Perte de l'Acadie par la France

Perte de l'Acadie par la France

 

III, 71

 

1756-1757

 

Ceux dans les isles de long temps assiegez,

Prendront vigueur force contre ennemis,

Ceux par dehors morts de faim profligez,

En plus grand faim que iamais seront mis.

 

"les isles"

 

L'histoire de l'Ile Royale (aujourd'hui Cap-Breton) et de l'Ile Saint-Jean (maintenant lle du Prince-Edouard) est si intimement liée à celle de l'Acadie qu'elle en forme le complément. Car, à peine Port-Royal si souvent assiégé, tombait-il définitivement aux mains des Anglais en 1710, que la France, pour compenser la perte douloureuse de ce beau pays, prenait pied à l'Ile du Cap-Breton et y jetait, en 1713, les bases d'un nouvel établissement destiné, dans la pensée de Louis XIV, à contrebalancer la prépondérance anglaise dans l'Acadie voisine, et, probablement, à en reprendre possession à la première opportunité. Ce qui frappe d'abord, en parcourant la correspondance officielle des gouverneurs et des fonctionnaires de l'Ile Royale, c'est la négligence avec laquelle la France traita toujours cette nouvelle colonie, depuis sa fondation, en 1713, jusqu'à la chute de Louisbourg on 1758; et, ensuite, l'indolence des colons qui, loin de s'attacher, à faire contribuer le sol à leur alimentation, ne cherchaient, quant aux personnages de qualité, qu'à vivre aux dépens du Roi, tandis que le peuple demandait surtout à la pêche ses moyens de subsistance. Cotte industrie, avec ses bénéfices immédiats et son rapport facile – à cette époque surtout, - fixa tout d'abord l'attention et absorba tous les soins des premiers habitants de l'Ile, puisque l'on voit M. de St. Ovide De Brouillan, le gouvernant, se plaindre au Ministre, dès 1717, de ce que les habitants s'adonnent peu à la culture de la terre. Cette imprévoyance ne fait qu'augmenter avec le temps et nous voyons plus tard les autorités de Louisbourg faire un appel constant et à la cour de France et aux intendants du Canada pour on obtenir des secours de grains, alors que cette dernière colonie latte elle-même contre la famine amenée chez elle par des mauvaises récoltes successives et les exigences de la guerre. Il est bien vrai que l'on a vu de tout temps les populations maritimes mépriser l'agriculture, alléchées qu'elles sont par le rapport souvent aisé et abondant des produits de la mor et attirées aussi, sans doute, par les émotions tour à tour calmes et vives de cette grande charmeuse. Après 1722, alors que l'Ile Saint-Jean - Ile du Prince-Edouard - eût été ouverte à la colonisation, on voit bien un effort de sa population à s'adonner aux travaux des champs, mais le peu de secours accordé par la France à ce nouvel établissement, ainsi que les mauvaises récoltes et l'émigration qui devait jeter d'un seul coup, après 1750, de 1,500 à 2,000 Acadiens, dénués de tout, sur l'Ile Saint-Jean, firent que ceux qui l'habitaient de purent jamais suffire à leur propre subsistance et encore moins aider à l'Ile Royale. Aussi, est-ce un long cri de famine qui traverse, de 1714 à 1758, la correspondance des autorités de ces deux îles si fertiles aujourd'hui.

 

Il semble que la seule attention de la cour de France ait Ă©tĂ© de faire de Louisbourg une forteresse destinĂ©e Ă  dĂ©fendre l'entrĂ©e du golfe. Mais alors, que de nĂ©gligence et de mesquinerie ! En dĂ©pit des supplications des gouverneurs, les armes et los soldats y feront toujours dĂ©faut; aussi, voit-on Louisbourg, dĂ©fendue seulement par treize cents hommes en 1745, ĂŞtre obligĂ©e - après 47 jours de siège, il est vrai - d'ouvrir ses portes Ă  treize mille assiĂ©geants ; tandis que, en 1758, la capitale de l'Ile Royale, avec sept mille dĂ©fenseurs Ă  peine-y compris les matelots des vaisseaux de guerre que M. de Drucour, le gouverneur, avait pris sur lui de garder dans le port, oppose bien une glorieuse dĂ©fense de 54 jours, mais succombe enfin sous les forces Ă©crasantes de près de quarante mille hommes commandĂ©s par le gĂ©nĂ©ral Wolfe (Rapport sur les Archives du Canada, 1888 - books.google.fr).

 

La chute de Louisbourg livrait aux Anglais le peu qu'il restait de l'Acadie, l'île Royale, l'île Saint-Jean, les îles de de la Madeleine. Le rêve d'une nouvelle Acadie avait définitivement vécu. Ce n'était pas une capitulation, c'était un désastre. Dès lors tout va très vite. La route maritime du Saint-Laurent est désormais ouverte et l'Angleterre va voler de succès en succès. La France, de malheur en malheur (Jean Marie Fonteneau, Les Acadiens, citoyens de l'Atlantique, 1996 - www.google.fr/books/edition).

