Le Pacte de Famine

Le Pacte de Famine

 

III, 34

 

1729-1730

 

Quant le deffaut du soleil lors sera,

Sur le plain iour le monstre sera veu,

Tout autrement on l'interpretera,

Cherté n'a garde, nul n'y aura pourveu.

 

"deffaut" : Ă©clipse

 

Cassini observa à Paris l'éclipse de soleil le 15 juillet 1730 à son lever. L'observation fut faite aussi à Pekin, par les PP. Ignace Kegler, & André Pereyra, de la Société de Jesus et à Wittemberg en Saxe, par M. Jean-Frederic Weidler, Docteur en Droit, Professeur de Mathématiques, de l'Académie de Berlin, & de la Société Royale (Histoire de l'Academie royale des sciences, 1732 - books.google.fr, Transactions philosophiques de la Société royale de Londres, Volume 4, 1739 - books.google.fr).

 

Le Pacte de famine

 

On a désigné dans le public, vers la fin du règne de Louis XV, sous le nom de Pacte de famine les opérations du gouvernement relatives aux blés et farines, et, plus spécialement, surnom du traité Malisset, signé en 1765 et révélé en 1767.

 

Sous l'Ancien rĂ©gime, l'on Ă©tait persuadĂ©, et cela bien Ă  tort, que la moyenne des rĂ©coltes de grains Ă©tait suffisante Ă  la consommation nationale. L'exportation des blĂ©s et farines Ă©tait en gĂ©nĂ©ral interdite, afin qu'une annĂ©e pĂ»t compenser l'autre. L'administration des blĂ©s du roi, bureau qui date du règne de Louis XIV, Ă©tait chargĂ©e, Ă  l'intĂ©rieur et Ă  l'Ă©tranger, de faire des achats publics, soit pour constituer des rĂ©serves, soit pour approvisionner l'armĂ©e et la marine : c'est par l'intermĂ©diaire et sur les renseignements des intendants de province qu'avaient lieu ces opĂ©rations. Le commerce intĂ©rieur Ă©tait sujet Ă  mille entraves (octrois, pĂ©ages, douanes provinciales, difficultĂ© des communications): or le gouvernement avait tout intĂ©rĂŞt Ă  ce que le paysan vendĂ®t bien son blĂ©, car c'Ă©tait avec le prix de cette vente que les impositions Ă©taient payĂ©es. Mais, en cas de famine ou de disette rĂ©elles, l'opinion publique accusait toute chose, exceptĂ© le ciel. Sans doute les horribles misères de l'annĂ©e 1709 furent encore accrues par le dĂ©sordre des finances, par une guerre aussi longue que malheureuse, par la panique des uns et la cupiditĂ© des autres. Mais on croit rĂŞver Ă  lire ce passage de Saint-Simon :

«Il est évident qu'il y avait pour deux années entières de blés en France, indépendamment d'aucune moisson. Beaucoup de gens entrent que Messieurs des finances avaient saisi cette occasion de s'emparer des blés pour les vendre au prix qu'ils y voudraient mettre au profit du roi, sans oublier le leur [...]. Sans porter de jugement précis sur qui l'inventa, on peut dire qu'il n'y a guère de siècle qui ait produit un ouvrage plus obscur, plus hardi, d'une oppression plus cruelle. Les sommes qu'il produisit furent immenses, et innombrable le peuple qui mourut de faim réelle, à la lettre.»

 

Accusations aussi graves que vagues, mais qui tombent principalement sur les intermĂ©diaires, sur les traitants : car ces mots «le profit du roi» ne peuvent se traduire autrement que par «le bĂ©nĂ©fice du TrĂ©sor».

 

C'est Ă  partir de 1730 que le gouvernement commence Ă  s'occuper avec suite des subsistances de Paris : Ă  cet effet, le contrĂ´leur gĂ©nĂ©ral des finances Orry autorisa par bail une compagnie de capitalistes. S'agissait-il pour le roi de paraĂ®tre paternel, d'exercer sa sollicitude Ă  l'Ă©gard de ses peuples, de prĂ©venir les augmentations du prix du pain dans la capitale ? Etait-ce, avant l'invention du mot, une expĂ©rience de socialisme d'Etat? Ces explications ne sont pas opposĂ©es au caractère de la monarchie absolue, ni mĂŞme Ă  ce principe que les meilleurs esprits regardaient comme incontestable :

 

«l'État doit à tous les citoyens une subsistance assurée» (Esprit des lois, XXIII, 29).

