La Provence attaquée

La Provence attaquée

 

III, 4

 

1707-1708

 

Quand seront proches le defaut des lunaires,

De l'vn Ă  l'autre ne distant grandement,

Froid, ficcité, dangers vers les frontieres,

Mesme ou l'oracle a pris commancement.

 

"Froid, siccité" : climat

 

Même si l’hiver 1706-1707 est plus froid, gelant quelques arbres de la région, il est sans commune mesure avec celui à venir. L’année 1708 en revanche voit le climat se dérégler : l’hiver est très doux et dès janvier, les blés d’hiver verdissent. Mais le printemps n’est pas très beau et mai ramène quelques gelées matinales, car le mistral, qui empêche en général leur formation, concerne moins Grasse que le littoral.

 

Dans la nuit du 5 au 6 janvier 1709, le royaume de France subit soudainement les vagues d’un froid terrible. En l’espace de quelques heures, elles parcourent le territoire, enfouissant à midi toute la moitié nord, sauf la Bretagne, sous la neige et le gel. Vers 16 heures, Avignon ressent les premières baisses de températures et le 7 janvier, les hautes pressions installent le froid sur tout le pays. Dans ses mémoires, le duc de Saint Simon constatera : «L’hiver, comme je l’ai déjà remarqué, avoit été terrible, et tel que, de mémoire d’homme, on ne se souvenoit d’aucun qui en eût approché» (Karine Deharbe, Le grand hiver de 1709 en Provence : l'exemple de Grasse - books.google.fr).

 

On lit dans la Relation de Turin que la chaleur était étouffante pendant le siège de Toulon (Jean-Marie Martin, La guerre de Succession d’Espagne : l’armée des Alpes et le siège de Toulon Revue historique des armées n° 258, 2010, - journals.openedition.org).

 

"dangers vers les frontières"

 

À la suite de la succession d’Espagne, l’empereur avait formé avec la plupart des princes allemands, l’Angleterre et la Hollande une «Grande Alliance» contre la France. [...] Au commencement de l’année 1707, les alliés avaient décidé d’attaquer la France sur toutes ses frontières (Jean-Marie Martin, La guerre de Succession d’Espagne : l’armée des Alpes et le siège de Toulon Revue historique des armées n° 258, 2010, - journals.openedition.org).

"MĂŞme oĂą l'oracle a prins commancement"

 

On pense à la Provence du prophète Michel de Nostredame.

 

C’était bien la Provence, avec le port de Toulon, qui était l’objectif de la coalition. L’Angleterre et la Hollande avaient imposé cette expédition à la fin de l’année 1706, dans un conseil présidé à Londres par la reine Anne qui avait promis le secours d’une flotte anglaise et six millions de subsides. [...] En juillet 1707, une armée de 40000 hommes conduite par le duc de Savoie et le prince Eugène, soutenue par les flottes anglaise et hollandaise, avait passé le Var dans l’espoir de surprendre la place de Toulon dégarnie de troupes et de détruire la puissance de la France en Méditerranée. On rappelle en quelques pages la glorieuse défense de Toulon : l’appel à la résistance du comte de Grignan, la participation de la population au rétablissement des fortifications, la marche extraordinaire de l’armée des Alpes pour entrer dans la ville avant les ennemis, la défense héroïque des forts, la bataille de Faron, le bombardement de Toulon, la levée du siège, le retour précipité de l’armée d’invasion en Italie. [...]

 

Le maréchal de Tessé arriva à Toulon le 10 août avec 18 bataillons qu’il campa entre Missiessy et Saint-Antoine, où il établit son quartier général. Pour protéger Aix et Marseille, il avait envoyé le général Médavi avec 6 bataillons et 42 escadrons dans la plaine de Saint-Maximin et laissé trois régiments de dragons au Beausset (Jean-Marie Martin, La guerre de Succession d’Espagne : l’armée des Alpes et le siège de Toulon Revue historique des armées n° 258, 2010, - journals.openedition.org).

 

"deffaut" : Ă©clipse

 

1706 avait été l'année de l'éclipse de soleil, totale sur la Provence à la date du 12 mai, et de sinistre présage à cette époque. 1707, celle du siège de Toulon par les troupes du duc de Savoie, ayant suscité de vives alarmes dans toute la contrée. 1709, celle du terrible hiver responsable de pénurie et de famine générales, au point que les plus pauvres des Pennois ont dû abandonner leur village pour grossir l'armée de vagabonds du terroir en marche vers Marseille (Georges Reynaud, Le logis de l'assassin, une affaire criminelle en Provence au XVIIIe siècle, 1996 - books.google.fr).

 

Une éclipse de lune a lieu le 29 septembre 1708 et une de soleil le 12 septembre (Mémoires de l'académie des sciences, Volume 2, 1775 - books.google.fr).

 

Cf. quatrain suivant III, 5.

 

Acrostiche : QD FM

 

FM : filius matri (Abréviations tirées du «Dictionnaire des Abréviations latines et italiennes» de A.Capelli).

 

QD : quod (Recueil d'Ă©tudes de Charles Samaran, une longue vie d'Ă©rudit, Volume 31, Partie 2, 1978 - books.google.fr).

 

A l'angle d'une maison (à Garéoult au nord de Toulon, Var), une inscription latine : L. IVLIO. REBVRRO. PAT... I... / TVI... if... dis... F... MATRI : L. IVLIO. Lucio Julio Reburro, Patri. / F... MATRI. Filius matri (Gustave Karl Baron von Bonstetten, Carte Archéologique du Département du Var, 1873 - books.google.fr).

 

Inscription à Allifae, aux confins de Samnium et de la Campanie, dans la vallée du Volturne, qui donne l'archétype : quod filius matri (vel patri) debuit facere, mors (immatura) effecit, ut faceret mater (vel pater) (sed sine dubio falsa est (?)) (Ivan Ilich Kholodniak, Carmina sepulcralia latina, 1897 - archive.org).

 

Exemple : quod filius matri debuit / facere, mater fecit / filio (CIL X 246: Grumentum en Lucanie) (Giuseppe Camodeca, Note sull'Irpinia in etĂ  romana, in Studi sull'Irpinia antica, Napoli 2021 - www.academia.edu).

 

Le château de La Roque à Roquebrussanne près de Garéoult est détruit par les troupes piémontaises en 1707 (Var, Petit Futé, 2019 - books.google.fr).

 

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