Bedriac

Batailles de BĂ©driac

 

IX, 76

 

2159-2160

 

Avec le noir Rapax et sanguinaire

Issu du peaultre de l'inhumain NĂ©ron

Emmy deux fleuves main gauche militaire

Sera meurtry par joyne Chaulveron.

 

Dès sa jeunesse, Domitien, qui succéda à son frère Titus, avait montré combien il en différait. C'était lui qui, après la défaite de Vitellius, avait, à Rome, exercé le pouvoir en attendant l'arrivée de son père Vespasien. Il avait tout de suite prodigué les places, changeant partout les magistrats. Vespasien put dire qu'il s'étonnait que son fils ne lui envoyât pas aussi un successeur. Durant le règne de Titus il n'avait cessé de conspirer contre lui et répandait le bruit que le testament de Vespasien l'avait institué cohéritier avec son frère. Domitien avait une haute taille, un extérieur beau et agréable; mais plus tard il devint obèse en même temps qu'il perdait ses cheveux; aussi ne pouvait-il supporter qu'on parlât de chauves en sa présence. Il n'avait point, comme Titus, la passion du métier des armes; il n'allait jamais qu'en litière. Il ne manquait point d'adresse pourtant à la chasse où il tuait, à coups de flèches, des centaines de bêtes de toute espèce. Il montrait son habileté en tirant, à grande distance, des flèches entre les doigts d'un esclave qui tenait la main ouverte. Titus s'était entouré de lettrés, de poètes, de philosophes. Domitien ne lisait rien que les mémoires et les actes de Tibère. Il avait besoin qu'on lui composât ses lettres, ses discours. Il avait l'esprit si vide qu'il passait des heures à poursuivre des mouches et à les piquer avec un poinçon. Il aimait à étaler le luxe et la profusion dans les festins, mais ne restait pas longtemps à table et, le soir, laissant ses invités, se promenait solitaire sous les portiques de ses jardins. Il quitta, reprit sa femme et ne cachait nullement ses débauches. Dans les premiers temps, Domitien n'avait point paru vouloir s'écarter des exemples de Titus. Il avait même manifesté un zèle très louable pour la justice. ll jugeait au Forum. Il se montrait sévère pour les juges trop complaisants. Il poursuivait les magistrats prévaricateurs. Singulier censeur des mœurs, car il eût eu bien besoin d'être censuré, il publia des édits contre les femmes perdues de réputation (Gustave Ducoudray, Histoire et civilisation romaines: classe de première (divisions A et B), 1904 - books.google.fr).

 

"peaultre" signifierait ici "paillasse" d'origine obscure (Dictionnaire étymologique Larousse 1969). Au XVIIème siècle, le terme paillasse désigne une femme de mauvaise vie.

 

Néron est le cinquième et dernier empereur romain de la dynastie Julio-Claudienne.

 

Les quatre empereurs suivant Auguste appartiennent tous Ă  la dynastie des Julio-Claudiens. «Julio» car, comme Auguste, Caligula, Claude et NĂ©ron sont les descendants de la sĹ“ur de Jules CĂ©sar, Julia, tandis que Tibère a intĂ©grĂ© la famille par adoption quand Auguste a Ă©pousĂ© sa mère, Livia ; «Claudiens» car ils sont issus de Tiberius Claudius Nero, père de Tibère et de Drusus, qui est l'ancĂŞtre de Caligula, de Claude et de NĂ©ron (Guy de La BĂ©doyère, Catherine Salles, La Rome antique Pour les nuls, 2012 - books.google.fr).

 