 

Quelles qu'aient été les intentions, les résultats furent mauvais. Le public parut perdre aux opérations du gouvernement, et fut persuadé que le gouvernement y gagnait. Le frère d'un ministre de Louis XV note dans son journal :

 

«27 août 1752. Le bruit se répand beaucoup que le roi se mêle aujourd'hui du commerce des blés, et, comme le prix en augmente chaque jour malgré l'abondance de la récolte, cela fait un effet dangereux. On prétend qu'il se fait de grands enlèvements. Je le croirais bien : car cette compagnie des vivres du royaume dont m'a parlé dernièrement M. H... songe sans doute à acheter ou arrher des blés au plus tôt, pressée par des ordres supérieurs ou par son intérêt. Comptant de clerc à maître, le prix d'achat ou d'arrhe ne lui coûte rien Le gouvernement veut se rendre maître du prix des vivres. Je commence à croire ce que j'ai vu le plus tard possible, que M. de Machault prétend faire ressource au roi d'un gros bénéfice sur les grains. Poussé à cela par les financiers qui l'entourent, par Bourret et par les amis de la marquise de Pompadour, on lui déguise le monopole en bien public. Qu'il y soit de bonne foi ou non, ces gens-là voudront gagner beaucoup. On les laissera faire et on y participera...»

 

Un peu plus loin on lit :

 

«3 octobre 1752. On est très mécontent de M. de Courteille, intendant des finances, qui a le département de l'abondance et du commerce des blés, et qui n'a pu empêcher que la disette ne fût plus grande que jamais dans une année de bonne récolte. Les soins que l'on se donne favorisent le monopole et alarment le peuple. On dit que, dans les marchés, les subdélégués [des intendants] ne paraissent qu'accompagnés de satellites. On défend aux gens du lieu d'acheter des blés. On veut faire foisonner les marchés et il n'en vient plus. Le bruit est à Paris que le roi gagne sur les blés. Enfin cela ne saurait aller plus mal.» (Journal du marquis d'Argenson, aux dates) (H. Monin, La grande encyclopédie: inventaire raisonné des sciences, 1885 - books.google.fr).

 

En 1768, Le Prévost de Beaumont (1726 - 1823) croit pouvoir dénoncer devant le Parlement de Normandie un «pacte de famine», soit la constitution d'un monopole de fait sur le grain et l'enrichissement de hauts fonctionnaires. Bien que non étayée, la formule fut reprise et alimenta l'idée de la responsabilité directe des «accapareurs» pour les famines qui frappèrent la France dans les années 1767-1769, 1775-1778 et 1788-1789. Le Prévost de Beaumont fut emprisonné pendant 22 ans (fr.wikipedia.org - Libéralisation du commerce des grains sous l'Ancien Régime).

 

Selon Beaumont, Louis XV, durant la disette de 1729, encouragea l'organisation dite le pacte de famine, combinaison odieuse qui permit Ă  une compagnie de monopoleurs de spĂ©culer sur les blĂ©s pendant 60 ans (1729 Ă  1789), et de rĂ©aliser des bĂ©nĂ©fices Ă©normes. Cette association, protĂ©gĂ©e par la Cour, n'avait pas pour but de prĂ©venir les famines ; elle avait Ă©tĂ© organisĂ©e contre le peuple et les pauvres, en faisant naĂ®tre des disettes factices quand elles n'Ă©taient pas rĂ©elles (MĂ©moires, SociĂ©tĂ© d'agriculture d e Seine-et-Oise, Versailles, 1880 - books.google.fr).

 

"plein jour"

 

Beaumont note les différentes famines qui ont eu lieu de la fin du XVIIe siècle au XVIIIe.

 

De là conséquemment les famines, les disettes, les misères générales de 1693, 1694, 1709, 1718, 1720, 1725, 1729, 1737, 1741, 1743, 1750, 1751, 1752, 1760, 1763, 1767, 1768, 1770 et autres époques que je ne puis me rappeler à la mémoire, à cause de mes papiers dérobés par le sieur de Sartines, au moment qu'il m'a fait enlever et transférer de violence à Vincennes (Jules-Édouard Alboise Du Pujol, Histoire de la Bastille, 1844 - books.google.fr).

