĂ© gauche Ă
l'endroit de Vitry, Seront guettez les trois rouges, de France : Tous assommez rouge, noir non meurdry, Par les Bretons remis en asseurance. Jacques de
"Vitry" Toutes les
représentations de danse macabre sont localisées dans la moitié nord de la
France et plus particulièrement dans l'ouest. La plus récente, celle de Courgenard, est datée grâce à une inscription de 1574 et la
plus ancienne date du dernier quart du XIVe siècle. Le thème, largement
antérieur à ces peintures, est apparu à la même époque que celui des Trois
morts et des trois vifs. Il tire ses origines de deux exempta attestés depuis
la première moitié du XIIIe siècle dans l'œuvre de Jacques de Vitry. Dans
ces deux récits, l'auteur dénonce le bavardage des fidèles pendant la messe et
plus particulièrement celui des femmes. L'histoire raconte qu'un diable
transcrivait leurs propos sur un long parchemin, qu'il était obligé d'étirer
avec ses dents tant elles étaient
bavardes. Les peintres se sont emparés de cette histoire pour figurer des
femmes, dont le nombre varie entre deux et quatre, assises en train de bavarder
au lieu d'écouter le message du prêtre. Elles sont accompagnées de diables qui
les Ă©pient, les tiennent par les Ă©paules ou se glissent entre elles pour mieux
les écouter et s'activent à transcrire leurs propos. Cette scène, qui condamne
expressément le bavardage pendant la messe, invite à changer de comportement et
rejoint donc le message, lui aussi exemplaire, délivré par la Rencontre des
trois morts et des trois vifs. Sur les seize représentations des Bavardes
recensées à ce jour en France, plus de 35 % sont peintes à proximité immédiate
ou non loin des Trois morts et des trois vifs. Les deux scènes se succèdent Ă
Saint-Sulpice-des-Landes, Meslay-le-Grenet et Courgenard, tandis qu'à Lavaré
elles se font face. A Kientzheim, le lien est plus
ténu, puisque les Bavardes avaient été placées dans la galerie du cimetière
près de la Danse macabre Jacques de Vitry, né entre 1160 et 1170 dans la région de
Reims et mort le 1er mai 1240 Ă Rome, Ă©tait un historien et auteur spirituel,
confesseur de Marie d'Oignies, prédicateur populaire, et évêque de Saint-Jean-d'Acre. Il fut nommé cardinal-évêque de Tusculum
en 1228 "rouges" (cf. Brind'Amour, "rouge" désigne parfois un cardinal) La danse des morts du Temple-Neuf de Strasbourg se
composait d’une série de tableaux peints à fresque à l’intérieur de l’édifice,
cinq d’entre eux ont été copiés en 1824 par un architecte, Monsieur Arnold. Le
premier tableau représente le Sermon du dominicain, prêchant aux fidèles la
nécessité «du bien vivre et du bien mourir» pour éviter la damnation
éternelle.» Dix personnes forment son auditoire. Le second tableau commence la
ronde funèbre, la Mort se saisit du pape, suivi de trois cardinaux et de trois autres personnages de la cour
pontificale. La momie se glisse ensuite entre l’empereur et l’impératrice et
invite cinq personnes de leur suite à se joindre à eux. Puis, elle s’attaque au
cardinal, à l’évêque, à l’abbé, au vieillard et à la noble dame. Nous pouvons
encore citer, en dehors de ces danses dont il ne reste que des copies, les
fragments peints de Kernascléden, de Josselin
(Morbihan), et ceux de Villiers-Saint-Benoît (Yonne) (La diffusion du thème
dans l’Hexagone) Le Dit des trois morts et des trois vifs de Verneuil en
Bourgogne est illustrĂ© par trois cavaliers, vĂŞtus d'une tunique courte Ă
manches amples. Le cavalier de gauche porte une cagoule et le chapeau rouge de cardinal, et a les
mains jointes sur la poitrine ; le deuxième coiffé d'une
chaperon lève les mains dans un geste de surprise ; le troisième cavalier,
couronnĂ©, se retourne vers ses compagnons, tandis que le faucon qu'il tient Ă
la main gauche déploie ses ailes L'un des anciens poëmes qui ont
le plus de ressemblance avec les Danses des morts des XVe, XVIe et XVIIe
siècles, est celui que Thibaud de Marly,
auteur du XIIe siècle, composa, dit-on, dans sa retraite de l'abbaye de
Notre-Dame-du-Val (ordre de Cîteaux). Ce poëme est
intitulé : Vers sur la mort.
L'auteur, s'adressant à sa cruelle héroïne, passe en revue tous ceux qu'elle
doit frapper. Souvent il lui règle, si l'on peut dire ainsi, sa triste besogne.
Mors, lui dit-il, va a chiaux
qui d'amors content ; une autre fois: Mors, je
t'envoi Ă mes amis ; une autre fois : Va moi saluer le grand Rome. Il nomme
successivement les personnes de différentes conditions qui répondront à l'appel
de la mort. Les bons et les méchants seront sa proie; mais elle fera le salut
des uns et décidera la perte des autres. Les plus puissants s'inclineront
devant ses arrĂŞts, pape (Str. XV et XXX), cardinaux (Str.