Après la conquĂŞte des Gaules, le jour de son triomphe, ses soldats chantaient en chĹ“ur : Urbani, servate uxores, mĹ“chum calvum adducimus ! / Aurum in Galliâ effutuisti; at hic sumsisti mutuum. «Citadins, gardez bien vos Ă©pouses, voici que nous ramenons le libertin chauve ! CĂ©sar, tu as rĂ©pandu en amour dans les Gaules tout l'or que tu as pris Ă  Rome !» Jules CĂ©sar fut l'amant de plusieurs reines Ă©trangères, entre autres d'EunoĂ©, femme du roi de Mauritanie. Il aima surtout avec passion la voluptueuse ClĂ©opâtre, reine d'Égypte, qui lui donna un fils qu'il eĂ»t voulu choisir pour hĂ©ritier. Ses ardeurs vĂ©nĂ©riennes s'Ă©taient tellement accrues, au lieu de diminuer avec les annĂ©es, qu'il convoitait toutes les femmes de l'empire romain, et qu'il eĂ»t souhaitĂ© pouvoir en disposer Ă  son choix. Il avait rĂ©digĂ© un singulier projet de loi, qu'il eut honte pourtant de prĂ©senter Ă  la sanction du sĂ©nat : par cette loi, il se rĂ©servait le droit d'Ă©pouser autant de femmes qu'il voudrait, pour avoir autant d'enfants qu'il Ă©tait capable d'en produire. L'infamie de ses adultères Ă©tait si notoire, raconte SuĂ©tone, que Curion le père, dans un de ses discours, l'avait qualifiĂ© mari de toutes les femmes et femme de tous les maris. La seconde partie de cette sanglante Ă©pigramme tombait Ă  faux, car, suivant l'histoire, CĂ©sar ne pĂ©cha qu'une seule fois dans sa vie par impudicitĂ©, c'est-Ă -dire en s'adonnant au vice contre nature (ce vice seul Ă©tait aux yeux des Romains un outrage Ă  la pudeur); mais ce honteux Ă©garement de CĂ©sar eut un si fâcheux Ă©clat, qu'un opprobre ineffaçable en rejaillit sur son nom dans le monde entier. La calomnie s'empara sans doute d'un fait, qui n'avait Ă©tĂ© qu'un accident de dĂ©bauche, et qui aurait passĂ© inaperçu, si les deux coupables n'eussent pas Ă©tĂ© Jules CĂ©sar et le roi Nicomède. CicĂ©ron rapporte, dans ses lettres, que CĂ©sar fut conduit par des gardes dans la chambre du roi de Bithynie ; qu'il s'y coucha, couvert de pourpre, sur un lit d'or, et que ce descendant de VĂ©nus prostitua sa virginitĂ© Ă  Nicomède (floremque aetatis Ă  Venere orti in Bithynia contaminatum). Depuis cette infâme complaisance, CĂ©sar se vit en butte aux ironies les plus amères, et il les supporta patiemment, sans y rĂ©pondre et sans les dĂ©mentir. TantĂ´t Dolabella l'appelait en plein sĂ©nat : la concubine d'un roi, la paillasse de la couche royale ; tantĂ´t le vieux Curion le traitait de lupanar de Nicomède et de prostituĂ©e bithynienne. Un jour, comme CĂ©sar s'Ă©tait fait le dĂ©fenseur de Nysa, fille de Nicomède, CicĂ©ron l'interrompit, avec un geste de dĂ©goĂ»t, en disant : «Passons, je vous prie, sur tout cela; on sait trop ce que vous avez reçu de Nicomède, et ce que vous lui avez donnĂ© !» Une autre fois, un certain Octavius, qui se permettait tout impunĂ©ment, parce qu'il passait pour fou, salua CĂ©sar du titre de reine, et PompĂ©e, du titre de roi. C. Memmius racontait Ă  qui voulait l'entendre, qu'il avait vu le jeune CĂ©sar servant Nicomède Ă  table et lui versant Ă  boire, confondu qu'il Ă©tait avec les eunuques du roi. Enfin, quand CĂ©sar montait au Capitole, après la soumission des Gaules, les soldats chantaient gaiement autour de son char de triomphe : «CĂ©sar a soumis les Gaules, Nicomède a soumis CĂ©sar. Voici que CĂ©sar triomphe aujourd'hui pour avoir soumis les Gaules; Nicomède ne triomphe pourtant pas, lui qui a soumis CĂ©sar.» (Pierre Dufour, Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde: depuis l'antiquitĂ© la plus reculĂ©e jusqu'Ă  nos jours, Tome 2, 1851 - books.google.fr).

 

