Danses macabres

Danses macabres

 

IX, 58

 

2146-2147

 

Au costé gauche à l'endroit de Vitry,

Seront guettez les trois rouges, de France :

Tous assommez rouge, noir non meurdry,

Par les Bretons remis en asseurance.

 

"trois (rouges) vifs"

 

Du Noir & Blanc mesles est fait le Rouge vif... (Guy le Fèvre de la Boderie, L'encyclie des secrets de l'eternité, 1571 - books.google.fr).

 

Peu de rouge dans la littĂ©rature sur les danses macabres ou Dits des trois vifs. Voir un jeu de mots "trois rouges vifs" ? Et "de France" car la mode de ces reprĂ©sentations explose Ă  partir de la France au XVe siècle. Rouge de la vie.

 

Parler de "couleur rouge" est presque un plĂ©onasme. Le rouge est la couleur par excellence, la couleur archĂ©typale, la première de toutes les couleurs. Dans plusieurs langues c'est le mĂŞme mot qui signifie rouge et colorĂ©. Dans d'autres, il y a synonymie entre beau et rouge. Dans d'autres encore entre rouge et riche. Partout, dire qu'une chose est rouge, c'est dire beaucoup plus que sa coloration [...]. Rouge est le plus fortement connotĂ© de tous les termes de couleur, plus encore que noir ou que blanc. [...] Pour la culture chrĂ©tienne, le rouge sang pris en bonne part est celui qui donne la vie, qui purifie et qui sanctifie. C'est le rouge du Sauveur, celui qu'il a versĂ© sur la croix pour le salut des hommes. Il est signe de force, d'Ă©nergie, de rĂ©demption. Inversement, le mauvais rouge sang est symbole d'impuretĂ©, de violence et de pĂ©chĂ©. Il se rattache Ă  tous les tabous sur le sang hĂ©ritĂ©s de la Bible. C'est le rouge de la chair impure, des crimes de sang, des hommes rĂ©voltĂ©s contre leur Dieu ou contre d'autres hommes. C'est celui de la colère, de la souillure et de la mort. Sur ces quatre rouges, venus du fond des âges, se sont greffĂ©s tous les emplois que nous faisons de cette couleur dans notre vie quotidienne et dans notre symbolique sociale. Depuis la bande rouge des emballages de mĂ©dicaments - signe de danger (ne pas dĂ©passer la dose prescrite) – jusqu'au feu rouge de la signalisation routière - signe d'interdiction – en passant par tous les rouges ludiques et dĂ©licieux de l'enfance, des bonbons, des confitures de la fĂŞte, de la joie, de l'Ă©rotisme et de l'amour (Michel Pastoureau) (Dominique Lejeune, La peur du rouge en France : Des partageux aux gauchistes, 2003 - books.google.fr).

 

Trois vifs

 

Le grand tableau populaire, la grande scène de peinture qui enthousiasma le moyen âge, est une scène de désolation et de terreur, la Danse des morts, qui rend avec fidélité la teinte triste et sombre dont toute cette époque fut empreinte. Déjà au treizième siècle courait, dans nos provinces, la légende dramatique des trois Morts et des trois Vifs. Trois beaux et jeunes princes vont à la chasse et rencontrent, dans les champs, trois sépulcres ouverts, d'où les cadavres se lèvent pour leur dire qu'eux aussi ils étaient beaux et puissants, et pleins de toutes les joies de ce monde. Plusieurs trouvères du temps rimèrent ce sujet, notamment Baudouin de Condé, et au siècle suivant, grandi et immortalisé par le Dante, il passa de la main des poètes à celle des peintres. Andrea di Cione (detto l'Orcagna mort en 1368) peignit, au milieu du quatorzième siècle, sur un édifice de Pise, la légende des trois Morts et des trois Vifs. En 1408, le duc de Berri la fit répéter en sculpture, à Paris, dans l'église des Innocents où il voulait être inhumé; et quelques années plus tard, en 1424, on peignit sur les murs du cimetière des Innocents une représentation de la fameuse Danse macabre (mot arabe qui signifie cimetière) ou Danse des morts. Dès lors la danse macabre se répandit dans toutes les contrées du Nord, à la cathédrale d'Amiens, au cloître de Saint-Maclou de Rouen, à l'église de Fécamp (en sculpture), à l'abbaye de la Chaise-Dieu, à la Sainte-Chapelle de Dijon (en 1436), au couvent des Dominicains de Strasbourg, au couvent des Dominicains de Bale (vers 1441), par toute la Suisse, l'Allemagne et l'Angleterre; partout l'on se complut à ce spectacle qui représentait la mort sous la forme d'un squelette entraînant un à un, dans une ronde infernale, le roi, le pape, le chevalier, la belle jeune fille, le vieillard et l'enfant, l'homme de guerre et le religieux, le riche et le pauvre, tous ceux qu'on aime et surtout ceux qu'on hait. C'était un sujet inépuisable qui répondait à l'idée chrétienne en même temps qu'aux aspirations du sentiment de l'égalité, et qui, entre les mains de quelques artistes de la renaissance, produisit des chefs-d'œuvre (Histoire de France d'après les documents originaux et les monuments de l'art, Tome 1, 1859 - books.google.fr).

 

Bien qu'on ait figuré des cadavres parlant à des humains dès le XIIIe siècle dans le thème des Trois morts et des trois vifs on ne connaît pas de représentations iconographiques de la danse antérieures à 1400; à partir du début du siècle, au contraire, elle obtient une diffusion aussi rapide, en proportion, qu'une mode de nos jours (Alberto Tenenti, La vie et la mort à travers l'art du XVe si?cle, 1952 - books.google.fr).

 

Toutes les représentations de danse macabre sont localisées dans la moitié nord de la France et plus particulièrement dans l'ouest. La plus récente, celle de Courgenard, est datée grâce à une inscription de 1574 et la plus ancienne date du dernier quart du XIVe siècle. Le thème, largement antérieur à ces peintures, est apparu à la même époque que celui des Trois morts et des trois vifs. Il tire ses origines de deux exempta attestés depuis la première moitié du XIIIe siècle dans l'œuvre de Jacques de Vitry. Dans ces deux récits, l'auteur dénonce le bavardage des fidèles pendant la messe et plus particulièrement celui des femmes. L'histoire raconte qu'un diable transcrivait leurs propos sur un long parchemin, qu'il était obligé d'étirer avec ses >dents tant elles étaient bavardes. Les peintres se sont emparés de cette histoire pour figurer des femmes, dont le nombre varie entre deux et quatre, assises en train de bavarder au lieu d'écouter le message du prêtre. Elles sont accompagnées de diables qui les épient, les tiennent par les épaules ou se glissent entre elles pour mieux les écouter et s'activent à transcrire leurs propos. Cette scène, qui condamne expressément le bavardage pendant la messe, invite à changer de comportement et rejoint donc le message, lui aussi exemplaire, délivré par la Rencontre des trois morts et des trois vifs. Sur les seize représentations des Bavardes recensées à ce jour en France, plus de 35 % sont peintes à proximité immédiate ou non loin des Trois morts et des trois vifs. Les deux scènes se succèdent à Saint-Sulpice-des-Landes, Meslay-le-Grenet et Courgenard, tandis qu'à Lavaré elles se font face. A Kientzheim, le lien est plus ténu, puisque les Bavardes avaient été placées dans la galerie du cimetière près de la Danse macabre (Vifs nous sommes - morts nous serons: la rencontre des trois morts et des trois vifs dans la peinture murale en France, 2001 - books.google.fr).

 

Jacques de Vitry, né entre 1160 et 1170 dans la région de Reims et mort le 1er mai 1240 à Rome, était un historien et auteur spirituel, confesseur de Marie d'Oignies, prédicateur populaire, et évêque de Saint-Jean-d'Acre. Il fut nommé cardinal-évêque de Tusculum en 1228 (fr.wikipedia.org - Jacques de Vitry).

 

Jacques de Vitry (1165/1170-1240) a portĂ© sur la vie en sociĂ©tĂ© le regard d’un homme d’Église Ă  l’heure des dĂ©fis posĂ©s par les conditions sociales et politiques de son temps. On sait peu de chose de ses origines. Il fit ses Ă©tudes Ă  Paris puis entra vers 1208 chez les chanoines rĂ©guliers au prieurĂ© Saint-Nicolas d’Oignies oĂą il devint le confident de Marie d’Oignies et commença une carrière de prĂ©dicateur de la croisade. Clerc de grande culture, Ă©vĂŞque d’Acre de 1216 Ă  1227, puis Ă©vĂŞque auxiliaire de Liège et cardinal (1229), il a laissĂ© une Vita Mariae Oigniacensis, une Historia orientalis, une Historia occidentalis, des lettres rĂ©digĂ©es en Orient et une très importante collection de sermons modèles. Il a bĂ©nĂ©ficiĂ© de son vivant d’une grande renommĂ©e comme savant, prĂ©dicateur et prĂ©lat expĂ©rimentĂ©, qui lui a survĂ©cu chez les Mendiants notamment qui ont fait un grand usage de ses sermons et de l’Historia orientalis. Bien des indices dans les Ă©crits de Jacques de Vitry ou dans les sources, assez rares dans l’ensemble, qui se rapportent Ă  sa vie laissent Ă  penser qu’il a entretenu de nombreuses relations officielles et personnelles Ă  l’intĂ©rieur de rĂ©seaux variĂ©s. Parmi ceux-ci, les cercles savants Ă  Paris, les communautĂ©s canoniales et cisterciennes du diocèse de Liège et des diocèses limitrophes, les milieux en rapport avec la prĂ©dication et la croisade, tant en Orient qu’en Europe du Nord et en Italie Ă  partir de 1229 (Jean Donnadieu, Entre sentiment et ambition : les rĂ©seaux de Jacques de Vitry au miroir du Supplementum ad Vitam Mariae Oigniacensis de Thomas de CantimprĂ©, Vivre en sociĂ©tĂ© au Moyen Ă‚ge, 2008 - books.google.fr).

