La fin des Grignan III, 23 1721-1722 Si France passes outre
mer Lygustique, Tu te verras en isle
& mer enclos : Mahommet contraire : plus mer Hadriatique
: Chevaux & d'asnes
tu rongeras les os. 27 novembre 1768. Les oisifs s'amusent Ă ressasser de
tems en tems Nostradamus, dont les prophéties obscures sont inépuisables sur
les événemens, & signifient tout ce qu'on veut
leur faire dire. En voici qu'on attribue à l'expédition de Corse. Elles sont tirées
des Centuries III, V, XXIII & XXIV. Si France passe outre mer ligustique Tu te verras en isle & mer enclos. Mahomet contraire,
plus mer adriatique ; De l'entreprinse grande confusion, Perte de gens,
trésor innumérable ; Tu n'y dois faire
encore tension, France, Ă mon dire
fais que sois recordable (Louis
Petit de Bachaumont, Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république
des lettres en France: depuis MDCCLXII jusqu'Ă nos jours; ou journal d'un
observateur, 1780 - books.google.fr). 806 Le terme enclos est employé dans une traduction française
de Jean Regnart de l'Histoire française de Paul Emile
(vers 1455 - 1559). Le comte Adémar de Gênes, envoyé par Charlemagne avec le
comte d'Empus Hermangare,
se retrouve au cours d'une bataille navale contre les Sarrasins sur les cĂ´tes
d'Italie qu'ils ravagent "enclos,
tant que sa galère, qui était amirale, fut mise à fons.
[...] Les barbares n'Ă©tait point si
fâchés de leur déconfiture que joyeux de la mort d'Adémar". Pour
continuer la guerre, Charlemagne envoie un nouveau connétable, Bouchard qui
occupe la Corse. L'"Adriatique" concerne probablement la
Dalmatie que l'empereur des Grecs Nicéphore dispute à l'empereur des Francs (fr.wikipedia.org - Paolo
Emilio, Paolo
Emili, Les cinq premiers livres de l'histoire francaise, 1556 - books.google.fr). Cela se passait en 806 (Ferrand
Dupuy, Essai Chronologique, Historique Et Politique Sur L'Isle De Corse, 1776 -
books.google.fr). Typologie Le report de 1722 sur la date pivot 806 (mort du comte
Adémar) donne -110. L'année 259 avant J.-C. marque une rupture essentielle et
inaugure la seconde période qui nous conduit jusqu'à la mort d'Auguste, l'an 14
de notre ère. Ces trois siècles sont ceux de la Conquête de l'île, achevée
militairement vers les années 111 avant J.- C., et, politiquement dans les années
30 - 27 avant notre ère, avec l'avènement d'Octave. Cette conquête longue,
difficile et malaisée, s'accompagne des premiers effets manifestes de la
colonisation qui greffe sur l'île de nouveaux modes d'exploitation et en
transforme l'image et la représentation. Ces trois siècles sont essentiellement
ceux de l'Histoire et nous suivons avec une certaine précision les différents
aléas des événements qui touchent la Corse (Olivier
Jehasse, Corsica classica: la Corse dans les textes antiques, du VIIe siècle
avant J.-C. au Xe siècle de notre ère, 1986 - books.google.fr). Soit en 643 a u C ou en 639
selon Vigenère (Gaius
Iulius Caesar, Les Commentaires Des Guerres De La Gaule. Plus Ceux Des Guerres
Civiles, Contre La Part Pompejenne, 1589 - books.google.fr). En Corse Plusieurs incidents
se produisirent de 1720 Ă 1725 qui servirent d'encouragement aux plus timides.
