Bedriac

Batailles de Bédriac

 

IX, 76

 

2159-2160

 

Avec le noir Rapax et sanguinaire

Issu du peaultre de l'inhumain Néron

Emmy deux fleuves main gauche militaire

Sera meurtry par joyne Chaulveron.

 

Dès sa jeunesse, Domitien, qui succéda à son frère Titus, avait montré combien il en différait. C'était lui qui, après la défaite de Vitellius, avait, à Rome, exercé le pouvoir en attendant l'arrivée de son père Vespasien. Il avait tout de suite prodigué les places, changeant partout les magistrats. Vespasien put dire qu'il s'étonnait que son fils ne lui envoyât pas aussi un successeur. Durant le règne de Titus il n'avait cessé de conspirer contre lui et répandait le bruit que le testament de Vespasien l'avait institué cohéritier avec son frère. Domitien avait une haute taille, un extérieur  beau et agréable; mais plus tard il devint obèse en même temps qu'il perdait ses cheveux; aussi ne pouvait-il supporter qu'on parlât de chauves en sa présence. Il n'avait point, comme Titus, la passion du métier des armes; il n'allait jamais qu'en litière. Il ne manquait point d'adresse pourtant à la chasse où il tuait, à coups de flèches, des centaines de bêtes de toute espèce. Il montrait son habileté en tirant, à grande distance, des flèches entre les doigts d'un esclave qui tenait la main ouverte. Titus s'était entouré de lettrés, de poètes, de philosophes. Domitien ne lisait rien que les mémoires et les actes de Tibère. Il avait besoin qu'on lui composât ses lettres, ses discours. ll avait l'esprit si vide qu'il passait des heures à poursuivre des mouches et à les piquer avec un poinçon. Il aimait à étaler le luxe et la profusion dans les festins, mais ne restait pas longtemps à table et, le soir, laissant ses invités, se promenait solitaire sous les portiques de ses jardins. Il quitta, reprit sa femme et ne cachait nullement ses débauches. Dans les premiers temps, Domitien n'avait point paru vouloir s'écarter des exemples de Titus. Il avait même manifesté un zèle très louable pour la justice. ll jugeait au Forum. Il se montrait sévère pour les juges trop complaisants. Il poursuivait les magistrats prévaricateurs. Singulier censeur des mœurs, car il eût eu bien besoin d'être censuré, il publia des édits contre les femmes perdues de réputation (Gustave Ducoudray, Histoire et civilisation romaines: classe de première (divisions A et B), 1904 - books.google.fr).

 

"peaultre" signifierait ici "paillasse" d'origine obscure (Dictionnaire étymologique Larousse 1969). Au XVIIème siècle, le terme paillasse désigne une femme de mauvaise vie.

 

Néron est le cinquième et dernier empereur romain de la dynastie Julio-Claudienne.

 

Les quatre empereurs suivant Auguste appartiennent tous à la dynastie des Julio-Claudiens. « Julio » car, comme Auguste, Caligula, Claude et Néron sont les descendants de la sœur de Jules César, Julia, tandis que Tibère a intégré la famille par adoption quand Auguste a épousé sa mère, Livia ; « Claudiens » car ils sont issus de Tiberius Claudius Nero, père de Tibère et de Drusus, qui est l'ancêtre de Caligula, de Claude et de Néron (Guy de La Bédoyère, Catherine Salles, La Rome antique Pour les nuls, 2012 - books.google.fr).

