Romans IX, 14 2113-2114 Mis en planure chauderons d'infecteurs, Vin, miel & huyle
& bastis sur forneaux Seront plongez, sans mal dit malfacteurs Sept fum extaint au canon des borneaux. Teinturiers "infector" en latin est un teinturier (Gaffiot) (Edgar Leoni, Nostradamus: life and literature, 1965 - books.google.fr). À la fin du Moyen Âge, dans toute l’Europe occidentale, le métier de teinturier reste fortement cloisonné et sévèrement réglementé. Les textes sont nombreux qui en précisent l’organisation et le cursus, la localisation dans la ville, les droits et les obligations, la liste des colorants licites et des colorants interdits. Ces textes, malheureusement, sont pour la plupart inédits, et les teinturiers, contrairement aux drapiers ou aux tisserands, attendent encore leurs historiens. Les documents pourtant ne manquent pas. L’industrie textile est la grande industrie de l’Occident médiéval, et toutes les villes drapières sont des villes où les teinturiers sont nombreux et puissamment organisés. Or les conflits y sont fréquents qui les opposent à d’autres corps de métiers, notamment aux drapiers, aux tisserands et aux tanneurs. Partout, l’extrême division du travail et des règlements professionnels rigides réservent aux teinturiers le monopole des pratiques de teinture. Mais d’autres métiers qui n’ont pas le droit de teindre, le font quand même (les tisserands par exemple). D’où des litiges, des procès et donc des archives, souvent riches d’informations pour l’historien des couleurs. Dans la plupart des villes drapières, les métiers de la teinturerie sont en outre strictement compartimentés selon les matières textiles (laine et lin, soie, éventuellement coton dans quelques villes italiennes) et selon les couleurs ou groupes de couleurs. Les règlements interdisent de teindre une étoffe ou d’opérer dans une gamme de couleurs pour laquelle on n’a pas licence. Pour la laine, par exemple, si l’on est teinturier de rouge, on ne peut pas teindre en bleu et vice versa. En revanche, les teinturiers de bleu prennent souvent en charge les tons verts et les tons noirs, et les teinturiers de rouge, la gamme des jaunes et des blancs. Cette étroite spécialisation des activités de teinture n’étonne guère l’historien des couleurs. Elle doit être rapprochée de cette aversion pour les mélanges, héritée de la culture biblique, qui imprègne toute la sensibilité médiévale. Ses répercussions sont nombreuses, aussi bien dans les domaines idéologique et symbolique que dans la vie quotidienne et la culture matérielle. Mêler, brouiller, fusionner, amalgamer sont des opérations jugées souvent infernales parce qu’elles enfreignent l’ordre et la nature des choses voulus par le Créateur. Tous ceux qui sont conduits à le faire professionnellement (teinturiers, forgerons, alchimistes, apothicaires) éveillent la crainte ou la suspicion, parce qu’ils semblent tricher avec la matière. Les teinturiers sont les premiers visés, comme le souligne un jeu de mots français, courant à la fin du Moyen Âge, qui rapproche les verbes teindre et feindre. Il se retrouve en anglais quelques décennies plus tard (chez Shakespeare, par exemple): entre to dye (teindre) et to lie (mentir), la frontière semble floue. Cela dit, les teinturiers médiévaux mélangent rarement deux couleurs pour en faire une troisième, et jamais du bleu et du jaune pour obtenir du vert. Non seulement en raison des tabous qui viennent d’être évoqués, mais aussi et surtout en raison des cloisonnements professionnels: les cuves de bleu et les cuves de jaune ne se trouvant pas dans les mêmes officines, il est matériellement difficile de mélanger ces deux couleurs. Une même impossibilité s’observe à propos des tons violets: ils ne sont jamais obtenus à partir du mélange de bleu et de rouge parce que les teinturiers de bleu n’ont pas licence pour teindre en rouge et réciproquement (Michel Pastoureau, Une couleur en mutation : le vert à la fin du Moyen Âge. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 151e année, N. 2, 2007 - www.persee.fr). Nostredame part très jeune en Avignon pour y obtenir son diplôme de bachelier ès arts. Il loge alors chez sa tante Marguerite, mariée à un certain Pierre Joannis, teinturier (Philippe Guilhaume, Nostradamus: l'exploitation séculaire d'un fonds de commerce, RMC, 1987, p. 100) (fr.wikipedia.org - Nostradamus). Les "malfacteurs" du vers 3 seraient les témoins de la réputation des teinturiers et non pas des protagonistes d'un événement historique, seul "Sept fum" le serait. Par exemple, notons ce que l'on disait on sujet de Jehan Gobelin, premier du nom, teinturier en escarlate, s'était établi, vers 1450, sur les bords de la rivière de Bièvre, à Paris. Gobelin, c'est le mot grec kobalos, désignant les faunes, satyres et autres dieux farceurs qui se livraient à de mauvaises plaisanteries aux dépens des humains en général et des nymphes en particulier. On retrouve le mot en anglais, sous la forme goblin, et en allemand, sous la forme Kobel; ce sont, en somme, ces fameux kobolds qu'on a dû enfermer dans des demeures souterraines en leur donnant des trésors à garder, ce qui détruit rapidement la fantaisie et le goût des farces espiègles. Le ruisseau des Gobelins n'était pourtant pas hanté par des lutins de ce genre. Ce nom lui venait tout simplement du patronyme d'un honnête