L'Ă©tymologie du nom qu'on donnait aux lieux de dĂ©bauche, prenait sa source dans la fable de l'allaitement de Romulus et RĂ©mus par une louve. Cette louve Ă©tait Accia Laurentia, femme du berger qui recueillit les deux enfans exposĂ©s sur les bords du Tibre, et Ă  qui la beautĂ© de ses formes et la voracitĂ© connue de son appĂ©tit charnel avaient attirĂ©, de la part de ses voisins, la qualification de lupa. Les courtisanes, qu'on voulut rendre odieuses par ume comparaison convenable Ă  leur vie brutale, furent appelĂ©es louves, lupae, et leurs demeures lupanaria. (Lezciq. de Martin, verbo LUPANAR.; Chroniq. de Conrad, page 7 ; Suidas, pages 468, 751.) Leurs chambres ou cellules Ă©taient ordinairement construites sous terre et voĂątĂ©es, fornix : c'est de lĂ  que dĂ©rive le mot fornication, qui, dans la langue latine et dans la nĂ´tre, exprime le commerce illicite des deux sexes. (BULENGER, Opusc. de Theatro, lib. I, pag. 251.) C'est dans ces rĂ©duits Ă©troits, malsains, salis de la fumnĂ©e des lampes, dont tout le mobilier consistait le plus souvent en une mauvaise paillasse avec une converture rapiĂ©cĂ©e, que Messaline allait se livrer aux excès de la plus infâme luxure. Après avoir choisi les complices de sa lubricitĂ©, d'abord parmi les hommes d'une condition Ă©levĂ©e, ensuite dans les rangs des prĂ©toriens et des histrions, descendue aux dernières classes du peuple, l'impĂ©ratrice, profitant du sommeil de l'imbĂ©cile Claude, quittait furtivement sa couche, couvrait ses cheveux noirs d'une perruque blonde, attribut de la dĂ©bauche, et, enveloppĂ©e d'une cape de nuit, accompagnĂ©e d'une esclave, elle pĂ©nĂ©trait dans le rĂ©ceptacle de la prostitution. LĂ , sous le nom de la courtisane Lycisca, nue, la gorge contenue dans des rĂ©seaux d'or, elle provoquait par ses caresses tous ceux qui se prĂ©sentaient Ă  ses regards, et livrait Ă  leurs ignobles transports les flancs qui avaient portĂ© Octavie et Britannicus (Epigrammes de M. Val. Martial, Tome 2, traduit par Charles Louis Fleury Panckoucke, 1834 - books.google.fr).

 

"in quibus eum Dolabella pellicem reginæ, spondam interiorem regiæ lecticae ; ac Curio stabulum Nicomedis, et Bithynicum fornicem dicunt" (discours dans lesquels Dolabella l'appelle la rivale de la reine, la planche intĂ©rieure de la litière royale ; et Curion l'Ă©curie de Nicomède, le mauvais lieu de Bithynie) (Oeuvres de Suetone, Jules CĂ©sar, 1862 - books.google.fr).

 

Martial se moque des chauves (V, 49 ; VI, 57; X, 83; XII, 45), alors que Domitien Ă©tait chauve et le supportait mal (SuĂ©tone, Vies des douze CĂ©sars, «Domitien» 18; JuvĂ©nal, Satires IV, 38, l'appelle «le NĂ©ron chauve» (Étienne Wolff, Martial ou l'apogĂ©e de l'Ă©pigramme, 2016 - books.google.fr).

 

Néron Chauve ou Chauve Néron d'où peut-être par contraction en ancien français (avec le l de calvus) "Chaulveron" (Satires de D. J. Juvénal, Volume 1, traduit par A. V. D. P. Fabre de Narbonne, 1825 - books.google.fr).

 

La bataille de BĂ©driac eut lieu le 14 avril 69 ; ce lieu est situĂ© près de San Andrea, aux environs de CrĂ©mone; de ce fait, elle est parfois appelĂ©e «bataille de CrĂ©mone». Les soldats de Germanie, qui combattaient pour Vitellius, comptaient dans leurs rangs des Bataves et surtout la XXIe lĂ©gion Rapax. Ils s'Ă©taient reposĂ©s avant la rencontre, après leur longue marche. Les othoniens, eux, arrivèrent fatiguĂ©s ; les officiers ne surent pas trouver un ordre de bataille satisfaisant, parce qu'ils avaient Ă©tĂ© conduits sur un site encombrĂ© par des arbres et des vignes. Parmi eux se trouvaient des troupes au moins mĂ©diocres, des gladiateurs et la Ire lĂ©gion Adiutrix. Les vitelliens chargèrent, et ils engagèrent un corps Ă  corps Ă  l'Ă©pĂ©e. MalgrĂ© ses qualitĂ©s, la XXIe Rapax fut d'abord repoussĂ©e par la Ire Adiutrix. Mais ses hommes rĂ©agirent et ils engagèrent une vigoureuse contre-attaque. Le centre othonien fut enfoncĂ© et les chefs de cette armĂ©e prirent la fuite. Les vitelliens ne s'arrĂŞtèrent que devant le camp ennemi, oĂą s'Ă©taient enfermĂ©s les vaincus. La dĂ©faite Ă©tant patente, Othon fit ce que devait faire un vrai Romain : il se suicida (Yann Le Bohec, Histoire des guerres Romaines: Milieu du VIIIe siècle avant J.-C. – 410 après J.-C., 2017 - books.google.fr).