 

"rouges" (cf. Brind'Amour, "rouge" désigne parfois un cardinal)

 

La danse des morts du Temple-Neuf de Strasbourg se composait d’une série de tableaux peints à fresque à l’intérieur de l’édifice, cinq d’entre eux ont été copiés en 1824 par un architecte, Monsieur Arnold. Le premier tableau représente le Sermon du dominicain, prêchant aux fidèles la nécessité «du bien vivre et du bien mourir» pour éviter la damnation éternelle.» Dix personnes forment son auditoire. Le second tableau commence la ronde funèbre, la Mort se saisit du pape, suivi de trois cardinaux et de trois autres personnages de la cour pontificale. La momie se glisse ensuite entre l’empereur et l’impératrice et invite cinq personnes de leur suite à se joindre à eux. Puis, elle s’attaque au cardinal, à l’évêque, à l’abbé, au vieillard et à la noble dame. Nous pouvons encore citer, en dehors de ces danses dont il ne reste que des copies, les fragments peints de Kernascléden, de Josselin (Morbihan), et ceux de Villiers-Saint-Benoît (Yonne) (La diffusion du thème dans l’Hexagone) (Caroline Gabion, Les danses macabres et leurs métamorphoses (1830 - 1930), 2000 - theses.univ-lyon2.fr).

 

Le Dit des trois morts et des trois vifs de Verneuil en Bourgogne est illustrĂ© par trois cavaliers, vĂŞtus d'une tunique courte Ă  manches amples. Le cavalier de gauche porte une cagoule et le chapeau rouge de cardinal, et a les mains jointes sur la poitrine ; le deuxième coiffĂ© d'une chaperon lève les mains dans un geste de surprise ; le troisième cavalier, couronnĂ©, se retourne vers ses compagnons, tandis que le faucon qu'il tient Ă  la main gauche dĂ©ploie ses ailes (D'Ocre et d'azur: peintures murales en Bourgogne, MusĂ©e archĂ©ologique de Dijon, 1992 - books.google.fr).

 

L'un des anciens poĂ«mes qui ont le plus de ressemblance avec les Danses des morts des XVe, XVIe et XVIIe siècles, est celui que Thibaud de Marly, auteur du XIIe siècle, composa, dit-on, dans sa retraite de l'abbaye de Notre-Dame-du-Val (ordre de CĂ®teaux). Ce poĂ«me est intitulĂ© : Vers sur la mort. L'auteur, s'adressant Ă  sa cruelle hĂ©roĂŻne, passe en revue tous ceux qu'elle doit frapper. Souvent il lui règle, si l'on peut dire ainsi, sa triste besogne. Mors, lui dit-il, va a chiaux qui d'amors content ; une autre fois: Mors, je t'envoi Ă  mes amis ; une autre fois : Va moi saluer le grand Rome. Il nomme successivement les personnes de diffĂ©rentes conditions qui rĂ©pondront Ă  l'appel de la mort. Les bons et les mĂ©chants seront sa proie; mais elle fera le salut des uns et dĂ©cidera la perte des autres. Les plus puissants s'inclineront devant ses arrĂŞts, pape (Str. XV et XXX), cardinaux (Str. XIII et XIV), Ă©vĂŞques (Str. XVI et XVII), comtes (Str. XVIII), rois (Str. XVIII, XX, XXI et XXX), princes (Str. XXI), prĂ©lats (XIX), damoiseaux (XXIV), ermites (Str. XXXV), moines (Str. XXXVI), avares et usuriers (Str. XXXIX), riches (XLII) Seigneurs, gouverneurs (XL), libertins et gourmands (XXIX, XLI), etc., etc. Plusieurs passages de ce poĂ«me donnent lieu de penser que Thibaud de Marly avait des opinions libĂ©rales dans le sens qu'on peut attacher aujourd'hui Ă  ce mot. Il dĂ©testait les oppresseurs du peuple, les mauvais riches et les mauvais prĂŞtres (Georges Kastner, Les danses des morts: dissertations et recherches historiques, philosophiques, littĂ©raires et musicales sur les divers monuments de ce genre, 1852 - books.google.fr).

 

"costé gauche"

 

La danse a longtemps Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme l’œuvre du dĂ©mon : «Aucun ChrĂ©tien ne participera, ni pendant l’assemblĂ©e liturgique, ni chez lui, ni dans la rue, ni dans aucun autre lieu, Ă  des danses, des sauteries, des plaisanteries ou tout autres jeux diaboliques.» Ces instructions, attribuĂ©e Ă  Saint Pirmin (mort en 753), associent la danse aux pratiques sataniques. La danse Ă©tait perçue comme une contrainte, nombreux sont ceux qui abusèrent de celles-ci et profanèrent les lieux du culte1238. La danse devint alors châtiment, les personnes atteintes de maladies provoquant une agitation incontrĂ´lĂ©e des membres du corps, qui se croyaient possĂ©dĂ©es, recherchaient la protection des lieux sacrĂ©s. Ce sont en fait les dĂ©bordements liĂ©s Ă  la danse qui Ă©taient condamnĂ©s, ces derniers, qui rappelaient les cultes paĂŻens, provoquaient une perte de contrĂ´le du corps que la religion chrĂ©tienne ne pouvait tolĂ©rer et multiples furent les propos de l’église qui visèrent Ă  rĂ©frĂ©ner l’ardeur chorĂ©graphique du peuple. «Cette manière de mouvoir le corps en suivant un rythme musical plus ou moins rapide a souvent Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©e comme dangereuse et capable de mener Ă  la damnation les personnes de sexe opposĂ© qui s’y adonnent : «la danse est la compagne insĂ©parable de la luxure», Ă©crit Saint-Ambroise. «Partout oĂą l’on danse lascivement, le diable se trouve», ajoute Saint-Chrysostome». Les danses macabres illustrent parfois très clairement cette notion de danse malsaine. Nous avons dĂ©jĂ  montrĂ© que les vivants Ă©taient forcĂ©s d’entrer dans la ronde et qu’ils n’apprĂ©ciaient guère la chorĂ©graphie dĂ©sordonnĂ©e que les morts tentaient de leur imposer. En fait, une partie des danseurs va nĂ©cessairement vers l’Enfer, et cet Ă©lĂ©ment a Ă©tĂ© trop peu soulignĂ© dans l’étude des danses, sans doute parce qu’il n’apparaĂ®t pas de manière très Ă©vidente. Tout d’abord, la chaĂ®ne se dirige vers la gauche, et non vers la droite comme cela est le cas dans la danse la plus rĂ©pandue au moyen âge, la carole. Le cĂ´tĂ© gauche peut indiquer tout simplement la mort ; dans la plupart de nos fresques, «les vivants, mornes et rĂ©signĂ©s, se laissent conduire par des visions d’outre-tombe vers le but facile Ă  deviner, et qui Ă©tait aussi reprĂ©sentĂ© Ă  Bâle : l’ossuaire oĂą les crânes et les os sont amoncelĂ©s, comme cela se voit encore dans les petits cimetières de Basse-Bretagne serrĂ©s Ă  l’ombre du vieux clocher». AssociĂ© aux autres Ă©lĂ©ments de la danse, le saut, la farandole et la recherche de la forme circulaire, il devient le signe de la damnation... c’est du moins ce qu’annoncent les prĂŞcheurs dominicains dans leurs sermons.

 

Au XIIIe siècle, Jacques de Vitry, dans un sermon, observe que les femmes qui conduisent les danses portent au cou la clochette du Diable qui les suit des yeux. Selon lui, la danse est un cercle dont le centre est le Diable : «Chorea enim circulus est cujus centrum est diabolus, et omnes vergunt in sinistrum». On tournait, dans la ronde, toujours vers la gauche (in sinistrum), disait-on, vers l’Enfer, ce qui prouvait que la danse Ă©tait diabolique (Des danses mĂ©diĂ©vales aux danses sabbatiques) (Caroline Gabion, Les danses macabres et leurs mĂ©tamorphoses (1830 - 1930), 2000 - theses.univ-lyon2.fr).

