L’Île Bourbon et la variole

L’Île Bourbon et la variole

 

III, 75

 

1759-1760

 

Pau, Verone, Vicence, Sarragousse,

De glaiues loings, terroirs de sang humides

Peste si grande viendra Ă  la grand gousse,

Proche secours, & bien loing les remedes.

 

"gousse"

 

Fruit sec, dĂ©hiscent, des plantes lĂ©gumineuses s'ouvrant par deux valves auxquelles les graines sont attachĂ©es. Ca 1200 bot. gos[s]e «enveloppe des graines des lĂ©gumineuses» (Simson de Sens, Commentaire sur la Mishna, Uqçim I, 5 citĂ© par H. Gross ds R. des Ă©t. juives, t. 7 [1883], p. 68; cf. t. 101 [1937], p. 105)]; ca 1225 gosse (Pean Gatineau, St Martin, Ă©d. W. Söderhjelm, 9197 : Com feve goesche en sa gosse); b) 1701 «fruit des lĂ©gumineuses» (Fur., s.v. silique). Cf., selon SainĂ©nan, l'a. prov. gossa «chienne», mil. XIIes., Bernart Marti, PoĂ©sies, Ă©d. E. Hoepffner, II, 27 (www.cnrtl.fr).

 

La tête de saint Denis décapité est recueillie par une certaine Catula (chienne en latin). La ville de Saint Denis portait le nom de Catulacum ou Catuliacum (Philippe Walter, Mythologie chrétienne, 2011 - www.google.fr/books/edition).

 

ĂŽle de la RĂ©union

 

- 1638 : le 25 juin, première prise de possession de l'île Mascarin (future Réunion) par Salomon Gaubert, capitaine du Saint-Alexis, sur lequel était embarqué François Cauche, premier historien de Madagascar. 1642 : le 29 juin, les Français prennent une seconde fois possession de Mascarin au nom du roi de France et la rebaptisent Île de Bourbon. Premier débarquement à Saint-Paul de Jacques Pronis, commis de la compagnie des Indes et commandant à Madagascar, prit à son tour possession de la Réunion, en septembre 1642 (ou 1643 ?).

- 1754 : il y a 3 376 blancs et 13 517 esclaves. (recensement effectué par le Conseil supérieur de l'île).

1756 : jusqu'en 1763, l'île Bourbon participe au conflit opposant la France à la Grande-Bretagne en Inde.

- 1763 : l'île compte 22 000 personnes dont 18 000 esclaves.

- 1764 :le roi rachète les Mascareignes à la Compagnie des Indes après la faillite de cette dernière. L'île entre pendant 30 ans dans une période économique très faste avec l'exportation des épices et du café (fr.wikipedia.org - Histoire de La Réunion).

 

Il n'y a pas que la vanille, introduite Ă  La RĂ©union en 1819, qui produit des gousses.

 

Entre 1600 et 1900 mètres s'étend le domaine d'un arbre fort recherché : le tamarin des Hauts qui sert de bois construction, alors que les gousses du tamarin des bas sont consommées en confitures. Cet arbre endémique partage son territoire avec un bambou, lui aussi endémique (Jean-Pierre Reymond, Ile de la Réunion, 1997 - www.google.fr/books/edition).

 

On donne le nom de Tamarinier des Hauts, dans l'île de la Réunion, à l'acacie hétérophylle, figuré dans le premier volume du Journal d'histoire naturelle (Nouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, appliquee aux arts, Principalement à l'Agriculture et à l'Economie rurale et domestique, Tome 21, 1803 - www.google.fr/books/edition).

 

En parlant des tamarins, M. Orme dit bien qu'il y en a deux variĂ©tĂ©s : le tamarin des Bas et celui des Hauts. Il ajoute que cet arbre donne des planches et des bardeaux de bonne qualitĂ©, mais infĂ©rieurs Ă  ceux du natte ; qu'on en fait un charbon excellent, tandis que ses fruits verts, pilĂ©s, procurent aux mĂ©nagères de fort bons «rougails», et lorsqu'ils sont mĂ»rs, des limonades de mĂ©nage, d'un goĂ»t agrĂ©able ; enfin, que sous le nom de tamarinier (tamarindus indica), son emploi prĂ©vient, combat ou guĂ©rit diffĂ©rentes maladies ou indispositions (Erique Guilloteaux, La RĂ©union et l'ĂŽle Maurice, Nossi-BĂ© et les Comores, leur rĂ´le et leur avenir, 1920 - www.google.fr/books/edition).

