L’élection des rois III, 29 1725-1726 Les deux neueux en
diuers lieux nourris. Nauale pugne, terre peres tombez Viendront si haut esleuez
enguerris Venger l'iniure,
ennemis succombez. Concile de Rimini
et bataille navale On retrouve ce concile dans l'interprétation du quatrain III, 21. Au concile de Rimini (359), sur plus de quatre cents évêques occidentaux, on ne vit en définitive qu'Ursace, Valens, Germinius, Auxentius, Demophilos et Caïus refuser de condamner l'arianisme ; et encore faut-il remarquer que, dans un concile tenu à Milan en 346 ou en 349, Ursace et Valens avaient anathématisé le parti d'Arius et sa doctrine, et qu'ils avaient écrit au pape Jules dans ce même sens. Au concile de Séleucie (359), sur cent soixante évêques orientaux environ, il n'y eut que neuf évêques déposés, et neuf autres excommuniés pour avoir refusé de comparaître devant le concile : et encore faut-il remarquer que l'évêque Acace de Césarée, qui comptait parmi ces neuf déposés, adopta, dans un concile qu'il tint à Antioche, en 363, avec Mélèce, évêque de cette ville, et vingt-cinq autres évêques, le symbole de Nicée expliqué en ce sens que le Fils est né de la substance du Père et qu'il lui est ainsi semblable en substance. Sous l'empereur Valens, lorsque Saint-Basile s'écrie : "Les limites posées par nos pères ont été renversées et tous les dogmes sont bouleversés", il faut lire le contexte pour connaître exactement la pensée de l'écrivain. "A quoi comparerons-nous, dit Saint-Basile, l'état présent de l'Eglise ? Il est semblable à une bataille navale, etc.... Je vois les deux flottes se jeter l'une contre l'autre, etc... Ajoutez à ce tableau une furieuse tempête, d'épaisses ténèbres, la violence du vent, etc." Evidemment Saint-Basile est ici beaucoup plus poète et orateur qu'historien, et un historien exact ne saurait prendre toutes ses paroles à la lettre ! (Eugène Michaud, Discussion sur les sept conciles oecuméniques étudiés au point de vue traditionnel et libéral, 1878 - books.google.fr). Il n'est pas sûr que saint Basile, de qui l'on tiendrait l'information, ait dit qu'il y eût plusieurs centaines d'évêques à souscrire au symbole de Rimini (Pierre Corgne, Dissertation critique et theologique sur le concile de Rimini, 1732 - books.google.fr). "injure" La plupart des pères du concile vaincus peu-à-peu par foiblesse ou par ennui, céderent aux ennemis de la foi, qui avoient la confiance de l’empereur. Les esprits étant une fois ébranlés, on courut en foule au parti des Ariens; & bien-tôt les Catholiques se trouverent réduits au nombre de vingt, à la tête desquels étoient S. Phébade d'Agen, & S. Servais de Tongres. Après avoir résisté à l'argument tiré du grand nombre & du bien de la paix, ils s'affoiblirent comme les autres. Tous souscrivirent une formule qui renfermoit le venin de l'hérésie arienne, en ce qu’elle ne disoit pas ce qu’il étoit alors essentiel de dire, qu’elle condamnoit tout ce qui lui étoit contraire, & par conféquent la doctrine catholique dit M. Fleury. Telle fut la fin du concile de Rimini, dont les commencemens avoient été si beaux. Les évêques s’en retournerent à leurs églises, ne s'apercevant pas de l'injure qu'ils avoient faite à la vérité. Ce malheureux décret reçu par les quatre cens pères du concile de Rimini, fut porté par les députés de l'assemblée à Constantinople, où il fut confirmé dans un concile d’environ cinquante évêques, & de-là envoyé par tout l’empire, avec ordre d’exiler tous ceux qui n'y voudroient pas souscrire (Bonaventure Racine, Abrégé De L'Histoire Ecclésiastique: Contenant Les Événemens Considérables De Chaque Siecle, Tome 1, 1762 - books.google.fr). On trouve Phébade d'Agen dans l'interprétation du quatrain VI, 1. "peres tombez" Les Conciles de Rimini & de Séleucie n'étoient composez que d'Evêques nationaux. Il n'y avoit à Rimini que des Evêques d'Occident, ou s'il y en avoit quelques-uns d'Orient, comme peut être un Demophile de Bérée en Thrace, ils n'avoient aucun titre, & on ne pouvoit les regarder comme des Députez de l'Eglise d'Orient qui pûssent agir en son nom. A Séleucie il n'y avoit non plus que des Evêques d'Orient, excepté saint Hilaire, qui s'y trouva par hazard, & sans avoir rien concerté avec les Evêques d'Occident. Il faut donc convenir qu'aucun de ces Conciles ne pouvoit être regardé comme œcumenique; on ne peut pas non plus raisonnablement dire que les deux Conciles assemblez pouvoient faire un Concile œcumenique. Il y a trop de distance entre Rimini & Séleucie, pour que deux Assemblées tenues en ces deux villes puissent être regardées comme ne composant qu'un même Concile. Enfin la diversité de formule ne permet pas non plus de le dire ; on sçait que presque tous les Peres de Rimini avant leur chûte étoient attachez à la formule de Nicée, & au mot consubstantiel. Au contraire à Séleucie il y avoit trois partis ; le premier composé des Evêques Catholiques d'Egypte, qui s'attachoient à la Formule de Nicée & au mot consubstantiel. Le second, de purs Ariens, qui étoient au nombre-de dix-neuf, qu'on appelloit Acaciens. Le troisième, de ceux qui étoient pour la Formule d'Antioche, & qui au fond étoient Catholiques, mais qui ne vouloient pas du mot consubstantiel. Ce fut ce parti qui prévalut à Séleucie. Or ces Evêques ne convinrent jamais avec ceux de Rimini. L'Auteur du Témoignage de la Vérité avance le contraire, mais c'est une fausseté manifeste. Ils ne convinrent point avant la chûte des Peres de Rimini, puisque ceux-ci s'attachoient alors au mot consubstantiel, & que ceux-là le rejettoient. Ils ne convinrent pas après, puisque les Orientaux retinrent toujours semblable en substance, & que les Peres tombez à Rimini le rejetterent. La Formule de Rimini étoit si peu du goût des Orientaux, que les Légats du Concile de Rimini n'oserent se joindre aux Députez de