 

"endroit"

 

II est possible aussi que seule une vache d'un troupeau fût porteuse d'une sonnette, comme on peut l'inférer d'un texte de Jacques de Vitry (XIIIe s.), dans lequel il déclare que les femmes qui aiment trop la danse portent au coup la sonnette du diable, lequel les suit des yeux, comme dans un troupeau la vache qui porte au cou une sonnette renseigne le pâtre sur l'endroit où se trouvent ses compagnes (Sicut vacca que alias precedit in collo campanam gerit, sic mulier que prima cantat coream ducit quasi campanam dyaboli ad collum habet ligatam. Quando autem dyabolus sonum audit securus redditur dicens: 'Nondum vaccam meam amisi ) (Roger Pinon, Les instruments de musique des pâtres, Jahrbuch für Volksliedforschung, Volume 14, 1969 - books.google.fr, Brian Joseph Levy, Nine Verse Sermons by Nicholas Bozon: The Art of an Anglo-Norman Poet and Preacher, 1981 - books.google.fr).

 

"guetter"

 

La corporation des peintres est la première des privilégiées qui ne devaient pas le guet. Jehan Ier d'Orléans paie xviij s. p.; en supposant la taille prélevée comme le cinquantième du revenu personnel et la valeur d'argent quintuplée depuis, on arrive, eu égard au peu de développement du luxe dans les intérieurs bourgeois, à un chiffre respectable (Valentin Dufour, La Dance Macabre peinte en 1425 au cimetiere des innocents de Jean Gerson, 1873 - books.google.fr).

 

Jean d'Orléans, fils du peintre Girard d'Orléans, peintre du roi de France, qui le forme au milieu du XIVe siècle. Il devient peintre officiel à la cour de Charles V en décembre, succédant ainsi à son père après sa mort le 6 août 1361. En 1364, il participe aux préparatifs du sacre du roi et peint la statue d'un cerf au palais de la Cité. Il décore plusieurs résidences royales : la chambre de parade du roi au palais du Louvre (1366), le château de Saint-Germain-en-Laye en 1378, le château de Vincennes en 1390. Le roi récompense à plusieurs reprises son travail : il lui donne une maison à Paris en 1367 et l’anoblit en mai 1368. Jean d'Orléans travaille aussi pour le frère du roi Jean Ier de Berry. Dès 1369, il lui achète des « tableaux à ymages » pour sa chapelle. Le duc visite son atelier en 1371 afin d'y voir des œuvres en cours de réalisation. Le peintre apporte un tableau à Philippe II de Bourgogne toujours au nom du duc de Berry. Le duc de Bourgogne l'emploie à son tour pour peindre un diptyque du Christ de pitié et de la Vierge de douleur. Le roi Charles VI le garde comme peintre officiel : il exécute pour lui des cimiers de tournois, des tableaux, «ymages» et autres ouvrages enluminés pour le souverain et ses enfants. Le 12 août 1391, il est à la tête de la confrérie des peintres de Paris lorsque celle-ci reçoit du prévôt de Paris, Jean de Folleville, la promulgation de ses statuts. En 1407, son fils le remplace à la charge de peintre du roi, mais il continue à percevoir des gages de six sous par jour (fr.wikipedia.org - Maître du Parement de Narbonne).

 

Noir

 

NoĂ«l du Fail, comme on a vu plus haut, dit que, parmi les peintures de la Danse Macabre, il y avait des deux cĂ´tĂ©s du cimetière deux portraits d'un lion rouge et d'un serpent vert, Mec fait mettre par iceluy Flamel avec bonne dotation pour l'entretenement d'iceux. La mention qui est faite ici d'un lion rouge coĂŻncide avec les dĂ©tails donnĂ©s sur les peintures du cimetière des Innocents, dans un livre publiĂ© au XVIIe siècle, sous le titre suivant : Le Livre des figures hiĂ©roglyphiques de Nicolas Flamel, escrivain, ainsi qu'elles sont en la quatrième arche du cymetière des Innocens Ă  Paris, entrant par la porte, rue Saint-Denys, devers la main droite, avec l'explication d'icelles, par ledit Flamel traitant de la transmutation mĂ©tallique. Non jamais imprimĂ©. Paris, 1612. In-8°. Que le livre de Flamel soit, comme on le prĂ©tend gĂ©nĂ©ralement, un livre apocryphe, c'est ce que nous n'entreprendrons pas de discuter, car cela est indiffĂ©rent Ă  noire sujet. Toujours est-il qu'il Ă©tablit d'une manière authentique l'existence au cimetière des Innocents de peintures si Ă©tranges qu'elles donnaient lieu Ă  maints commentaires. On a prĂ©tendu qu'elles avaient un sens emblĂ©matique, que savaient pĂ©nĂ©trer les chercheurs du grand-Ĺ“uvre. Cela est fort possible, car alors l'alchimie Ă©tait un art sĂ©rieux dont on ne riait pas encore. Un praticien aussi cĂ©lèbre, aussi exercĂ© que l'Ă©tait Nicolas Flamel, pouvait avoir eu l'idĂ©e d'Ă©lever ce monument Ă  la gloire des dĂ©couvertes qu'il croyait avoir faites ou qu'il avait faites rĂ©ellement dans cette science. On retrouve le lion rouge dans le tableau hiĂ©roglyphique qui est ainsi dĂ©crit : «8e figure : sur un champ violet obscur, un homme rouge de pourpre, tenant le pied d'un lion rouge de laque, qui a des aisles et semble ravir et emporter l'homme.» Quant au serpent vert dont parle NoĂ«l du FaĂŻl, il faisait vraisemblablement partie de quelque autre tableau du mĂŞme genre. Par la nomenclature raisonnĂ©e que Flamel, ou l'auteur qui prenait son nom, a dressĂ©e des peintures hiĂ©roglyphiques ou prĂ©tendues telles, du cimetière des Innocents, et par les remarques que le compilateur Salomon, dans sa Bibliothèque chimique, a jointes Ă  la description de Flamel qu'il reproduit en entier, on peut se convaincre qu'Ă  l'exception du Bonhomme noir dont je parlerai plus loin, rien dans ces peintures ne saurait ĂŞtre comparĂ© aux images de la Danse Macabre. Aucun passage du texte ne rappelle le souvenir de cette Danse, n'y fait la moindre allusion. Faut-il en conclure qu'Ă  l'Ă©poque de l'apparition de cet ouvrage, elle Ă©tait effacĂ©e ou cachĂ©e par un enduit quelconque ou par quelque autre construction de date rĂ©cente ? Le rĂ©dacteur du livre de Nicolas Flamel prĂ©tend qu'il Ă©crivait en 1413; de son cĂ´tĂ©, NoĂ«l du Fail, qui vivait au milieu du XVe siècle, prĂ©sente la Danse Macabre comme une des merveilles parisiennes les plus goĂ»tĂ©es de son temps. Quelle conclusion peut-on tirer de ces assertions contradictoires? Pourquoi les peintures de la Danse Macabre auraient-elles disparu sitĂ´t, tandis que la majeure partie des figures hiĂ©roglyphiques subsistaient encore en 1683, ainsi que l'atteste Salomon, qui se plaignait amèrement de ce qu'on ne les entretenait pas? Faut-il supposer que la Danse Macabre Ă©tait cette procession peinte contre la muraille d'un et d'autre cĂ´tĂ©. Flamel disait y avoir fait reprĂ©senter par ordre toutes les couleurs de la pierre, et y avoir mis cette inscription en français: Moult plaist Ă  Dieu procession / S'elle est faite en dĂ©votion. Salomon assure que celle procession n'existait plus de son temps: Mais la procession qu'il (Flamel) avait fait mettre contre la muraille oĂą estoient reprĂ©sentĂ©es les couleurs de la pierre n'y est plus (1683) Flamel en avait parlĂ© en ces termes : Je ne fis qu'Ă©tudier et travailler ainsi qu'on me peut voir hors de cette arche oĂą j'ai mis des processions contre les piliers d'icelle, sous les pieds de saint Jacques et saint Jean priant toujours Dieu, le chapelet en main, etc.» Sans doute la Danse Macabre pouvait offrir jusqu'Ă  un certain point l'aspect d'une procession, mais il n'est guère probable qu'elle ait trouvĂ© assez de place sur les deux piliers pour s'y dĂ©ployer entièrement sous les pieds de saint Jacques et de saint Jean. Il faut abandonner cette conjecture et nous arrĂŞter plutĂ´t Ă  celle-ci que, par suite des reconstructions et des changements faits dans les charniers, les images de cette Danse auront Ă©tĂ© dĂ©truites entièrement ou tout au moins cachĂ©es et dĂ©tĂ©riorĂ©es.

 

Une chose tout à fait singulière et qui a tous les caractères d'une énigme, est la présence, dans quelques éditions de la Danse Macabre, d'un bonhomme noir, sorte de nègre accoutré de la façon la plus bizarre, tenant d'une main un cor ou une corne, et de l'autre une flèche. Gabriel Peignot a identifié le bonhomme tout noir à une figure qui existait jadis au cimetière des Innocents, et qu'il considère comme ayant pu se trouver mêlée aux peintures de la Danse des Morts exécutée dans ce cimetière. Il se fonde sur le passage suivant de Dulaure: «Au-dessus de la voûte construite par N. Flamel, du côté de la rue de la Lingerie, étoit une peinture qui représentoit un homme tout noir; le temps l'avoit fait disparoître; mais en 1786, avant qu'on eût ôté les pierres des charniers qui contenoient des inscriptions, on voyoit encore celle-ci, ou plutôt les débris de celle-ci».