 

Saint Denis

 

Le 22 février 1667 une escadre de dix vaisseaux de guerre, commandée par l'amiral de Montdevergue, emplit la baie de Saint-Paul, s'y ravitailla et débarqua neuf colons dont trois couples mariés et deux jeunes femmes provenant de provenant de l'hôpital général de la Salpêtrière où on élevait de jeunes orphelines en vue de les unir aux colons des Compagnies des Indes (J. V. Payet, Récits et traditions de la Réunion, 1988 - www.google.fr/books/edition).

 

En mars 1667, un vaisseau de 90 tonneaux de la Compagnie des Indes, le «Saint-Denis»,  jette l’ancre dans l’estuaire de la rivière qui prendra alors le nom de la Rivière Saint-Denis.

- 1669 : Le premier gouverneur de l’île Bourbon, Etienne Régnault décide de quitter Saint-Paul (qu’il trouve « incommode » car il y a peu d’espaces pour jardiner dans les environs de l’étang) et s’installe sur le bord de la Rivière Saint-Denis et fonde la ville de Saint-Denis. Il dira au sujet de cet endroit  » Ce lieu est la clef du beau pays qui a 15 à 20 lieues de long, où il faut continuer de mettre les habitants, et ensuite on les logera dans les montagnes.

- 1732 : Le gouverneur Pierre-Benoît Dumas fait tracer, par l’ingénieur Paradis, le premier plan en damier de Saint-Denis. Saint-Denis est la première ville a bénéficier d’un plan d’urbanisme, alors que Saint-Paul est toujours, officiellement, la «capitale » de l’île.

- 1738 : Bertrand François Mahé de la Bourdonnais, gouverneur de la Compagnie des Indes, fait de Saint-Denis le chef-lieu de la Réunion, au détriment de la ville de Saint-Paul. 2166 personnes habitent alors à Saint-Denis (carolinel3fle.wordpress.com).

 

"Peste" : Epidémie à la Réunion

 

Le 23 septembre de cette année, le navire le Saint-Prix mouilla à Saint-Denis, venant de l'ile de France avec 50 hommes de troupes destinés à renfoncer la garnison de Bourbon. Il y introduisit la variole. Le 28 du même mois, la maladie pénétra par un autre point de l’ile. Un navire mouillait à Saint-Paul, ayant des malades à bord et arrivant de Madagascar, où sévissait alors la petite-vérole. Elle fit par cette voie invasion dans cette ville. Ces détails sont extraits d'un journal manuscrit des mouvements de la rade de Saint-Paul pendant cette période. Les renseignements sur l'invasion de Saint-Paul font défaut. Mais il est possible d'apprécier la marche et le degré d'intensité de l'épidémie à Saint-Denis en jetant un regard sur le nécrologe des années 1757, 1758 et 1759, que nous empruntons à la même source. Les décès des années 1757 et 1759 peuvent servir à établir une année nécrologique moyenne, d'après laquelle on arrive à fixer l'importance des ravages de la variole en 1758. Cette moyenne est représentée par le chiffre de 114 décès. La mortalité de 1758, étant de 157 individus, a excédé de 43 le chiffre normal. En se reportant maintenant au dernier trimestre seul, celui pendant lequel a sévi la variole, on constate que la mortalité a dépassé de plus de 79 p. 100 la mortalité ordinaire du trimestre correspondant des autres années. Cet écart est considérable et ne peut s'expliquer que par le rôle obituaire que la variole y a joué (Mazaé Azéma, La variole a l'ile de la Réunion, origine, évolution, prophylaxie, 1883 - books.google.fr).

 

Tammindus indica L. («Tamarinier»), arbre assez souvent planté dans les villages, donne des fruits comestibles, sucres et légèrement astringents, laxatifs. Son écorce en décoction est conseillée contre la diarrhée, les gingivites, l’asthme ; elle serait légèrement tonique et fébrifuge. Ses feuilles renferment un principe voisin de l’insuline ; elles servent à préparer un collyre pour soigner les conjonctivites et sont utilisées en décoction contre la gale (Jean Rageau, Les plantes médicinales de la Nouvelle-Calédonie, ORSTOM, 1973 - horizon.documentation.ird.fr, Robin Arma, Plantes médicinales - www.orthodiet.org).

