La régence d'Anne Beaujeu

La régence d'Anne Beaujeu

 

IX, 47

 

2138

 

Les soulz signez d'indigne delivrance,

Et de la multe auront contraire advis,

Change monarque mis en perille pence,

Serrez en cage se verront vis Ă  vis.

 

"Change monarque" et "multe"

 

"multe" : amende (Georges-Frédéric Burguy, Grammaire de la langue d'oïl: ou Grammaire des dialectes français aux XIIe et XIIIe siècles, Tome 3, 1870 - books.google.fr).

 

Louis XI meurt et sa fille Anne de Beaujeu assure la régence pour le compte de Charles VIII.

 

Charles VIII, âgé de treize ans, succède à son père, sous la tutelle d'Anne de France, dame de Bourbon-Beaujeu, sa sœur, âgée de vingt-deux ans. De là, des contestations de la part du duc d'Orléans, premier prince du sang, et de la part du duc de Bourbon, frère du seigneur de Beaujeu. Le duc d'Orléans réclame la régence et soumet la question aux États généraux.

 

Le conseil royal sacrifie à la vindicte publique maître Olivier le Daim, comte de Meulan, qui est pendu pour meurtres et pilleries. Le médecin Jacques Coictier en est quitte pour une amende de 50,000 écus.

 

La régence de France est déférée à la duchesse de Beaujeu, fille de Louis XI, par les États généraux du royaume convoqués à Tours; le conseil de régence est présidé par le duc d'Orléans, premier prince du sang. Les députations de Normandie et de Bourgogne avaient soutenu que le droit de nomination à la régence pendant la minorité du roi appartenait aux États généraux; les députés de Paris, d'Aquitaine, du Languedoc et des provinces de l'intérieur du royaume s'étaient opposés à cette prétention et l'avaient fait abandonner. Les États demandent l'abolition de la taille et des autres impôts arbitraires, et qu'à l'avenir, le consentement des États du royaume soit nécessaire pour l'établissement de toutes nouvelles taxes; on autorise la levée des impòts existants du temps de Charles VII, mais à titre de don, de concession, et pour deux ans seulement (C. Mullié, Fastes de La France [ou Faits chronologiques, synchroniques et géographiques de l'histoire de France, 1859 - books.google.fr).

 

Louis d'Orléans était devenu premier prince du sang. Les Beaujeu ne manquèrent pas de reconnaître ce statut et lui accordèrent quantité de faveurs. Il fut d'abord décoré de l'ordre de Saint-Michel. Pour augmenter ses revenus assez faibles, assez faibles, on lui octroya les amendes et confiscations pour le duché d'Orléans ainsi que la jouissance des gabelles sur toute l'étendue de ses domaines. Le trésor lui accorda parallèlement une pension de 24 000 livres, une compagnie de cent lances et le très prestigieux gouvernement militaire de Paris et de l'Île-de-France. Tous ces avantages financiers et honorifiques auraient dû contenter le duc et le rendre docile au nouveau gouvernement. Il n'en fut rien. Si Louis accepta tous les dons et charges qu'on lui offrait, il ne s'abstint pas pour autant de contester le testament de Louis XI et revendiqua le gouvernement de Charles VIII. Afin de clarifier une situation ambiguë, Pierre de Beaujeu, par l'intermédiaire du jeune roi, convoqua les états généraux pour le 1er janvier 1484. Très vite, les députés furent mis devant les faits; les grandes réformes étaient pour plus tard. On les avait convoqués seulement pour approuver la décision royale. Globalement, les députés ne s'opposèrent pas aux souhaits de Louis XI (Didier Le Fur, Louis XII, 2016 - books.google.fr).

 

Le duc d'Orléans, poussé à bout par les tracasseries d'Anne de Beaujeu, cherche à se faire un parti contre elle. Il tente d'enlever le roi et échoue; de son côté, la régente tente de l'enlever lui-même au milieu de Paris, et les gens apostés pour l'exécution ne le manquent que de quelques minutes (C. Mullié, Fastes de La France [ou Faits chronologiques, synchroniques et géographiques de l'histoire de France, 1859 - books.google.fr).

 

"delivrance"

 

On sait que les rois avaient l'habitude, pour leur joyeux avènement, de dĂ©livrer les prisonniers : Anne de Beaujeu requit le parlement de Paris de permettre un Ă©largissement de prisonniers. Le parlement refusa et rĂ©pondit expressĂ©ment, par un arrĂŞt dont copie fut envoyĂ©e aux autres cours du royaume "que le roi seul pouvait accorder cette faveur" (RenĂ© A. de Maulde-La Clavière, ProcĂ©dures politiques du règne de Louis XII, 1885 - books.google.fr).