XIII et XIV), Ă©vĂŞques (Str. XVI et XVII), comtes (Str. XVIII), rois (Str. XVIII,
XX, XXI et XXX), princes (Str. XXI), prélats (XIX),
damoiseaux (XXIV), ermites (Str. XXXV), moines (Str. XXXVI), avares et usuriers (Str.
XXXIX), riches (XLII) Seigneurs, gouverneurs (XL), libertins et gourmands
(XXIX, XLI), etc., etc. Plusieurs passages de ce poëme
donnent lieu de penser que Thibaud de Marly avait des opinions libérales dans
le sens qu'on peut attacher aujourd'hui à ce mot. Il détestait les oppresseurs
du peuple, les mauvais riches et les mauvais prêtres "costé gauche" La danse a longtemps été considérée comme l’œuvre du
démon : «Aucun Chrétien ne participera, ni pendant l’assemblée liturgique, ni
chez lui, ni dans la rue, ni dans aucun autre lieu, Ă des danses, des
sauteries, des plaisanteries ou tout autres jeux diaboliques.» Ces instructions,
attribuée à Saint Pirmin
(mort en 753), associent la danse aux pratiques sataniques. La danse Ă©tait
perçue comme une contrainte, nombreux sont ceux qui abusèrent de celles-ci et
profanèrent les lieux du culte1238. La danse devint alors châtiment, les
personnes atteintes de maladies provoquant une agitation incontrôlée des
membres du corps, qui se croyaient possédées, recherchaient la protection des
lieux sacrés. Ce sont en fait les débordements liés à la danse qui étaient
condamnés, ces derniers, qui rappelaient les cultes païens, provoquaient une
perte de contrôle du corps que la religion chrétienne ne pouvait tolérer et
multiples furent les propos de l’église qui visèrent à réfréner l’ardeur
chorégraphique du peuple. «Cette manière de mouvoir le corps en suivant un
rythme musical plus ou moins rapide a souvent été dénoncée comme dangereuse et
capable de mener à la damnation les personnes de sexe opposé qui s’y adonnent :
«la danse est la compagne inséparable de la luxure», écrit Saint-Ambroise.
«Partout où l’on danse lascivement, le diable se trouve», ajoute
Saint-Chrysostome». Les danses macabres illustrent parfois très clairement
cette notion de danse malsaine. Nous avons déjà montré que les vivants étaient
forcés d’entrer dans la ronde et qu’ils n’appréciaient guère la chorégraphie
désordonnée que les morts tentaient de leur imposer. En fait, une partie des
danseurs va nécessairement vers l’Enfer, et cet élément a été trop peu souligné
dans l’étude des danses, sans doute parce qu’il n’apparaît pas de manière très
évidente. Tout d’abord, la chaîne se dirige vers la gauche, et non vers la
droite comme cela est le cas dans la danse la plus répandue au moyen âge, la
carole. Le côté gauche peut indiquer tout simplement la mort ; dans la plupart
de nos fresques, «les vivants, mornes et résignés, se laissent conduire par des
visions d’outre-tombe vers le but facile à deviner, et qui était aussi
représenté à Bâle : l’ossuaire où les crânes et les os sont amoncelés, comme
cela se voit encore dans les petits cimetières de Basse-Bretagne serrĂ©s Ă
l’ombre du vieux clocher». Associé aux autres éléments de la danse, le saut, la
farandole et la recherche de la forme circulaire, il devient le signe de la
damnation... c’est du moins ce qu’annoncent les prêcheurs dominicains dans
leurs sermons. Au XIIIe siècle, Jacques de Vitry, dans un sermon,
observe que les femmes qui conduisent les danses portent au cou la clochette du
Diable qui les suit des yeux. Selon lui, la danse est un cercle dont le centre
est le Diable : «Chorea
enim circulus est cujus
centrum est diabolus, et omnes
vergunt in sinistrum». On
tournait, dans la ronde, toujours vers la gauche (in sinistrum),
disait-on, vers l’Enfer, ce qui prouvait que la danse était diabolique (Des
danses médiévales aux danses sabbatiques) "endroit" II est possible aussi que seule une vache d'un troupeau fût
porteuse d'une sonnette, comme on peut l'inférer d'un texte de Jacques de Vitry
(XIIIe s.), dans lequel il déclare que les femmes qui aiment trop la danse
portent au coup la sonnette du diable, lequel les suit des yeux, comme dans un troupeau la vache qui porte au
cou une sonnette renseigne le pâtre sur l'endroit où se trouvent ses compagnes (Sicut vacca que alias precedit in collo campanam gerit, sic mulier que prima cantat coream ducit quasi campanam dyaboli ad collum habet ligatam.
Quando autem dyabolus sonum audit securus redditur dicens: 'Nondum vaccam meam amisi ) Noir Noël du Fail, comme on a vu plus haut, dit que, parmi les
peintures de la Danse Macabre, il y avait des deux côtés du cimetière deux
portraits d'un lion rouge et d'un serpent vert, Mec fait mettre par iceluy Flamel avec bonne dotation pour l'entretenement d'iceux. La mention qui est faite ici d'un
lion rouge coïncide avec les détails donnés sur les peintures du cimetière des
Innocents, dans un livre publié au XVIIe siècle, sous le titre suivant : Le
Livre des figures hiéroglyphiques de Nicolas Flamel, escrivain, ainsi qu'elles sont en la quatrième arche du cymetière des Innocens à Paris, entrant
par la porte, rue Saint-Denys, devers la main droite,
avec l'explication d'icelles, par ledit Flamel traitant de la transmutation
métallique. Non jamais imprimé. Paris, 1612. In-8°. Que le livre de Flamel soit,
comme on le prétend généralement, un livre apocryphe, c'est ce que nous
n'entreprendrons pas de discuter, car cela est indifférent à noire sujet.