On avait appris qu'un Cervoni de Soveria
avait été arraché à la prison de Corté par ses
parents mutinés. Le gouverneur furieux jura de se venger de ce crime. Mais tout
ce bruit s'apaisa devant une bonne somme d'argent moyennant laquelle les Cervoni purent jouir de leur liberté. Depuis quelque temps
régnait, à Ficaia, village de la piève de la Porta,
une guerre civile acharnée entre deux factions dont l'une, les Sarrocchi, avait à sa tête Giovan
Felice, et l'autre, le célèbre Picchiolo et les Vittini. Le gouvernement, sans en châtier aucune,
protégeait tantôt l'une, tantôt l'autre, pour mieux les détruire toutes les
deux. Picchiolo, ayant blessé le chef d'une troupe de
sbires envoyée contre lui, le gouverneur Negroni ·
fit raser plusieurs maisons Ă Ficaia et Ă la
Porta. Sur ces entrefaites on assassina
le chef des Vittini pour des raisons Ă©trangères Ă
cette guerre. Le meurtrier fut arrêté, mais au lieu d'être conduit au gibet, il
fut confié à la garde des P. Réformés de Bastia. Les ennemis, bravant la
République, s'en allèrent tuer le coupable dans l'enceinte du couvent et
insulter le gouverneur jusqu'à la porte de son palais. Loreto, dans la Casinca, était aussi partagé par deux factions rivales. Le
gouverneur, Alexandre Salucci, après avoir persécuté
les Maracci, fit alliance avec Fabio, leur chef, et
lui donna des armes et des munitions pour détruire les Gavinacci
qu'il avait protégés auparavant. Castineta et Morosaglia se faisaient la guerre pour une délimitation de
territoire. Le gouverneur intervint, mais pour rendre sain et sauf un habitant
de Morosaglia, qui, dans le couvent même occupé par
le major Gentile, avait poignardé Giulio, de Castineta,
et attenté à la vie de Giovan Giacomo Ambrosi, le futur compagnon d'armes d'Hyacinthe Paoli. Un
soldat corse, de garnison dans le marquisat du Finale, fut condamné au cheval de
bois par un conseil de guerre. Pendant qu'il subissait sa peine sur la place
publique, la populace injuria ce malheureux. Ses compatriotes, qui Ă©taient en service
dans sa compagnie, irrités, firent feu sur les insulteurs, tuèrent un homme et
en blessèrent plusieurs. Le gouvernement, au lieu de protéger ces militaires,
les fit condamner à être pendus. Cet événement exaspéra les esprits de tous les
Corses au dernier point. L'orage
approchait. A toutes ces causes, il faut ajouter que la RĂ©publique Ă©tait
débordée par le mépris général, à tel point que les sbires eux-mêmes
insultaient le gouverneur et ne reconnaissaient plus d'autre commandement que
celui de leur chef, appelé Brusco. Ainsi la tyrannie
rĂ©gnait au-delĂ de toute expression. [...] En 1729, dans le village de Bozio, Ă l'instigation d'un de leurs concitoyens, les habitants refusent de payer l'impĂ´t de 13 sous, qui aurait dĂ» ĂŞtre aboli depuis trois ans et repoussent un dĂ©tachement de cinquante soldats qu'on avait envoyĂ© contre eux. Poggio de Tavagna refusa Ă son tour de verser les sommes exigĂ©es et fit mieux. Il accueillit avec affabilitĂ© les deux cents hommes chargĂ©s de les mettre Ă la raison, les dĂ©sarma pendant la nuit et les et les renvoya Ă Bastia pleins de confusion. Des troubles Ă©clatèrent ; on osa refuser l'impĂ´t, piller les villages du Cap et surtout es dĂ©pĂ´ts d'armes Ă©tablis pour la dĂ©fense des cĂ´tes contre les Turcs. Le 22 fĂ©vrier 1730, avec une audace extraordinaire des nationaux se dirigèrent sur Bastia, y entrèrent par surprise et y apporterent la confusion. Le gouverneur surpris de tant d'audace, dĂ©puta vers eux Monseigneur Augustin Salluzzi, Ă©vĂŞque de Mariana. Le chef des nationaux nommĂ© Pompiliani formula ses prĂ©tentions au nom de tous : «Nous voulons dit-il, autant de fusils que la RĂ©publique en a retirĂ©s aux Corses (12.000) ; que la taille et le prix du sel soient remis sur l'ancien pied ; que tous les procès soient terminĂ©s avant six mois ; que l'on abolisse les Commissariats. Le gouverneur ayant refusĂ©, les nationaux se jetèrent furieusement dans la partie de la ville appelĂ©e Terra-Vecchia et la saccagèrent. Mgr Mari, Ă©vĂŞque d'Aleria, se fit mĂ©diateur, et, sur ses instances, le