teinturier dont l'ancêtre avait dû être un loustic si malfaisant que ses voisins lui avaient donné ce sobriquet. Jean Gobelin n'était donc pas un méchant diable, mais il y avait tout de chose de satanique dans son cas, car la légende raconte que le secret de sa teinture lui avait été fourni par le démon lui-même, moyennant le pacte habituel. Or, un soir que Jean Gobelin traversait sa cour, une chandelle à la main, il se trouva soudain nez à nez avec un individu tout de noir vêtu et qui n'avait pas des allures très catholiques. C'était Satan en personne, qui venait encaisser sa créance. Jean Gobelin lui demande un délai, un délai très court : le temps que soit usé le bout de chandelle qu'il tient à la main. Une fois de plus, le diable, trop confiant, se laisse prendre par les sentiments et accorde le délai. Que fait notre Gobelin ? Il jette la chandelle dans son puits, appelle ses voisins et fait combler ce puits sur-le-champ. La chronique, rapportée par René Héron de Villefosse, dit que le diable est demeuré tout sot et a disparu, après avoir fait, par dépit, dans la cour, un bruit qui laissa une odeur de soufre. Cette histoire n'est peut-être pas rigoureusement authentique. Quoi qu'il en soit, la réputation dont le rouge grand teint de Gobelin jouissait dans le quartier avait gagné tout Paris. C'était peut-être dû aux propriétés merveilleuses des eaux de la Bièvre. Rabelais penche pour cette opinion, mais je doute que la raison qu'il invoque doive être prise en considération, non plus que l'explication qu'il donne de la naissance de cette rivière. Elle aurait été, selon lui, la conséquence du méchant tour que Panurge joua à la « haute dame » qui avait repoussé ses avances. Les chiens qu'il avait ameutés contre elle avaient si gaillardement levé la patte contre sa porte, dit-il, qu'il en est résulté un ruisseau où les canards auraient pu nager. Et il précise : «C'est celluy ruisseau qui, de présent, passe à Saint-Victor auquel Gobelin tainct l'escarlatte, pour la vertu spécifique de ces pisse-chiens.» (André Rigaud, Paris, ses rues et ses fantômes: la vraie cour des Miracles (1968), 1972 - books.google.fr). A Béziers, sous le règne de Louis XIII : Une conduite (canounade) recevait l'eau qui s'échappait de la fontaine de l'hôlel-de-ville pour la porter au couvent des Augustins et à la place Saint-Cyr d'où la prenaient les Capucins (Antonin Soucaille, État monastique de Béziers avant 1789: Notices sur les anciens couvents d'hommes, & de femmes d'après des documents originaux, 1889 - books.google.fr). En 1722. la sécheresse fut grande pendant l'été à Puéchabon ; la communauté fit alors accommoder la fontaine de Planavié. On pétarda un gros rocher et on creusa un fossé dans lequel on mit des tuyaux en terre cuite de Saint-Jean de Fos pour amener l'eau à cinquante cannes au-dessous : on plaça un canon par où l'eau coulait et on mit une pile pour servir d'abreuvoir aux bestiaux». Or, deux ans après, un gros orage qui survint au mois juin, emporta les tuyaux de la fontaine ; on la fit réparer ; mais en 1738, on dut encore y revenir (Revue historique du diocèse de Montpellier, 1913 - books.google.fr). "borneaux" : tuyaux d'adduction d'eau, de bois, de terre cuite, de brique, de plomb etc. (François Lacombe, Dictionnaire du vieux langage françois: enrichi de passages tirés des manuscrits en vers & en prose, des actes publics, des ordonnances de nos rois, Tome 2, 1767 - books.google.fr). "Vin, miel
& huyle & bastis
sur forneaux" On se sert d'urine, en teinture, pour purger le pastel,
l'Ă©chauffer et aider la fermentation : on l'emploie aussi dans les cuves de
bleu au lieu de chaux. On emploie en teinture plusieurs autres ingrédiens, savoir : la terre à foulon, le savon , l'huile de lin et le fiel de bœuf, pour nettoyer les
Ă©toffes qu'on veut teindre. Les liqueurs dont on se sert dans la teinture sont
l'eau de puits, l'eau de rivière, le vinaigre, le suc de limons, l'eau-forte ou
acide nitrique faible, l'eau de son, le miel Si c'est pour le Bain-marie, la rondeur du Fourneau sera
prise à la mesure du chaudron ou marmite, qui est vn vaisseau d'airain asséz
profond contenant l'eau bouillante, qui sera basti au
bord du Fourneau Ă la maniere de ceux des teinturiers,
monstrant le cul en bas pour y estre
eschauffé auec du Feu de
bois Ou de charbon, comme l'on voudra Alexandre le Grand s’étant rendu maître de Suse en Perse, trouva dans le château de cette ville quarante mille talents d'argent monnayé, et une quantité inuombrahle de meubles et d’effets précieux de toute espèce; entre autres cinq mille talents de pourpre d’Hermione, qu’on y avait amassée pendant l’espace de cent quatre-vingt-dix ans, et qui conservait encore toute sa fleur et tout son éclat : cela vient, dit-on, de ce que la teinture en écarlate s’y faisait avec du miel, et la teinture en blanc avec l’huile la plus blanche (Plutarque, Les vies des hommes illustres, Tome 2, traduit par Dominique Ricard, 1868 - books.google.fr). "Sept fum" Antoine Guérin magistrat, dont les descendants généralement connus sous le nom de Tencin, - qui est celui d'un village du Graisivaudan, dont ils acquirent la seigneurie au XVIIe siècle, - ont fourni un cardinal-archevêque d'Embrun et la célèbre Mme de Tencin, mère de d'Alembert, était le fils d'un colporteur des Hautes-Alpes, Pierre Guérin, qui, s'étant