 

Après la conquĂŞte des Gaules, le jour de son triomphe, ses soldats chantaient en chĹ“ur : Urbani, servate uxores, mĹ“chum calvum adducimus ! / Aurum in Galliâ effutuisti; at hic sumsisti mutuum. «Citadins, gardez bien vos Ă©pouses, voici que nous ramenons le libertin chauve! CĂ©sar, tu as rĂ©pandu en amour dans les Gaules tout l'or que tu as pris Ă  Rome !» Jules CĂ©sar fut l'amant de plusieurs reines Ă©trangères, entre autres d'EunoĂ©, femme du roi de Mauritanie. Il aima surtout avec passion la voluptueuse ClĂ©opâtre, reine d'Égypte, qui lui donna un fils qu'il eĂ»t voulu choisir pour hĂ©ritier. Ses ardeurs vĂ©nĂ©riennes s'Ă©taient tellement accrues, au lieu de diminuer avec les annĂ©es, qu'il convoitait toutes les femmes de l'empire romain, et qu'il eĂ»t souhaitĂ© pouvoir en disposer Ă  son choix. Il avait rĂ©digĂ© un singulier projet de loi, qu'il eut honte pourtant de prĂ©senter Ă  la sanction du sĂ©nat : par cette loi, il se rĂ©servait le droit d'Ă©pouser autant de femmes qu'il voudrait, pour avoir autant d'enfants qu'il Ă©tait capable d'en produire. L'infamie de ses adultères Ă©tait si notoire, raconte SuĂ©tone, que Curion le père, dans un de ses discours, l'avait qualifiĂ© mari de toutes les femmes et femme de tous les maris. La seconde partie de cette sanglante Ă©pigramme tombait Ă  faux, car, suivant l'histoire, CĂ©sar ne pĂ©cha qu'une seule fois dans sa vie par impudicitĂ©, c'est-Ă -dire en s'adonnant au vice contre nature (ce vice seul Ă©tait aux yeux des Romains un outrage Ă  la pudeur); mais ce honteux Ă©garement de CĂ©sar eut un si fâcheux Ă©clat, qu'un opprobre ineffaçable en rejaillit sur son nom dans le monde entier. La calomnie s'empara sans doute d'un fait, qui n'avait Ă©tĂ© qu'un accident de dĂ©bauche, et qui aurait passĂ© inaperçu, si les deux coupables n'eussent pas Ă©tĂ© Jules CĂ©sar et le roi Nicomède. CicĂ©ron rapporte, dans ses lettres, que CĂ©sar fut conduit par des gardes dans la chambre du roi de Bithynie ; qu'il s'y coucha, couvert de pourpre, sur un lit d'or, et que ce descendant de VĂ©nus prostitua sa virginitĂ© Ă  Nicomède (floremque aetatis Ă  Venere orti in Bithynia contaminatum). Depuis cette infâme complaisance, CĂ©sar se vit en butte aux ironies les plus amères, et il les supporta patiemment, sans y rĂ©pondre et sans les dĂ©mentir. TantĂ´t Dolabella l'appelait en plein sĂ©nat : la concubine d'un roi, la paillasse de la couche royale ; tantĂ´t le vieux Curion le traitait de lupanar de Nicomède et de prostituĂ©e bithynienne. Un jour, comme CĂ©sar s'Ă©tait fait le dĂ©fenseur de Nysa, fille de Nicomède, CicĂ©ron l'interrompit, avec un geste de dĂ©goĂ»t, en disant : « Passons, je vous prie, sur tout cela; on sait trop ce que vous avez reçu de Nicomède, et ce que vous lui avez donnĂ© ! » Une autre fois, un certain Octavius, qui se permettait tout impunĂ©ment, parce qu'il passait pour fou, salua CĂ©sar du titre de reine, et PompĂ©e, du titre de roi. C. Memmius racontait Ă  qui voulait l'entendre, qu'il avait vu le jeune CĂ©sar servant Nicomède Ă  table et lui versant Ă  boire, confondu qu'il Ă©tait avec les eunuques du roi. Enfin, quand CĂ©sar montait au Capitole, après la soumission des Gaules, les soldats chantaient gaiement autour de son char de triomphe : « CĂ©sar a soumis les Gaules, Nicomède a soumis CĂ©sar. Voici que CĂ©sar triomphe aujourd'hui pour avoir soumis les Gaules; Nicomède ne triomphe pourtant pas, lui qui a soumis CĂ©sar. » (Pierre Dufour, Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde: depuis l'antiquitĂ© la plus reculĂ©e jusqu'Ă  nos jours, Tome 2, 1851 - books.google.fr).