 

Dion-Cassius, parlant du Combat de Bedriac, dit le Combat de Cremone, parce que Bedriac Ă©toit plus près de Cremone, que de Verone. Mais Aurelius Victor dit qu'Otton fut mis en dĂ©route Ă  la Bataille de Verone ; en quoi il s’écarte du vrai lieu. Car Tacite marque expressement oĂą Ă©toit le champ de bataille par ces paroles : on jugea Ă  propos d’avancer l'armĂ©e jusqu’à quatre milles de Bedriac. Le confluent de l’Adda & du Po est Ă  16. milles delĂ . Pline dit dans Bebriacenia bella, les guerres civiles de Bebriac. C’est peut-ĂŞtre Ă  son imitation qu’Eutrope dit apud Bebriacum en parlant de la defaite de l'Empereur Otton. On peut conclure du passage de Tacite raporte que Bedriac Ă©toit en allant de Cremone Ă  Verone, Ă  20 milles Romains du confluent de l’Adda & du Po (Le grand dictionnaire geographique et critique, par M. Bruzen La Martiniere, Tome I, 1730 - books.google.fr).

 

Le "noir" qualifiant Rapax peut désigner la moralité de Vitellius.

 

La seconde bataille de Bedriac oppose Vitellius et les armées de Vespasien.

 

Galba, tué dans une sédition, Othon, battu à Bédriac par les Vitelliens, les gens de Vespasien, Domitien son fils, Sabinus son frère, Mutien, Primus, ses lieutenants, engagent dans les rues de Rome une longue et terrible bataille où le Capitole périt dans les flammes. Vitellius, traqué dans son palais, bafoué, traîné dans la boue et le sang, décapité, est jeté dans le Tibre. Et Domitien remet à son père l'empire qu'il eût volontiers pris pour lui-même (André Paul Émile Lefèvre, L'histoire: entretiens sur l'évolution historique, Tome 1, 1897 - books.google.fr).

 

"main gauche" : boucliers

 

La main gauche (sinistra) servait à porter le bouclier lors de la parade militaire dans la Rome antique (Gaffiot). Les boucliers de l'armée vespasienne ont un rôle dans la bataille de Crémone (siège) qui succède à celle de Bédriac telle que la rapporte l'historien Tacite.

 

...quand une ville est prise de force, le butin appartient au soldat ; rendue , il est aux chefs. DĂ©jĂ  ils mĂ©connaissent centurions et tribuns, et, pour que nulle voix ne puisse ĂŞtre entendue, ils frappent sur leurs boucliers, tout prĂŞts Ă  braver le commandement si on ne les mène Ă  l'assaut (3,19).

 

Une baliste d'une grandeur extraordinaire, appartenant à la quinzième légion, écrasait les Flaviens avec d'énormes pierres. Elle eût fait dans leurs rangs un vaste carnage, sans l'action mémorable qu'osèrent deux soldats. Ils ramassent les boucliers sur le champ de bataille et vont, sans être reconnus, couper les cordes qui servaient au jeu de la machine. Ils furent percés de coups à l'instant, et leurs noms ont péri (3,23).

 

Alors les boucliers s'élèvent au-dessus des têtes, la tortue se forme, et l'on s'avance au pied des retranchements. C'était des deux côtés l'art puissant des Romains. Les Vitelliens roulent de pesantes masses de pierre, sondent avec des lances et de longues piques la tortue entr'ouverte et flottante, jusqu'à ce qu'ayant enfin brisé ce tissu de boucliers, ils renversent les hommes sanglants et mutilés et jonchent la terre d'un horrible débris (3,27).

 

Saper les retranchements, battre les portes, s'appuyer sur les épaules l'un de l'autre, et saisir, en s'élançant sur la tortue reformée, les armes et jusqu'aux bras des ennemis, n'est rien pour eux (3,28) Tacite, Histoires - Livre III (derniers mois de l'année 69 après J.-C.) - bcs.fltr.ucl.ac.be).

 

"main gauche" : cĂ´tĂ© gauche ?

 

La précipitation d'Arrius Varus compromet le succès que finit par assurer la fermeté d'Antonius (3,16-18). Il ordonne à la troisième légion de se tenir sur la chaussée de la voie Postumia. Tout près d'elle, à gauche, la septième Galbienne fut rangée dans la plaine, et plus à gauche encore la septième Claudienne, qui se trouva défendue par un fossé rustique. À droite, la huitième prit place sur l'espace découvert qui règne le long de la route, et à côté d'elle la treizième se couvrit des arbres d'un épais taillis. Tel était l'ordre des aigles et des enseignes (Tacite, Histoires, Livre III - bcs.fltr.ucl.ac.be).