 

"en cage" : la guerre folle

 

Exaspéré, Louis d'Orléans forma une ligue assez semblable à celle qui avait tant ennuyé Louis XI, sous le nom de Ligue du Bien Public, avec Maximilien d'Autriche et le duc de Lorraine. Cette fois, la menace se précisait et Anne envoya le Maréchal de Gié arrêter Louis. Elle avait des espions, mais il avait les siens et, averti, s'enfuit en cours de route sous le prétexte de faire courir ses chiens et se réfugia chez sa sœur, l'abbesse de Fontevrault (Hedwige de Chabannes, Isabelle de Linarès, Anne de Beaujeu, 1955 - books.google.fr).

 

A peine cette ligue dangereuse Ă©tait-elle formĂ©e que Dunois osa rentrer dans le royaume, aller Ă  Parthenai dans le Poitou, et rĂ©pondre avec fiertĂ© aux interpellations des officiers du roi. La ligue Ă©tait encore secrète pour Madame et son conseil; mais la dĂ©marche hardie de Dunois lui fit soupçonner aisĂ©ment qu'une grande conspiration allait Ă©clore : le duc d'OrlĂ©ans pouvait seul en ĂŞtre le chef; elle rĂ©solut de le faire arrĂŞter. Ce prince Ă©tait Ă  OrlĂ©ans; il ne paraissait occupĂ© que de bals, de chasses, de joutes et de tournois. Le marĂ©chal de GiĂ© reçut l'ordre de le conduire Ă  la cour de grĂ© ou de force : le duc parut si disposĂ© Ă  se conformer aux dĂ©sirs de Madame que le marĂ©chal partit sans aucune mĂ©fiance pour aller annoncer son arrivĂ©e Ă  madame de Beaujeu, qui Ă©tait alors Ă  Amboise; mais Ă  peine fut-il en route que d'OrlĂ©ans, prenant des routes dĂ©tournĂ©es, s'enfuit vers la Bretagne : les amis du prince prirent les armes dans la Guienne; Madame fit renfermer dans des cages de fer quatre des confĂ©dĂ©rĂ©s, Geoffroy de Pompadour, Ă©vĂŞque de PĂ©rigueux et grand aumĂ´nier du roi, George d'Amboise, Ă©vĂŞque de Montauban, Bussi d'Amboise et Commines, et, ne voulant pas donner le temps Ă  ses ennemis d'exĂ©cuter le vaste plan qu'elle avait dĂ©couvert, elle marcha Ă  grandes journĂ©es vers la Guienne Ă  la tĂŞte d'une armĂ©e, avec le roi, le comte de Beaujeu, le comte de Montpensier et le comte de VendĂ´me : sa prĂ©sence si imprĂ©vue et le soin avec lequel elle rĂ©pandit le bruit qu'elle venait de se rĂ©concilier avec le duc de Lorraine, et de conclure une trève avec Maximilien, consternèrent les insurgĂ©s (Bernard Germain Etienne de La Ville sur Illon de La CĂ©pède, Histoire gĂ©nĂ©rale, physique et civile de l'Europe, Tome 11, 1826 - books.google.fr).

 

La bataille de Saint-Aubin-du-Cormier le 28 juillet 1488 marque la fin de la révolte contre le pouvoir royal. Louis d'Orléans avait alors connu une longue captivité jusqu'en 1491 (Lucien Bély, La France moderne: 1498-1789, 1994 - books.google.fr).

 

Loches

 

Après la mort de Louis XI, Commines perdit beaucoup de la grande faveur dont il avait joui auprès de ce prince. Son esprit souple et peu scrupuleux le portait naturellement Ă  l'intrigue; il ne craignit pas de s'engager dans une ligue formĂ©e contre Anne de Beaujeu, et de vendre au duc de Bretagne les secrets de la cour de France, comme il avait vendu Ă  Louis XI les secrets de la cour de Bourgogne. Les preuves de sa trahison tombèrent entre les mains de la rĂ©gente : arrĂŞtĂ© avec Geoffroy de Pompadour, grand-aumĂ´nier de France, et Georges d'Amboise, Ă©vĂŞque de Montauban, il fut conduit au château de Loches, et enfermĂ© dans une cage Ă  prisonniers, «rigoureuses prisons, couvertes de pattes de fer par le dehors et par le dedans, avec terribles ferrures, de quelques huit pieds de large, de la hauteur d'un homme et un pied de plus. Le premier qui les devina fut l'evesque de Verdun, qui en la première qui fut faicte fut mis incontinent, et y a couchĂ© quatorze ans. Plusieurs, depuis, l'ont maudit, et moi aussi qui en ai tastĂ© soubs le roy prĂ©sent huict mois». C'est lĂ  qu'il commença, dit-on, la rĂ©daction de ses mĂ©moires (Edmond Gautier, Histoire du donjon de Loches, 1881 - books.google.fr).