 

D'après les livres indous, la variole aurait Ă©tĂ© connue dans l'Inde Ă  une Ă©poque si Ă©loignĂ©e, qu'on peut l'en croire originaire. Ils font mention non seulement de cette maladie, mais encore de l'inoculation du cow-pox. La variole règne souvent Ă  PondichĂ©ry Ă  l'Ă©tat Ă©pidĂ©mique, et fait alors de grands ravages. On l'observe en toute saison, mais principalement en janvier, fĂ©vrier, mars et avril; elle disparaĂ®t avec les vents de terre, ou du moins il n'y a plus que quelques cas sporadiques. Il est rare de rencontrer un Indien qui n'en ait pas Ă©tĂ© atteint. Les natifs donnent au malade, lorsque l'Ă©ruption ne se fait pas bien, du suc de feuilles du tamarinier (tamarindus indica, en tamoul poulie) mĂŞlĂ© avec un peu de jagre. Dans la pĂ©riode de suppuration ils saupoudrent le corps avec de la cendre de bouse de vache, pour empĂŞcher le linge de coller sur la peau, pour absorber le pus, et Ă©loigner les mouches. Ils enduisent les paupières et les narines d'huile de coco; enfin ils appliquent sur les plaies des feuilles de margosier pilĂ©es et frites dans de l'huile de gingely (sesamum-orientale) ou dans du beurre. Cette plante passe pour guĂ©rir les Ă©ruptions pustuleuses et les psoriasis les plus rebelles. Mais c'est autant pour cette vertu que par superstition qu'elle est employĂ©e. Ils croient que la variole est un signe de colère d'une de leurs divinitĂ©s appelĂ©e MariammĂ©e ou Mariattalle, Ă  laquelle cet arbre est consacrĂ©. Ils se servent des sommitĂ©s des branches, pour chasser les mouches qui importunent les malades ; ils en placent sur le lit, dans tous les coins de la maison, Ă  la porte ; les voisins en mettent aussi Ă  la leur, espĂ©rant plaire ainsi Ă  Mariattalle, qui doit les prĂ©server de la maladie ; après leur guĂ©rison, les malades vont la remercier (N. Huillet, Hygiène des blancs, des mixtes, et des Indiens Ă  PondichĂ©ry, 1867 - books.google.fr).

 

Cf. III, 81 - Le Chevalier de La Barre et Lally-Tollendal - 1764-1765.

 

Tancrède

 

VĂ©rone et Vicence ont appartenu Ă  la RĂ©publique de Venise.

 

"Saragousse" : Syracuse en certaines occasions (Joseph JĂ©rĂ´me Le Français de Lalande, Voyage d'un françois en Italie, fait dans les annĂ©es 1765 & 1766, Volume 3, 1769 - books.google.fr).

 

Tancrède, tragédie politique dédiée à la marquise de Pompadour, créée le 3 septembre 1760 au Théâtre Français par Mlle Clairon et Lekain. Des amours contrariées d'Ariodant et de Ginevra, racontées au cinquième chant du Roland furieux, Mme de Fontaines avait fait le sujet de sa nouvelle historique Histoire de la comtesse de Savoie (1726), pour laquelle Voltaire avait écrit une épître en vers. L'intrigue, pathétique à souhait (l'amant combat pour sauver l'honneur et la vie de sa maîtresse qu'il croit coupable de l'infidélité) est située dans la Sicile du XIe siècle, les «Républicains» de Syracuse (une oligarchie, comme celle qui gouverne Venise) s'opposent à un sénat despotique qui opprime le peuple (Giacomo Casanova, Histoire de ma vie, Tome 2, 2015 - www.google.fr/books/edition).

 

M. de Voltaire obtient ce qu'il n'a cessĂ© de rĂ©clamer dans toutes ses prĂ©faces, un théâtre libre et Ă©tendu. Aussi s'est-il hâtĂ© de profiter d'une si tardive amĂ©lioration pour faire jouer sa belle tragĂ©die de Tancrède, ouvrage Ă©clatant d'appareil comme de verve, qui ne pouvait ĂŞtre reprĂ©sentĂ© que sur un vaste théâtre, et isolĂ© de toute distraction. L'auteur de ZaĂŻre et de MĂ©rope a saisi, dans cette brillante composition, le vĂ©ritable caractère du drame chevaleresque; la rapiditĂ© des vers de dix syllabes, dont il a, d'avance, jugĂ© l'effet avec son tact dĂ©licat, contribue encore Ă  l'heureuse conception de l'Ĺ“uvre, et communique Ă  l'action une vivacitĂ© qui rĂ©pond bien Ă  l'idĂ©e qu'on se fait d'un Ă©pisode hĂ©roĂŻque. Le talent de Voltaire s'est trouvĂ© Ă  l'aise en composant Tancrède ; ce poète n'avait point Ă  faire de frais d'imagination : la donnĂ©e appartient au roman intitulĂ© la Comtesse de Savoie, publiĂ©, je crois, en 1722, par madame de Fontaine. Dans l'ouvrage imprimĂ©, ainsi que dans la pièce reprĂ©sentĂ©e, une princesse accusĂ©e d'un crime 'est sauvĂ©e en champ clos par son amant, qui la croit coupable. Les noms seuls sont changĂ©s : la comtesse de Savoie est devenue AmĂ©naĂŻde sous la plume du tragique; de Mendoce il a fait Tancrède. Le succès a Ă©tĂ© magnifique comme l'ouvrage : un buste du grand Ă©crivain, qui se trouve dans le foyer, Ă©tait couvert de lauriers Ă  la fin de la reprĂ©sentation; heureusement il en restait encore pour Lekain, qui est admirable dans le rĂ´le du chevalier libĂ©rateur (Chroniques pittoresques et critiques de l'oeil de boeuf des petits appartements de la cour et des salons de Paris, Tome 7, 1832 - books.google.fr).