 

Arrivé à l'extrémité de la voie Posthumienne, qui l'avoit mené de Bédriac (nord-est) à Crémone, et qui venoit se confondre avec le chemin de Brixia, situé au nord, Antonius se trouve en face du camp des Vitelliens, adossé à Crémone; et voulant le faire attaquer, il ordonne à la troisième et à la septième légions d'assaillir le côté du Vallum qu'il avoit à sa gauche, derrière le chemin de Bédriac, c'est-à-dire, tout le côté oriental de la ville de Crémone; puis à la treizième de se précipiter vers la porte de Brixia qu'il avoit à sa droite, et presque en face de lui; enfin, à la huitième et à la septième Claudienne, de marcher encore plus à sa droite (dexteriora) c'est-à-dire, d'aller attaquer le côté occidental de Crémone. Qui ne voit pas que proxima Bedriacensi viæ, est opposé à dexteriora valli, et signifie la même chose que s'il y avoit læva ? (Edmé Ferlet, Observations littéraires, critiques, politiques, militaires, géographiques sur les Histoires de Tacite, Tome 2, 1801 - books.google.fr).

 

Au lieu de se reposer à Crémone, comme la raison le voulait, d'y réparer ses forces par la nourriture et le sommeil, et d'écraser le lendemain un ennemi glacé de froid, épuisé de besoin, l'armée vitellienne, privée de chef et dépourvue de conseil, alla vers la troisième heure de la nuit se heurter contre les Flaviens, qui l'attendaient en bon ordre. Quelle fut la disposition de cette armée, dans la double confusion de la colère et des ténèbres, je ne puis le dire avec certitude. On rapporte que la quatrième Macédonique était à l'aile droite; la cinquième et la quinzième, avec les vexillaires des trois légions de Bretagne (la neuvième, la seconde et la vingtième), au centre; enfin la seizième, la dix-huitième et la première à l'aile gauche. Les soldats de la Rapax et de l'Italica s'étaient mêlés dans tous les manipules (Tacite, Histoires, Livre III - bcs.fltr.ucl.ac.be).

 