Séleucie, qui se trouverent à Constantinople avec eux. Il fallut même employer la violence & les tourmens pour forcer les dix Députez de Séleucie à souscrire à la Formule de Rimini, & cette victoire coûta, tant à Constance, qu'après l'avoir remportée, il se glorifioìt d'avoir vaincu les Orientaux ; vicisse jam Orientales gloriatus. Ce font les paroles de saint Hilaire. Enfin il y avoit si peu d'union entre les Evêques de ces deux Conciles, & il est si faux qu'ils se communiquoient réciproquement leurs déliberations, comme l'assûre sans aucun fondement l'Auteur du Témoignage de la Vérité, qu'à Rimini on ne sçavoit ce qui se passait à Séleucie (Pierre Corgne, Dissertation critique et théologique sur le concile de Rimini, 1732 - books.google.fr). Garants de l'orthodoxie, Basile (329 - 379) et les deux Grégoire, celui de Nysse (mort après 394) et celui de Naziance, sont tous trois «lumières de la Cappadoce» et défenseurs résolus de la divinité de Jésus contre les hérétiques Ariens (Germain Poirier, Corneille, témoin de son temps: Le Cid (1636), 1994 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Basile de Césarée, r.wikipedia.org - Grégoire de Nysse). "neveux" L'autorité de saint Basile n'était pas reconnu par tous Il n'y eut pas jusqu'à son oncle paternel, instituteur de son enfance et évêque lui-même, qui ne lui témoignât alors de l'éloignement, scandale auquel saint Basile sut mettre fin par son humilité, son frère Grégoire de Nysse s'étant entremis maladroitement (Joseph Chantrel, Histoire universelle de l'église catholique, Tome 4, 1864 - books.google.fr). Basile est l'un des "vainqueur des Ariens" (Qualiter Basilius devicit Arianos) (Jacques de Guyse, Histoire de Hainaut, Tome 5, Partie 1, 1829 - books.google.fr). Le conflit de foi par excellence, qui caractérise le IVe siècle en Orient, est celui entre «catholiques» et «ariens». Basile de Césarée en est un témoin privilégié, car il se présente comme l’un des défenseurs les plus infatigables du Credo de Nicée. Une partie considérable de sa correspondance trouve sa raison d’être dans ses efforts pour défendre la foi des Pères (Francesca Prometea Barone, La justice privée chez les chrétiens au IVe siècle d'après la correspondance de Basile de Césarée, Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes, Tome LXXXVI, n° 2, 2012 - www.cairn.info). "enguerris" Écoutons le premier fondateur du monachisme, saint Basile : « Le soldat du Christ ne doit avoir aucune préoccupation terrestre, il doit être sans famille, sans biens, sans cité.» Que fera l'homme séparé de tout ce qui constitue la vie civile et politique ! Les moines, répond le Père grec, vivront d'une vie spirituelle comme les anges : toute leur vie sera une prière. C'est à dire que les moines cessent de vivre de la vie, telle que Dieu l'a voulue, pour vivre d'une vie factice, disons mieux, pour mourir. Est-ce dans la mort qu'il faut chercher l'idéal de liberté auquel nous aspirons ? Si tous les chrétiens ne se firent pas moines, c'est qu'ils étaient très inconséquents. Ceux qui restaient dans le monde ne s'inquiétaient pas plus de la cité et des droits de l'homme, que ceux qui se retiraient au déserté » (François Laurent, Histoire du droit des gens et des relations internationales, Tome 13 : La revolution française, 1867 - books.google.fr). "en divers lieux nourris" Basile fut l'élève de son propre père avant de poursuivre ailleurs, à Césarée et à Constantinople, mais surtout à Athènes, de longues et brillantes études. Son frère, Grégoire de Nysse, exercera lui aussi la profession de rhéteur avant de devenir évêque. C'est à Athènes que Basile noua avec le futur saint Grégoire de Nazianze une très profonde et très intime amitié (Jean-Robert Armogathe, André Vauchez, Dictionnaire des saints et grands témoins du christianisme, 2019 - books.google.fr). Il rentre au pays, puis se fait baptiser par l'évêque de Césarée Dianée vers 357. Saint Basile va chercher la perfection, la philosophie religieuse, en Egypte, en Palestine et en Syrie, où de nombreux solitaires font fleurir la piété. «J'en trouvai, dit-il, beaucoup à Alexandrie, beaucoup dans le reste de l'Egypte, d'autres en Palestine, en Cœlé-Syrie et en Mésopotamie. J'admirais leur abstinence, leur patience dans les travaux, leur longue tension dans les prières. Vainqueurs du sommeil, au-dessus de tous les besoins de la nature, toujours dans la haute et libre méditation de l'âme, supportant la faim, la soif, le froid, la nudité, sans faire attention au corps, sans lui donner une marque de sollicitude, vivant, pour ainsi dire, dans une chair étrangère, ils m'ont fait voir, en réalité, comment l'homme dès ici-bas peut être étranger à la terre et vivre dans le ciel.» (Eugène Fialon, Étude littéraire sur Saint Basile, 1861 - books.google.fr). "Nous nous nourrissons de l'aliment de vie et réjouissons notre âme de son précieux sang comme d'une source, et néanmoins nous nous avons toujours soif, nous sommes toujours brûlants. Lui-même s'offre à ceux qui sont altérés et dans sa bonté admet à la fête ceux dont les entrailles sont desséchées, selon le mot de ce même Sauveur : Si quelqu'un a soif qu'il vienne à moi et qu'il boive (Jo. VII,37)". Athanase semble inviter ses fidèles à une réception fréquente de l'Eucharistie. [...] En Egypte, pour faciliter la Communion fréquente et même quotidienne, on permettait aux fidèles de garder l'Eucharistie dans leurs maisons et de se communier eux-mêmes quand ils le voulaient, ainsi que nous l'apprend une curieuse lettre de saint Basile (Peter Anthony Resch, La doctrine ascétique des premiers maîtres égyptiens du quatrième siècle, 1931 - books.google.fr). Basile, de retour de son périple, sera attristé par la souscription de Dianée, qui s'en repentira sur son lit de mort, au concile de Rimini (Rémy Ceillier, Histoire generale des auteurs sacres et ecclesiastiques, Tome 6, 1737 - books.google.fr). Dans sa lettre CLXXXIV qui lui est adressée, Basile appelle Callistène "Illustre nourrisson de l'Eglise" (Morvan de Bellegarde, Lettres de saint Basile le Grand, 1693 - books.google.fr). L’élection des