Toujours est-il qu'il établit d'une manière authentique l'existence au
cimetière des Innocents de peintures si Ă©tranges qu'elles donnaient lieu Ă
maints commentaires. On a prétendu qu'elles avaient un sens emblématique, que
savaient pénétrer les chercheurs du grand-œuvre. Cela est fort possible, car
alors l'alchimie était un art sérieux dont on ne riait pas encore. Un praticien
aussi célèbre, aussi exercé que l'était Nicolas Flamel, pouvait avoir eu l'idée
d'élever ce monument à la gloire des découvertes qu'il croyait avoir faites ou
qu'il avait faites réellement dans cette science. On retrouve le lion rouge
dans le tableau hiéroglyphique qui est ainsi décrit : «8e figure : sur un champ violet obscur, un homme rouge de
pourpre, tenant le pied d'un lion rouge de laque, qui a des aisles
et semble ravir et emporter l'homme.» Quant au serpent vert dont parle Noël du Faïl, il faisait vraisemblablement partie de quelque autre
tableau du même genre. Par la nomenclature raisonnée que Flamel, ou l'auteur
qui prenait son nom, a dressée des peintures hiéroglyphiques ou prétendues
telles, du cimetière des Innocents, et par les remarques que le compilateur
Salomon, dans sa Bibliothèque chimique, a jointes à la description de Flamel
qu'il reproduit en entier, on peut se convaincre qu'Ă l'exception du Bonhomme noir dont je parlerai plus
loin, rien dans ces peintures ne saurait être comparé aux images de la Danse
Macabre. Aucun passage du texte ne rappelle le souvenir de cette Danse, n'y
fait la moindre allusion. Faut-il en conclure qu'Ă l'Ă©poque de l'apparition de
cet ouvrage, elle était effacée ou cachée par un enduit quelconque ou par quelque
autre construction de date récente? Le rédacteur du livre de Nicolas Flamel
prétend qu'il écrivait en 1413; de son côté, Noël du Fail, qui vivait au milieu
du XVe siècle, présente la Danse Macabre comme une des merveilles parisiennes
les plus goûtées de son temps. Quelle conclusion peut-on tirer de ces
assertions contradictoires? Pourquoi les peintures de la Danse Macabre
auraient-elles disparu sitĂ´t, tandis que la majeure partie des figures
hiéroglyphiques subsistaient encore en 1683, ainsi que l'atteste Salomon, qui
se plaignait amèrement de ce qu'on ne les entretenait pas? Faut-il supposer que
la Danse Macabre Ă©tait cette procession peinte contre la muraille d'un et
d'autre côté. Flamel disait y avoir fait représenter par ordre toutes les
couleurs de la pierre, et y avoir mis cette inscription en français: Moult plaist Ă
Dieu procession / S'elle est faite en dévotion. Salomon assure que celle
procession n'existait plus de son temps: Mais la procession qu'il (Flamel) avait
fait mettre contre la muraille oĂą estoient
représentées les couleurs de la pierre n'y est plus (1683) Flamel en avait
parlé en ces termes : Je ne fis qu'étudier et travailler ainsi qu'on me peut
voir hors de cette arche oĂą j'ai mis des processions contre les piliers d'icelle,
sous les pieds de saint Jacques et saint Jean priant toujours Dieu, le chapelet
en main, etc.» Sans doute la Danse Macabre pouvait offrir jusqu'à un certain
point l'aspect d'une procession, mais il n'est guère probable qu'elle ait
trouvé assez de place sur les deux piliers pour s'y déployer entièrement sous
les pieds de saint Jacques et de saint Jean. Il faut abandonner cette
conjecture et nous arrĂŞter plutĂ´t Ă celle-ci que, par suite des reconstructions
et des changements faits dans les charniers, les images de cette Danse auront été
dĂ©truites entièrement ou tout au moins cachĂ©es et dĂ©tĂ©riorĂ©es. Une chose tout Ă
fait singulière et qui a tous les caractères d'une énigme, est la présence,
dans quelques éditions de la Danse Macabre, d'un bonhomme noir, sorte de nègre
accoutré de la façon la plus bizarre, tenant d'une main un cor ou une corne, et
de l'autre une flèche. Gabriel Peignot a
identifié le bonhomme tout noir à une figure qui existait jadis au cimetière
des Innocents, et qu'il considère comme ayant pu se trouver mêlée aux peintures
de la Danse des Morts exécutée dans ce cimetière. Il se fonde sur le passage
suivant de Dulaure: «Au-dessus de la voûte construite
par N. Flamel, du côté de la rue de la Lingerie, étoit
une peinture qui représentoit un homme tout noir; le
temps l'avoit fait disparoître;
mais en 1786, avant qu'on eût ôté les pierres des charniers qui contenoient des inscriptions, on voyoit
encore celle-ci, ou plutôt les débris de celle-ci». Quant à l'homme
noir, il Ă©tait peint sur l'un des piliers du charnier, lequel faisait face Ă
l'arche, le cimetière étant au milieu, comme l'établit clairement la
description de l'auteur qui prenait le nom de Flamel. Par conséquent,
l'homme noir n'avait aucune identité avec le saint Paul vis-à -vis duquel il
était placé. Nous avons vu, par les inductions que Peignot
a tirées des faits qu'il a recueillis, comment l'image de cet être bizarre
avait pu figurer au cimetière des Innocents concurremment avec les sujets