Des trois lĂ©gions qui, sous Tibère (Tacite Ann., 4, 5), composaient la garnison de l'Espagne, et Ă©taient la IVe Macedonica, la VIe Victrix et la X Gemina, une seule (SuĂ©tone, Galb., 10), la VIe, s'y trouvait Ă  la fin du règne de NĂ©ron. ProclamĂ© empereur par elle, Galba, alors gouverneur de la Tarraconaise, s'empressa, avant de partir, d'en lever une autre (Hist., 1, 3, 23; SuĂ©tone, ibid.), qui paraĂ®t n'avoir eu d'abord d'autre nom que celui de «Septième», quoiqu'une lĂ©gion de ce mĂŞme numĂ©ro, dĂ©corĂ©e par Claude du nom de Claudia, existât depuis longtemps. FormĂ©e de nouvelles recrues, elle ne peut pas avoir eu, dès le principe, le surnom de Gemina, qui lui fut donnĂ© plus tard, et eĂ»t Ă©tĂ© alors en contradiction avec le mode de sa crĂ©ation. Galba se fit accompagner par elle jusqu'Ă  Rome (Hist., 1, 6), traitant durement, sur son passage, les villes d'Espagne et des Gaules qui ne s'Ă©taient pas assez empressĂ©es de le reconnaĂ®tre; rĂ©compensant par des immunitĂ©s celles qui avaient montrĂ© du zèle pour sa cause, et particulièrement Vienne, comblĂ©e par lui de privilĂ©ges et d'honneurs (1, 66). C'est la cavalerie de cette lĂ©gion qui, Ă  l'arrivĂ©e du prince aux portes de la capitale, massacra une partie des soldats de NĂ©ron, anciens rameurs, qui demandaient avec une insistance mĂŞlĂ©e de murmures Ă  ĂŞtre maintenus dans le service lĂ©gionnaire (1, 6). En Pannonie, oĂą elle ne tarda pas Ă  ĂŞtre envoyĂ©e, elle avait pour lĂ©gat le Toulousain Antonius Primus (2, 86), destinĂ© Ă  jouer bientĂ´t un si grand rĂ´le dans la seconde guerre civile. Revenue inutilement en Italie en faveur d'Othon (2, 11), elle fut dĂ©faite Ă  BĂ©driac, et reçut ordre de ses vainqueurs de regagner ses quartiers de Pannonie; doublement exaspĂ©rĂ©e et par ses revers et par l'inepte sĂ©vĂ©ritĂ© de Vitellius, qui, abusant cruellement de la victoire des siens, avait ordonnĂ© la mort des plus braves centurions de l'armĂ©e othonienne (2, 60). Aussi, ce fut avec empressement qu'elle se jeta dans le parti de Vespasien, et que, dès le premier signal, elle se rendit, pleine d'allĂ©gresse, avec la XIII Gemina, sa compagne de province, Ă  Padoue, sous les enseignes d'Antonius Primus (3, 7), devenu par la seule autoritĂ© de sa propre audace le chef de la nouvelle guerre; elle apportait, comme les autres lĂ©gions aussi bien du cĂ´tĂ© des Flaviens que du cĂ´tĂ© des Vitelliens, non moins d'esprit sĂ©ditieux (3, 7, 10) et d'amour du pillage (3, 28) que de bravoure. AmenĂ©e devant CrĂ©mone, après la prise de Vicence (3, 8) et la tentative avortĂ©e contre VĂ©rone (3, 10), elle n'acquit sa part de la victoire qu'au prix de rudes Ă©preuves. Au combat de nuit, oĂą elle Ă©tait avec la VII Claudia Ă  l'aile gauche (3, 21), et avait devant elle, des forces opposĂ©es la IV Macedonica et la Ve Alaudae (3, 22), elle fut si vivement attaquĂ©e par les Vitelliens que sa perte devenait certaine sans l'arrivĂ©e des prĂ©toriens envoyĂ©s Ă  son secours. «Six de ses principaux centurions Ă©taient tuĂ©s, plusieurs de ses Ă©tendards perdus, et l'aigle elle-mĂŞme» allait ĂŞtre prise si le primipilaire Atilius Verus ne l'eĂ»t sauvĂ©e en faisant autour de lui un grand carnage, et en mourant Ă  son tour.» Un fait tragique de cette mĂŞme nuit, exemple mĂ©morable des maux des discordes civiles, se rapporte Ă  elle. Un de ses soldats tua son père, soldat de la XXIe Rapax. «Julius Mansuetus, habitant de l'Espagne, enrĂ´lĂ© dans la lĂ©gion Rapax, avait laissĂ© chez lui un fils encore enfant. Celui-ci, devenu adulte, entra dans la septième lĂ©gion que formait Galba. Le hasard offrit son père Ă  ses coups, et il le renversa demi-mort. Pendant qu'il le dĂ©pouille, il le reconnaĂ®t et en est reconnu. Alors il l'embrasse expirant, et d'une voix lamentable il prie les mânes paternels de lui faire grâce et de ne pas l'abhorrer comme un parricide: "C'Ă©tait le crime de tout le monde; et qu'est-ce que la part d'un soldat dans la guerre civile?" (9) Puis il emporte le cadavre, creuse une fosse et rend Ă  son père les derniers devoirs. Les plus voisins s'en aperçurent d'abord, d'autres ensuite; et, de proche en proche, ce fut dans toute l'armĂ©e un cri gĂ©nĂ©ral d'Ă©tonnement, de pitiĂ©, de malĂ©diction contre une guerre si cruelle; et toutefois ils n'en dĂ©pouillent pas avec moins d'ardeur leurs parents, leurs alliĂ©s, leurs frères massacrĂ©s: ils se racontent le crime et ils le commettent.» (3, 25). A l'attaque des retranchements, la III et la VII ont d'elles-mĂŞmes choisi le cĂ´tĂ© tournĂ© vers le chemin de BĂ©driac (3, 27), et c'est par elles qu'est livrĂ© l'assaut le plus terrible. De dĂ©sespoir, les Vitelliens font rouler du haut du rempart sur les assaillants une baliste, qui entraĂ®ne, en tombant, un pan de la muraille; tandis que par cette voie la VII monte Ă  la brèche, la III enfonce la porte Ă  coups de hache et d'Ă©pĂ©e (3, 29). Tant d'ardeur n'annonce pas que, dans les scènes d'horreurs de toute espèce qui marquèrent le sac et l'incendie de la malheureuse ville, la lĂ©gion soit restĂ©e plus inactive que les autres : après quoi, ayant coopĂ©rĂ© au triomphe complet du parti flavien par la prise et l'occupation de Rome, elle fut «envoyĂ©e en quartiers d'hiver» (4, 39). [...]