rois Saint Basile est plus original encore quand il fait concourir la nature entière à l'instruction morale de l'homme. Dans ces passages, où il paraît n'avoir eu ni modèles ni imitateurs, les descriptions de Théophraste deviennent des paraboles, qui font penser à celles de la Bible; les récits d'Aristote ou d'Élien se transforment en fables grecques, où les vices des animaux servent à flétrir ceux des hommes ! C'était une heureuse occasion dont profitait l'orateur pour satisfaire l'imagination de ses spirituels auditeurs. Ils aimaient à entrevoir la vérité à travers les voiles transparents de l'allégorie et acceptaient plus volontiers la leçon qui leur était donnée indirectement. Flattés de comprendre à demi-mot, ils étaient plus flattés encore de sentir qu'on avait cru à leur esprit; et, la vanité faisant taire l'amour-propre, ils souffraient sans; peine que la morale de l'apologue les appelât de leur vrai nom. [...] Basile s'élève jusqu'aux rois ; et, à propos des abeilles, il trouve le moyen d'attaquer, à la fois, les élections tumultueuses auxquelles on devait des empereurs comme Valens [dont la religion était l’arianisme], et l'hérédité qui mettait sur le trône des enfants corrompus par la mollesse et la flatterie (Eugène Fialon, Étude littéraire sur Saint Basile, 1861 - books.google.fr). Ce roi des abeilles, ce n'est pas l'élection qui lui confie son pouvoir: l'ignorance du peuple l'expose habituellement aux plus mauvais choix; ce n'est pas le sort : les aveugles décisions du sort donnent souvent la puissance au plus indigne. Ce n'est pas non plus l'hérédité qui le place sur le trône : il n'est que trop ordinaire de voir les enfants des rois, corrompus par la mollesse et la flatterie, vivre dans l'ignorance de toute vertu. C'est la nature qui fait le roi des abeilles en lui donnant la force, la beauté et la douceur du caractère. Il a un aiguillon comme les autres, mais il ne s'en sert point pour se venger (Hexaméron) (Etude historique et littéraire sur Saint Basile, suivie de l'Hexaméron, 1869 - books.google.fr). Acrostiche : LN VV,
ou Hélène veuve Hésitation entre veve et veuve. L'[œ] labialisé dans veuve est attesté depuis le moyen âge, mais la forme primitive veve (notée souvent vefve) a continué à vivre, à côté de la forme nouvelle, jusqu'au milieu du XVIIe siècle (Oudin, 1633 ; Dobert, 1650, cf. Thurot I, 468); elle subsiste à la rime dans Hector de Montchrestien, en 1604, v. 1313 : Puis-je vivre assurée au milieu de ces vefves qui détestent la Grèce, et maudissant les glaives... Elle a fini pas être condamnée par Vaugelas en 1647 (Thurot l.c.). En 1654, Cyrano de Bergerac écrira veufve dans le titre de sa tragédie sur la Mort d'Agrippine, veufve de Germanicus (Emmanuel Le Roy Ladurie, Rangs et hiérarchie dans la vie de cour, Travaux de linguistique et de littérature, Volume 23, 1985 - ks.google.fr). Basile le Grand (fêté le 9 mai) serait né en 328, neuf ou dix mois après celle de Grégoire de Nysse (fêté le 14 juin), et la mère du grand Constantin, Hélène (fêtée le 18 août), meurt la même année à Nicomédie en Bithynie. Son corps est rapatrié à Rome (Adrien Baillet, Les vies des saints avec l'histoire de leur culte, Tome 10, 1739 - books.google.fr). Hélène est renvoyée par Constance Chlore lorsqu'il épouse Théodora en 289, avant d'accéder à l'empire en 305. À la mort de Constance Chlore, en 306, son fils Constantin est porté au trône impérial par ses légions. Il appelle sa mère Hélène à ses côtés. Elle fut déclarée Augusta en l'an 306 et il lui donne le rang d'impératrice en 325. Hélène, convertie au christianisme, se rend sur les lieux saints, où la tradition lui attribue la découverte de la vraie Croix. Son corps, aurait été transféré au Xe siècle à l'abbaye d'Hautvillers (Marne) (Stanislas Lalanne, Michel Dubost, Le nouveau Théo - livre 1 - Les saints: L'Encyclopédie catholique pour tous, 2011 - books.google.fr). Typologie Le report de 1726 sur la date pivot 359 (concile de Rimini) donne -1008. Salomon jeta les fondemens du Temple l'an du Monde 2992, avant J. C. 1008, avant l'Ere vulgaire 1012, & il fut achevé l'an du Monde 5000, & dédié en 3001, avant J. C. 999, avant l'Ere vulg. 1003. Le lieu qu'on choisit pour placer ce célèbre édifice, fut un coteau du mont Sion, nommé Moria. Son entrée etoit du côté de l'orient, & la partie la plus sainte du Temple regardoit l'occident (Augustin Calmet, Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible, Tome 2, 1722 - books.google.fr). On trouve deux fois dans les Ascétiques de saint basile la mention du "temple de Salomon", au sujet de l'état dans lequel on doit s'approcher des saints mystères et des lieux où ils doivent être célébrés : "celuy qui est icy est quelque chose de plus grand que le temple de salomon" (Basilius Caesariensis, Les ascetiques ou Traités spirituels de Saint Basile le Grand, 1673 - books.google.fr). D'après saint Basile, le psaume 29 (30) a été écrit prophétiquement en vue de la dédicace du temple de Salomon (Auguste Borgnet, B. Alberti Magni Ratisbonensis episcopi, ordinis Prædicatorum, Opera omnia: Commentarii in Psalmos, 1892 - books.google.fr). Frankistes :