établi à Romans, vers 1520, y fut successivement orfèvre, changeur et maître ou directeur de la Monnaie. Ayant étudié le droit en l'université de Valence, où il prit le grade de docteur, cet Antoine Guérin de vint lieutenant en la judicature de Romans vers 1559, puis juge royal de cette ville, aux lieu et place de son beau-père, Antoine de Garagnol, et parait être décédé vers 1590, date à laquelle Henri-Antoine, son fils aîné, le remplacadanscettecharge.il fut donc on ne peut plus mêlé aux événements dont sa ville natale fut le théâtre pendant les guerres dites de religion, et cela d'autant plus que, bien avant d'être officiellement le premier magistrat de l'ordre judiciaire à Romans, il en avait l'importance et l'autorité. Ainsi est-ce lui qui fut chargé, au mois de janvier 1562, d'apaiser le lieutenant général La Motte-Gondrin que cinq ou six cents protestants romanais avaient assiégé dans son logis, et qui demandait réparation ; et lui encore que le maréchal deVieilleville commit, le 12 novembre de l'année suivante, pour «procéder aux informations et visitations des ruines, démolitions et pilleries faites dans les églises et hôpitaux de Romans, depuis les édits de pacification.» Irrécusable témoignage de la confiance qu'il inspirait à tous et qui s'explique par la modération dont il fit toujours preuve, bien que fervent catholique. [...] A l'encontre de cela, certains historiens racontent, il est vrai, qu'à la nouvelle des massacres de la Saint-Barthélémy, les catholiques de de Romans, excités par le juge Antoine Guérin, se saisirent d'une soixantaine de huguenots et les jetèrent en prison, d'où cinquante-trois ne sortirent qu'après avoir promis d'abjurer leurs croyances, et où les sept autres furent assassinés; mais aucun document ne vient à l'appui de ce dire plus ou moins amplifié ; tandis qu'on voit, au contraire, de Gordes, enjoindre aux consuls de Romans, le 28 août 1572, de «faire faire gardes aux portes, surtout avec telle modestie qu'il ne soit faict aulcung desplaisir à ceux de la nouvelle religion» (Brun-Durand, Dictionnaire Biographique de la Drome, 1901 - books.google.fr). Le 21 Septembre 1572, le contre-coup de la Saint-Barthélemy se fait sentir dans Romans. Un dimanche, des gens inconnus et masqués envahissent les prisons et y tuent «sept religionnaires des plus obstinez.» Les autres prisonniers au nombre de trente-trois, avaient été relâchés après leur abjuration. Cette violence regrettable fut vivement blâmée par le baron de Gordes, lieutenant—général de la province, qui ordonna une enquête contre les coupables (Ulysse Chevalier, Les rues de Romans: fragments historiques, les Consuls de Romans, 1900 - books.google.fr, Le Dauphiné: courrier des eaux thermales de la région, 1866 - books.google.fr). A Romans même, il y avait des souvenirs qu'on n'évoquait
pas en public, mais qui affleuraient à la mémoire de
chacun : souvenirs de la Saint-Barthélemy locale, en 1572. «Quelqu'un»
anonymement, avait fait enfumer dans la prison de la ville, puis massacrer (par des hommes masqués), une dizaine de
huguenots providentiellement incarcérés ce jour-là . Ce «quelqu'un» anonyme et
assassin, on s'en serait douté, c'était Guérin, encore lui, l'homme des masques
de Carnaval, déjà , et de la fumée des camouflages et des asphyxies... On
comprend que dans ces conditions certains protestants romanais,
sept ou huit ans après la tuerie des leurs, aient décidé, du reste avec
discrétion, de soutenir la bande à Paumier contre la bande à Guérin. Le juge
Ă©tait mangeur de huguenots ; ancien huguenot lui-mĂŞme, ou du moins
sympathisant... On ne combat bien que ce qu'on a renié. Le Carnaval de Romans
sera plein, jusqu'au bord, de renégats des deux bords... Quoi qu'il en soit,
victimes locales de la Saint-Barthélemy ou pendus de Marsas,
il y avait vraiment à Romans, et surtout derrière les hautes murailles du
tribunal urbain, trop de cadavres dans trop de placards. Et tous ces cadavres
puaient doucement ; ils accusaient Guérin, l'homme de la « justice » de la
ville. DrĂ´le de justice. DrĂ´le de maffia. Elle avait le don de mettre en furie
les manifestants plébéiens, les casseurs de tous les locaux judiciaires. […] Pendant quinze jours, en février 1580, les habitants de la cité de Romans (Drôme actuelle, Dauphiné d'autrefois) se sont déguisés, masqués de toutes les manières. Ils ont dansé à perdre l'âme, joué, couru, concouru, défilé. Ils se sont défiés entre artisans et notables dans le happening quotidien du Carnaval. Un théâtre populaire et spontané opposait rue contre rue, confrérie contre confrérie. Puis, au terme d'une embuscade, montée par le juge Guérin, les Romanais se sont entre-tués (Emmanuel Le Roy Ladurie, Le Carnaval de Romans: De la Chandeleur au mercredi des Cendres (1579-1580), 1979 - books.google.fr). Le commerce y a fait naître l'industrie. Tandis que le commerce des « draps de Romans » remonte au moins au XIIIe siècle, il faut attendre le XIVe siècle pour trouver mentionnés dans des actes des drapiers drapants et des artisans vivant du drap. En 1355, on y compte 33 drapiers et 14 tondeurs. La ville met donc désormais à profit ses aptitudes industrielles et celles de sa région. La laine provenait du Vercors, de la région de collines et de plateaux qui s'étend au nord de l'Isère, des plaines qui bordent la rivière et notamment de