 

Lorsque le maréchal de Broglie fut disgracié en 1762, le parterre de la Comédie-Française applaudit avec fureur Mlle Clairon qui, jouant le rôle d'Aménaide, avait prononcé ces vers avec affectation :

 

Tancrède est malheureux, on l'exile, on l'outrage.

C'est le sort des héros d'être persécutés (Tancrède, Acte I, Scène VI) (Emmanuel de Beaufond, Un mot sur M. Barnave, député du dauphiné aux états-généraux, 1827 - books.google.fr).

 

"glaives"

 

Un Ă©chafaud, 'spectacle' concurrent en France du théâtre tragique jusqu'au dix-neuvième siècle, attise sur scène la polĂ©mique sur l'horrible, de Venise sauvĂ©e (1746) [de Laplace imitĂ©e de la Venice preserved (1682) d’Otway sur la conjuration de Bedmar] Ă  Tancrède (1760), en passant par Aristomène (1749). Voltaire refusa Ă  La Clairon d'en placer un une scène pourtant dĂ©barrassĂ©e des bancs de spectateurs, parce qu'il y voit un ornement obscène, plus rĂ©voltant que terrible. S'il consent Ă  des dĂ©cors pathĂ©tiques, il tient Ă  maintenir la dĂ©cence du spectacle. Surtout, l'Ă©chafaud dans Tancrède est un ajout et non une partie de l'intrigue aussi essentielle que les boucliers, les devises et les armes suspendus dans la lice. Le poète hiĂ©rarchise avec acuitĂ© la prĂ©sence d'objets sur scène. Il reconnaĂ®t le plaisir pris Ă  la vue de certains objets anodins mais nobles, dans leur simplicitĂ© concrète comme le prouvent les natures mortes, mais la laideur matĂ©rielle de certains autres ne provoque que rĂ©pulsion : Quel mĂ©rite y a-t-il, s'il vous plait, Ă  faire construire un Ă©chafaud par un menuisier ? En quoi cet Ă©chafaud se lie-t-il Ă  l'intrigue ? Il est beau, il est noble de suspendre des armes et des devises ; il en rĂ©sulte qu'Orbassan voyant le bouclier de Tancrède sans armoiries, et sa cotte d'armes sans faveurs des belles, croit avoir bon marchĂ© de son adversaire ; on jette le gage de bataille, on le relève ; tout cela forme une action qui sert au nĹ“ud essentiel de la pièce. Mais faire paraĂ®tre un Ă©chafaud pour le seul plaisir d'y mettre quelques valets de bourreau, c'est dĂ©shonorer le seul art par lequel les Français se distinguent ; c'est immoler la dĂ©cence Ă  la barbarie (Lettre Ă  Mlle Clairon, 16 octobre 1760) (Renaud Bret-Vitoz, L'espace et la scène: dramaturgie de la tragĂ©die française, 1691-1759, NumĂ©ro 11, 2008 - books.google.fr).

 

Argire : - O juges malheureu ! qui, dans nos faibles mains,

Tenons aveuglement le glaive et la balance,

Combien nos jugemens sont injustes et vains !

 

[...]

 

- AmĂ©naĂŻde : Quoi ! ces affreuses lois dont le poids vous opprime,

Auront pris dans vos bras votre sang pour victime.

Elles auront permis qu'aux yeux des citoyens,

Votre fille ait paru dans d'infâmes liens,

Et ne permettront pas qu'aux champs de la victoire,

J'accoinpagne mou père et défende ma gloire!

Et le sexe, en ces lieux, conduit aux Ă©chafauds,

Ne pourra se montrer qu'au milieu des bourreaux! (Tancrède, Acte IV, Scène VI) (Voltaire , Tancrède: Tragédie en 5 actes en en vers, 1825 - books.google.fr).

 

Humide encor du sang des pères,

La terre boit le sang des fils.