 

Quant Ă  l'homme noir, il Ă©tait peint sur l'un des piliers du charnier, lequel faisait face Ă  l'arche, le cimetière Ă©tant au milieu, comme l'Ă©tablit clairement la description de l'auteur qui prenait le nom de Flamel. Par consĂ©quent, l'homme noir n'avait aucune identitĂ© avec le saint Paul vis-Ă -vis duquel il Ă©tait placĂ©. Nous avons vu, par les inductions que Peignot a tirĂ©es des faits qu'il a recueillis, comment l'image de cet ĂŞtre bizarre avait pu figurer au cimetière des Innocents concurremment avec les sujets peints de la Danse des Morts. Si ce sont effectivement ces derniers qui ont passĂ© dans les illustrations des manuscrits ou des Ă©ditions de la Danse Macabre, il serait alors assez naturel de penser que le bonhomme noir y aurait Ă©tĂ© recueilli, ainsi que l'inscription qui, peut-ĂŞtre, se faisait lire près de lui, non parce qu'ils faisaient partie de la Danse des Morts, mais parce qu'ils existaient dans le mĂŞme lieu conjointement avec les images de cette danse, et avaient avec l'allĂ©gorie lugubre de la ronde funèbre un rapport que le sens des vers Ă©tablit , mais que la figure de l'homme noir, je l'avoue, rend fort problĂ©matique. Pour ce qui est de cette dernière figure, on a bien de la peine Ă  trouver ce qu'elle signifie, soit dans les hiĂ©roglyphes du cimetière des Innocents, soit dans les images de la Danse Macabre. En tout cas, je me suis assurĂ© que l'Ă©dition de 1486 ne la possĂ©dait pas, tandis que je l'ai vue dans plusieurs Ă©ditions plus rĂ©centes, notamment dans celle de Troyes de Jacques Oudot. Elle se trouve aussi dans l'Ă©dition de Nicolas le Rouge, qui porte la date de 1528. Pourquoi se trouve-t-elle ici et point-lĂ ,? En vĂ©ritĂ©, on ne saurait le dire. D'après le langage figurĂ© des alchimistes, cet homme noir, au cimetière des Innocents, devait symboliser le produit du soufre combinĂ© avec le mercure (le soufre, le mercure Ă©voquent les idĂ©es d'enfer et de divinitĂ© psychopompe, d'ange lugubre, de dĂ©mon). Dans le texte de la Danse Macabre que j'ai sous les yeux (en langage le plus poli), et dont les vers citĂ©s prĂ©cĂ©demment en note sont extraits, il revĂŞt le caractère d'ange de la mort, de hĂ©raut funèbre, conviant, Ă  son de trompe, par ordre de son souverain, les mortels au trĂ©pas. Ce rĂ´le d'ange du jugement dernier (ou plutĂ´t d'ange du dernier jour), que le texte attribue Ă  ce personnage fantastique, ne paraĂ®t pas cadrer tout Ă  fait avec les idĂ©es religieuses de l'Ă©poque: un ango, un messager de Dieu, noir comme un nègre, bizarrement costumĂ© Ă  l'orientale, montĂ© sur un clocher comme un muezzim, armĂ© d'une flèche et donnant du cor, cela ne rentre pas positivement dans l'esprit des dogmes chrĂ©tiens. S'il s'agissait, au contraire, d'un envoyĂ© du diable, d'un habitant des tĂ©nèbres, l'aspect sombre et la physionomie Ă©trangère du corneur seraient plus faciles Ă  expliquer. Sans celte origine toute cĂ©leste du mandat confiĂ© Ă  Y homme noir, j'aurais Ă©tĂ© tentĂ© de prendre celui-ci pour quelque Ă©chappĂ© de la Mesnie Hellequin ou pour une personnification de la peste. A prĂ©sent, je me demanderai s'il ne convient pas mieux de l'envisager comme un type empruntĂ© au rĂ©pertoire des mystères, comme un acteur ayant rempli ce rĂ´le de nègre ou de Sarrasin, ou s'Ă©tant costumĂ© de la sorte pour jouer l'ange du jugement ou l'avertisseur dans une Danse Macabre transformĂ©e en jeu scĂ©nique ? Enfin, ne serait-il pas plus simple d'y voir une sorte de crieur, de guetteur, de rĂ©veilleur funèbre ? J'avoue toutefois que ces conjectures seraient de nature Ă  soulever beaucoup d'objections ; je les ai nĂ©anmoins prĂ©sentĂ©es dans l'espoir qu'elles ouvriront une voie nouvelle aux recherches ; d'ailleurs, dans un sujet aussi obscur, n'est-il pas permis de s'accrocher Ă  tout, pourvu qu'on ne prĂ©tende pas donner de vagues hypothèses pour des faits certains? Au demeurant, que vient faire ce nègre dans la Danse Macabre imprimĂ©e, s'il n'est pas un vieux ressouvenir de la Danse Macabre reprĂ©sentĂ©e en action ou en peinture au cimetière des Innocents? L'auteur du texte qui accompagne cette figure, texte qui est peut-ĂŞtre Ă  la vĂ©ritĂ© une intercalation après coup, savait-il lui-mĂŞme ce qu'elle signifiait ? Il est Ă  croire que pour les lettrĂ©s de l'Ă©poque, comme pour les savants d'aujourd'hui, cette bizarre reprĂ©sentation est une Ă©nigme Ă  laquelle les alchimistes seuls ont pu trouver un sens. [...]

 

En Bretagne, on redoute la visite de celui qu'on appelle le Petit charbonnier, parce que la présence inattendue de cet esprit des ténèbres annonce toujours la mort de quelqu'un que l'on aime, ou quelque autre événement facheux. Lorsqu'une femme l'aperçoit, elle craint aussitôt pour les jours de son enfant. Je considère comme un reste de la croyance superstitieuse qui fit éclore ces légendes, l'habitude qu'ont encore de nos jours les mères et les nourrices de couvrir d'amulettes ou d'objets bénits les petits enfants pour écarter de leurs berceaux les influences insalubres et étouffer les germes de certaines maladies qu'elles continuent d'attribuer & l'action d'un esprit malfaisant, principalement aux effets du mauvais œil (Georges Kastner, Les danses des morts: dissertations et recherches historiques, philosophiques, littéraires et musicales sur les divers monuments de ce genre, 1852 - books.google.fr).

 

La famille Vitry de Paris

 

Les Vitry étaient une notable famille de la bourgeoisie parisienne.

 

A la fin du quatorzième siècle, par exemple, une riche famille de Paris donna une de ses hĂ©ritières Ă  Jean JuvĂ©nale des Ursins, d’abord simple avocat au parlement, puis garde de la prĂ©vĂ´tĂ© des marchands, et enfin un des principaux conseillers de Charles VII. Michel de Vitry avait pour aĂŻeul Jean de Vitry, en son vivant marchand et bourgeois de Paris; le fils de Jean, qui s’appelait Michelle, ainsi que sa fille, acheta les seigneuries de Goupillières et de Crespières. Sa sĹ“ur Ă©pousa le seigneur de Noviant, grand maĂ®tre d’hĂ´tel du roi Charles VI. Au mois de mars de l’annĂ©e 1415, la dame de Noviant faisait partie de la maison dĂ®sabeau de Bavière. C’est donc avec raison que Giles le Bouvier, un des historiens de Charles VI, a pu dire, en parlant de Jean JuvĂ©nale et de sa famille, qn’il Ă©tait grandement emparentĂ©. (Godefroy, Recueil des histor. de Charles VI, p. 426.) Michelle de Vitry fut mariĂ©e le 20 juin 1386; dans l'espace de dix-sept ans, elle donna le jour Ă  seize enfants, dont cinq filles et onze fils. Parmi ces derniers, on compte Jean Jouvenel des Ursins, archevĂŞque de Reims, qui nous a laissĂ© une Histoire de Charles VI en français et plusieurs autres ouvrages. Michelle de Vitry Ă©tait une femme de grande vertu, d'un sens et d'un esprit merveilleux, Ă  laquelle son mari ne craignait pas de se confier dans les occasions difĂ®ficiles, son fils, l'historien, nous a conservĂ© une de ces conversations intimes que Jean Jouvenel avait avec sa femme dans les circonstances graves. En 1413, Jean Jouvenel fut un de ceux qui s’entremit avec le plus d’activitĂ© pour dĂ©cider les princes Ă  faire la paix et Ă  chasser du gouvernement municipal les bouchers de la faction de Caboche. Les trois nuits qui prĂ©cĂ©dèrent cette fameuse sĂ©ance du conseil de ville oĂą les partisans des princes, conduits par Guillaume Ciriasse, chassèrent les Legoy et les Saint-Yen, après avoir Ă©tĂ© sur le point d'en venir aux mains avec eux, Jouvenel fut dans la plus grande perplexitĂ©; il entendit une voix-du ciel qui lui rĂ©pĂ©tait ces paroles du psaume 126 : Surgite cĂ»m sederitis, qui manducatis panem doloris, et il les redisait dans son sommeil. Sa femme, effrayĂ©e de ce prĂ©sage, lui parla ainsi : "Mon amy et mary, j’ay entendu au matin que vous disiez ou qu’on vous disoit ces mots contenus en mes heures; qu’est-ce a dire ?" Jean Jouvenel lui rĂ©pondit: "M’amie, nous avons onze enfans; nous devons prier Dieu de nous donner bonne paix; ayons confiance en luy et il nous aidera." (Histoire de Charles VI, p. 256.) Pour cette fois, Jean Jonvenel triompha de ses ennemis; mais quelques annĂ©es plus tard, en 1418, lors de l’entrĂ©e des Bourguignons dans Paris, il fut contraint de s’exiler avec sa famille, composĂ©e de sa femme, de sept fils, de quatre filles et de trois gendres; tous ses biens furent pillĂ©s et confisquĂ©s. Il se retira dans la ville de Poitiers, avec les partisans du dauphin, et fut mis a la tĂŞte d’un parlement qui procĂ©da comme celui de Paris. Jean Jouvenel des Ursins mourut en 1431. Michelle de Vitry, sa veuve, lui survĂ©cut quinze ans. Presque tous les membres de sa famille occupaient des fonctions Ă©minentes, et un seigneur de Parthenay s'Ă©tait alliĂ© avec elle (Le Moyen Age et la Renaissance, Tome 5, 1850 - books.google.fr).