cette plaine sèche de la Bayanne, qui, entre Bourg-de-Péage et Alixan, a eu, au XVIIe et au XVIIIe siècles, la réputation de fournir des laines remarquables. La force motrice lui était procurée par l'Isère et surtout par les ruisseaux qui forment la Savasse. La Chorache née à Peyrins, enfermée dès le Moyen âge dans un canal, fait mouvoir des artifices variés. Sur la Prèle et le long de la Martinette il y eut de tout temps avec des moulins à farine, des moulins à tan, des tanneries, des mégisseries, des foulons et des teintureries. Les grosses sources qui naissent à la coupure de sa terrasse de cailloux roulés, donnent à Romans des eaux que la teinturerie utilisera longtemps avec succès. Enfin, la ville, grâce à sa situation, regarde loin au-delà de la région dont elle est le centre. Lyon, Genève, la Savoie, Beaucaire, Marseille - et par Marseille, le Levant — seront, pour son industrie drapière des clients ou des fournisseurs. Précisément à cause de cette position à l'un des carrefours des roules rhodaniennes, les événements historiques retentirent puissamment sur l'industrie romanaise, et particulièrement sur l'industrie du drap, qui est avant tout pour Romans une industrie d'exportation. Ainsi, au XIVe et au XVe siècles, les malheurs du temps ruinent presque complètement le commerce de la draperie. Les péages arbitraires qui se multiplient, la traite foraine, qui s'organise en 1436, sont une entrave sérieuse aux transactions avec l'extérieur, comme un peu plus tard la Douane de Valence et la Douane de Lyon. Cependant dès le début du XVIe siècle, Romans a restauré son commerce et l'industrie qui en est le corollaire. Mais son activité subit une nouvelle éclipse pendant les guerres de religion. (Daniel Faucher, Plaines et bassins du Rhône moyen entre Bas-Dauphiné et Provence: Étude géographique, 1927 - books.google.fr). A l’intérieur des quartiers principaux, la ville est aussi organisée selon les activités :les pêcheurs sont implantés rue Pêcherie, près du vivier à poissons installé par les moines, les bouchers autour de la place Macel (il y avait une boucherie publique en 1470), la préparation des peaux se faisait rue de l’Ecosserie, les fourreurs étaient installés rue Pelisserie , la rue Saulnerie (actuelle rue Mathieu de la Drôme) accueillait l’entrepôt de sel et les marchands « sallatiers ». Les teinturiers étaient installés sur le quai Dauphin, rue des teinturiers, les tanneurs se trouvaient à la Presle, le long de la Martinette (actuelle place Sainte Claire) (AVAP, Aire de mise en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine, 2012 - www.ville-romans.fr). La prison au était enfermés les protestants de 1572 s'appelait Mont Ségur et avait été construite par le Chapitre après une rebellion des Romanais, à l'angle nord est des murailles sur l'emplacement de l'actuel marché au chevaux. La tour Jacquemart semble en être un reste. La citadelle fut tranformée en prison en 1344 puis démolie en 1836. Avant 1344, la prison se trouvait dans une maison du Chapitre appelée le Paradis (Louis Vinay, essai sur les monuments de Romans, 1903 - romans-patrimoine.fr). Selon Antoine du Rivail, Romans aurait été fondée par Romus, fils du roi celte Allobrox, en 1442 avant notre ère, comme une anticipation de Rome. Saint Barnard, archevêque de Vienne, en est le véritable fondateur au IXème siècle, parent de Charlemagne. Son abbaye était immédiate du Saint-Siége : abbatia romana, abbaye romaine ; telle est la véritable étymologie du nom de Romans. Entre le quai Dauphin et la rue des Teintures (Teinturiers), à cause des teintureries qui de tout temps ont existé dans ce lieu abondamment pourvu d'eaux, une maison servait de logement à Humbert II comte du Dauphiné qui y signa l'acte de donation de son fief à la France le 14 mars 1349, juré et scellé offciellement en l'église Saint Barnard. [...] Il y avait une teinturerie, près du couvent des Clarisses installé au quartier de la Presle, qu'elles rachetèrent le 10 février 1622 (Jean André Ulysse Chevalier, Notice historique sur le couvent de Sainte-Claire de Romans, suivie de deux bulles inédites des papes Paul V et Urbain VIII, 1870 - books.google.fr). La Presle était un vallon traversé par la Savasse qui entrait dans la ville de Romans par un brèche dans la muraille. Le quartier de la Presle se trouvait à l'ouest de celui de la Pêcherie au-delà du quai du Dauphin (Jean-Yves Baxter, Les noms de lieux racontent Romans, 2017 - books.google.fr). Le feu qui enfuma les protestants dans la prison de Romans en 1572 est éteint, selon le quatrain, par une adduction d'eau mystérieuse. L'eau est nécessaire au fonctionnement des teintureries. On peut entendre selon la thèse de Ladurie qu'Antoine Guérin était pompier-pyromane. Fatigué de parcourir le Dauphiné et les provinces voisines, Pierre Guérin, le père d'Antoine, ouvrit à Romans une boutique d'orfèvre. Il devint une espèce de personnage. De moitié avec un autre marchand, il afferma les péages par eau et par terre de Valence et de Mirmande, dont l'évêque de Valence était bénéficiaire et qui valaient par an 4.400 livres tournois (Les Annales "Conferencia", Volume 17, 1923 - books.google.fr). "Planure" planure de plénure «plaine, terrain plat» (XIVe s., Gl. et gloss. Hébreux-Fr., éd. A. Darmesteter, 1878, p.26 ds Gdf.; cf. aussi Levy, 404); XVes. plainure (Hist. des emp., Ars. 5090, fo300 ro, ibid.); 1547 planure (J. Martin, Archit. [trad. de Vitruve], foDII vo). Dér. de plain; suff. -ure. La forme planure est peut-être due à l'infl. de l'ital. pianura «terrain plat» att. dep. le XIVe s. (d'apr. DEI) et issu du lat. médiév. planura; cf. a. prov. plainura, hapax XIIIes. ds Levy Prov. (www.cnrtl.fr - planure). Elle naquit en la ville de Valence, située en une belle, agréable et fertile planure le long du Rhône en Dauphiné.