 

Le vin a du bon, surtout quand il vient de certains crus; les femmes aussi. Cependant si la nature s'Ă©tait bornĂ©e en notre faveur, Ă  ces deux politesses, il n'y aurait pas Ă  se tant rĂ©crier : car, Ă  moins de remplacer partout les pommes et le houblon par du plant de Laffitte ou de Chambertin, et de trouver le moyen de ne jamais dĂ©passer la quarantaine, que devenir sans cave ni jeunesse ?... Mais une chanson est pour le dessert, surtout pour le dessert oĂą se boit du champagne. Les vers sur l'Etna sont beaux, et le flattent beaucoup : de ses feux et fumĂ©es le monde, Ă  y regarder, ne s'Ă©meut guère. Quelle image aussi de la peste ! (Joseph Bernard, BĂ©ranger et ses chansons: d'après des documents fournis par lui-mĂŞme et avec sa collaboration, 1858 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Pierre-Jean de BĂ©ranger).

 

L'Etna est Ă  80 km de Syracuse en Sicile.

 

Le livre Du VĂ©suve Ă  l'Etna de J. de Beauregard est un charme : c'est simple, aisĂ©, savant point pĂ©dant jamais, d'une bonne langue française et d'un grand cĹ“ur. Première partie : La baie de Napoli, oĂą l'on parle du mont Cassin, de Capoue et du VĂ©suve et de Naples. Deuxième partie : On est en Sicile. La traversĂ©e de Naples Ă  Palerme : Palerme, Catane, l'Etna, Syracuse, Messine, les brigands et les tremblements de terre; c'est très joli et bien français (Eglise Ă  Lyon, 1895 - books.google.fr).

 

L'Isle Bourbon

 

Depuis la perte de Quebec (septembre 1760), les dĂ©bris de nos troupes coloniales, malgrĂ© l'appui toujours dĂ©vouĂ© que leur prĂŞtaient les sauvages, ne faisaient que vĂ©gĂ©ter. DĂ©pourvue de gros canons, privĂ©e de magasins couverts, forcĂ©e d'improviser Ă  chaque instant des positions, cette petite armĂ©e ne pouvait que retarder une catastrophe absolue. Elle voulut tenter un effort pour ressaisir la fortune. Dès les premiers jours du printemps, nos troupes, au nombre d'environ dix mille hommes, s'embarquèrent sur un petit canal restĂ© fluide au milieu des glaces du fleuve Saint-Laurent; elles firent voguer, avec des peines inouĂŻes, leurs bateaux sur ce chenal Ă©troit, qu'il fallait Ă©largir de temps en temps pour donner passage Ă  la frĂŞle escadre. DĂ©jĂ  les audacieux aventuriers avaient franchi de la sorte un espace de vingt lieues ; ils n'Ă©taient plus qu'Ă  une portĂ©e de canon d'un poste avancĂ© de quinze cents hommes, qu'ils eussent enlevĂ© facilement Ă  la faveur des tĂ©nèbres. Les Anglais croyaient leurs ennemis paisiblement retirĂ©s dans leurs quartiers d'hiver, et ils allaient ĂŞtre surpris par eux; mais la destinĂ©e Ă©tait pour les troupes de Georges II. Un canonnier français, en sortant de sa chaloupe, tombe dans le fleuve, est emportĂ© par le fil de l'eau, et ne parvient Ă  se sauver qu'Ă  l'aide d'un glaçon qui l'entraĂ®ne bientĂ´t dans le port de QuĂ©bec. Le soldat, qui veut vivre avant tout, crie au secours ! une sentinelle anglaise appelle; on sauvĂ© cet homme, que son uniforme fait reconnaĂ®tre pour Français. On le porte mourant chez le gouverneur, oĂą, avant que d'expirer, il rĂ©vèle l'approche de ses malheureux compatriotes. AccablĂ©es par des forces supĂ©rieures, nos troupes luttent vainement contre elles avec hĂ©roĂŻsme, avec cet acharnement qui nait du dĂ©sespoir. Affaiblies par des pertes considĂ©rables, manquant de munitions, mourant de faim, leur salut devient impossible. Enfin, enfermĂ©es par leurs ennemis dans une gorge Ă©troite , oĂą tout moyen de retraite est interdit, elles jettent leurs armes en pleurant de rage, et capitulent le 8 septembre. Ainsi nous Ă©chappe une colonie qui pouvait devenir la plus riche de nos possessions d'outre-mer, si, dans le principe, nous y eussions envoyĂ© des forces suffisantes pour la dĂ©fendre et la protĂ©ger.