 

Les grandes miniatures du missel de Jacques Jouvenel des Ursins étaient de véritables tableaux, plusieurs ont été reproduits dans l'histoire Générale De Paris, Le sujet de la grande miniature qui représente un enterrement dans le cimetière des Innocents, serait les obsèques d'un personnage de la famille, peut-être de Jehan Juvénel lui-même, alors la personne qui conduit le deuil, une femme, si nos souvenirs ne nous trompent pas, serait dame Michelle de Vitry, sa veuve. Notre présence dans le Grand Cimetière Parisien, comme l'appelle Corrozet, remet en mémoire la Dance macabre qui y était peinte, et nous ramène à Jean d'Orléans (Valentin Dufour, Une famille de peintres parisiens aux XIVe et XVe siècles, 1877 - books.google.fr).

 

Jehan d'Orléans, sous l'inspiration du chancelier Jehan Gerson et la protection de Jehan, duc de Berry, aurait composé les cartons de la Dance macabre qu'il exécuta, par lui et par ses élèves, sous les arcades du charnier des Innocents en 1425.

 

Les Innocents de Paris

 

L'église des Saints-Innocents était située rue Saint-Denis, au coin de la rue aux Fers. Toutes les conjectures qu'on a faites sur son origine sont fabuleuses; l'époque de sa fondation est incertaine, et l'on doit l'attribuer à la piété de quelques particuliers dont les noms sont restés inconnus. Elle se trouvait bâtie sur le terrain de Champeaux (campelli) avant Philippe-Auguste. Ce prince la reconstruisit lorsqu'il entoura de murs le cimetière des Saints-Innocents. Suivant la Gallia christiana, elle avait le titre de cure avant l'année 1150. Son chevet donnait sur la rue Saint-Denis, et son entrée était dans le cimetière même qui l'entourait, et qui occupait l'emplacement actuel du marché.

 

Plusieurs hommes remarquables avaient été inhumés dans l'église des Saints-Innocents, entre autres l'historien de Mézeray. Elle fut démolie en 1786, lors de la suppression du cimetière et des charniers. [...] Le cimetière des Saints-Innocents datait probablement du temps des Romains. Avant sa suppression, il servait à vingt paroisses de Paris. Dans l'origine, il demeurait ouvert de toutes parts, à cause de son voisinage des halles; aussi était-il incessamment souillé et profané par les passants. Pour faire cesser ce déplorable état de choses, Philippe-Auguste l'entoura de murs en 1188; deux siècles plus tard, ces murs furent garnis de galeries couvertes, appelées charniers, sous lesquelles on plaça des sépultures. Elles formaient une espèce de cloître carré composé de quatre-vingts arcades. On y remarquait une petite tour octogone d'environ 14 mètres de hauteur, dont on ignore l'origine. Il y avait aussi quelques chapelles où l'on acquittait des fondations pieuses (A. J. Meindre, Histoire de Paris et de son influence en Europe Depuis les temps les plus recculés jusqu'a nos jours, Tome 1, 1854 - books.google.fr).

 

Le cimetière des Innocents vite devenu un lieu de prostitution et de vol, Philippe Auguste fait clore les Saints-Innocents en 1186; au XVIe siècle, l'Église ordonne la construction de murs pour tous les cimetières afin d'y empêcher les bagarres, les vols, la prostitution, les marchés, la pâture (Michel Ragon, L'Espace de la mort: Essai sur l'architecture, la décoration et l'urbanisme funéraires, 2012 - books.google.fr).

 

Risques de la damnation

 

"Ce sont eux, écrit Emile Mâle, qui ont fait pleurer toute l'Europe sur les plaies de Jésus-Christ; et ce sont eux aussi qui ont commencé à épouvanter les foules en leur parlant de la mort. Je suis convaincu que la première pensée de cette danse macabre appartient aux prédicateurs franciscains ou dominicains". Ce nouveau tempérament chrétien, moins serein, plus sensible aux souffrances du Christ qu'à son enseignement, devait naturellement attacher de plus en plus d'importance à la mort physique et reléguer au second plan les problèmes du salut Ce faisant, il trahissait sans le savoir, ou sans le vouloir, la doctrine traditionnelle de l'Eglise; mais cela nous donnait la Danse macabre (Joël Saugnieux, Les danses macabres de France et d'Espagne et leurs prolongements littéraires, 1972 - books.google.fr).

 

Les lieux pour lesquels les saints, de quelque manière, avaient manifestĂ© leur prĂ©dilection attiraient les pèlerins en grand nombre. En Bretagne, on en comptait par milliers qui s'imposaient chaque annĂ©e les cinq cents kilomètres du Tro Breiz le tour des sept sanctuaires de Dol, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Saint-Pol, Quimper et Vannes. L'accumulation des pratiques multipliait les assurances contre le malheur, sans jamais rassĂ©rĂ©ner vraiment. La mort avait dĂ©cidĂ©ment perdu le caractère de sĂ©rĂ©nitĂ© dont avaient su la revĂŞtir les gĂ©nĂ©rations d'autrefois. La Danse macabre rappelait qu'elle fauchait tout le monde, les enfants et les jeunes gens Ă  la fleur de l'âge comme les vieillards dĂ©crĂ©pits. L'Ars moriendi prĂ©sentait l'agonie comme le moment dĂ©cisif de la vie : des dĂ©cennies d'efforts vertueux pouvaient ĂŞtre perdues par un mouvement fugace de rĂ©volte ou de dĂ©sespoir. Entre le paradis et l'enfer, le purgatoire ouvrait un troisième lieu; il autorisait l'espĂ©rance puisqu'il ne donnait que sur le Ciel, mais l'attente y Ă©tait pĂ©nible. Il Ă©tait possible de l'abrĂ©ger. Les indulgences proçuraient cet allĂ©gement de peine, d'oĂą leur faveur grandissante Ă  la fin du Moyen Ă‚ge (Histoire du christianisme, Volume 7 : De la rĂ©forme Ă  la RĂ©formation (1450-1530), 2012 - books.google.fr).

 