 

Au dĂ©but du XVe, le donjon et ses deux chemises sont enveloppĂ©s de nouvelles constructions : une puissante tour d'angle appelĂ©e la «tour ronde». Des travaux de dĂ©fense sont rĂ©alisĂ©s Ă  l'entrĂ©e du pont-levis et le bâtiment du «Martelet». Cette construction comprend un Ă©tage donnant sur cour, et trois Ă©tages de cachots creusĂ©s dans le rocher. Cinquante ans plus tard, après la pacification du royaume, ces constructions sont transformĂ©es en prison. La tradition veut que le duc de Milan, Ludovic le More, ait Ă©tĂ© emprisonnĂ© Ă  l'Ă©tage infĂ©rieur du «Martelet» de 1500 Ă  1508. Il serait l'auteur du semis d'Ă©toiles et des inscriptions, encore visibles, sur les murs du cachot. On raconte que le cardinal de la Balue fut enfermĂ© dans une des cages dont il Ă©tait l'inventeur et qu'on appelait fillettes en raison de ses dimensions (1,50 m x 1,75 m). La nuit, les cages Ă©taient suspendues Ă  plusieurs mètres du sol, pour dĂ©courager toutes tentatives de fuite (Marcelle Baby-Pabion, L'art mĂ©diĂ©val en France, 2016 - books.google.fr).

 

"perille pense"

 

Comines rapporte que La Ballue ayant persuadé au Roi de faire faire des cages de fer pour enfermer ceux qui l'auroient offensé, il y fut mis le premier & y demeura tout le tems de la prison, puni par un juste jugement du même supplice qu'il avoit inventé pour les autres; comme il étoit arrivé à Perillus qui fut mis le premier dans le taureau d'airain qu'il avoit fait fabriquer par ardre du tiran Phalaris (Jean Claude Fabre, Histoire ecclesiastique, pour servir de continuation à celle de seu mr. Fleury, Tome 23 : Depuis l'an 1456 jusqu'en 1484, 1726 - books.google.fr, Les memoires de messire Philippe de Comines, seigneur d'Argenton, contenans l'histoire des roys Louys 11. & Charles 8. depuis l'an 1464 iusque en 1498, 1649 - books.google.fr).

 

"pence" pour "panse" (du Taureau de Phalaris) (Oeuvres complètes de Eustache Deschamps, Tome 10, 1901 - books.google.fr).

 

Pythagore passa en Sicile & aborda à Agrigente, où regnoit alors Phalaris, connu par le taureau d'airain, où il faisoit brûler tout vifs ceux qu'il soupçonnoit d'en vouloir à sa vie ou à son Gouvernement. Il l'avoit fait faire avec un tel artifice, que les cris des misérables qu'on y renfermoit imitoient les mugissemens du taureau. L'inventeur de cette terrible machine (Pérille) l'éprouva le premier : digne récompense d'un tel Ouvrier (Isaac de Larrey, Histoire des sept Sages, Tome 2, 1734 - books.google.fr).

 

Acrostiche : LECS

 

Loches est appelée Leuga dans la Chronique de Tours (Bulletin archéologique de l'Association bretonne, 1906 - books.google.fr).

 

Liège, Loches, Loché, au S. E. de Tours, relèvent de la même famille. Le Lech, rivière d'Augsbourg, et le Lek, bras du Rhin, doivent leur nom à leuga, lieue Dans diverses provinces françaises, rapporte A. Grenier, les pierres dressées sont dites lechs. Manuel d'arch., II, p. 73. Nous croyons qu'il s'agit d'antiques milliaires marquant des lieues (Paul Auguste Piémont, La Toponymie: conception nouvelle, le sens des noms de champs, des noms de localités en pays roman et germanique, 1969 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 2138 sur la date pivot 1483 donne 828.

 

Les comtes Etichonides Matfrid d’Orléans et Hugues de Tours sont destitués par l’empereur Louis le Pieux pour avoir refusé de combattre les Sarrasins en Espagne (fr.wikipedia.org - Année 828).

 

Eudes d'Orléans, né vers 770/790 et mort en 834, était un noble franc, proche des Carolingiens. Il porta le titre de comte d'Orléans à partir de 828, jusqu'à sa mort. Il périt le 25 mai 834 au cours d'un duel contre Matfrid d'Orléans allié au comte Lambert Ier de Nantes, qui ont rejoint les bancs de la rébellion des princes Lothaire Ier et Pépin d'Aquitaine contre leur père, le roi Louis le Pieux (fr.wikipedia.org - Eudes d'Orléans").

 

En 840, Charles le Chauve fit don du château de Loches (Lucca en latin) à Adaland, pour lutter contre les Normands, avec le gouvernement de deux parties d'Amboise (Edmond Gautier, Histoire du donjon de Loches, 1881 - books.google.fr).

 

nostradamus-centuries@laposte.net