l’Elu Certains cabbalistes avaient prévu pour 1648 la venue du Messie. Or, effectivement, cette même année, voici qu'un jeune adepte de Louria, Shabbataï Tsevi, s'en vient prononcer publiquement à la synagogue de Smyrne, sa ville natale, le Tétragramme sacré, privilège réservé au seul grand prêtre, et seulement une fois l'an, pour le seul service d'expiation du Kippour, au Temple de Jérusalem. C'est là poser l'acte messianique par excellence. Pendant la période du second Temple, le grand jour des expiations (Yom ha - kippourim) est devenu le moment le plus important de la liturgie juive. Shabbataï Tsevi est frappé d'anathème. Il doit quitter sa ville et commence une existence itinérante. Il connaît le succès. Tout un mouvement s'orchestre autour de sa personne. Il faut dire que le climat se montre propice. Les communautés juives de l'Europe centrale sont ruinées par la guerre de Trente Ans ; celles d'Ukraine se sont vues décimées par les Cosaques ; la détresse est partout immense. Quel climat favorable aux prétentions de Shabbataï Tsevi ! Un peu partout, les juifs commencent donc à liquider leurs affaires dans l'espoir que le Messie va les conduire en Terre sainte. Mais les Turcs voient d'un mauvais oeil toute cette agitation dans laquelle ils redoutent une dimension politique. Les adeptes de Shabbataï Tsevi ne l'ont-ils pas acclamé publiquement comme leur «Roi Messie». On va donc le sommer d'embrasser l'islam. Sinon, c'est la mort. Shabbataï Tsevi, qui n'avait rien d'un martyr, choisira Mahomet pour son maître. Déception immense pour le monde de ses fidèles ! Mais déception qui ne devait pas empêcher la constitution du mouvement sabbatéen, le « sabbatéisme », sorte de secte hérétique au sein du judaïsme. Ce mouvement sera repris en Pologne, au XVIIIe siècle, par Jacob Frank (1726 - 1791) et par les frankistes (Renée de Tryon-Montalembert, Kurt Hruby, La cabbale et la tradition judaïque, 1974 - books.google.fr). Cf. quatrain II, 62 - Sabbataï Zévi, Tantale et la Samaritaine - 1676-1677. En 1726, c'est la naissance de Jacob Frank, dans l'actuelle Ukraine. Son père était un partisans de Sabbatat Tsevi. En 1754, il se proclame messie des Juifs, après avoir vue Sabbataï Tsevi en rêve. Jacob Frank ne veut pas revenir en terre sainte ou reconstmire le temple, il veut fonder une nouvelle religion. "Selon Frank, pour abolir toutes les Lois, on doit arriver à la fin des Temps, lorsque la société sera totalement dépravée. Or, Jacob Frank se propose d'accélérer ce processus. En d'autres termes, il veut appliquer le fameux adage talmudique et kabbalistique : "Pour monter bien haut, il faut d'abord descendre bien bas". Pour Frank le "bien bas" veut dire extrêmement bas. C'est-à-dire vers la dépravation, dans une société où ne régnera que le vice" (Charles Novak, Jacob Frank, le faux messie, L'harmattan, 2012, p. 50). Avec l'aide de l'évêque Dembowski, il va se convertir au catholicisme en récupérant a son compte, le Christ, la trinité et rejeter le Talmud (en apparences). Le parrain de Jacob Frank fut Auguste III de Pologne et de Saxe, le grand-père maternel de Louis XVI (Chaulveron, Nostradamus et l'astrologie mondiale, 2019 - books.google.fr). Cardinal Davia En liaison avec le quatrain précédent III, 28 interprété selon le mariage de Marie Lesczinska avec Louis XV en 1725, l'année 1726 voit la résigntion de jean Antoine Davia de son évêché de Rimini, lui qui avait été nonce en Pologne du temps du roi saxon Auguste II. En Pologne, la situation politique, au début du XVIIIe siècle, était peu affermie. Auguste II, électeur de Saxe, qui y régnait depuis 1697, n'avait pu être élu qu'en renonçant, au luthéranisme et en se réclamant du nonce du pape qui avait certifié la sincérité de sa conversion. Mais bientôt la guerre qu'il eut à soutenir contre Charles XII, loi de Suède, l'obligea d'abandonner la couronne et d'acheter la paix par un traité humiliant. Stanislas Leczinski parvînt, grâce à l'appui du Roi de Suède, à régner à sa place (1704). Désormais la Pologne fut le théâtre de dissensions profondes entre partisans des deux princes. Clément XI protégea de tout son pouvoir Auguste II contre son rival et refusa de reconnaître Stanislas comme roi de Pologne. Il écrivit souvent au primat et aux évêques de ce pays en faveur d'Auguste. Le cardinal-primat, l'évêque de Posnanie et quelques autres prélats s'étaient déclarés contre l'électeur de Saxe, le pape convoqua les deux premiers à Rome pour leur demander raison de leur attitude. Le primat dut se retirer à Dantzick ; l'évêque de Posnanie fut incarcéré au château Saint-Ange. L'abbé Eusèbe Renaudot (1648 - 1720) était en excellents termes avec le pape Clément XI depuis qu'il avait été à Rome avec le cardinal de Noailles pour son élection, cherche à détacher le pape d'Auguste, il est plein de zèle à défendre et à plaider la clause de Stanislas : il vient d'être couronné ; tout se déclare pour lui, les confédérés polonais, les diètes, les évêques, le roi de Suède, la nation presque tout entière. Le pape serait seul à le combattre au détriment de son autorité et des intérêts de l'Eglise. Frédéric-Auguste II (1670 - 1733), électeur de Saxe depuis 1694. A la mort de Jean Sobieski, il l'emportait sur le prince de Conti, son compétiteur et fut élu roi de Pologne en 1697. Mais il avait dû auparavant renoncer au luthéranisme entre les mains du nonce du pape, Davia, qui avait aidé à son élection et s'était porté garant de la sincérité de sa conversion. Il s'était formé dans le royaume un fort parti contre lui. Il s'unit à Pierre le Grand contre Charles XII : il fut battu, détrôné et forcé par le traité d'Altranstadt (1706) de reconnaître Stanislas Leczinski comme roi de Pologne. Cependant après la défaite de Charles XII à Pultawa (1709), Auguste chassa Stanislas de la Pologne et reprit la couronne. Sous son règne cette nation tomba en décadence (François Albert Duffo, Correspondance inédite d'Eusèbe Renaudot avec le cardinal François-Marie de Médicis (années 1705, 1706 et 1707), 1915 - archive.org). Samuel-Frédéric Lauterbach, historien polonais, né à Fraustadt, le 20 octobre 1662, mort le 4 juin 1728, fut pasteur de sa ville natale, et devint en 1727 surintendant des églises