(R. P. Louis de la Rivière, Histoire de Marie Tessonnière, native de Valence en Dauphiné, livre premier, chapitre premier, Chez Claude Prost, Lyon, 1650, page 2.) (fr.wiktionary.org - planure). Romans, aujourd'hui chef-lieu de canton de l'arrondissement de Valence, renferme près de 10,000 âmes. La ville, propre et bien bâtie, est située dans une jolie plaine, sur la rive droite de l'Isère, que l'on y passe sur un très-beau pont de pierre communiquant avec le faubourg du Péage. Elle rappelle, dit-on, Jérusalem par la distribution et par le site : ce qui donne lieu à cette illusion, c'est le Calvaire, élevé sous François Ier (Aristide M. Guilbert, Histoire des villes de France, Tome 4, 1845 - books.google.fr). Située sur le bord sud du Bas-Dauphiné, la terrasse de Romans est à la rencontre des vallées de l'Isère et du Rhône - qui est à quinze kilomètres -, au carrefour de formations géologiques diverses : au sud-est, le Vercors ; à l'ouest, de l'autre côté du Rhône, le rebord du Massif Central ; au nord, les plateaux de Chambarand et Bonnevaux, collines froides et forestières irriguant Romans de quelques «torrents» qui ont nom la Joyeuse, la Savasse et l'Herbasse ; au sud, enfin, c'est la plaine de Valence et le début du Midi (Ludovic Viallet, Bourgeois, prêtres et cordeliers à Romans (v. 1280 - v. 1530): une société en équilibre, 2001 - books.google.fr). On retrouve la ville de Romans au quatrain IX, 67 : Du hault des monts à l'entour de Lizere Port à la roche Valent cent assemblez De chasteau neuf Pierre late en douzere, Contre le Crest Romans foy assemblez. Teinturerie à Romans et le Carnaval Les délibérations de la ville mentionnent un arrêt du parlement qui autorisait les consuls à visiter et à marquer les draps; ce qui n'empêcha pas, en 1527, le choix de Barletier et de Godart, en 1529, de Quent et de Philippot et, en 1557, de Robert dit Brunat et de Gobert pour le même office. On y voit aussi, en 1584, la demande de la liberté du commerce et d'un projet de réforme de la police des façon et teinture des draps, estamets, serges et étoffes fabriqués dans le royaume (André Lacroix, Romans et le Bourg-de-Péage, avant 1790: archéologie, histoire et statistique, 1897 - books.google.fr). La doléance fiscale débouche sur le conflit social. La manière dont s'effectue le glissement de l'une à l'autre se lit nettement dans les plaintes formulées par les contestataires, en particulier par le drapier Guillaume Robert-Brunat. Celui-ci accuse les anciens consuls de mauvaise gestion et de concussions. Sans ces dernières, estime-t-il, la cité ne se serait pas endettée; il aurait donc été inutile d'augmenter les «tributs». Passant du constat à l'action, il déclare que les prévaricateurs doivent rendre gorge et, de surcroît, payer les intérêts des sommes qu'ils ont détournées. Lors de la nuit sanglante du Lundi au Mardi gras 1580, le conflit s'achève pourtant au profit de l'oligarchie. C'est que celle-ci n'est alors plus isolée et que, sous le masque de Carnaval, elle peut organiser la répression. En effet, elle a joué des rivalités personnelles, mais elle a aussi exploité la méfiance que suscitent chez une partie des artisans les menées des chefs contestataires. Ceux-ci, et le principal d'entre eux Jean Serve dit Paumier en tête, s'appuient sur les paysans des environs, eux-mêmes en effervescence, pour exercer une sorte de chantage à l'invasion rurale. Or, les revendications campagnardes, avant tout dirigées contre les gentilshommes, visent aussi nombre de citadins, en particulier les détenteurs de biens hors les murs. Un déferlement du plat-pays mettrait à nu bien des rancœurs et l'aristocratie romanaise ne serait sans doute pas la seule à en pâtir. En conséquence, la peur aidant, s'effectue, sous le couvert d'une paix entre deux rois de Carnaval, le ralliement du quartier du Jacquemart à ceux que contrôle déjà l'élite urbaine. Il permet immédiatement de procéder à la reconquête de l'ensemble de la ville (Emmanuel Le Roy-Ladurie, la ville dominante et soumise, La ville des temps modernes: de la Renaissance aux Révolutions, 1998 - books.google.fr). Brunat, par ailleurs, était engagé à la petite semaine, et depuis longtemps, dans les affaires financières et fiscales de la ville. Parmi la bourgeoisie locale, et auprès de Guérin luimême, ce drapier jouissait, en 1579, d'une certaine estime, accompagnée d'influence et de crédit. En mai de cette année-là , il était, apparemment, l'homme de confiance des consuls bourgeois. Le juge, à cette époque, avait pensé se servir de lui comme «tribun du peuple» pour influencer, dans l'intérêt des élites, les classes inférieures de la cité. Espoir déçu... Condamné, outre sa pendaison, à 400 écus d'amende, ce qui n'est pas rien, Brunat bénéficiait en tant qu'artisan d'une certaine fortune mobilière, ou du moins d'un chiffre d'affaires non négligeable. En