Le Dit des trois morts et des trois vifs, cinglant rappel infligĂ© Ă  ceux qui s'abandonnent aux plaisirs mondains, n'est-il pas figurĂ© Ă  Kermaria-an-Isquit, dans le bas-cĂ´tĂ© nord ? Plus poignante encore, la Danse Macabre, peinte vers 1460 Ă  l'imitation de la fresque du cimetière des Innocents Ă  Paris (1424), s'Ă©tire au-dessus des arcades de la grande nef. Des squelettes grimaçants, Ă  la dĂ©marche saccadĂ©e, entraĂ®nent dans leur sinistre ronde les reprĂ©sentants des diffĂ©rents Ă©tats de la sociĂ©tĂ© le pape, l'empereur, le cardinal, le roi, l'Ă©vĂŞque, le marchand, le moine, le laboureur, le mĂ©nĂ©trier, tous surpris dans l'accomplissement de leurs tâches quotidiennes. Quelque vingt-cinq couples se succèdent ainsi, dans lesquels le transi arrache inexorablement le vivant aux honneurs et aux joies de ce monde, que des couplets grinçants tournent en dĂ©rision : «Que vault orgueil, force, lignage, Mort destruit tout, c'est son usage». Nous sommes tous Ă©gaux devant la mort, Ă  dĂ©faut de l'ĂŞtre dans la vie : la Danse Macabre de KernasclĂ©den le redit peu après 1464. Le maĂ®tre du jeu est ici le prĂ©dicateur, reprĂ©sentĂ© dans sa chaire en haut Ă  gauche. Un squelette sonne de la trompette Ă  ses pieds, faisant sortir tour Ă  tour d'une trappe diffĂ©rents personnages (le seigneur, le marchand, mais aussi la veuve et le pauvre) dont la mort s'empare aussitĂ´t avec des ricanements sardoniques. La rĂ©flexion sur le terme de la vie ira en s'intĂ©riorisant Ă  la fin du XVe siècle, sous l'influence des courants de rĂ©forme religieuse. Un franciscain de Saint-Brieuc, le frère StĂ©phan, a exprimĂ© cette inquiĂ©tude de poignante façon : «C'est une chose qui me espouvente / Que mourrir fault et rendre compte / Et apres cest monde qui pou dure / Vient joye ou paine qui jamais dure». Un autre courant d'inspiration, moins influencĂ© par le christianisme, reprĂ©sente la Mort comme une force impersonnelle et abstraite, qui renverse tout indistinctement. L'Ankou armĂ© de sa faux et de sa pelle, tel qu'on le voit Ă  Ploumilliau, nous semble avoir quelque parentĂ© avec la harpie des Triomphes de la Mort italiens qui amoncelle les cadavres Ă  ses pieds. Le trĂ©pas est d'autant plus redoutable qu'il risque pour beaucoup d'ĂŞtre l'antichambre de l'Enfer. Nombre de testateurs veulent se garantir contre «l'ennemy prince des tĂ©nèbres d'enfer, oĂą sont pleurs, cris merveilleux, douleur perpetuelle et sans repos». L'Enfer de KernasclĂ©den n'est pas le plus terrifiant qui soit : Ă©voquĂ© avec une gamme de couleurs relativement pauvre, il ne rougeoie ni ne flamboie. Les damnĂ©s, laĂŻcs, clercs et moines confondus, y sont quelque peu dĂ©pourvus d'expression. Trop facilement rĂ©signĂ©s Ă  leur sort, ils ne se lamentent ni ne se convulsent. Mais quelle fantaisie, dĂ©sarmante et terrifiante Ă  la fois, dans l'Ă©vocation des supplices, très librement inspirĂ©e d'un texte du IVe siècle relatant la vision de saint Paul : le puits de l'abĂ®me est transformĂ© en marmite, la roue de flammes est muĂ©e en une baratte que des diablotins font tourner Ă  une allure folle ! On imagine le parti qu'en tiraient les missionnaires de passage, tout comme de cet arbre mort sur lequel les damnĂ©s sont empalĂ©s (Jean-Pierre Leguay, HervĂ© Martin, Fastes et malheurs de la Bretagne ducale, 1213-1532, 1997 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Chapelle de Kermaria an Iskuit).

 

Risques matériels

 

Les travaux récents de Giovanni Ceccarelli ont montré que dans la théologie franciscaine du XIIIe siècle (à partir d'Alexandre de Halès et de Bonaventure), le jeu de hasard fut interprété comme découlant d'un contrat implicite entre les participants. Il cessait donc d'être perçu comme une espèce de vol ou d'usure et les gains éventuels ne devaient pas faire l'objet d'une restitution. Cela n'impliquait pas une approbation morale et une distinction fut faite entre le risque inutile, objet d'un contrat futile et peu louable et le risque utile ou nécessaire, qui pouvait donner lieu à un contrat honorable. Comme le montre Sylvain Piron, le mot même de «risque» (risicum) avait été emprunté à l'arabe au XIIe siècle, pour désigner la part d'incertitude qui affectait les contrats maritimes d'achat et de transport des marchandises. Le péril de la mer, sous le terme de «risque», devenait mesurable. La conséquence en fut l'invention de l'assurance maritime au milieu du XIVème siècle, institution unique au monde, qui fut le moteur essentiel de l'expansion européenne (Alain Boureau, Satan hérétique: Histoire de la démonologie (1280-1330), 2004 - books.google.fr).

 

L’approche risque de se trouver biaisĂ©e par la dĂ©faillance irrĂ©mĂ©diable des sources administratives et privĂ©es. Le monde des marins de l’Atlantique et de la Manche reste en effet longuement imprĂ©gnĂ© de tradition orale, pour laquelle la parole donnĂ©e suffit Ă  signer l’accord des parties. Les contrats d’affrètement, pour ne pas parler des contrats d’assurance maritime, apparaissent dans ce milieu professionnel très tard dans les registres de notaires (au surplus quasiment inexistants dans la documentation bretonne mĂ©diĂ©vale conservĂ©e). Il se pourrait donc bien que les historiens aient Ă©tĂ© induits en erreur par cette absence d’actes de la pratique, laquelle a des causes avant tout culturelles, et aussi, il faut bien le reconnaĂ®tre, par leurs prĂ©jugĂ©s favorables envers le monde de la MĂ©diterranĂ©e, l’Italie en particulier toujours perçue par eux comme très en avance sur ses concurrents septentrionaux sur la foi de ses registres notariaux, anciens et souvent fort dĂ©taillĂ©s, enrichis encore de quelques belles correspondances commerciales vers la fin du Moyen Ă‚ge. Cette sous-estimation systĂ©matique de ce qui se passe dans le mĂŞme temps dans les mers occidentales se heurte en effet Ă  des dĂ©mentis cinglants chaque fois que l’on peut disposer de sĂ©ries portuaires d’importance (Jean-Christophe Cassard, Chapitre III. La mer en hypothèque incertaine In : Les Bretons et la mer au Moyen Ă‚ge [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1998 - books.openedition.org).

 

"asseurance"

 

On sait que l'assurance maritime apparaĂ®t vers le dĂ©but du XIVe siècle en Italie ; elle s'Ă©tend très rapidement dans tout le bassin mĂ©diterranĂ©en occidental qui est, malgrĂ© la grande dĂ©pression nĂ©e de la guerre de Cent ans, de la peste noire et de la pression accrue des civilisations islamiques, totalement conquis par le système de l'assurance vers la fin du premier quart du XVe siècle ; quelques annĂ©es plus tard, l'assurance prend pied en Flandre.  A partir de ces deux foyers actifs, la nouvelle technique conquerra progressivement les cĂ´tes atlantiques du royaume de France, la Normandie, l'Angleterre, les ports hansĂ©ates. Le XVIe siècle est, en quelque sorte, le siècle d'or de l'assurance (Le Droit maritime français, Volume 32, 1980 - books.google.fr).

 

La Bretagne voit naître un système particulier, celui des brefs de Bretagne, qui garantissent, contre le paiement d’une taxe ducale, les navigants contre la perte de leurs biens en cas de naufrage. Ce système, tout en répondant à un risque, témoigne d’une affirmation de la souveraineté des ducs de Bretagne, ce qui pose la question de savoir comment les ducs de Bretagne ont utilisé les brefs à des fins politiques. Si sa mise en place reste mal connue, l’affirmation de la souveraineté ducale dans le domaine maritime est incontestable. Elle s’affirme dans les Coustumes et noblesses es contes de Bretaigne, qui font apparaître une réglementation publique entre les mains du pouvoir ducal dans la seconde moitié du XIIIe siècle. La législation concernant les brefs évolue ensuite en lien avec le renforcement de la centralisation administrative. Cette institutionnalisation croissante témoigne de l’affirmation des droits régaliens mais aussi de la prise en compte du risque.

 

Les courants de marée, les bancs de sable par nature mouvants, les hauts-fonds, les écueils, et plus encore les aléas météorologiques (grains, brouillard, tempêtes, vimères1) sont autant de dangers qui pèsent sur la navigation, les individus et les biens transportés. Ils peuvent être la cause de retards, d’avaries, de pertes partielles de cargaison et, plus encore, lors des naufrages de la disparition du bâtiment et de vies humaines. Pour les navigants, les retards imposent souvent de trouver du ravitaillement supplémentaire alors qu’en cas de naufrage, récupérer l’épave et ce qui reste de la cargaison peut s’avérer problématique voire impossible.

 

La reprĂ©sentation de ces dangers a conduit, très tĂ´t, Ă  les considĂ©rer comme des risques, qui sont apprĂ©ciĂ©s et pris en compte par les individus, les communautĂ©s d’habitants, les autoritĂ©s locales ainsi que par la puissance publique3. Face Ă  ces risques, les individus et les communautĂ©s d’habitants en ont appelĂ© Ă  l’exercice de droits relatifs Ă  la justice ou Ă  la sĂ©curitĂ© des personnes et des biens, afin que la puissance publique apporte des rĂ©ponses aux risques qui les menacent, contribuant ainsi Ă  dĂ©finir des politiques publiques concernant la protection des individus et de leurs biens mais aussi, Ă  un autre niveau, la prĂ©vention du danger. Mais pour la puissance publique (mieux vaut-il Ă  l’époque fĂ©odale, parler de puissances publiques), les enjeux sont nombreux. Ils sont d’abord d’ordre politique, et ce Ă  deux niveaux. Au niveau du territoire seigneurial soumis au droit de ban, le seigneur se doit d’exercer la justice, c’est largement alors la justification première de son pouvoir, idĂ©al dont l’Église n’a de cesse de rappeler l’ardente nĂ©cessitĂ© ; et au niveau des principautĂ©s, le pouvoir princier, c’est particulièrement vrai en Bretagne, juge que le droit de bris est un droit rĂ©galien dont seul il doit disposer. Un autre enjeu est bien Ă©videmment financier.

 

Dans ce contexte, la Bretagne voit naître un système particulier, celui des brefs de Bretagne. Ils garantissent, contre le paiement d’une taxe ducale, sauf au Pays de Retz, les navigants contre la perte de leurs biens en cas de naufrage, leur permettant de ravitailler ou d’être assurés de disposer d’aide pour franchir les raz de la mer d’Iroise. Ce système, s’il est une réponse à un risque, témoigne également d’une affirmation de la souveraineté des ducs de Bretagne.