 

L'étymologie du nom qu'on donnait aux lieux de débauche, prenait sa source dans la fable de l'allaitement de Romulus et Rémus par une louve. Cette louve était Accia Laurentia, femme du berger qui recueillit les deux enfans exposés sur les bords du Tibre, et à qui la beauté de ses formes et la voracité connue de son appétit charnel avaient attiré, de la part de ses voisins, la qualification de lupa. Les courtisanes, qu'on voulut rendre odieuses par ume comparaison convenable à leur vie brutale, furent appelées louves, lupae, et leurs demeures lupanaria. (Lezciq. de Martin, verbo LUPANAR.; Chroniq. de Conrad, page 7 ; Suidas, pages 468, 751.) Leurs chambres ou cellules étaient ordinairement construites sous terre et voùtées, fornix : c'est de là que dérive le mot fornication, qui, dans la langue latine et dans la nôtre, exprime le commerce illicite des deux sexes. (BULENGER, Opusc. de Theatro, lib. I, pag. 251.) C'est dans ces réduits étroits, malsains, salis de la fumnée des lampes, dont tout le mobilier consistait le plus souvent en une mauvaise paillasse avec une converture rapiécée, que Messaline allait se livrer aux excès de la plus infâme luxure. Après avoir choisi les complices de sa lubricité, d'abord parmi les hommes d'une condition élevée, ensuite dans les rangs des prétoriens et des histrions, descendue aux dernières classes du peuple, l'impératrice, profitant du sommeil de l'imbécile Claude, quittait furtivement sa couche, couvrait ses cheveux noirs d'une perruque blonde, attribut de la débauche, et, enveloppée d'une cape de nuit, accompagnée d'une esclave, elle pénétrait dans le réceptacle de la prostitution. Là, sous le nom de la courtisane Lycisca, nue, la gorge contenue dans des réseaux d'or, elle provoquait par ses caresses tous ceux qui se présentaient à ses regards, et livrait à leurs ignobles transports les flancs qui avaient porté Octavie et Britannicus (Epigrammes de M. Val. Martial, Tome 2, traduit par Charles Louis Fleury Panckoucke, 1834 - books.google.fr).

 

"in quibus eum Dolabella pellicem reginæ, spondam interiorem regiæ lecticae ; ac Curio stabulum Nicomedis, et Bithynicum fornicem dicunt" (discours dans lesquels Dolabella l'appelle la rivale de la reine, la planche intérieure de la litière royale ; et Curion l'écurie de Nicomède, le mauvais lieu de Bithynie) (Oeuvres de Suetone, Jules César, 1862 - books.google.fr).

 

Martial se moque des chauves (V, 49 ; VI, 57; X, 83; XII, 45), alors que Domitien était chauve et le supportait mal (Suétone, Vies des douze Césars, « Domitien » 18; Juvénal, Satires IV, 38, l'appelle « le Néron chauve » (Étienne Wolff, Martial ou l'apogée de l'épigramme, 2016 - books.google.fr).

 

Néron Chauve ou Chauve Néron d'où peut-être par contraction en ancien français (avec le l de calvus) "Chaulveron" (Satires de D. J. Juvénal, Volume 1, traduit par A. V. D. P. Fabre de Narbonne, 1825 - books.google.fr).