terres, en vignes, en alliances brillantes, il était plutôt dépourvu. Il était locataire de sa maison, pas propriétaire. Professionnellement, ce drapier achetait assez largement de la laine, par trois cents kilos à la fois ; il la transformait en drap, aidé peut-être par les membres de sa famille, femme et enfants et par un ou deux serviteurs, ou apprentis. Puis il plaçait ces draps (qui demeuraient sa propriété, en attendant d'être vendus par lui) chez un teinturier qui, pour leur donner la couleur voulue, les gardait quelque temps, avant de les lui rendre (Emmanuel Le Roy Ladurie, Le Carnaval de Romans: De la Chandeleur au mercredi des Cendres (1579-1580), 1979 - books.google.fr). Typologie Ce quatrain IX, 14 se situe 27 ans après le quatrain VIII, 77 mentionnant l'"Antéchrist trois" et sa guerre de 27 ans. Cet "Antechrist trois" serait François Ier qui "tyrannisera" les Vaudois, appelés métaphoriquement "Mésopotamie" au quatrain III, 99, et au quatrain VIII, 70 marquant le début de son règne. Et 6 ans après, le quatrain VIII, 77 marquerait le début de 27 années de guerre contre Charles Quint. Le report de 2113 sur la date pivot 1572 (sept enfumés de Romans, Saint Barthélemy) donne 1031. Robert II, surnommé «le Pieux», est né à Orléans vers 972 et mort au château de Melun le 20 juillet 1031. Fils d’Hugues Capet et de son épouse Adélaïde d'Aquitaine, il est le deuxième roi franc de la dynastie capétienne. Régnant de 996 à 1031, il est ainsi l'un des souverains de l’an mil. L’an mil constitue le «réveil de l’hérésie». Au cours du haut Moyen Âge, on n’avait pas connu de persécutions de ce type. Le XIe siècle inaugure une série de bûchers hérétiques en Occident : Orléans (1022), à Toulouse et en Aquitaine (1025), Milan (1027), Monteforte (1030), Châlon sur Marne (1048), Goslar (1052), Cambrai (1078). En ce qui concerne le roi Robert, l’affaire des hérétiques d’Orléans constitue un élément fondamental de son règne et a, à l’époque, un retentissement sans précédent (fr.wikipedia.org - Robert II le Pieux). En 391-392, avec les édits de Théodose, le christianisme est devenu religion d'Etat exclusive avec l'interdiction définitive de pratiquer tous les cultes païens. Mais auparavant, dès 385, le ton avait été donné, et l’évêque espagnol Priscillien avait eu le sinistre privilège d’être le premier hérétique condamné à mort et exécuté avec ses compagnons, à Trèves où ils avaient eu la naïveté de se rendre à une convocation de l’empereur (usurpateur) Maxime (Jean Méhu, Histoire du Luberon, 2008 - www.histoireduluberon.fr). Romans et ses martyrs L'édit modéré de Coucy fut remplacé, dès le 1er juin 1540, par celui de Fontainebleau, qui enjoignit expressément à tous baillis, sénéchaux, procureurs, avocats du roi, etc., sous peine de suspension et privation de leurs offices, de rechercher et poursuivre les luthériens et de les livrer aux cours souveraines. L'effet de cet édit se fit sentir en Dauphiné. En 1542, un nommé Rostain, dit Garnier, fut brûlé publiquement à Romans, pour avoir jeté dans le ruisseau une image du Christ, qu'il avait arrachée à la porte d'une église; et les Vaudois de Provence, qui habitaient aux portes du Dauphiné, eurent à souffrir de l'édit d'une manière atroce. François Ier ordonna par deux fois (en 1542 et 1545) au parlement d'Aix d'exécuter le cruel arrêt que cette cour avait rendu contre eux en novembre 1540 et dont le premier président, le vertueux Chassanée, avait retardé l'exécution. A sa mort, survenue en 1545, son successeur, Jean Meynier, baron d'Oppède, brigua le triste honneur d'exécuter l'arrêt de la cour; mais, emporté par la passion, il en dépassa le but. Vingt-quatre bourgs ou villages vaudois subirent la destruction, et tous ceux de leurs habitants qui purent être saisis furent massacrés, sans distinction d'âge ni de sexe. Cabrières et Mérindol eurent le plus à souffrir. Dans la première bourgade, on égorgea sept cents hommes de sang-froid et on brûla toutes les femmes. [...] Un an après ces événements (4 mai 1546), le parlement de Grenoble s'apprêta aussi à frapper les réformés. Il fit injonction "à tous baillis, sénéchaux, leurs lieutenants et autres juges royaux delphinaux, et aussi à tous autres juges de ce ressort, d'informer bien diligemment et au vrai..., à l'encontre de tous les sectateurs et suspects des erreurs, hérésies et fausses doctrines, qui aujourd'hui pullulent contre la sincérité et vérité de notre sainte et catholique foi, et contre la détermination de notre mère sainte Eglise, et faire prendre et saisir au corps et serrer en prison fermée tous ceux qui par lesdites informations se trouveraient chargés dudit crime d'hérésie." Les juges et procureurs qui n'obtempèreraient pas à cette injonction, devaient être suspendus pour un an de leurs offices et passibles d'une amende de 500 livres envers le roi. On comprend que de pareilles mesures aient peu fait regretter François Ier des protestants de France. Ils espéraient que son fils, Henri II, qui lui succéda (31 mars 1547) et qui était d'un naturel débonnaire, les traiterait avec plus de mansuétude. L'illusion fut de bien courte durée. Henri II, dominé par Catherine de Médicis, sa femme, suivit la politique versatile de François Ier, et aucun roi ne persécuta les protestants avec tant de rigueur. [...] Au moment où le parlement de Grenoble rendait