 

Une semblable extrémité nous menace dans l'Inde, par suite de la même lenteur à nous y fortifier. Depuis l'année 1758, le comte de Lally commande nos troupes de terre dans ce pays, et la direction des forces navales de la France y est confiée au comte d'Aché. Ce dernier officiera soutenu dans les mers de l'Inde, contre l'amiral anglais Pocok, trois combats indécis, dit-on, et pourtant le troisième, livré au mois de septembre de l'année dernière, la déterminé à quitter dès lors la rade de Pondichéri, malgré les pressantes sollicitations du conseil de la compagnie, du gouverneur et des habitans. Cet amiral s'est retiré aux îles de France et de Bourbon, sous prétexte que Pondichéri manquait des objets nécessaires à la réparation de son escadre. Vainement le gouvernement de l'Inde, après avoir offert à d'Aché tout ce dont il pouvait avoir besoin pour ses radoubages, mâtures, provisions, etc., lui a-t-il déclaré qu'il le rendait responsable des malheurs que la colonie viendrait à subir; cet ami n'a point reparu au poste qui lui était confié. L'éloignement de M. d'Aché pour M. de Lally fut, à ce qu'il parait, la principale cause de cette sorte de défection, et c'est ici le cas de dire que ce gouverneur inspire l'aversion la plus prononcée à tout ce qui l'entoure (Chroniques pittoresques et critiques de l'oeil de boeuf des petits appartements de la cour et des salons de Paris, Tome 7, 1832 - books.google.fr).

 

Aché

 

Anne Antoine d’Aché, comte d'Aché et seigneur de Marbeuf où il est né le 23 janvier 1701 et mort à Brest le 11 février 1780, est un officier de marine et gentilhomme français du XVIIIe siècle. Il termine sa carrière avec le grade de vice-amiral de la flotte du Levant.

 

Lorsque se déclenche la guerre de Sept Ans, il est nommé chef d'escadre en 1756 grâce à la protection du duc de Penthièvre, amiral de France. Il reçoit le commandement d'une division navale qui doit conduire aux Indes le nouveau gouverneur Lally-Tollendal en compagnie d'un renfort de 4000 hommes. Il appareille en mai 1757 avec un vaisseau de guerre suivi de huit navires armés de la Compagnie des Indes. Il lui faut sept mois de traversée – alors que la normale était de quatre à six – pour arriver à l'île de France, où il s’attarde plus que de raison.

Il livre, le 29 avril 1758, un très difficile combat au large de Gondelour pour accéder à Pondichéry. Il repousse néanmoins l'escadre de Pocock et peut débarquer les renforts ce qui permet aux Français, dans un premier temps, de pouvoir prendre victorieusement l'offensive. Il livre un deuxième combat difficile au même chef anglais le 3 août devant Negapatam, puis se retire sur l'Isle de France à l'approche des tempêtes de la mousson d'hiver. Ce retrait, dicté par les conditions climatiques, lui est souvent reproché car il prive Lally-Tollendal de soutien naval pour s'emparer de Madras. On lui reproche aussi de rester trop longtemps stationné à l'île de France. Sa division navale y reste en effet un an, mais il n'en est que très partiellement responsable, car la Compagnie des Indes, qui équipe les navires, a toutes les peines du monde à rassembler le ravitaillement et les renforts nécessaires. Ce n'est qu'en septembre 1759, alors que la situation militaire en Inde est déjà très compromise pour les Français, qu'il arrive à Pondichéry avec 4 vaisseaux de ligne et 7 navires de la Compagnie. Il repousse encore une fois, le 10 septembre, lors d'un dernier combat, les vaisseaux de Pocock, et réussit à débarquer les hommes et l'argent qu'attend Lally-Tollendal. Il doit cependant, comme l'année précédente, quitter les lieux (27 septembre) à cause de l'arrivée de la mousson d'hiver, même si son départ semble avoir été précipité par un désaccord avec Lally-Tollendal. Ce départ scelle le destin des établissements français de l'Inde, désormais coupés de la métropole. Il rentre en France en mars 1761, peu de temps après la chute et la destruction de Pondichéry (fr.wikipedia.org - Anne Antoine d'Aché).

 

Inoculation

 

Lettre XI - Sur l'insertion de la petite vérole (Lettre formant, dans l'édition de Kehl, l'article Inoculation du Dictionnaire philosophique). On dit doucement dans l'Europe chrétienne que les Anglais sont des fous et des enragés : des fous, parce qu'ils donnent la petite vérole à leurs enfants pour les empêcher de l'avoir; des enragés, parce qu'ils communiquent de gaîté de cœur à ces enfants une maladie certaine et affreuse, dans la vue de prévenir un mal incertain. Les Anglais, de leur côté, disent : Les autres Européens sont des lâches et des dénaturés : ils sont lâches, en ce qu'ils craignent de faire un peu de mal à leurs enfants ; dénaturés, en ce qu'ils les exposent à mourir un jour de la petite vérole. Pour juger laquelle des deux nations a raison, voici l'histoire de cette fameuse insertion dont on parle en France avec tant d'effroi...