 

La bataille de Bédriac eut lieu le 14 avril 69 ; ce lieu est situé près de San Andrea, aux environs de Crémone ; de ce fait, elle est parfois appelée «bataille de Crémone». Les soldats de Germanie, qui combattaient pour Vitellius, comptaient dans leurs rangs des Bataves et surtout la XXI e légion Rapax. Ils s'étaient reposés avant la rencontre, après leur longue marche. Les othoniens, eux, arrivèrent fatigués ; les officiers ne surent pas trouver un ordre de bataille satisfaisant, parce qu'ils avaient été conduits sur un site encombré par des arbres et des vignes. Parmi eux se trouvaient des troupes au moins médiocres, des gladiateurs et la Ire légion Adiutrix. Les vitelliens chargèrent, et ils engagèrent un corps à corps à l'épée. Malgré ses qualités, la XXI e Rapax fut d'abord repoussée par la Ire Adiutrix. Mais ses hommes réagirent et ils engagèrent une vigoureuse contre-attaque. Le centre othonien fut enfoncé et les chefs de cette armée prirent la fuite. Les vitelliens ne s'arrêtèrent que devant le camp ennemi, où s'étaient enfermés les vaincus. La défaite étant patente, Othon fit ce que devait faire un vrai Romain : il se suicida (Yann Le Bohec, Histoire des guerres Romaines: Milieu du VIIIe siècle avant J.-C. – 410 après J.-C., 2017 - books.google.fr).

 

Dion-Cassius, parlant du Combat de Bedriac, dit le Combat de Cremone, parce que Bedriac étoit plus près de Cremone, que de Verone. Mais Aurelius Victor dit qu'Otton fut mis en déroute à la Bataille de Verone ; en quoi il s’écarte du vrai lieu. Car Tacite marque expressement où étoit le champ de bataille par ces paroles : on jugea à propos d’avancer l'armée jusqu’à quatre milles de Bedriac. Le confluent de l’Adda & du Po est à 16. milles delà. Pline dit dans Bebriacenia bella, les guerres civiles de Bebriac. C’est peut-être à son imitation qu’Eutrope dit apud Bebriacum en parlant de la defaite de l'Empereur Otton. On peut conclure du passage de Tacite raporte que Bedriac étoit en allant de Cremone à Verone, à 20 milles Romains du confluent de l’Adda & du Po (Le grand dictionnaire geographique et critique, par M. Bruzen La Martiniere, Tome I, 1730 - books.google.fr).

 

Le "noir" qualifiant Rapax peut désigner la moralité de Vitellius.

 

La seconde bataille de Bedriac oppose Vitellius et les armées de Vespasien.

 

"main gauche" : boucliers

 

La main gauche (sinistra) servait à porter le bouclier lors de la parade militaire dans la Rome antique (Gaffiot). Les boucliers de l'armée vespasienne ont un rôle dans la bataille de Crémone (siège) qui succède à celle de Bédriac telle que la rapporte l'historien Tacite.

 

...quand une ville est prise de force, le butin appartient au soldat ; rendue , il est aux chefs. Déjà ils méconnaissent centurions et tribuns, et, pour que nulle voix ne puisse être entendue, ils frappent sur leurs boucliers, tout prêts à braver le commandement si on ne les mène à l'assaut (3,19).

 

Une baliste d'une grandeur extraordinaire, appartenant à la quinzième légion, écrasait les Flaviens avec d'énormes pierres. Elle eût fait dans leurs rangs un vaste carnage, sans l'action mémorable qu'osèrent deux soldats. Ils ramassent les boucliers sur le champ de bataille et vont, sans être reconnus, couper les cordes qui servaient au jeu de la machine. Ils furent percés de coups à l'instant, et leurs noms ont péri (3,23).

 

Alors les boucliers s'élèvent au-dessus des têtes, la tortue se forme, et l'on s'avance au pied des retranchements. C'était des deux côtés l'art puissant des Romains. Les Vitelliens roulent de pesantes masses de pierre, sondent avec des lances et de longues piques la tortue entr'ouverte et flottante, jusqu'à ce qu'ayant enfin brisé ce tissu de boucliers, ils renversent les hommes sanglants et mutilés et jonchent la terre d'un horrible débris (3,27).

 

Saper les retranchements, battre les portes, s'appuyer sur les épaules l'un de l'autre, et saisir, en s'élançant sur la tortue reformée, les armes et jusqu'aux bras des ennemis, n'est rien pour eux (3,28) Tacite, Histoires - Livre III (derniers mois de l'année 69 après J.-C.) - bcs.fltr.ucl.ac.be).