protestantes de la Grande-Pologne. On a de lui : Der ehmalige polnische arianische Socinianismus (L'ancien Socinianisme arien de Pologne); Francfort et Leipzig, 1725, in-8° (Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Tome 29 : Lal-Lav, 1862 - books.google.fr). A Thorn, où catholiques et protestans se trouvaient en présence, le collège des jésuites avait été saccagé dans une émeute en 1725. Un tribunal exceptionnel composé de catholiques condamne les magistrats de la ville a la peine de mort (Saint-René Taillandier, Maurice de Saxe, Revue des deux mondes, 1864 - books.google.fr). Gianantonio Davia (né le 13 octobre 1660 à Bologne, en Émilie-Romagne, alors dans les États pontificaux, et mort le 11 janvier 1740 à Rome) est un cardinal italien du XVIIIe siècle. Gianantonio Davia est magistrat à Bologne et va à Rome sur demande du pape Innocent XI. Il est internonce à Bruxelles en 1687. Il est élu archevêque titulaire de Tebe en 1690 et est envoyé comme nonce apostolique à Cologne, puis en Pologne en 1696 et en Autriche de 1700 à 1706. Il est transféré au diocèse de Rimini en 1698. Le pape Clément XI le crée cardinal lors du consistoire du 8 mai 1712. Le cardinal Davia est légat apostolique à Urbino et en Romagne. Il renonce au gouvernement de son diocèse en 1726 et devient préfet de la Congrégation de l'Index et ministre du roi d'Angleterre à Rome. Le cardinal Davia participe au conclave de 1721, lors duquel Innocent XIII est élu pape, et à ceux de 1724 (élection de Benoît XIII) et de 1730 (élection de Clément XII). Plusieurs fois, il est suspect de philojansénisme, mais le futur pape Prospero Lambertini (futur Benoît XIV) le défend (fr.wikipedia.org - Gianantonio Davia). Nous ne relèverons ici que l'imposture des éditeurs qui ont adopté de prétendues lettres du cardinal Jean-Antoine Davia à Colbert, et ensuite de prétendues réponses de Colbert à ce cardinal, et qui ont eu l'audace de faire imprimer les unes et les autres dans le Recueil ci-dessus, en citant les Nouvelles ecclésiastiques du 20 février 1740, d'où ils ont extrait ces fausses pièces, pour les servir une seconde fois au public. C'est à la page 895 et suivantes qu'on les trouve. Le cardinal Davia y est supposé vouloir détruire, anéantir les Jésuites. Le faussaire, qui n'était autre que le gazetier ecclésiastique, pour rendre plausible ce mensonge, avait imité le style d'un étranger qui parle mal le français, et sous cette enveloppe, il avait cru débiter impunément les noirs sentiments de son cœur. Dès que la feuille où sont ces lettres imaginaires eut paru à Rome, elle fut condamnée au feu par un décret du 15 avril 1740, comme étant un écrit détestable qui contient des relations fausses et calomnieuses, tendant à séduire les simples et à ternir la réputation d'une personne constituée dans une éminente dignité; comme si cette personne avait été en liaison d'amitié et en société d'erreur avec des hommes réfractaires (Honoré Jean P. Fisquet, La France pontificale, Tome 5, 1864 - books.google.fr). Le cardinal Davia avait au moins deux neveux, qu'il envoya dans un séminaire de l'évêché de Pistoie (J.D. Fabre de Saint-Véran, Mémoire historique sur la vie et les écrits de Dom Malachie d'Inguimbert: Evêque de Carpentras, 1860 - books.google.fr). Et un autre, le marquis Davia, qui fut fait prisonnier des Turcs et échangé avec un Ottoman par les bons soins de l'électeur de Saxe, ennemi de la France, qui, elle, n'avait pas pu ou voulu le faire libérer. Ceci mit Davia dans de bonnes dispositions envers le Saxon pour la succession de Pologne (Michel David de La Bizardière, Histoire de la scission ou division arrivée en Pologne le xxvii. juin M.D.C.XCVII. au sujet de l'élection d'un roy, 1700 - books.google.fr). Le Fonds Coislin
et le Fonds Renaudot Le Fonds Coislin possède des
manuscrits des œuvres de saint Basile comme le Coislinianus
237 (Coislin. primus ou Parisinus Coislin. 237) (Sancti patris nostri Basilii
Caeareae cappadociae Archiepiscopi, Tome 3, 1839 - books.google.fr). En 1715, Bernard de Montfaucon, bénédictin de St-Germain des Près, dressait le catalogue des manuscrits grecs de l'évêque de Metz, Henri-Charles du Cambout de Coislin, petit-fils du chancelier Pierre Séguier. Coislin fut satisfait du travail de l'illustre mauriste, au point qu'il décida que la collection de son aïeul ne pouvait être mieux conservée que chez les bénédictins de St-Germain « estant, dit-il, persuadé qu'ils en feront un bon usage pour l'Église et pour l'État, et qu'ils prieront Dieu pour moi». Henri-Charles du Cambout de Coislin mourut l'année suivante. En 1735, les Bénédictins se firent mettre en possession définitive du legs. On appelait le dépôt : Les manuscrits de Coislin. On les reconnaissait facilement, la plupart étant reliés en veau et frappés des armes de Pierre Séguier : un chevron accompagné en chef de deux étoiles et en pointe d'un mouton. Chaque volume reçut en outre sur la feuille de garde une étiquette imprimée et collée «ex bibliotheca MSS. Coisliniana, olim Segueriana, quam Illust. Henricus du Cambout, dux de Coislin, Par franciæ, Episcopus Metensis, etc., Monasterio S. Germani a Pratis Legavit. An. M. DCC. XXXII» (Leopold Delisle, Le cabinet des Manuscrits De La Bibliothèque Nationale, Tome II, 1874 - books.google.fr). Renaudot reprit avec ardeur ses nombreux travaux interrompus par son voyage en Italie. Cette dernière période de sa vie fut la plus active, car jusque-là il n'avait fait que recueillir laborieusement des matériaux et des documents nouveaux qu'il venait de découvrir aux archives du Vatican et d'autres plus importants aux bibliothèques de Florence. C'est à soixante ans seulement qu'il entreprit de publier ses nombreux travaux, car son premier ouvrage Défense de la perpétuité de la foi ne parut qu'en 170S. Il mena désormais une vie