 

"famine"

 

C'est alors que l'agriculture canadienne va connaître les pires années de son histoire. Si la première guerre, celle de 1744-1748, non seulement n'a probablement pas nui au fermier mais même a pu lui être bénéfique, celle qui éclate en 1756 va être cause des pires années de l'agriculture canadienne. Cette période pendant laquelle la colonie doit faire vivre 3000 soldats de carrière, plus  ses alliés indigènes et la milice, connait une succession de récoltes extrêmement réduites, résultat combiné à la fois de la guerre et du hasard. Le rendement ne fait que décliner au cours des années 1756, 1757 et 1758 et la situation agricole s'aggrave progressivement. Les champs sont abandonnés, les réserves de bétail épuisées, la farine se vend à prime et la famine sévit (Alice Jean E. Lunn, Jean Lunn, Brigitte Monel-Nish, Développement économique de la Nouvelle France, 1713-1760, 1986 - www.google.fr/books/edition).

 

En 1757, la famine chassait de la rivière Saint-Jean un grand nombre de familles, tandis qu'une rĂ©colte manquĂ©e refoulait vers QuĂ©bec celles de l'Ă®le Saint-Jean. Pour les colons demeurĂ©s aux avant-postes sous le commandement de BoishĂ©bert, Bigot fit expĂ©dier des secours Ă  Miramichi. Montcalm notait que les lambeaux de territoire acadien que la France conservait coĂ»taient horriblement cher au roi : l'intendant lui avait confiĂ© qu'il s'y dĂ©pensa 800,000 livres en 1757. Ce n'Ă©tait qu'un dĂ©but (Guy FrĂ©gault, François Bigot, administrateur français, Tome 2, 1948 - www.google.fr/books/edition).

 

A l'ouest, à la fin de juillet, les Britanniques attaquent fort Frontenac et le capitaine de Noyon qui le commande, mal préparé, mal armé, capitule dès le premier tir d'artillerie, livrant aux Anglais le lac Ontario et la route de Niagara. A l'automne, les Britanniques sous les ordres du général John Forbes décident d'attaquer le fort Duquesne, clé de la vallée de l'Ohio (Jean Marie Fonteneau, Les Acadiens : citoyens de l'Atlantique, 1996 - www.google.fr/books/edition).

 

Acrostiche : CP CE

 

CP : Capitaine de Port ; CE : Chef d'escadre (Jacques Aman, Les officiers bleus dans la marine française au XVIIIe siècle, 1976 - www.google.fr/books/edition).

 

Joseph de Bauffremont, prince de Listenois, est né à Paris le 25 septembre 1714, chevalier de Malte. Il sert dans la Marine de l'Ordre. Garde-Marine en 1731, il navigue en Méditerranée et au Levant. Capitaine de vaisseau en 1742, il commande le Volage au combat du cap Sicié (22 février 1744). Chef d'escadre en 1755, commandant le Tonnant, il s'empare du Greenwich à Saint-Domingue et joint ses forces à celles de Dubois de La Motte à Louisbourg. En 1759, toujours sur le Tonnant, dans l'escadre de Conflans, il s'échappe vers Rochefort à la bataille des Cardinaux. Il est cependant promu lieutenant général en 1764. Vice-amiral en 1777, il meurt au château de Cesy le 13 novembre 1781 (Hubert Granier, Marins de France au combat, Tome 3, 1995 - www.google.fr/books/edition).

 

"Le nommé Paris ayant été envoyé à Miré pour savoir des nouvelles de M. de Boishébert est revenu cette nuit, et les deux Gautier avec lui; ce sont des gens connus ici; l'aîné servit bien utilement ici l'année dernière pour avoir des nouvelles de ce qui se passait à Halifax, et pour récompense, M. le commandant Du Bois de la Motte le fit nommer capitaine de port de l'île Saint-Jean" - Extrait du Journal du Capitaine de Tourville, commandant de La Sauvage, durant le siège de Louisbourg, en 1758 (Henri Raymond Casgrain, Une seconde Acadie, 1894 - books.google.fr).

 

M. de Drucourt, gouverneur, et M. Du Bois de La Motte, chef d'escadre, rendirent à la Cour un témoignage si avantageux des services du Sieur de Boishébert que Sa Majesté l'honora de la croix de Saint-Louis (Robert Sauvageau, Acadie: la guerre de cent ans des français d'Amérique aux Maritimes et en Louisiane, 1670-1769, 1987 - books.google.fr).

 

Emmanuel-Auguste de Cahideuc, comte du Bois de La Motte, dit «Dubois de La Motte», nĂ© en 1683 Ă  Rennes, mort le 23 octobre 1764 Ă  Rennes, est un officier de marine français des règnes de Louis XIV et de Louis XV. La pension sur la Marine de Du Bois de la Motte est portĂ©e le 17 fĂ©vrier 1750 Ă  1500 livres ; le 1er janvier 1751, il est nommĂ© chef d'escadre des ArmĂ©es navales, gouverneur des Ă®les sous le Vent Ă  68 ans. Emmanuel-Auguste de Cahideuc se distingue pendant la guerre de Sept Ans en ravitaillant et en dĂ©fendant l'Ă©tablissement français de Louisbourg sur l'Ă®le Royale, en 1757, mais contraint par une Ă©pidĂ©mie Ă  rentrer en France, il ne peut empĂŞcher la ville de tomber l'annĂ©e suivante (fr.wikipedia.org - Emmanuel-Auguste Cahideuc Dubois de La Motte).

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