son arrêt du 24 décembre 1549 se conformant à l'édit du roi du 19 novembre, qui remettait aux prélats le jugement des hérétiques après information des juges séculiers, des étrangers apportaient la Réforme à Romans. Répandue d'abord à petit bruit, elle se propagea bientôt avec une telle rapidité que les consuls jugèrent nécessaire d'en informer le parlement de Grenoble, qui commit le conseiller Jean Baronnat pour informer contre les sectateurs des idées nouvelles (20 août). La femme Colombier, qui lui fut dénoncée comme luthérienne, n'attendit pas sa venue et se réfugia à Genève, d'où elle écrivit plusieurs lettres imbues l551. des doctrines évangéliques. Le parlement la condamna, le 3 décembre, à être brûlée en effigie sur la place publique de Romans un jour de marché (E. Arnaud, Histoire des Protestants du Dauphiné aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Volume I : 1522-1598, 1875 - books.google.fr). Humbert de Romans Entre 1263 et 1277, Humbert de Romans, ancien maître général des dominicains, compose le Don de crainte (ou Traité de l'abondance des exemples). Il s'agit d'un recueil de près de trois cents récits exemplaires, destiné aux prédicateurs. Le message est clair : faire peur aux fidèles, pour les engager à méditer sur leur salut et les encourager à changer de comportement. D'où d'hallucinantes descriptions de l'enfer, du Purgatoire, du Jugement dernier, dignes des tympans romans. D'où d'inquiétants et fantastiques récits sur la crainte de la mort, du péché, du diable. Ces récits proviennent des sources les plus diverses : expériences vécues d'inquisiteurs, auteurs contemporains, Humbert lui-même, sources antiques, Vies des Pères égyptiens, Vies de saints, etc. L'Antéchrist
"demeurera longuement dans ces contrées et il feindra de monter au ciel
depuis le Mont des Oliviers. «Le Seigneur Jésus le tuera alors du souffle de
sa bouche et le détruira par la gloire de sa venue» pour le Jugement comme on
le lit dans II Thessaloniciens. Or qui quand il veut détruire son ennemi, va
ailleurs que lĂ oĂą celui-ci se trouve ? Exemple de David, I Rois (30, 15-17),
qui se fit conduire à l'endroit où était la bande d'Amalécites, ses ennemis
dont il triompha au même endroit. En conséquence il est normal que le Jugement
se fasse autour de cette vallĂ©e, parce qu'elleÂ
est presqu'au milieu de tous ceux qui doivent s'y rassembler, parce que
de lĂ le Seigneur pourra montrer les lieux oĂą il prend le fond des reproches
qu'il portera contre les pécheurs, parce que ce lieu contribuera à la plus
grande honte des Juifs, parce qu'à sa venue il détruira l'Antéchrist qui sera
établi là " Dans le même temps vivait Babierris, natif de Romans, qui se distingua par ses chansonnettes. Il ne reste plus que huit pièces du premier et une seule du second. Plus tard parut Floquet, excellent jongleur, également né à Romans, qui passa en Italie et fit sa cour à l'empereur Frédéric II, ainsi qu'à Guillaume-le-Jeune, marquis de Montferrat, et au seigneur du Caret. Les trois tensons qu'on lui attribue ne sont que de pures galanteries (Jean-Joseph-Antoine Pilot de Thorey, Histoire de Grenoble et ses environs: depuis sa fondation sous le nom de Cularo jusqu'à nos jours, 1829 - books.google.fr). Le 7 des calendes de décembre de l'année 1214, Frédéric II accorda à l'église de Romans un marché, des foires, un port, un pont; sur ce pont les chanoines devaient toucher un péage (la Grande Gabelle) de quatre deniers par tête de gros bétail, et de deux deniers par tête de menu bétail. Aucun autre que les chanoines ne devait toucher ce péage dans la ville de Romans ni dans son territoire. Ces privilèges et ces dons furent approuvés et renouvelés à Lyon par Sigismond et les souverains pontifes Innocent III, Clément IV et Clément VI. Clément VI partagea l'autorité dans cette ville entre les chanoines et le dauphin Humbert, et, en Pannée 1358, le dauphin Charles, fils du roi de France Jean, confirma les privilèges de l'abbaye des Bernardins (Aymar Du Rivail, Description du Dauphiné, de la Savoie, du Comtat-Venaissin, de la Bresse et d'une partie de la Provence, de la Suisse et du Piémont au XVIe siècle, traduit par Alfred de Terrebasse, 1852 - books.google.fr). Dans l'intervalle de son prieuré de Lyon et de son provincialat de Toscane, Humbert, poussé par son zèle ou chargé d'une mission particulière, était allé en Terre-Sainte ; il y avait acquis des sacrilèges impuretés dont l'empereur Frédéric II s'était fait complice, une si désolante certitude, qu'il put, dans son indignation et son dégoût, en témoigner ouvertement. Quand la Province de France passait, vingt-trois ans après sa création, aux mains de Humbert de Romans, elle comptait trente-huit couvents, canoniquement érigés et en possession du droit de se faire représenter dans ses chapitres par leurs prieurs, leurs prédicateurs-généraux et leurs délégués. La mission providentielle de ce grand supérieur semble avoir été moins de les multiplier que d'y asseoir solidement et d'y perfectionner la vie religieuse, tâche qu'il accomplira mieux encore, lorsque la confiance de la famille entière l'aura élevé au premier rang (Marie-Dominique Chapotin, Histoire des dominicains de la province de France, 1898 - books.google.fr). Frédéric est un possible "second Antéchrist" de la Lettre à Henry, à coupler peut-être typologiquement