gouverneur promit alors de prier le SĂ©nat d'accorder les demandes et de donner rĂ©ponse dans vingt-quatre jours. Sur cette promesse, les nationaux rentrèrent dans leurs foyers. C'Ă©tait le but que s'Ă©tait proposĂ© Pinelli, qui craignait d'ĂŞtre attaquĂ© dans la partie de la ville dite Terranova, oĂą il se tenait enfermĂ©. En ce mĂŞme temps, les Balanins brĂ»lèrent Algajola. Le gouverneur ordonna aux commissaires, qui Ă©taient dans l'au-delĂ des monts, d'exiger les impĂ´ts sans s'occuper de ce qui s'Ă©tait passĂ© dans la partie cismontaine. Le peuple refusa et poursuivit les collecteurs jusque dans les villes oĂą ils rĂ©sidaient. Alors Pinelli s'adressa au SĂ©nat pour obtenir des forces importantes. Celui-ci, tenant compte des rapports de l'orateur insulaire et des observations de Mgr Salluzzi, Ă©vĂŞque de Mariana, ainsi que de la situation des esprits, dĂ©cida d'envoyer en Corse un mĂ©diateur pour y ramener le calme et la paix. Le choix tomba sur Girolamo VĂ©nĂ©roso (F. Girolami-Cortona, Histoire de la Corse, 1971 - books.google.fr). A GĂŞnes, on crut que Girolamo Veneroso, qui s'Ă©tait attirĂ© comme gouverneur l'affection des Corses, comprimerait très-facilement l'insurrection. Mais ses efforts furent impuissants : car d'autres agissaient Ă cĂ´tĂ© de lui, et poussaient les Corses Ă l'exaspĂ©ration. GĂŞnes, oĂą maintenant un parti plus jeune faisait prĂ©dominer ses vues, chercha des secours auprès de l'empereur (Heinrich Leo, Histoire d'Italie: depuis les premiers temps jusqu'a nos jours, Tome 3, traduit par Dochez, 1844 - books.google.fr). Devant l’échec des troupes impĂ©riales, GĂŞnes fera appel Ă
la France en 1739 qui rétablira l’ordre : cf. quatrain III, 37 et III, 87. Grignan Le comte Ademar vainqueur des Sarrasins en Corse et tué par eux
Ă cette occasion serait membre de la
famille des Adhémar qui furent possesseur de Monteil, futur Montélimar, et
dont sont issus les Grignan (Honoré
Bouche, La Chorographie Ou Description De Provence Et L'Histoire Chronologique
Du Mesme Pays, Tome 1, 1664 - books.google.fr). Parmi les Adhémar de Monteil, on compte l'évêque du Puy
qui s'illustre au siège d'Antioche en 1098 lors de la première croisade. Les
chrétiens, après avoir assiégé Antioche et l'avoir prise en juin 1098, le sont
Ă leur tour par les "Sarrasins".
L'Anonyme de la Gesta Francorum
écrit que les assiégés sont réduits à manger leurs chevaux, leurs ânes et leurs
mulets (Jean
Flori, La chevalerie célestielle et son utilisation idéologique, Chevalerie et
christianisme aux XIIe et XIIIe siècles, 2019 - books.google.fr). Ce qui expliquerait le dernier vers du quatrain. Louis-Joseph Adhémar de Monteil de Grignan (1650 - 1722),
est un fils cadet de Louis Gaucher Adhémar, comte de Grignan, mestre de camp du
régiment d'Adhémar (†4 août 1668) et de sa femme Marguerite d'Ornano. "Le
plus joli abbé de France" selon Madame de Sévigné, fut évêque d'Évreux dès
1680, mais n'y ayant pas été confirmé, il fut nommé à Carcassonne le 2 mai 1681
et y resta jusqu'Ă sa mort (fr.wikipedia.org
- Louis-Joseph AdhĂ©mar de Monteil de Grignan). Les Ornano sont d'origine corse. L'Ă©vĂŞque de Carcassonne, le dernier des Grignan, Ă
soixante-dix-huit ans. Il était frère du feu comte de Grignan, chevalier de
l'ordre, lieutenant général et commandant en Provence, gendre de Mme de Sévigné
(MĂ©moires
de Saint-Simon - Volume 11 - 1722-1723, présenté par Didier Hallépée, 2015 -
books.google.fr). Le nom de Grignan s'éteignait. Il n'était plus alors porté que par l'évêque de Carcassonne, qui mourut en 1722. L'archevêque (autrefois coadjuteur) d'Arles était mort en 1697. Le fils du comte de Grignan n'avait pas laissé de postérité (Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis, Tome 1, présenté par Louis-Jean-Nicolas Monmerqué, 1862 - books.google.fr). On peut remarquer que le verbe "grigner" (grincer des dents, grimacer, grommeler) que l'on peut rapprocher de Grignan (qui vient en fait de Gratius) s'est formé par l'influence de "grogner" (www.cnrtl.fr). Or "grogne" apparaît dans le quatrain III, 87 - La Corse sous la coupe française - 1768-1769. |