 

Note de 1775 : Cela fut Ă©crit en 1727. Ainsi l'auteur fut le premier en France qui parla de l'insertion de la petite vĂ©role ou variole, comme il fut le premier qui Ă©crivit sur la gravitation.

FrĂ©ron, AnnĂ©e littĂ©raire , 1769, IV, 183, dit qu'avant Voltaire, dont il trouve le petit article assez curieux, La Coste avait, dès 1723, parlĂ© de l'inoculation. L'opuscule de La Coste est intitulĂ© : Lettre sur l’inoculation de la petite-vĂ©role, comme elle se pratique en Turquie et en Angleterre, par M. de La Coste, 1723, in-12. B (Adrien Jean Quentin Beuchot, Ĺ’uvres de Voltaire, Tome 37, 1829 - books.google.fr).

 

La vaccine, telle que nous la pratiquons et que Jenner l'a dĂ©crite, Ă©tait usitĂ©e de temps immĂ©morial dans les Indes ; elle est dĂ©crite dans l'ouvrage sanscrit intitulĂ© Santeya Grantham. Mais il parastrait en outre que Jenner s'en est faussement attribuĂ© la dĂ©couverte, et que cette idĂ©e, il la tenait de Rabaut-Pommier, ministre protestant Ă  Montpellier, et depuis membre Ă  la Convention nationale; Rabaut, qui l'expĂ©rimentait depuis 1784, communiqua en 1784 cette dĂ©couverte Ă  Pew qui en parla Ă  Jenner, lequel la publia sous son nom en 1788, et sans faire mention de l'inventeur vĂ©ritable (F. V. Raspail, Histoire, Naturelle de la SantĂ© et de la Maladie chez les VĂ©gĂ©taux et chez les Animaux en gĂ©nĂ©ral, et en particulier chez l'Homme, Tome 3, 1860 - books.google.fr).

 

Acrostiche : PD PP

 

Les cris de quelques Ă©nergumènes, joints Ă  ceux de cet insensĂ© (Abraham Chaumeix), excitèrent une assez longue persĂ©cution; mais qu'est-il arrivĂ© ? la mĂŞme chose qu'Ă  la saine philosophie, Ă  l'Ă©mĂ©tique, Ă  la circulation du sang, Ă  l'inoculation : tout cela fut proscrit pendant quelque temps, et a triomphĂ© enfin de l'ignorance, de la bĂŞtise et de l'envie; le Dictionnaire encyclopĂ©dique, malgrĂ© ses dĂ©fauts, a subsistĂ©; et Abraham Chaumeix est allĂ© cacher sa honte Ă  Moscou. On dit que l'impĂ©ratrice l'a forcĂ© Ă  ĂŞtre sage; c'est un des prodiges de son règne (Oeuvres complètes de Voltaire ; Ă©d. de Ch. Lahure, Tome 20, 1860 - books.google.fr).

 

Abraham Chaumeix est un critique français et  polémiste janséniste, né à Chanteau (Orléanais) vers 1730, mort à Moscou en 1790. Voltaire, répondit à ses attaques en 8 volumes parus en 1758 (Préjugés légitimes et réfutation de l'Encyclopédie qui contribueront à l'interdiction de 1759), par la satire du Pauvre Diable, qui accabla l'imprudent. [...] L'inoculation de la variole, qu'on pratiqua assez longtemps, avant la découverte du vaccin par Jenner (1749 - 1823) et publiée par lui en 1796 (Henri Sensine, Anthologie du français classique, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles: prosateurs, 1928 - books.google.fr).

 

Le Pauvre Diable est antidatĂ© : il a Ă©tĂ© composĂ© en 1760. Les deux interlocuteurs sont dĂ©signĂ©s par les initiales P. D. et N dans l'Ă©dition de Genève (1760) (Georges Bengescu, OEuvres complètes de Voltaire, Bibliographie, 1882 - books.google.fr, Voltaire, Le Pauvre Diable, 1758 - books.google.fr).

 

J'ai donnĂ© Ă  Thiriot le peu d'anecdotes que je savais sur les diffĂ©rens personnages dont vous me parlez. J'y ajoute que Chaumeix a , dit-on, gagnĂ© la vĂ©role Ă  l'opĂ©ra comique ; que l'abbĂ© Trublet prĂ©tend avoir fait autrefois beaucoup de conquĂŞtes par le confessionnal, lorsqu'il Ă©tait prĂŞtre habituĂ© Ă  Saint-Malo. Il me dit un jour qu'en prĂ©chant aux femmes de la ville, il avait fait tourner toutes les tĂŞtes ; je lui rĂ©pondis : C'est peut-ĂŞtre de l'autre cĂ´tĂ©. (Lettre de D'Alembert Ă  Voltaire, 2 septembre 1760).