 

Typologie

 

La datation du quatrain 2159 se situe 2090 années après 69, l’année des 4 empereurs.

 

Le cycle de Cléostrate se nommait Octaëteris. Il comprenait huit années, au bout desquelles il prétendait que le soleil et la lune revenaient au même point. Harpalus, trouvant que cela n'arrivait pas, inventa le cycle de neuf ans. Méton, ne trouvant pas que le cycle de neuf ans eût mieux réussi que les autres, inventa le cycle de dix-neuf ans. On s'en est tenu là, comme Festus Aviénus le remarque dans les vers que je viens de citer. Ce cycle est encore en vogue, et s'appelle le Nombre d'or.

 

Il y a bien des brouilleries dans Vossius sur tout ceci.

 

Il cite Pline, au livre II chapitre XII touchant Cléostratus; il fallait citer le chapitre VIII. 3°. Il dit que l'Octaëtéride de Cléostratus comprenait 2090 ans et 22. On voit bien que l'imprimeur a brouillé les nombres ; mais le mot annorum est sans doute une méprise de l'auteur. Car ce cycle comprenait 2922 jours (Pierre Bayle, Beuchot, Dictionnaire historique et critique, 1820 - books.google.fr, Gerardus Joannes Vossius, De quatuor artibus popularibus, de philologia, et scientiis mathematicis: libri 3. De universae Mathesios natura et constitutione : cui subjungitur Chronologia mathematicorum, Volume 3 (1650), 1660 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Gérard Vossius).

 

Gérard–Jean Vossius est un disciple de Joseph Scaliger (auquel il succéda à Leyde), fils de Jules César Scaliger ami de Nostradamus. et ami de Martini qui nomme souvent les deux Scaliger dans ses ouvrages. Il produira à son tour un Etymologicon linguae latinae, paru posthume à Amsterdam en 1662, et qui marquera un net progrès sur le Lexicon philologicum, praecipue etymologicum de Martini : érudition moins touffue, mieux ciblée, plus critique. Leibniz dans la préface des Nouveaux essais sur l'entendement humain fait à Scaliger un emprunt explicite Pierre Lardet, Les ambitions de Jules–César Scaliger latiniste et philosophe (1484–1558), 2002 - www.phil-hum-ren.uni-muenchen.de).

 

Pierre Du Moulin (né en 1568 à Buhy et mort à Sedan en 1658) était installé depuis quatre ans en Angleterre lorsqu'il se résolut de rejoindre Leyde où son ami François du Jon professait la théologie. Il prend pension chez Joseph Juste Scaliger, où il rencontre des personnages distingués et de grand mérite et s'y fait de puissants amis (cf. quatrain X, 91).

 