retirée ; et si parfois il quittait ses livres, c'était pour se rendre à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés oii il avait l'habitude de passer la veille et le jour des grandes fêtes. Ses relations avec les bénédictins de ce monastère devinrent de jour en jour plus étroites. D'ailleurs le cardinal d'Estrées, abbé commendataire de l'abbaye, l'avait choisi pour vicaire général. Désireux de contribuer au progrès des éludes ecclésiastiques, dont l'abbaye était alors le centre le plus vivant, Renaudot lit donation à celle-ci de tous ses livres tant imprimés (8 à 9,000 volumes) que manuscrits et d'une rente annuelle pour l'entretien de la bibliothèque de la communauté. Il mourut dans sa maison de la rue Richelieu, le 1er septembre 1720, à l'âge de 72 ans), et fut inhumé, selon son désir, dans l'église même de Saint-Germain-des-Prés. Le 7 janvier de l'année qui suivit la mort d'E. Renaudot, l'exécuteur testamentaire, M. de Verneuil, son neveu, fit au monastère délivrance de la bibliothèque de son oncle. Elle y demeura jusqu'en 1794. Elle fut alors consumée dans l'incendie qui éclata la nuit du 2 au 3 fructidor (19-20 août), occasionné par une fabrique de salpêtre qu'on avait installée dans le couvent. Bien des volumes rares périrent dans cet incendie. La perte des manuscrits orientaux est particulièrement regrettable (François Albert Duffo, Correspondance inédite d'Eusèbe Renaudot avec le cardinal François-Marie de Médicis (années 1705, 1706 et 1707), 1915 - archive.org). Un Basile en Pologne C'est dans la version narrative de La vida es sueno de Calderôn de la Barca par Boisrobert, que la surinterprétation du cadre historique est le plus fortement marquée. La quatrième nouvelle du recueil de Boisrobert intitulée La vie n'est qu'un songe commence par l'exposition d'une intrigue politique : Basile, roi de Pologne, a éloigné son fils Sigismond du Palais Royal car ce dernier est destiné, selon les Astres, à devenir un tyran. L'absence d'un héritier direct fait revenir la couronne à Sophonie, fille de la sœur aînée de Basile ou à Federic, grand-duc de Moscovie, fils de sa sœur cadette. Cette exposition, fidèle à celle de la comédie de Calderôn, est suivie chez Boisrobert d'une longue digression historique décrivant les lois de succession en Pologne. Celles-ci présentent cette particularité aux yeux des Français qu'elles ne respectent pas la loi salique : Quelque critique objectera peut-estre par faute de connestre l'ordre et le gouuernement des Monarchies Chrestiennes, que celle de Pologne estant electiue, Basile n'auoit qu'á consulter les Ástres sur l'élection & non sur la legitime succession de son fils, mais qu'il apprenne pour vne vérité tres-constante, que le Royaume de Pologne est encore plus successif que celuy de France mesme oü l'on exclud les filies du Gouuernement de l'Estat, elles n'heritent pas moins en Pologne qu'en Espagne, & là non plus qu'icy on n'a iamais veu priuer la race Royalle de la succession quand elle s'est trouuée legitime (Guiomar Hautcoeur, La nouvelle espagnole en France au XVIIe siècle : Traduction et évolution du roman, Revue de littérature comparée, Volume 74, 2000 - books.google.fr, François Le Métel Boisrobert, Les nouuelles heroiques et amoureuses, 1657 - books.google.fr). Cf. quatrain I, 23 - Henri III, roi de Pologne - 1574-1575. Solennel et dérisoire dans la pompe et la majesté, Basile rappelle cet autre roi de Pologne, Ubu (Jean Ristat, Qui sont les contemporains, Tome 2, 1975 - books.google.fr). Face à l'état de nature, Calderôn place l'état de droit qui a permis la constitution d'une cour. Le monarque absolu qui y règne s'appelle Basyle (basileus, roi) ; il a la réputation d'un sage et d'un savant. Pourtant, sa soumission trop prononcée à l'astrologie le conduit à commettre des erreurs. En acceptant sans critique le déterminisme des astres, il nie sa liberté et celle de ses semblables. En d'autres termes, il leur dénie l'usage du libre arbitre, que Furetière définit comme «l’action de la volonté par laquelle elle choisit librement ce qu'elle juge de meilleur». Au moment de désigner un successeur, Basyle est assailli de doutes : «Je vois combien grande a été mon erreur de donner crédit si facilement aux événements qui furent prédits. [...] Le destin le plus sinistre, le penchant le plus violent, la planète la plus impitoyable ne font qu'incliner le libre arbitre, sans le forcer» (p. 107). Lorsqu'il souhaitera se dépêtrer d'une vision fataliste de l'existence, et redonner sa place au droit, il sera bien tard : le peuple en révolte aura fomenté une guerre civile, semant partout dans la ville le pillage, la terreur et la mort. Lors de sa procréation, Sigismond a été conçu comme un monstre. Le jour où Basyle s'est uni à la reine, «les cieux, à sa naissance, épuisèrent tous leurs prodiges » (p. 101). Les songes de la mère confirment le caractère maudit de l'enfant à naître : «Sa mère de multiples fois, parmi les idées et les délires du songe, vit un monstre à forme humaine, qui audacieusement lui déchirait les entrailles, et qui, maculé de son sang, humaine vipère du siècle, lui donnait la mort en naissant» (p. 101). La nature tout entière se révulse d'horreur à la naissance de cet enfant, soulignant ainsi son désaccord avec l'enfantement d'un tel rejeton : «Il naquit sous un tel horoscope, que le soleil, teint de son sang, se mit avec rage à livrer un duel avec la lune. [...] Ce fut la grande, la plus horrible éclipse qu'ait subie le soleil, depuis que dans le sang il pleura la mort du Christ» (p. 101-103). La naissance du Christ s'accompagna de l'apparition d'une étoile nouvelle qui mena les grands de ce monde (les rois mages) à leur sauveur ; son sacrifice et sa mort furent marqués de signes inverses, catastrophiques. La naissance de Sigismond, antéchrist promis