 

Comment expliquer les qualifications donnĂ©es aux divers brefs ? Longtemps, on les a expliquĂ©s par un droit particulier qu’ils apportent Ă  leurs possesseurs : le bref de sauvetĂ© rachète le droit de bris, le bref de conduite autorise la prise de pilote, le bref de vitaille permet le ravitaillement Ă  terre, le bref d’annĂ©e donne tous ces droits aux petits caboteurs. Le duc aurait-il ajoutĂ© au rachat du droit de bris d’autres services rĂ©els (pilotage, ravitaillement) justifiant la nouvelle nomenclature, Ă©tendant Ă  toute la Bretagne les coutumes acquises des vicomtes de LĂ©on en 1265 ? De fait, cette «image systĂ©matique, [est] parfaitement Ă©trangère Ă  une rĂ©alitĂ© complexe». En effet, en 1384, le duc soutient, outre le caractère obligatoire de ses brefs, qu’ils garantissent un «seur acces» et n’assurent que contre le droit de bris, ce qui est justifiĂ© par le fait que « les coustiers et havres de Bretaigne estoient et sont plus dangereux et perilleux Ă  maroyer que ne sont en nulle autre contrĂ©e». [...]

 

Aux XIVe et XVe siècles, le pouvoir ducal breton met donc l’accent sur ses droits «royaux et duchaulx», Ă  l’image des affirmations de Jean de Monfort qui, en 1341, dans le MĂ©moire qu’il prĂ©sente devant la cour des pairs du royaume pour justifier de ses droits Ă  la succession de Jean III, cite parmi les «droiz royaulx», «les pecheries et secheries en la mer et les poissons royaulx» au mĂŞme titre que «les seaulx de Bordelx, sans lesquelx nuls ne puet entrer en Bretaingne». Le XVe siècle voit se rĂ©pĂ©ter Ă  l’envi de telles affirmations (Alain GallicĂ© et Laurence Moal, Les brefs de Bretagne : un exemple de rĂ©glementation publique en rĂ©ponse aux risques maritimes dans le duchĂ© de Bretagne (XIIe-XVe siècles), Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest N° 119-2, 2012 - journals.openedition.org).

 

Acrostiche : ASTP, ASTaPe

 

Astape est le nom d'un rivière se jetant dans le Nil vers Méroé en Nubie. Elle prend sa source au lac Coloé qui serait le lac Tana ou Dembea (Filippo Pigafetta, Duarte Lopes, Le royaume de Congo: et les contrées environnantes (1591), traduit par Willy Bal, 2002 - books.google.fr).

 

Le lac Tana dans l'Amhara est le centre du royaume du Prêtre Jean, dont les manuscrits de la lettre, apparue au XIIe siècle (vers 1165) et destinée au Basileus, s'étaient répandus en Europe au XIIIe siècle selon le témoignage de Jacques de Vitry (Victor Adolphe Malte-Brun, Géographie universelle ou Description de toutes les parties du monde, Tome 5, 1841 - books.google.fr, Istvan Bejczy, La Lettre du prêtre Jean, 2001 - books.google.fr).

 

Cf. le quatrain II, 20 pour l'Ethiopie au milieu du XVIIe siècle.

 

Ce fut vers le milieu du XIVe siècle qu'André Orcagna entreprit de tracer la sienne sur les murs du Campo-Santo de Pise, concurremment avec d'autres images représentant le Jugement dernier et l'Enfer. Il y introduisit un personnage qui semble étranger à la légende: saint Macaire, l'ermite, l'anachorète égyptien. Ce personnage arrête les trois rois qui vont à la chasse avec leurs maîtresses, il les invite à contempler, dans trois sépulcres qui barrent le chemin, trois cadavres de rois, l'un en putréfaction, l'autre rongé par les vers, le troisième réduit à l'état de squelette.

 

On a profité de cette circonstance pour expliquer par le nom de ce saint celui de Macabre, donné à la Danse des Morts du cimetière des Innocents. Telle est l'opinion de l'auteur anglais Douce, adoptée par M. Hippolyte Fortoul, dans son édition française de la Danse de Holbein; mais M. Achille Jubinal, loin de la partager, fait observer que la vie de saint Macaire, rapportée par les Bollandistes avec toutes les légendes qui y ont trait, ne contient pas l'histoire des trois jeunes gens (Georges Kastner, Les danses des morts: dissertations et recherches historiques, philosophiques, littéraires et musicales sur les divers monuments de ce genre, 1852 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Andrea Orcagna).

 

A partir de 1340, on pratique la dissection en Italie, ce qui amĂ©liore la connaissance anatomique des corps et des squelettes. Cependant la reprĂ©sentation du mort sous forme de squelette Ă©volue, dans les annĂ©es 1420, vers celle du cadavre en putrĂ©faction ou ressemblant Ă  des momies (AndrĂ© Corvisier, Les Danses macabres, Que sais-je ? - books.google.fr).

 

Trois saints ont porté ce nom; tous les trois étaient du nombre de ces anachorètes égyptiens qui abandonnèrent leur âme aux ardentes délices de la contemplation, leur corps aux austères épreuves de la pénitence et leur vie aux mornes solitudes du désert. La dure règle de saint Macaire avait été transportée en Occident avec quelques adoucissements par saint Benoît. A la mémoire de ce patriarche des anachorètes, devenue populaire au moyen âge, se rattachait la légende des Trois vifs et des trois morts, illustrée par le pinceau d'Orcagna (Jacques André Mesnard, La Divine Comédie de Dante Alighieri, Tome 3, 1857 - books.google.fr).

 

Peut-ĂŞtre voir un jeu de mot entre Macaire et Maccheroni.

 

Malgré une défaite face aux Pisans, en 1341, l'armée florentine continua de camper, de se fortifier aux environs de Lucques, à deux portées d'arbalète. Elle y devait rester près de onze mois, ayant en face le camp ennemi, où les femmes de Pise envoyaient à leurs maris des macaroni et autres mets de leur goût (François-Tommy Perrens, Histoire de Florence, Tome 4, 1879 - books.google.fr).

 

En Basse-Égypte, au Ouadi-Natroun (l'ancien désert de Scété), se dispersaient de très grands couvents pareils à des forteresses, héritiers de la tradition des plus anciens ermites. Le plus important était celui de Saint-Macaire, duquel furent souvent tirés les moines égyptiens que l'on envoyait en Éthiopie comme métropolites. Ces monastères coptes voyaient se grouper autour d'eux des religieux syriens, arméniens, nubiens, éthiopiens, tout particulièrement de- puis les alentours de 1088, époque où des assemblées ecclésiastiques tenues au Caire avaient ravivé et cimenté l'union entre les diverses églises monophysites. Quelques manuscrits où, par colonnes verticales, courent parallèlement les traductions en plusieurs langues de certains lectionnaires (un des principaux est le célèbre Psautier Barberini) attestent même qu'il dut y avoir des circonstances où, dans ces couvents, les prêtres des différentes nations participaient côte à côte aux mêmes offices. De cette époque, ou presque, date une frise d'ermites puissamment stylisés, peinte par un religieux éthiopien dans une chapelle de Saint-Macaire. Surtout, dans ces parages, se trouvaient les monastères coptes de Jean Colobos et de Jean Kamé «Jean le Noir». Les Éthiopiens établirent d'abord dans l'un de ceux-ci, auprès des religieux égyptiens, une communauté dont l'activité est déjà bien attestée au XIIe siècle. Ils y ajoutèrent même, bientôt, l'acquisition d'un monastère qui devait leur être propre un couvent abandonné dont ils font le monastère de Saint-Élie également appelé «Bahat». Eustathe le visita vers 1344, lors du voyage qui devait le conduire jusqu'en Arménie. Cet établissement prospéra jusqu'après 1419 (Jean Doresse, L'empire du Prêtre Jean: L'Éthiopie médiévale, 1957 - books.google.fr).

 

De noz saints les Ethiopiens ne recognoissent que la glorieuse vierge Marie mere de Dieu, saint Michel, les Apostres, & notamment saint Thomas, & saint Mathieu, cettuy ayant conuerty les habitants de MeroĂ©, & l'autre estant passĂ© d'Ethiopie aux Indes pour y gaigner les Indiens : entre les Martirs ils honnorent saint Estienne, & saint George, & des confeseurs, les deux susnommez Hermites saint Antoine, & saint Macaire : puis (comme i'ay dit) ils ont nombre de saints particuliers d'entre ceux qui ont vescu saintement en leur Prouince (Sebastian MĂĽnster, La cosmographie universelle de tout le monde, Tome 2, 1575 - books.google.fr).

 

Jacques de Vitry, dans son Historia orientalis, s'inspire d'une lettre de l'ambassadeur de l'empereur FrĂ©dĂ©ric Barberousse en Egypte GĂ©rard, dans sa description de l'Egypte et du Nil (Bibliotheque des croisades: Chroniques d'Allemagne et du Nord de l'Europe ; Chroniques diverses ; Chroniques Grecques, Turques et ArmĂ©niennes, Troisième Partie, 1829 - books.google.fr).