 

Au musée d'Aix en Provence, une très-grande plaque de marbre, découverte par le comte d'Alais, gouverneur de Provence de 1638 à 1645, près du mausolée appelé la Tour du Palais (Millin), ne contient que la fin des lignes d'une inscription, dont la partie manquante devait occuper au moins deux autres plaques de même grandeur, placées à la gauche de celle-ci. Ce fragment, qui paraît provenir d'un monument funéraire à la mémoire de plusieurs membres d'une même famille successivement patrons de la colonie d'Aquae Sextiae, figure ici comme inscription publique, en raison de ce que deux de ces personnages ont été tribuns militaires. Il y est question des légions VII Gemina Felix et VIII Augusta (A. Allmer, Inscriptions diverses, Bulletin d'archéologie et de statistique de la Drôme, Volumes 7 à 8, 1873 - books.google.fr).

 

Typologie

 

La datation du quatrain 2159 se situe 2090 années après 69, l’année des 4 empereurs.

 

Le cycle de Cléostrate se nommait Octaëteris. Il comprenait huit années, au bout desquelles il prétendait que le soleil et la lune revenaient au même point. Harpalus, trouvant que cela n'arrivait pas, inventa le cycle de neuf ans. Méton, ne trouvant pas que le cycle de neuf ans eût mieux réussi que les autres, inventa le cycle de dix-neuf ans. On s'en est tenu là, comme Festus Aviénus le remarque dans les vers que je viens de citer. Ce cycle est encore en vogue, et s'appelle le Nombre d'or.

 

Il y a bien des brouilleries dans Vossius sur tout ceci.

 

Il cite Pline, au livre II chapitre XII touchant ClĂ©ostratus; il fallait citer le chapitre VIII. 3°. Il dit que l'OctaĂ«tĂ©ride de ClĂ©ostratus comprenait 2090 ans et 22. On voit bien que l'imprimeur a brouillĂ© les nombres; mais le mot annorum est sans doute une mĂ©prise de l'auteur. Car ce cycle comprenait 2922 jours (Pierre Bayle, Beuchot, Dictionnaire historique et critique, 1820 - books.google.fr, Gerardus Joannes Vossius, De quatuor artibus popularibus, de philologia, et scientiis mathematicis: libri 3. De universae Mathesios natura et constitutione : cui subjungitur Chronologia mathematicorum, Volume 3 (1650), 1660 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - GĂ©rard Vossius).

 

GĂ©rard–Jean Vossius est un disciple de Joseph Scaliger (auquel il succĂ©da Ă  Leyde), fils de Jules CĂ©sar Scaliger ami de Nostradamus, et de Martini qui nomme souvent les deux Scaliger dans ses ouvrages. Il produira Ă  son tour un Etymologicon linguae latinae, paru posthume Ă  Amsterdam en 1662, et qui marquera un net progrès sur le Lexicon philologicum, praecipue etymologicum de Martini : Ă©rudition moins touffue, mieux ciblĂ©e, plus critique. Leibniz dans la prĂ©face des Nouveaux essais sur l'entendement humain fait Ă  Scaliger un emprunt explicite Pierre Lardet, Les ambitions de Jules–CĂ©sar Scaliger latiniste et philosophe (1484–1558), 2002 - www.phil-hum-ren.uni-muenchen.de).

 

Pierre Du Moulin (né en 1568 à Buhy et mort à Sedan en 1658) était installé depuis quatre ans en Angleterre lorsqu'il se résolut de rejoindre Leyde où son ami François du Jon professait la théologie. Il prend pension chez Joseph Juste Scaliger, où il rencontre des personnages distingués et de grand mérite et s'y fait de puissants amis (cf. quatrain X, 91).

 