à devenir le destructeur du genre humain, s'accomplit dans un climat apocalyptique : «Les cieux s'obscurcirent, les édifices tremblèrent, des nuages tomba une pluie de pierres, des flots de sang coulèrent dans les fleuves» (p. 103). […] En même temps que se développe en Europe, avec l'absolutisme, un état de droit, une sensibilité nouvelle se fait jour, qui est la marque la plus frappante (bien que la moins perceptible) de la modernité. Parmi les caractéristiques de cette sensibilité, la constitution d'un «for intérieur » est l'une des principales, avec le contrôle des pulsions agressives et sexuelles. Ces dernières, implicitement condamnées dans le contexte de la politesse mondaine, ne disparaissent pas de la conscience des individus. Elles trouvent une autre place dans l'économie psychique ; intériorisées, elles alimentent un «théâtre intérieur» que nous ne pouvons pas saisir directement puisqu'il se dissimule dans le secret de la conscience individuelle. Le passage de la culture protéenne à la culture identitaire s'accompagne de la création d'une «citadelle intérieure» où l'individu va enfermer non seulement les pulsions interdites mais aussi et surtout les traces des événements traumatisants qui ont amené la condamnation du comportement ancien. Les crimes, les violences collectives, les comportements excessifs trouvent place dans cette citadelle et y changent de statut, c'est-à-dire qu'ils s'y transforment en fantômes. S'il est impossible d'observer directement la mutation de la sensibilité qui se produit à ce moment-là, du moins nous est-il permis de la reconstruire d'une façon plausible en utilisant pour la comprendre des œuvres littéraires. La pièce de Calderôn, La Vie est un songe, est à cet égard exemplaire : elle a pour sujet la formation de la citadelle intérieure. […] Un nouvel ordre juridico-politique s'accompagne d'une mutation dans la sensibilité. Celle-ci trouve sa meilleure illustration dans l'émergence du «for intérieur », ce lieu défendu au cœur de l'être où l'homme moderne enfouit ses secrets (Jean-Marie Apostolidès, Les fondements du droit et la citadelle intérieure : La vie est un songe. In: Littératures classiques, n°40, automne 2000. Droit et littérature - www.persee.fr). Certaines éditions du quatrain ont "pierres tombeez" au lieu de "peres tombez". Le songe de la mère de Sigismond se rapproche de celui d'Hécube mère de Pâris, qui enlèvera Hélène, qui rêva qu'elle accouchait d'une torche qui enflammait Troie (Nadine Ly, Aspects du théâtre de Calderón : «La vida es sueño», «El gran teatro del mundo», Pedro Calderón de la Barca, 1998 - books.google.fr). Au premier abord, on est choqué de voir régner en Pologne un roi au nom moscovite de Basile, ayant pour neveu le prince Astolphe et pour nièce la princesse Estrella (deux noms espagnols). Il faut agréer que c'est là une confusion de clichés évidente. Pourtant, la chose considérée de près semble beaucoup moins absurde et la confusion se laisse expliquer par le fait que la Pologne et la Russie étaient bien à cette époque sur le point de s'unir. L'expansion de la Pologne vers l'Est, tendance politique aussi bien que religieuse, s'est entre autres manifestée dans l'affaire du faux Démétrius dramatisée par Lope de Vega. C'est à l'époque de l'enfance de Calderon que Sigismond III transporta la capitale de la Pologne de Cracovie à Varsovie. A un moment, les seigneurs moscovites acclamèrent pour tsar le prince polonais, futur roi Ladislas IV. Suivant de loin toutes ces entrefaites, un Espagnol du XVIIe siècle a bien pu en confondre les détails, mas cette confusion était faite d'éléments réels ! Quelques autres péripéties de l'action de la Vie est un songe, telle la révolte contre Basile l'invitation au trône du prince Segismundo retenu en prison, trouvent leurs analogies dans la fortune de Sigismond III et de son fils Ladislas IV. Bref, on est amené à conclure que toute une atmosphère historique générale se retrouve dans la pièce espagnole (Maria Strzalko, La Pologne dans le théâtre du XVIIe et XVIIIe siècles espagnol, Actes Du Congrès de L'Association Internationale de Littérature Comparée, 1959 - books.google.fr). Les principaux éléments du mythe faustien, qui fait appel à Hélène de Troie, se retrouvent dans la littérature du Siècle d'Or. Dans La gran columna fogosa de Lope de Vega, où intervient un Fausto, et où un Patricio a vendu son âme au Diable pour l'aùmour d'Antonia et est sauvé par le saint, Basile est accusé par l'arien Posidonio d'utiliser la magie naturelle ou la science infernale dont il serait un maître dans ses oeuvres thaumaturgiques : "Basilio es gran estudiante por mágica natural o alguna ciencia infernal hizo hazaña semejante." (Sigmund Méndez, El mito Fáustico en el drama de Calderón, 2000 - books.google.fr). Il y a dans la vie de Basile un Faustus qui lui demande l'ordination par l'imposition des mains. Basile refuse sous le motif que Faustus n'a pas reçu d'approbation des autres évêques. Il sera ordonné par Anthime de Thyane (A. Grenier, La vie et les poésies de Saint Gregorie de Nazianze: Thése a la faculté de Lyon, 1858 - books.google.fr). Cipriano, personnage principal du Mágico prodigioso, ne doit pas être identifié à Faust. En fait, Calderón évoque ici la légende du saint et martyr chrétien Cyprien d'Antioche, qui avait fait d'abord une carrière de magicien. La pièce se résume ainsi : après avoir vainement essayé de séduire une jeune fille, Justina, Cipriano se vend au diable ; cependant, il sera sauvé par sa conversion à la foi chrétienne (Hans Henning, La trilogie de Faust au XVIème siècle et ses suites jusqu'à l'époque de Goethe, Faust, Cahiers de l'hermétisme, 1977 - books.google.fr). Mais dans le magicien d'Antioche, l'Allemagne avait reconnu sans effort un ancêtre du Faust de Goethe (Antoine de Latour, Oeuvres