peints de la Danse des Morts. Si ce sont effectivement ces derniers qui ont
passé dans les illustrations des manuscrits ou des éditions de la Danse
Macabre, il serait alors assez naturel de penser que le bonhomme noir y aurait
été recueilli, ainsi que l'inscription qui, peut-être, se faisait lire près de
lui, non parce qu'ils faisaient partie de la Danse des Morts, mais parce qu'ils
existaient dans le mĂŞme lieu conjointement avec les images de cette danse, et
avaient avec l'allégorie lugubre de la ronde funèbre un rapport que le sens des
vers Ă©tablit , mais que la figure de l'homme noir, je l'avoue, rend fort
problématique. Pour ce qui est de cette dernière figure, on a bien de la peine
à trouver ce qu'elle signifie, soit dans les hiéroglyphes du cimetière des
Innocents, soit dans les images de la Danse Macabre. En tout cas, je me suis
assuré que l'édition de 1486 ne la possédait pas, tandis que je l'ai vue dans
plusieurs éditions plus récentes, notamment dans celle de Troyes de Jacques Oudot. Elle se trouve aussi dans l'édition de Nicolas le
Rouge, qui porte la date de 1528. Pourquoi se trouve-t-elle ici et point-là ,? En vérité, on ne saurait le dire. D'après le langage figuré des alchimistes, cet homme noir, au cimetière
des Innocents, devait symboliser le produit du soufre combiné avec le mercure
(le soufre, le mercure évoquent les idées d'enfer et de divinité psychopompe,
d'ange lugubre, de démon). Dans le texte de la Danse Macabre que j'ai sous
les yeux (en langage le plus poli), et dont les vers cités précédemment en note
sont extraits, il revêt le caractère d'ange de la mort, de héraut funèbre,
conviant, à son de trompe, par ordre de son souverain, les mortels au trépas.
Ce rĂ´le d'ange du jugement dernier (ou plutĂ´t d'ange du dernier jour), que le
texte attribue à ce personnage fantastique, ne paraît pas cadrer tout à fait
avec les idées religieuses de l'époque: un ango, un
messager de Dieu, noir comme un nègre, bizarrement costumé à l'orientale, monté
sur un clocher comme un muezzim, armé d'une flèche et
donnant du cor, cela ne rentre pas positivement dans l'esprit des dogmes
chrétiens. S'il s'agissait, au contraire, d'un envoyé du diable, d'un habitant
des ténèbres, l'aspect sombre et la physionomie étrangère du corneur seraient
plus faciles à expliquer. Sans celte origine toute céleste du mandat confié à Y
homme noir, j'aurais été tenté de prendre celui-ci pour quelque échappé de la Mesnie Hellequin ou pour une
personnification de la peste. A présent, je me demanderai s'il ne convient pas
mieux de l'envisager comme un type emprunté au répertoire des mystères, comme
un acteur ayant rempli ce rôle de nègre ou de Sarrasin, ou s'étant costumé de
la sorte pour jouer l'ange du jugement ou l'avertisseur dans une Danse Macabre
transformée en jeu scénique ? Enfin, ne serait-il pas plus simple d'y voir une
sorte de crieur, de guetteur, de réveilleur funèbre ? J'avoue toutefois que ces
conjectures seraient de nature Ă soulever beaucoup d'objections ; je les ai
néanmoins présentées dans l'espoir qu'elles ouvriront une voie nouvelle aux
recherches ; d'ailleurs, dans un sujet aussi obscur, n'est-il pas permis de
s'accrocher à tout, pourvu qu'on ne prétende pas donner de vagues hypothèses
pour des faits certains? Au demeurant, que vient faire ce nègre dans la Danse
Macabre imprimée, s'il n'est pas un vieux ressouvenir de la Danse Macabre
représentée en action ou en peinture au cimetière des Innocents? L'auteur du
texte qui accompagne cette figure, texte qui est peut-être à la vérité une
intercalation après coup, savait-il lui-même ce
qu'elle signifiait ? Il est à croire que pour les lettrés de l'époque, comme
pour les savants d'aujourd'hui, cette bizarre reprĂ©sentation est une Ă©nigme Ă
laquelle les alchimistes seuls ont pu trouver un sens. [...] En Bretagne, on
redoute la visite de celui qu'on appelle le Petit charbonnier, parce que la
présence inattendue de cet esprit des ténèbres annonce toujours la mort de
quelqu'un que l'on aime, ou quelque autre événement facheux. Lorsqu'une femme
l'aperçoit, elle craint aussitôt pour les jours de son enfant. Je considère
comme un reste de la croyance superstitieuse qui fit éclore ces légendes,
l'habitude qu'ont encore de nos jours les mères et les nourrices de couvrir
d'amulettes ou d'objets bénits les petits enfants pour écarter de leurs
berceaux les influences insalubres et Ă©touffer les germes de certaines maladies
qu'elles continuent d'attribuer & l'action d'un esprit malfaisant,