 

Egypte et cadavres

 

Connu sous le nom de Scété (Scetis), le ouadi Natroun, à environ 75 km au nord-ouest ou à 70 km à l'ouest du Caire et à 80 km au sud-est d'Alexandrie, abrita saint Macaire le Grand qui s'y retira en 330. Durant l'époque pharaonique, cette vaste région était considérée comme sacrée en raison du natron, minéral naturel défini et/ou roche carbonatées à base de carbonate de sodium, bicarbonate de sodium, sulfate de sodium et chlorure de sodium, ayant diverses propriétés nettoyantes, absorbantes ou antiseptiques, qui s'y trouvait en abondance, et qui était essentiel, sous diverses formes, aux cérémonies de purification et à la confection des momies (fr.wikipedia.org - Ouadi Natroun).

 

Matteo Orsini fait pénétrer les fuyards d'Eppes, qui s'échappent du Caire, traversent le Nil et se dirigent vers Alexandrie, dans le désert de Saint Macaire (Mathieu Orsini, La Vergine Istoria Della Madre Di Dio, 1839 - books.google.fr).

 

Les morts que j'appelle cadavres, par opposition aux squelettes, sont représentés tantôt comme momies desséchées, tantôt comme cadavres aux chairs en pourriture (Stefan Glixelli, Les cinq poèmes des Trois morts et des trois vifs, 1914 - books.google.fr, Maurice Levaillant, Les tombes célèbres, 1926 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 2146 sur les dates pivots 1408 (réalisation des Trois vifs aux Innocents) et 1424 (réalisation de la Danse macabre du Charnier des Innocents à Paris) donne 670 et 702.

 

En 670, Lambert devient évêque de Tongres-Maastricht. Il réside dans sa villa de Leodium, où sera bâti Liège. Une petite bourgade existe dès le Haut Moyen Âge. Cependant, la fondation de la ville, en tant que telle, date des environs de l'an 700, à la suite de l'assassinat de saint Lambert, alors évêque du diocèse de Tongres-Maastricht. À la suite de cet événement, son successeur, Hubert de Liège, transfère, avec l’approbation du pape, le siège de l'évêché de Maastricht vers Liège. Le futur saint Hubert devient ainsi le premier évêque de Liège (fr.wikipedia.org - Année 670).

 

Tout le monde a bien expliquĂ© comment le prince de Bretagne, Josse (Judoc, Jodoc) qui refusa la couronne que lui offrait son frère JudicaĂ«l, candidat acharnĂ© Ă  l'Ă©rĂ©mitisme, Ă©choua un jour Ă  Saint-Josse-sur-Mer, village du Pas-de-Calais Ă  qui il donna une rĂ©putation sĂ©culaire. Mais personne ne s'est jamais vraiment posĂ© la question de savoir qu'elle -Ă©tait la vĂ©ritable date de la fĂŞte du saint. Le seul document digne de foi que l'on possède sur cet Ă©vĂ©nement, est une vita anonyme datant du VIIIe siècle et utilisĂ©e par Mabillon pour la notice des Acta Sanctorum. Et ce texte comparĂ© Ă  d'autres sources avance comme date de la mort de saint Josse un 13 dĂ©cembre 669 ; autrement dit, se pose le problème fondamental suivant : pourquoi s'acharne-t-on Ă  honorer saint Josse Ă  l'Ă©poque de la PentecĂ´te depuis des siècles, quand sa fĂŞte officielle tombe un 13 dĂ©cembre. Certes, ce n'est pas le seul cas de dĂ©placement de date dans le culte d'un saint, mais on s'arrange alors pour trouver une cĂ©lĂ©bration d'invention ou de translation des reliques; or ici rien de tout cela, puisque l'anniversaire de ces cĂ©rĂ©monies est au 1er ou 2e dimanche de juillet, au 25 juillet et mĂŞme au 15 octobre. Donc, si le culte populaire envers saint Josse ne respecte pas le calendrier liturgique officiel, c'est qu'il obĂ©it Ă  d'autres règles et se prĂ©occupe d'autre chose. Et c'est comme dans bien des cas un examen minutieux de la lĂ©gende dorĂ©e du saint qui va nous en rĂ©vĂ©ler le secret. Prince de Bretagne, Josse nĂ©glige les honneurs et prend la route pour chercher Dieu; c'est pour le moins ce que l'on retient actuellement de sa dĂ©marche, car s'il faut en croire les historiens de cette Ă©poque, cela serait plutĂ´t pour fuir les difficultĂ©s politiques occasionnĂ©es par la mainmise de Dagobert sur la province de Bretagne. Toujours est-il que Judocus arrive un jour en Ponthieu, dans la rĂ©gion de Montreuil-sur-Mer, pour y Ă©lire domicile. C'est lĂ  que d'ermitage en ermitage, il se fera connaĂ®tre. Les spĂ©cialistes ne sont toujours pas d'accord sur l'identification des lieux oĂą aurait sĂ©journĂ© notre personnage, Runiac, Rimac, Beaurain, Beaumerie... un lieu qui portait Ă  l'Ă©poque le nom de Belmarie et abritait un champ des FĂ©es. En fait, saint Josse choisit la proximitĂ© de l'ancienne citĂ© marchande de Quentowic qui fut, Ă  l'Ă©poque mĂ©rovingienne, l'un des trois grands ports de la mer du Nord. C'est-Ă -dire, finalement, une rĂ©gion assez peuplĂ©e. L'instabilitĂ© de Josse, toujours en recherche d'un ermitage isolĂ©, en serait d'ailleurs une sorte de preuve. L'Ă©pisode majeur de la lĂ©gende du saint paraĂ®t ĂŞtre celui du coq, tant il est vrai que cet animal servit souvent de motif dĂ©coratif dans le mobilier et les poteries des environs de Montreuil. Après avoir ravi la douzaine de poules que l'ermite Ă©levait, un aigle s'en prit au coq de la basse-cour qui chaque matin annonçait Ă  notre saint personnage le moment des matines. Voyant cela, Josse fit un signe de croix et l'aigle tomba foudroyĂ© dĂ©posant Ă  ses pieds, le coq sain et sauf. Il faut, Ă  mon avis, Ă©carter l'analyse simpliste qui verrait en l'aigle un simple reprĂ©sentant du dĂ©mon, et dans le coq un volatile ecclĂ©siastique. Ce dernier est un animal en effet beaucoup trop complexe pour ĂŞtre rĂ©duit au simple rang d'un rĂ©veille- matin. La date la plus primitive des fĂŞtes de saint Josse est le 25 juillet, jour anniversaire des saints Jacques et Christophe. Cette «coĂŻncidence» n'a pas Ă©chappĂ© aux clercs du Moyen Age qui dessinèrent, en marge du cueilloir de l'HĂ´tel Dieu de Montreuil-sur-Mer, saint Josse en compagnie de saint Jacques, tous deux portant le manteau et le chapeau Ă  la coquille des compostellans. Or, cette date est aussi, traditionnellement, retenue comme dĂ©but de la canicule. La canicule est une pĂ©riode de fortes chaleurs qui commence avec le lever de l'Ă©toile Sirius, appelĂ©e aussi le Petit chien. Son nom dĂ©rive, d'ailleurs, du latin canis qui veut dire chien. On craint beaucoup, au Moyen Age, cette pĂ©riode. On y interdit, par exemple, les bains dans les rivières de peur qu'un serpent ne vienne Margat boulonnais avec son guĂ©nel  (Bernard CoussĂ©e, LĂ©gendes et croyances en Boulonnais et pays de Montreuil, 1994 - books.google.fr).

 

Pour relier au quatrain suivant IX, 59

 

Le petit Josse, fils de Philippe le Bon et d'Isabelle de Portugal, naĂ®t le 24 avril Ă  Gand et son baptĂŞme a lieu le 6 mai 1432. [...] D'après l'Excellente Kroniek van Vlaanderen (Bruxelles, B.R. ms 13.073-74, f 272 r), les parrains de Josse furent l'Ă©vĂŞque de Cambrai, Louis de Luxembourg et le comte de Ligny; ses marraines, la vicomtesse de Meeus, la dame de Ghistelles et la duchesse de Gueldre. Le petit Josse ne vĂ©cut pas longtemps. Nous n'avons pas trouvĂ© sa date de dĂ©cès. Il semble qu'il fut enterrĂ© Ă  l'abbaye Saint-Pierre Ă  Gand, mais les archives consultĂ©es Ă  notre demande par M. J. Mertens, chef de dĂ©partement aux Archives de l'Etat Ă  Gand ne possèdent pas d'obituaire pour cette pĂ©riode et le dossier 'sĂ©pultures' de l'abbaye ne contient aucune rĂ©fĂ©rence Ă  la tombe de Josse de Bourgogne (lettre du 7/III/1991). Pourquoi le nom de Josse, qui n'est attestĂ© dans aucune famille princière des Etats ducaux ? Tout d'abord, il semble que Philippe ait eu une dĂ©votion particulière pour ce saint breton, fils de roi, qui prĂ©fĂ©ra le bâton de pèlerin et la vie d'ermite Ă  la couronne (Claudine Lemaire, Michèle Henry, Anne Rouzet, Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne, 1397-1471, 1991 - books.google.fr).

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