avec Napoléon Bonaparte. Teinturiers et Antéchrist Les teinturiers ne se placent pas seulement seulement sous la bannière protectrice de saint Maurice. Celle du Christ leur est encore plus chère. Dans l'histoire du Sauveur, ils retiennent un moment particulièrement glorieux : celui de la Transfiguration, lorsque le Christ se montre à ses disciples Pierre, Jacques et Jean. Entouré de Moïse et d'Élie, il leur apparaît non plus dans ses habits terrestres mais dans toute sa gloire divine, «le visage devenu brillant comme le soleil et les vêtements blancs comme la neige». Les évangiles apocryphes disent que Jésus fut en apprentissage chez un teinturier de Tibériade (Michel Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Age occidental, 2015 - books.google.fr). Il fallut attendre Arthur Heulhard, avec Tu es Petrus (1901) et surtout Le Mensonge Chrétien (Jésus-Christ n'a pas existé), dont le onzième et dernier volume fut publié fin octobre 1910, pour voir resurgir sous les traits de "jehoudda Bar jehoudda "(Judas fils de Judas, le Galiléen créateur de la quatrième secte du judaïsme) la thèse du héros révolutionnaire. D'après Heulhard : " c'est ce Bar Abbas ["Fils du Père"] qui, condamné par la justice de son pays pour crimes publics, tels que trahison, assassinat et vol, a été crucifié au Guol-Golta par Pilate. Car il n'a jamais été relâché au prétoire [à la place de Jésus] comme on le lit dans les Evangiles (Patrick Boistier, Jésus: anatomie d'un mythe, 2000 - books.google.fr). Où Bar-Jehoudda fut-il pris ? A Lydda même, dit le Talmud, et cette indication semble d'autant moins suspecte qu'elle est immédiatement suivie d'un autre fait dont nous vérifierons tout à l'heure l'exactitude : «il fut suspendu au bois dans l'après-midi qui précède la pâque». Ce qui confirme le Talmud, c'est la tradition arabe, héritée de la tradition juive ; Jésus au jour du Jugement doit tuer l'Antéchrist devant la porte de Lydda. Huit ans après, Shehimon retournant à Lydda pour y visiter les saints - lisez: les habitants restés fidèles au jehouddisme - Shehimon « trouve un homme du nom d'Œneas - un équivalent d'Oannès. C’est-à -dire un prophète christien - lequel depuis huit ans gisait, paralytique, sur un grabat (il attendait un signal). Shehimon lui dit : «Oannès, le Christ Jésus te guérit; lève-toi et l'ais toi-même ton lit.» Aussitôt l'homme se leva, et tous les habitants de Lydda et de Saron le virent et furent convertis au Seigneur.» (Arthur Heulhard, Le roi des juifs, 1908 - books.google.fr). Lydda passait pour la patrie de saint Georges ou celle de sa mère, pour le lieu de son martyre, etc.; les habitants y montrent encore la maison de Khidhr, nom arabe de saint Georges. Une tradition ou hâdith, attribuée à Mahomet par d'anciens commentateurs du Coran, dit que Jésus tuera l'Antechrist sur la porte de Lydda, ou même sur la porte de l'église de Lydda. L'Antechrist, appelé par les musulmans Dadjdjâl, est décrit comme un monstre et appelé la béte de la terre. Dadjdjâl-Dadjâl - Dagâl - Dagân - (Dadjoûn) - Dagon : tous ces changements se justifient rigoureusement ; la réduplication du djim s'explique par le désir de donner au mot ainsi transformé le sens tout à fait de mise de trompeur, en le rapprochant de la racine Dadjal. Cf. Masih et Masikh, et autres altérations intentionnelles (Charles Clermont-Ganneau, Horus et saint Georges, Revue archéologique, Volume 32, 1876 - books.google.fr). Le voyageur Benjamin de Tudèle passe à Luz ou Sargorg (Lydda ou Saint Georges selon Reland) où il n'aurait rencontré qu'un seul teinturier juif (Voyages de Rabbi Benjamin fils de Jona de Tudele, en Europe, en Asie et en Afrique, depuis l'Esapange jusqu'à la Chine, traduit par Baratier, 1734 - books.google.fr). On pense qu'il devait avoir une formation de teinturier, voire qu'il avait exercé cette profession, étant donné l'intérêt particulier qu'il porte à cet artisanat dans les régions visitées (fr.wikipedia.org - Benjamin de Tudèle). Le couple français teindre / feindre trouve son équivalent dans le couple anglais to dye (teindre) / to lie (mentir). Ici encore, la teinture ment, triche et trompe. Le vocabulaire confirme donc ce que laissent entendre les taxinomies sociales et les documents d'archives : la teinturerie, dans les systèmes de valeurs antiques et médiévaux, est une activité suspecte qui passe pour entretenir des rapports avec la saleté et l'ordure d'un côté, avec la fraude et la tromperie de l'autre. D'où sans doute cette méticulosité extrême avec laquelle les textes réglementaires organisent la profession. Partout sont précisés, avec une minutie remarquable, non seulement l'organisation du travail et les étapes du cursus pour chaque catégorie de teinturiers, les jours chômés, les horaires de travail, les lieux d'implantation dans la ville, le nombre des ouvriers et des apprentis, la durée de l'apprentissage, la qualité des jurés, mais aussi et surtout les couleurs et les étoffes concernées, les matières colorantes autorisées et celles qui sont interdites, les mordants qui doivent être employés, les conditions d'approvisionnement pour chacun des produits utilisés et les relations avec les autres corps de métiers ou avec les teinturiers des villes voisines (Michel Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Age occidental, 2015 - books.google.fr). |