principalement aux effets du mauvais œil A la fin du quatorzième siècle, par exemple, une riche famille de Paris donna une de ses héritières à Jean Juvénale des Ursins, d’abord simple avocat au parlement, puis garde de la prévôté des marchands, et enfin un des principaux conseillers de Charles VII. Michel de Vitry avait pour aïeul Jean de Vitry, en son vivant marchand et bourgeois de Paris; le fils de Jean, qui s’appelait Michelle, ainsi que sa fille, acheta les seigneuries de Goupillières et de Crespières. Sa sœur épousa le seigneur de Noviant, grand maître d’hôtel du roi Charles VI. Au mois de mars de l’année 1415, la dame de Noviant faisait partie de la maison dîsabeau de Bavière. C’est donc avec raison que Giles le Bouvier, un des historiens de Charles VI, a pu dire, en parlant de Jean Juvénale et de sa famille, qn’il était grandement emparenté. (Godefroy, Recueil des histor. de Charles VI, p. 426.) Michelle de Vitry fut mariée le 20 juin 1386; dans l'espace de dix-sept ans, elle donna le jour à seize enfants, dont cinq filles et onze fils. Parmi ces derniers, on compte Jean Jouvenel des Ursins, archevêque de Reims, qui nous a laissé une Histoire de Charles VI en français et plusieurs autres ouvrages. Michelle de Vitry était une femme de grande vertu, d'un sens et d'un esprit merveilleux, à laquelle son mari ne craignait pas de se confier dans les occasions difîficiles, son fils, l'historien, nous a conservé une de ces conversations intimes que Jean Jouvenel avait avec sa femme dans les circonstances graves. En 1413, Jean Jouvenel fut un de ceux qui s’entremit avec le plus d’activité pour décider les princes à faire la paix et à chasser du gouvernement municipal les bouchers de la faction de Caboche. Les trois nuits qui précédèrent cette fameuse séance du conseil de ville où les partisans des princes, conduits par Guillaume Ciriasse, chassèrent les Legoy et les Saint-Yen, après avoir été sur le point d'en venir aux mains avec eux, Jouvenel fut dans la plus grande perplexité; il entendit une voix-du ciel qui lui répétait ces paroles du psaume 126 : Surgite cûm sederitis, qui manducatis panem doloris, et il les redisait dans son sommeil. Sa femme, effrayée de ce présage, lui parla ainsi : "Mon amy et mary, j’ay entendu au matin que vous disiez ou qu’on vous disoit ces mots contenus en mes heures; qu’est-ce a dire ?" Jean Jouvenel lui répondit: "M’amie, nous avons onze enfans; nous devons prier Dieu de nous donner bonne paix; ayons confiance en luy et il nous aidera." (Histoire de Charles VI, p. 256.) Pour cette fois, Jean Jonvenel triompha de ses ennemis; mais quelques années plus tard, en 1418, lors de l’entrée des Bourguignons dans Paris, il fut contraint de s’exiler avec sa famille, composée de sa femme, de sept fils, de quatre filles et de trois gendres; tous ses biens furent pillés et confisqués. Il se retira dans la ville de Poitiers, avec les partisans du dauphin, et fut mis a la tête d’un parlement qui procéda comme celui de Paris. Jean Jouvenel des Ursins mourut en 1431. Michelle de Vitry, sa veuve, lui survécut quinze ans. Presque tous les membres de sa famille occupaient des fonctions éminentes, et un seigneur de Parthenay s'était allié avec elle (Le Moyen Age et la Renaissance, Tome 5, 1850 - books.google.fr). Les grandes miniatures du missel de Jacques Jouvenel des Ursins étaient de véritables tableaux, plusieurs ont été reproduits dans l'histoire Générale De Paris, Le sujet de la grande miniature qui représente un enterrement dans le cimetière des Innocents, serait les obsèques d'un personnage de la famille, peut-être de Jehan Juvénel lui-même, alors la personne qui conduit le deuil, une femme, si nos souvenirs ne nous trompent pas, serait dame Michelle de Vitry, sa veuve. Notre présence dans le Grand Cimetière Parisien, comme l'appelle Corrozet, remet en mémoire la Dance macabre qui y était peinte, et nous ramène à Jean d'Orléans (Valentin Dufour, Une famille de peintres parisiens aux XIVe et XVe siècles, 1877 - books.google.fr). Jehan d'Orléans, sous l'inspiration du chancelier Jehan Gerson et la protection de Jehan, duc de Berry, aurait composé les cartons de la Dance macabre qu'il exécuta, par lui et par ses élèves, sous les arcades du charnier des Innocents en 1425. Assurance On sait que
l'assurance maritime apparaît vers le début du XIVe siècle en Italie ; elle
s'étend très rapidement dans tout le bassin méditerranéen occidental qui est,
malgré la grande dépression née de la guerre de Cent ans, de la peste noire et
de la pression accrue des civilisations islamiques, totalement conquis par le
système de l'assurance vers la fin du premier quart du XVe siècle ; quelques
années plus tard, l'assurance prend pied en Flandre. A partir de ces deux foyers actifs, la nouvelle
technique conquerra progressivement les cĂ´tes atlantiques du royaume de France,
la Normandie, l'Angleterre, les ports hanséates. Le XVIe siècle est, en quelque
sorte, le siècle d'or de l'assurance La Bretagne voit
naître un système particulier, celui des brefs de Bretagne, qui garantissent,
contre le paiement d’une taxe ducale, les navigants contre la perte de leurs
biens en cas de naufrage. Ce système, tout en répondant à un risque,
témoigne d’une affirmation de la souveraineté des ducs de Bretagne, ce qui pose
la question de savoir comment les ducs de Bretagne ont utilisé les brefs à des
fins politiques. Si sa mise en place reste mal connue, l’affirmation de la