L'Histoire Naturelle est notre principale source directe de renseignements sur la perception de la personne et du règne de Néron au début de l'ère flavienne. Si l'on excepte les quelques mentions à d'autres historiens tels que Cluvius Rufus et Fabius Rusticus chez Tacite, c'est donc dans cet ouvrage que l'on peut trouver l'origine de quelques-uns des principaux traits caractéristiques de l'image de ce prince depuis l'historiographie antonine jusqu'à nos jours. [...] C'est par exemple à Pline que nous devons de connaître de menus détails tels que la myopie de Néron et les bains de lait de Poppée promis à la postérité cinématographique. [...] Nous nous proposons de dégager ici les lignes essentielles de ce portrait dans leurs rapports avec l'idéologie de la dynastie flavienne à travers les divers témoignages (numismatiques, épigraphiques, urbanistiques) qui éclairent ou complètent les sources littéraires. Très proche des Flaviens, ancien contubernalis de Titus (NH, praef., 5), Pline l'Ancien est fondamentalement hostile à Néron sous le règne duquel il connut une période de semi-retraite avant de voir sa carrière encouragée  par Vespasien. L'antinéronisme atteint dans l'Histoire Naturelle une virulence inégalée. Les quelque soixante-quinze références à Néron que l'on peut trouver dans l'Histoire Naturelle ont presque toujours une connotation négative, rarement neutre, et jamais positive. Au demeurant, lorsqu'il aurait l'occasion d'aborder des aspects bénéfiques de l'œuvre de Néron, Pline évite soigneusement de présenter les choses sous un angle favorable au prince. La majeure partie des critiques de Pline à l'encontre de Néron et de son règne porte sur le développement effréné du luxe illustré et encouragé par l'empereur-citharède. Les attaques sur ce thème sont trop nombreuses pour être examinées en détail ici. C'est l'un des topoi les plus rebattus du moralisme diatribique, le locus de diuitiis, qui retrouve ici une vigueur et une actualité particulières dans la mesure où il répond à la fois à une nécessité politique et à une réalité sociologique propres à l'ère flavienne. La nécessité politique est de justifier les mesures d'économies prises par Vespasien pour redresser la situation financière de l'État compromise par la guerre civile et les extravagances néroniennes. L’Histoire Naturelle contient du reste une critique des manipulations financières de Néron en 64 abaissant le poids des aurei et des denarii (XXXIII, 47). Quand à la réalité sociologique, il s'agit du phénomène décrit par Tacite dans un texte célèbre (Ann., III, 55) évoquant la disparition de l'ancienne aristocratie dispendieuse et la promotion de la bourgeoisie municipale et provinciale plus économe, à l'image de Vespasien lui-même. Cette valeur exemplaire du prince, dont Vespasien était bien conscient en cultivant son image de ciuilis princeps, est bien soulignée dans les passages antinéroniens de l’Histoire Naturelle, où la poursuite effrénée du luxe et des richesses est le fait non seulement du souverain, mais aussi, par une sorte de mimétisme, de son entourage, en particulier sa femme Poppée et ses affranchis. En mêlant systématiquement le nom de l'empereur à la condamnation des dérèglements de son époque, Pline suggère la responsabilité de celui-ci, par une espèce de contagion du vice (François Ripoll, Néron et la propagande impériale flavienne, Néron: histoire et légende, 1999 - books.google.fr).

 

Certains prĂ©sages mettant aux prises des oiseaux symboliques sont mentionnĂ©s, presque semblables et en tout cas comparables, pour les deux pĂ©riodes troublĂ©es de 44-30 et 68-69, dont sortirent les puissances d'Auguste et Vespasien. C'est ce qui, selon le seul SuĂ©tone, est arrivĂ© Ă  BĂ©driac : sur le champ de bataille, avant que les armĂ©es d'Othon et Vitellius engagent le combat, deux aigles s'Ă©taient battus sous les yeux de tous les soldats, et l'un d'eux ayant Ă©tĂ© vaincu, un troisième Ă©tait survenu du Levant et avait chassĂ© le vainqueur. Contrairement Ă  ce que pense H. Ailloud dans sa note sur la Vie de Vespasien, je ne crois pas qu'il s'agisse de la simple variante d'un prodige rapportĂ© par Tacite, puisque c'est exclusivement du destin d'Othon qu'il s'agit alors. En effet, le prodige mentionnĂ© par SuĂ©tone se produit sous les yeux des armĂ©es, contrairement Ă  ce que raconte Tacite, et il s'agit d'aigles, et non pas d'un oiseau extraordinaire. Ce prĂ©sage, selon SuĂ©tone, annonçait que Vespasien venu d'Orient allait prendre la place de Vitellius. Le fait que le troisième oiseau, venu d'ailleurs, surgisse après un premier combat, rendait inutiles les diffĂ©rences d'espèces. Il est intĂ©ressant que le miracle des aigles de BĂ©driac soit rapportĂ© Ă  propos de Vespasien, et non Ă  propos de la guerre entre Othon et Vitellius ; il s'agit ainsi de toute Ă©vidence d'un aigle d'avènement (Annie Vigourt, Les prĂ©sages impĂ©riaux d'Auguste Ă  Domitien, 2001 - books.google.fr).

 

Pour "main gauche" voir quatrain I, 34 : "L'oyseau de proye volant Ă  la senestre" (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (Ă©dition MacĂ© Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

Il est regrettable que l’on doive faire appel à une coquille d’imprimeur œuvrant en 1650.

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