 

Mais dans quelle source impure d'Alembert allait-il puiser ces Ă©tranges anecdotes ? Les lecteurs s'en douteront assez, dispenseront de le dire : il est des prĂ©jugĂ©s de biensĂ©ance & de pudeur que d'Alembert savait braver, & dont notre philosophie, trop pusillanime, n'a point encore osĂ© s'affranchir (M. Palissot, Ĺ’uvres de Voltaire, Correspondance avec D'Alembert, 1792 - books.google.fr).

 

PP : Principia philosophae :

 

Les Principes de la philosophie (en latin : Principia philosophiae) est une Ĺ“uvre philosophique de RenĂ© Descartes en 1644, originellement Ă©crite en langue latine. L'objectif poursuivi par Descartes est, selon lui, de «donner des fondements rigoureux Ă  la philosophie». Le projet cartĂ©sien est un projet de science universelle reposant sur de nouveaux principes philosophiques fondĂ©s sur la raison. Descartes a souhaitĂ© Ă©crire ces principes de la philosophie pour servir de support pĂ©dagogique Ă  des Ă©quipes d'enseignants, notamment celles de la Compagnie de JĂ©sus, dont il cherchait Ă  se faire une alliĂ©e pour diffuser ses idĂ©es (fr.wikipedia.org - Les Principes de la philosophie).

 

Les rĂ©actions des Philosophes Ă  l'Ă©gard de Descartes sont ambivalentes. Si Montesquieu manifeste, Ă  plusieurs reprises, son enthousiasme pour le penseur, si La Profession de foi du Vicaire savoyard de Rousseau offre des rĂ©miniscences cartĂ©siennes, Voltaire et d'autres Philosophes critiquent sĂ©vèrement la mĂ©taphysique et la physique de Descartes. Certes, on reconnaĂ®t en lui un grand «gĂ©omètre» qui a fait progresser la raison. En privilĂ©giant dans sa Dioptrique (1637) une conception mĂ©caniste des «ressorts du monde», Descartes ouvre la voie aux dĂ©couvertes de Newton, en donnant une explication rationnelle Ă  des phĂ©nomènes naturels, mais il lui ait fait reproche de dĂ©vier vers l'esprit de système, en traitant sur un a priori les rapports de l'homme et du monde, de parcourir Ă  l'aide de concepts aventureux des domaines qui Ă©chappent Ă  la connaissance. RĂ©cusant l'exploitation de la mĂ©taphysique cartĂ©sienne par les apologistes, Voltaire dĂ©nonce les preuves de l'existence de Dieu. Celles-ci ne sauraient ĂŞtre le rĂ©sultat d'une dĂ©monstration seconde, mais au contraire l'objet immĂ©diat d'une prise de conscience Ă  laquelle tous les hommes de bon sens doivent se rallier. La philosophie de Descartes devient un enjeu polĂ©mique dans la querelle qui oppose les apologistes Ă  leurs adversaires. Dans Les PrĂ©jugĂ©s lĂ©gitimes contre l'EncyclopĂ©die, Chaumeix fait l'Ă©loge des «Lumières» qui surgirent au milieu de XVIIe siècle : «La philosophie Ă©clairĂ©e du flambeau de la raison, appuyĂ©e sur le fondement de la RĂ©vĂ©lation, commença Ă  briller d'un nouvel Ă©clat. Plusieurs grands hommes en profitèrent pour dissiper les tĂ©nèbres et les illusions de l'ignorance ; travaillèrent Ă  fournir aux sciences des bases plus solides.» Remarquons que, sans l'allusion Ă  la RĂ©vĂ©lation, Voltaire pourrait tout aussi bien prononcer une telle dĂ©claration ! Mais les apologistes entendent s'appuyer sur l'autoritĂ© de Descartes pour rĂ©cuser l'obscuritĂ© des «philosophes modernes». En abandonnant le langage confus des scolastiques, il a procĂ©dĂ© Ă  une rĂ©forme salutaire du vocabulaire philosophique, alors que les encyclopĂ©distes et les matĂ©rialistes s'ingĂ©nient Ă  user de termes barbares et obscurs. Non sans mauvaise foi, Chaumeix prĂ©tend mĂŞme qu'ils «tâchent de rappeler l'ancien langage», autrement dit le jargon scolastique, quand ils Ă©voquent la matière (Didier Masseau, Les Ennemis des philosophes, 2010 - books.google.fr).

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