souveraineté ducale dans le domaine maritime est incontestable. Elle s’affirme
dans les Coustumes et noblesses es contes de Bretaigne, qui font apparaître une réglementation publique
entre les mains du pouvoir ducal dans la seconde moitié du XIIIe siècle. La
législation concernant les brefs évolue ensuite en lien avec le renforcement de
la centralisation administrative. Cette institutionnalisation croissante
témoigne de l’affirmation des droits régaliens mais aussi de la prise en compte
du risque. Les courants de marée, les bancs de sable par nature
mouvants, les hauts-fonds, les Ă©cueils, et plus
encore les aléas météorologiques (grains, brouillard, tempêtes, vimères1) sont
autant de dangers qui pèsent sur la navigation, les individus et les biens
transportés. Ils peuvent être la cause de retards, d’avaries, de pertes
partielles de cargaison et, plus encore, lors des naufrages de la disparition
du bâtiment et de vies humaines. Pour les navigants, les retards imposent
souvent de trouver du ravitaillement supplémentaire alors qu’en cas de
naufrage, récupérer l’épave et ce qui reste de la cargaison peut s’avérer
problĂ©matique voire impossible. La reprĂ©sentation de ces dangers a conduit, très tĂ´t, Ă
les considérer comme des risques, qui sont appréciés et pris en compte par les
individus, les communautés d’habitants, les autorités locales ainsi que par la
puissance publique3. Face à ces risques, les individus et les communautés
d’habitants en ont appelé à l’exercice de droits relatifs à la justice ou à la
sécurité des personnes et des biens, afin que la puissance publique apporte des
réponses aux risques qui les menacent, contribuant ainsi à définir des
politiques publiques concernant la protection des individus et de leurs biens
mais aussi, à un autre niveau, la prévention du danger. Mais pour la puissance
publique (mieux vaut-il à l’époque féodale, parler de
puissances publiques), les enjeux sont nombreux. Ils sont d’abord d’ordre
politique, et ce Ă deux niveaux. Au niveau du territoire seigneurial soumis au
droit de ban, le seigneur se doit d’exercer la justice, c’est largement alors
la justification première de son pouvoir, idéal dont l’Église n’a de cesse de
rappeler l’ardente nécessité ; et au niveau des principautés, le pouvoir
princier, c’est particulièrement vrai en Bretagne, juge que le droit de bris
est un droit régalien dont seul il doit disposer. Un autre enjeu est bien évidemment
financier. Dans ce contexte, la Bretagne voit naître un système
particulier, celui des brefs de Bretagne. Ils garantissent, contre le paiement
d’une taxe ducale, sauf au Pays de Retz, les navigants contre la perte de leurs
biens en cas de naufrage, leur permettant de ravitailler ou d’être assurés de
disposer d’aide pour franchir les raz de la mer d’Iroise. Ce système, s’il est
une réponse à un risque, témoigne également d’une affirmation de la
souveraineté des ducs de Bretagne. Comment expliquer les qualifications données aux divers
brefs ? Longtemps, on les a expliqués par un droit particulier qu’ils apportent
à leurs possesseurs : le bref de sauveté rachète le droit de bris, le bref de
conduite autorise la prise de pilote, le bref de vitaille
permet le ravitaillement à terre, le bref d’année donne tous ces droits aux
petits caboteurs. Le duc aurait-il ajouté au rachat du droit de bris d’autres
services réels (pilotage, ravitaillement) justifiant la nouvelle nomenclature,
Ă©tendant Ă toute la Bretagne les coutumes acquises des vicomtes de LĂ©on en 1265
? De fait, cette «image systématique, [est] parfaitement étrangère à une
réalité complexe». En effet, en 1384, le duc soutient, outre le caractère
obligatoire de ses brefs, qu’ils garantissent un «seur
acces» et n’assurent que contre le droit de bris, ce
qui est justifié par le fait que « les coustiers et
havres de Bretaigne estoient
et sont plus dangereux et perilleux à maroyer que ne sont en nulle autre contrée». [...] Aux XIVe et XVe siècles, le pouvoir ducal breton met donc
l’accent sur ses droits «royaux et duchaulx», Ă
l’image des affirmations de Jean de Monfort qui, en
1341, dans le Mémoire qu’il présente devant la cour des pairs du royaume pour
justifier de ses droits à la succession de Jean III, cite parmi les «droiz royaulx», «les pecheries et secheries en la mer
et les poissons royaulx» au même titre que «les seaulx de Bordelx, sans lesquelx nuls ne puet entrer en Bretaingne». Le XVe siècle voit se répéter à l’envi de
telles affirmations L’approche risque de se trouver biaisée par la
défaillance irrémédiable des sources administratives et privées. Le monde des
marins de l’Atlantique et de la Manche reste en effet longuement imprégné de
tradition orale, pour laquelle la parole donnée suffit à signer l’accord des
parties. Les contrats d’affrètement, pour ne pas parler des contrats
d’assurance maritime, apparaissent dans ce milieu professionnel très tard dans
les registres de notaires (au surplus quasiment inexistants dans la