 

Toute la France est en allarmes,

Un chacun ne fait pas pourquoi,

C'est dit l'un, parce que le Roi

Veut faire de nouveaux Gendarmes,

Pour achever par leurs vacarmes

A mettre pour jamais fon Peuple en désarroi.

 

L'autre dit que c'est la Famine

Qui désole toute la Cour,

Et fait que le monde en plein jour

Murmure par tout & rumine,

Parce que faute de Farine

On craint de voir bien-tĂ´t Ă  beau jeu, beau retour. (La Quintessence des Nouvelles, Tome 1, 1693 - books.google.fr).

 

"monstre de famine"

Chez nos pères, du temps d'Ambroise Paré, la naissance d'un monstre était considérée comme une la naissance d'un monstre était considérée comme une calamité publique, faisant présager une guerre ou une famine (Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, Philosophie anatomique des organes respiratoires sous le rapport de la détermination et de l'identité de leurs pièces osseuses, Tome 2, 1822 - books.google.fr).

 

"L'horrible monstre de Famine" tient "sa principale demeure ou vestibule d'enfer", "qui avoit en sa compagnie Defformité, Souffreté, Foiblesse, Meschanceté, Vilanie, Pourriture, Puanteur, Salleté et Horreur" (Jean Thenaud, Le triumphe des vertuz, Tome 2, 1997 - books.google.fr).

 

Le premier volume contenant le Triumphe de Prudence et le Triumphe de Force fut présenté à François Ier en 1517 ; le second volume renfermant les deux derniers triomphes (Justice et Tempérance) fut achevé à la fin de l’année 1518 et offert au roi au printemps de 1519 (Roland Guillot, Jean Thénaud, Le Triumphe des vertuz. Quatrième traité Le triumphe de temperance (Bnf, ms. fr. 144), édition critique par Titia J. Schuurs-Janssen et René E. V. Stuip. In: Réforme, Humanisme, Renaissance, n°71, 2011 - books.google.fr).

 

"interpretera"

 

Henri Martin dans son Histoire de France, tome XIII, p. 298, avant Maxime du Camp en 1860, racontant le Pacte de Famine, cite le Moniteur de 1789, et dit : Tous les faits sont vrais, mais interprĂ©tĂ©s par la passion enflammĂ©e de l'Ă©poque.

 

L'archiviste du Loiret, M. Doinel, fit insĂ©rer dans la RĂ©publique Française (1884, aoĂ»t 19, 21 et 26), des articles ayant pour titre : «Le Pacte de Famine» dans lesquels, en faisant ressortir les accusations portĂ©es par le Moniteur et LeprĂ©vost, il soutient chaleureusement ceux-ci, en s'appuyant sur les documents extraits des Archives dĂ©partementales d'OrlĂ©ans. Ces articles ne sont intĂ©ressants que parce qu'ils montrent comment un homme prĂ©venu interprète des documents qui, en rĂ©alitĂ© n'ont aucunement la signification qu'il leur donne.

 

Le rôle de Leprévost dans la légende fut tout à fait secondaire et que cette légende fut le résultat des multiples racontars qui couraient dans toute la France sans qu'il soit possible de les attribuer à quelqu'un.

 

Sur une suspicion innée ou excité par les remontrances du Parlement de Rouen, peut-être aussi par une foi profonde dans l'existence des monopoleurs des blés, conviction très répandue à cette époque, et non sans raison, Leprévost attribua aux documents trouvés leur signification voulue. Probablement la correspondance qu'il feuilleta lui donna de nouveaux soupçons, parce qu'il est facile d'admettre qu'il existait des abus dans la Société Malisset. Les preuves ne manquent pas (Georges Afanassiev, Le Pacte de Famine, Séances et travaux de l'Académie des Sciences Morales et Politiques, Volume 134, 1890 - books.google.fr).

 

"disette" et "défaut"

 

"Defectus" : DĂ©faut, disette, manque d'une chose (Pierre Danet, Dictionarium novum latinum et gallicum, 1680 - books.google.fr).

 

XIIIe siècle, disiete, disgete, disete. Peut-être emprunté du grec byzantin disekhtos (transcription du latin bissextus), «année bissextile, année de malheur» (www.dictionnaire-academie.fr).