L'Histoire Naturelle est notre principale source directe de renseignements sur la perception de la personne et du règne de Néron au début de l'ère flavienne. Si l'on excepte les quelques mentions à d'autres historiens tels que Cluvius Rufus et Fabius Rusticus chez Tacite, c'est donc dans cet ouvrage que l'on peut trouver l'origine de quelques-uns des principaux traits caractéristiques de l'image de ce prince depuis l'historiographie antonine jusqu'à nos jours. [...] C'est par exemple à Pline que nous devons de connaître de menus détails tels que la myopie de Néron et les bains de lait de Poppée promis à la postérité cinématographique. [...] Nous nous proposons de dégager ici les lignes essentielles de ce portrait dans leurs rapports avec l'idéologie de la dynastie flavienne à travers les divers témoignages (numismatiques, épigraphiques, urbanistiques) qui éclairent ou complètent les sources littéraires. Très proche des Flaviens, ancien contubernalis de Titus (NH, praef., 5), Pline l'Ancien est fondamentalement hostile à Néron sous le règne duquel il connut une période de semi-retraite avant de voir sa carrière encouragée  par Vespasien. L'antinéronisme atteint dans l'Histoire Naturelle une virulence inégalée. Les quelque soixante-quinze références à Néron que l'on peut trouver dans l'Histoire Naturelle ont presque toujours une connotation négative, rarement neutre, et jamais positive. Au demeurant, lorsqu'il aurait l'occasion d'aborder des aspects bénéfiques de l'œuvre de Néron, Pline évite soigneusement de présenter les choses sous un angle favorable au prince. La majeure partie des critiques de Pline à l'encontre de Néron et de son règne porte sur le développement effréné du luxe illustré et encouragé par l'empereur-citharède. Les attaques sur ce thème sont trop nombreuses pour être examinées en détail ici. C'est l'un des topoi les plus rebattus du moralisme diatribique, le locus de diuitiis, qui retrouve ici une vigueur et une actualité particulières dans la mesure où il répond à la fois à une nécessité politique et à une réalité sociologique propres à l'ère flavienne. La nécessité politique est de justifier les mesures d'économies prises par Vespasien pour redresser la situation financière de l'État compromise par la guerre civile et les extravagances néroniennes. L’Histoire Naturelle contient du reste une critique des manipulations financières de Néron en 64 abaissant le poids des aurei et des denarii (XXXIII, 47). Quand à la réalité sociologique, il s'agit du phénomène décrit par Tacite dans un texte célèbre (Ann., III, 55) évoquant la disparition de l'ancienne aristocratie dispendieuse et la promotion de la bourgeoisie municipale et provinciale plus économe, à l'image de Vespasien lui-même. Cette valeur exemplaire du prince, dont Vespasien était bien conscient en cultivant son image de ciuilis princeps, est bien soulignée dans les passages antinéroniens de l’Histoire Naturelle, où la poursuite effrénée du luxe et des richesses est le fait non seulement du souverain, mais aussi, par une sorte de mimétisme, de son entourage, en particulier sa femme Poppée et ses affranchis. En mêlant systématiquement le nom de l'empereur à la condamnation des dérèglements de son époque, Pline suggère la responsabilité de celui-ci, par une espèce de contagion du vice (François Ripoll, Néron et la propagande impériale flavienne, Néron: histoire et légende, 1999 - books.google.fr).

 

Certains présages mettant aux prises des oiseaux symboliques sont mentionnés, presque semblables et en tout cas comparables, pour les deux périodes troublées de 44-30 et 68-69, dont sortirent les puissances d'Auguste et Vespasien. C'est ce qui, selon le seul Suétone, est arrivé à Bédriac : sur le champ de bataille, avant que les armées d'Othon et Vitellius engagent le combat, deux aigles s'étaient battus sous les yeux de tous les soldats, et l'un d'eux ayant été vaincu, un troisième était survenu du Levant et avait chassé le vainqueur. Contrairement à ce que pense H. Ailloud dans sa note sur la Vie de Vespasien, je ne crois pas qu'il s'agisse de la simple variante d'un prodige rapporté par Tacite, puisque c'est exclusivement du destin d'Othon qu'il s'agit alors. En effet, le prodige mentionné par Suétone se produit sous les yeux des armées, contrairement à ce que raconte Tacite, et il s'agit d'aigles, et non pas d'un oiseau extraordinaire. Ce présage, selon Suétone, annonçait que Vespasien venu d'Orient allait prendre la place de Vitellius. Le fait que le troisième oiseau, venu d'ailleurs, surgisse après un premier combat, rendait inutiles les différences d'espèces. Il est intéressant que le miracle des aigles de Bédriac soit rapporté à propos de Vespasien, et non à propos de la guerre entre Othon et Vitellius ; il s'agit ainsi de toute évidence d'un aigle d'avènement (Annie Vigourt, Les présages impériaux d'Auguste à Domitien, 2001 - books.google.fr).

 

Pour "main gauche" voir quatrain I, 34 : "L'oyseau de proye volant à la senestre" (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

Il est regrettable que l’on doive faire appel à une coquille d’imprimeur œuvrant en 1650.

nostradamus-centuries@laposte.net