documentation bretonne médiévale conservée). Il se pourrait donc bien que les
historiens aient été induits en erreur par cette absence d’actes de la
pratique, laquelle a des causes avant tout culturelles, et aussi, il faut bien
le reconnaître, par leurs préjugés favorables envers le monde de la
Méditerranée, l’Italie en particulier toujours perçue par eux comme très en
avance sur ses concurrents septentrionaux sur la foi de ses registres
notariaux, anciens et souvent fort détaillés, enrichis encore de quelques
belles correspondances commerciales vers la fin du Moyen Ă‚ge. Cette
sous-estimation systématique de ce qui se passe dans le même temps dans les
mers occidentales se heurte en effet à des démentis cinglants chaque fois que
l’on peut disposer de séries portuaires d’importance Les travaux récents de Giovanni Ceccarelli
ont montré que dans la théologie franciscaine du XIIIe siècle (à partir
d'Alexandre de Halès et de Bonaventure), le jeu de
hasard fut interprété comme découlant d'un contrat implicite entre les
participants. Il cessait donc d'être perçu comme une espèce de vol ou d'usure
et les gains Ă©ventuels ne devaient pas faire l'objet d'une restitution. Cela
n'impliquait pas une approbation morale et une distinction fut faite entre le
risque inutile, objet d'un contrat futile et peu louable et le risque utile ou
nécessaire, qui pouvait donner lieu à un contrat honorable. Comme le montre Sylvain Piron, le mot même
de «risque» (risicum) avait été emprunté à l'arabe au
XIIe siècle, pour désigner la part d'incertitude qui affectait les contrats
maritimes d'achat et de transport des marchandises. Le péril de la mer, sous le
terme de «risque», devenait mesurable. La conséquence en fut l'invention de
l'assurance maritime au milieu du XIVème siècle, institution unique au monde,
qui fut le moteur essentiel de l'expansion européenne Les lieux pour lesquels les saints, de quelque manière,
avaient manifesté leur prédilection attiraient les pèlerins en grand nombre. En
Bretagne, on en comptait par milliers qui s'imposaient chaque année les cinq
cents kilomètres du Tro Breiz
le tour des sept sanctuaires de Dol, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Saint-Pol, Quimper et Vannes. L'accumulation des pratiques multipliait les assurances contre le
malheur, sans jamais rasséréner vraiment. La mort avait décidément perdu le
caractère de sérénité dont avaient su la revêtir les générations d'autrefois. La
Danse macabre rappelait qu'elle fauchait tout le monde, les enfants et les
jeunes gens à la fleur de l'âge comme les vieillards décrépits. L'Ars moriendi présentait l'agonie comme le moment décisif de la
vie : des décennies d'efforts vertueux pouvaient être perdues par un
mouvement fugace de révolte ou de désespoir. Entre le paradis et l'enfer, le
purgatoire ouvrait un troisième lieu; il autorisait l'espérance puisqu'il ne
donnait que sur le Ciel, mais l'attente y était pénible. Il était possible de
l'abréger. Les indulgences proçuraient cet allégement
de peine, d'où leur faveur grandissante à la fin du Moyen Âge La chapelle de Kermaria-an-Isquit et l'église de Kernascléden possèdent deux
beaux exemples de fresques murales du XVe siècle. La mort fait irruption dans les représentations
picturales et sculptées : la
chapelle de Kermaria-an-Isquit
contient une grandiose Danse Macabre, réalisée vers 1460 et imitant celle du
cimetière des Innocents à Paris (1424) ; elle contient la représentation et
le commentaire du Dit des trois morts et des trois vifs. Autre Danse Macabre à Kernascléden, de même qu'une fresque de l'enfer, avec les
marmites, les roues et tous les supplices Typologie Le report de 2146 sur la date pivot 1424 (réalisation de la Danse macabre du Charnier des Innocents à Paris) donne 670. Tout le monde a bien expliqué comment le prince de
Bretagne, Josse (Judoc,
Jodoc) qui refusa la couronne que lui offrait son
frère JudicaĂ«l, candidat acharnĂ© Ă l'Ă©rĂ©mitisme, Ă©choua un jour Ă
Saint-Josse-sur-Mer, village du Pas-de-Calais à qui il donna une réputation
séculaire. Mais personne ne s'est jamais vraiment posé la question de savoir
qu'elle -était la véritable date de la fête du saint. Le seul document digne de foi que l'on possède sur cet événement, est
une vita anonyme datant du VIIIe siècle et utilisée
par Mabillon pour la notice des Acta Sanctorum. Et ce texte comparé à d'autres sources
avance comme date de la mort de saint Josse un 13 décembre 669 ; autrement
dit, se pose le problème fondamental suivant : pourquoi s'acharne-t-on Ă
honorer saint Josse à l'époque de la Pentecôte depuis des siècles, quand sa fête
officielle tombe un 13 décembre. Certes, ce n'est pas le seul cas de
déplacement de date dans le culte d'un saint, mais on s'arrange alors pour
trouver une célébration d'invention ou de translation des reliques; or ici rien
de tout cela, puisque l'anniversaire de ces cérémonies est au
1er ou 2e dimanche de juillet, au 25 juillet et mĂŞme au 15 octobre.