 

Vous voyez par-là qu'il y a une différence marquée entre la disette réelle & la disette relative. J'appelle disette réelle le défaut de bled, & la disette relative, le haussement du prix courant. Une nation riche pourra payer cher sans s'appauvrir. Mais quand même elle payeroit au plus haut prix, elle ne diminue pas par son or la disette réelle (Jean-Baptiste-René Robinet, Dictionnaire universel des sciences morale, économique, politique et diplomatique; ou Bibliothèque de l'homme-d'Etat et du citoyen, Tome 20, 1781 - books.google.fr).

 

Acrostiche : QS TC

 

TC : tunc ; QS : quasi (Auctores latinae linguae, in usum redacti corpus, 1602 - books.google.fr).

 

Dieu est adorĂ© & grandement louĂ© en ses saints : Ă  quopy le Psalmiste nous inuite disant : Laudate Dominum in sanctis eius. Outre ce, qui ne sçait combien meritent estre reuerĂ© les saincts Temples du Sainct Esprit, & leurs saincts os & cendres, qui resplendiront un jour au Ciel, Et tanquam scintilla in arundineto discurrent, comune des estoilles fort luisantes du Ciel dict le Prophete Daniel : Qui autem docti fuerint, fulgebunt quasi splendor firmamenti : & qui ad iustitiam erudiunt multos, quasi stellae in perpetuas aternitates, ainsi comme Soleils, dict nostre Sauveur en Sainct Mathieu, Tunc iusti fulgabunt sicut sol in Regno patris eorum. Et beaucoup plus que ce Soleil, que nous voyons maintenant : lequel aussi se surpassera lors soy-mesme, dict le Prophete Esaye parlant de ces temps la, Et erit lux luna, sicut lux solis, & lux solis erit septempliciter sicut lux septem dierum in die, qua alligauerit Dominus vulnus populi sui, & percussuram plagae eius sanauerit : Nimis (nostre bon Dieu) honorati sunt amici tui. Et de faict on ne doit pas honneur Ă  autres apres vous, qu'a eux : puis que l'honneur est le prix & la recompense seulement de la vertu, qui fut en eux tant solide, vrays, forte & constante (Giovanni Battista Possevino, Discours de la vie de Sainct Charles Borromee, cardinal, traduit par A. C., 1611 - books.google.fr).

 

Chapitre 24 de Mathieu, on retrouve famine et soleil :

 

3. Il s'assit sur la montagne des oliviers. Et les disciples vinrent en particulier lui faire cette question: Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ?

 

7. Une nation s'élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des tremblements de terre.

 

29. Aussitôt après ces jours de détresse, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées (newchristianbiblestudy.org).

 

Ces pluriels (les guerres, les famines) dans le discours de Matthieu sont remarquables ; ils prouvent qu'il ne s'agit point de quelque fait particulier, mais de toute une catĂ©gorie de calamitĂ©s du mĂŞme genre qui continueront Ă  dĂ©soler l'humanitĂ©, d'Ă©poque en Ă©poque, après le dĂ©part du Christ et jusqu'Ă  la fin des choses (FrĂ©dĂ©ric Godet, Introduction au Nouveau Testament, Introduction particulière, Tome 2, 1904 - books.google.fr).

 

La Passion selon saint Matthieu (BWV 244) (en latin Passio Domini nostri Jesu Christi secundum Evangelistam Matthæum, c'est-à-dire en français Passion de notre Seigneur Jésus-Christ selon l'Évangéliste Matthieu, connue en allemand sous le nom de Matthäus-Passion) est un oratorio de Bach exécuté probablement pour la première fois le Vendredi saint 1727. L'œuvre a été remaniée trois fois. La troisième version, définitive, a été créée en 1736. L'œuvre a été entendue pour la première fois à l'église Saint-Thomas de Leipzig où Bach exerça la charge de maître de chapelle de 1723 jusqu'à sa mort en 1750. Plusieurs autres exécutions eurent lieu au même endroit, respectivement le 11 avril 1727, le 15 avril 1729, le 30 mars 1736 et le 23 mars 1742. À chaque fois, elles y reçurent un mauvais accueil (fr.wikipedia.org - Passion selon saint Matthieu).

 

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