Donc, si le culte populaire envers saint Josse ne respecte pas le calendrier
liturgique officiel, c'est qu'il obéit à d'autres règles et se préoccupe d'autre
chose. Et c'est comme dans bien des cas un examen minutieux de la légende dorée
du saint qui va nous en révéler le secret. Prince de Bretagne, Josse néglige
les honneurs et prend la route pour chercher Dieu; c'est pour le moins ce que
l'on retient actuellement de sa démarche, car s'il faut en croire les
historiens de cette époque, cela serait plutôt pour fuir les difficultés
politiques occasionnées par la mainmise de Dagobert sur la province de
Bretagne. Toujours est-il que Judocus arrive un jour
en Ponthieu, dans la région de Montreuil-sur-Mer, pour y élire domicile. C'est
là que d'ermitage en ermitage, il se fera connaître. Les spécialistes ne sont
toujours pas d'accord sur l'identification des lieux où aurait séjourné notre
personnage, Runiac, Rimac, Beaurain, Beaumerie... un lieu
qui portait Ă l'Ă©poque le nom de Belmarie et abritait
un champ des Fées. En fait, saint Josse choisit la proximité de l'ancienne cité
marchande de Quentowic qui fut, Ă l'Ă©poque
mérovingienne, l'un des trois grands ports de la mer du Nord. C'est-à -dire,
finalement, une région assez peuplée. L'instabilité de Josse, toujours en
recherche d'un ermitage isolé, en serait d'ailleurs une sorte de preuve. L'épisode
majeur de la légende du saint paraît être celui du coq, tant il est vrai que
cet animal servit souvent de motif décoratif dans le mobilier et les poteries
des environs de Montreuil. Après avoir ravi la douzaine de poules que l'ermite
élevait, un aigle s'en prit au coq de la basse-cour qui chaque matin annonçait
Ă notre saint personnage le moment des matines. Voyant cela, Josse fit un signe
de croix et l'aigle tomba foudroyé déposant à ses pieds, le coq sain et sauf.
Il faut, Ă mon avis, Ă©carter l'analyse simpliste qui verrait en l'aigle un
simple représentant du démon, et dans le coq un volatile ecclésiastique. Ce
dernier est un animal en effet beaucoup trop complexe pour être réduit au
simple rang d'un réveille- matin. La date la plus primitive des fêtes de saint
Josse est le 25 juillet, jour anniversaire des saints Jacques et Christophe.
Cette «coïncidence» n'a pas échappé aux clercs du Moyen Age qui dessinèrent, en
marge du cueilloir de l'HĂ´tel Dieu de Montreuil-sur-Mer, saint Josse en compagnie
de saint Jacques, tous deux portant le manteau et le chapeau Ă la coquille des compostellans. Or, cette date est aussi,
traditionnellement, retenue comme début de la canicule. La canicule est une
période de fortes chaleurs qui commence avec le lever de l'étoile Sirius,
appelée aussi le Petit chien. Son nom dérive, d'ailleurs, du latin canis qui veut dire chien. On craint beaucoup, au Moyen
Age, cette période. On y interdit, par exemple, les bains dans les rivières de
peur qu'un serpent ne vienne Margat boulonnais avec
son guénel Pour relier au quatrain suivant IX, 59 : Le petit Josse,
fils de Philippe le Bon et d'Isabelle de Portugal, naît le 24 avril à Gand
et son baptême a lieu le 6 mai 1432. [...] D'après l'Excellente Kroniek van Vlaanderen
(Bruxelles, B.R. ms 13.073-74, f 272 r), les parrains de Josse furent l'Ă©vĂŞque
de Cambrai, Louis de Luxembourg et le comte de Ligny; ses marraines, la
vicomtesse de Meeus, la dame de Ghistelles et la
duchesse de Gueldre. Le petit Josse ne vécut pas longtemps. Nous n'avons pas
trouvĂ© sa date de dĂ©cès. Il semble qu'il fut enterrĂ© Ă l'abbaye Saint-Pierre Ă
Gand, mais les archives consultées à notre demande par M. J. Mertens, chef de
département aux Archives de l'Etat à Gand ne possèdent pas d'obituaire pour
cette période et le dossier 'sépultures' de l'abbaye ne contient aucune
référence à la tombe de Josse de Bourgogne (lettre du 7/III/1991). Pourquoi le
nom de Josse, qui n'est attesté dans aucune famille princière des Etats ducaux ?
Tout d'abord, il semble que Philippe ait eu une dévotion particulière pour ce
saint breton, fils de roi, qui préféra le bâton de pèlerin et la vie d'ermite à la couronne |