dramatiques de Calderon, 1871 - books.google.fr). Il semblerait que Grégoire de Nazianze, ami de Basile, fasse allusion à Cyprien d'Antioche (M. Lenain de Tillemont, Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique, Tome 9, 1703 - books.google.fr). C'est encore Philippe IV qui est sur le trône d'Espagne quand Calderón écrit La Vie est un songe, mais rien ne dit que Basilio règne en Pologne à la même époque. Son grand âge renverrait à des temps plus anciens, d'autant plus que la monarchie polonaise fut l'une des premières (Boleslas Ier, dit «le Vaillant», prit la couronne de roi en 1024). Si l'on pense plutôt à Sigismond, on s'aperçoit que le premier Sigismond a régné de 1506 à 1548, le second, Sigismond - Auguste, de 1548 à 1572, le troisième, Sigismond III Vasa, de 1587 à 1632. En 1635, c'est son fils Ladislas IV qui est sur le trône de Pologne. Calderón réalise un drame faussement historique (aucun Basile n'est monté sur le trône de Pologne), qui est aussi un drame d'actualité (les guerres civiles en Espagne), un drame symbolique surtout au centre duquel se trouve le Basileus, le Roi. [...] Sous le règne de Philippe IV, refusant de renouveler la trêve des Douze ans, Olivares engagea le pays dans une longue guerre contre les Provinces-Unies. Avec la France, les rapports furent difficiles dès l'arrivée de Richelieu, et se gâtèrent définitivement en 1635, l'année où fut publiée La Vie est un songe. La guerre engagée par Sigismond contre Basile est en fait dirigée contre Astolphe, le prince de Moscovie, prétendant étranger au trône de Pologne. Dès la première Journée, dans le dialogue avec Estrella, il dévoile ses ambitions auxquelles il compte associer celles de sa cousine : «vous et moi - proclame-t-il - nous aspirons à cet État» («y vos y yo / aspiramos a este Estado» vv. 538 - 539). La guerre civile est donc une guerre nationale, une guerre de succession, mais aussi une guerre pour le maintien d'une identité. «Vous trouverez en moi - dit Sigismond en armes à ses soldats - qui vous délivrera, par son courage et son habileté, de l'asservissement à un étranger» (Troisième Journée, p. 191). Ce n'est pas tout de faire la guerre. Il faut aussi maintenir l'autorité royale sur des militaires de plus en plus conscients de leur puissance. Ce risque est connu de Calderón, et n'apparaît nulle part mieux que dans L'Alcade de Zalamea une pièce représentée peut-être en 1636, «cri d'alarme», comme l'a écrit Robert Marrast, «d'un homme, d'un dramaturge profondément conscient de la nécessité de faire cesser une situation intolérable dans l'Espagne de son temps ; c'est un appel à la conscience, une invitation à méditer sur le point de savoir si la législation d'exception dont jouissent les hommes sous l'uniforme est toujours compatible avec le comportement de ces hommes» (Pierre Brunel, Formes baroques au théâtre, 1996 - books.google.fr). En Russie Ivan IV, dit le Terrible en raison de ses cruelles pulsions incontrôlables qui l'amènent autant à tuer qu'à porter un cilice, met en place un régime autocratique repris par la nouvelle dynastie des Romanov, élue en la personne de Michel, après l'extinction de la dynastie de Rurik et l'usurpation de Boris Godounov, et après les difficultés du début du XVIIe siècle, le temps des Troubles (Brigitte de Montclos, Du tsar à l'empereur: Moscou-Saint-Pétersbourg, 2005 - books.google.fr). La femme d'Ivan IV est une Romanov. C'est lui qui fit construire l'église de l'Intercession de la Vierge de 1555 à 1561, pour commémorer la victoire de Kazan sur les Tatars en 1552, à la place de plusieurs église en bois construire à l'occasion de précédentes victoires. L'église est en briques et on lui adjoint en 1558 la chapelle Saint Basile le Bienheureux qui donne son nom à l'ensemble (Moscou, Casa Editrice Bonechi, 2006 - books.google.fr). Michel Evdokimov, dans son ouvrage Pèlerins russes et Vagabonds mystiques, rappelle les rapports uniques et privilégiés qui se nouaient entre ces êtres dédaigneux de toute étiquette et les tsars investis de l'autorité suprême, et que ces individus attiraient mystérieusement. Vénérés par le peuple, ils aimaient subvertir les lois, bousculer les idées reçues, déraisonner, obligeant ainsi leurs vis-à-vis à manifester à leur tour une quête sincère et sérieuse du sens. Il y eut, parmi ces «Fols en Christ» célèbres, saint Basile le Bienheureux, à qui le basilique aux bulbes multicolores, sur la place Rouge, fut dédiée. Saint Basile aimait jeter des pierres contre les fenêtres des nantis. Il baisait le seuil des maisons où vivaient des prostituées notoires. Sur les premières maisons, disait-il, il voyait des démons agrippés aux murs, et sur le toit des secondes, des anges qui pleuraient. Sur les marchés, il saccageait l'étal des vendeurs malhonnêtes. Les «Fols en Christ» chantaient en marchant, louaient le ciel pour leur merveilleuse liberté intérieure, se réjouissaient de leur renoncement absolu aux biens de ce monde, à la famille, à la raison. «Russie, autocratie limitée par les "fols en Christ"», a écrit Léonid Feodorov, religieux mort au goulag. Ainsi, Ivan le Terrible alla écouter Basile le Bienheureux. Et Nicolas II, pour bénéficier de ces mêmes dons de prophétie dont on disait que Dieu avait nanti les «fols en Christ», demanda à rencontrer l'innocente Pacha dans sa cellule. Pacha sucrait le thé qu'elle offrait à ses visiteurs à proportion du malheur qu'elle pressentait dans leur aven. Le thé que but le tsar était un épais sirop... (Christiane Rancé, Tolstoï. Le pas de l'ogre, 2010 - books.google.fr). C'est avec Pierre le Grand, 1682-1725, que la Russie devient une puissance redoutable, grâce aux ressources nouvelles qu'il crée pour les remettre entre les mains du tzar, grâce à ses victoires sur Charles XII, à son intervention dans les affaires de Pologne, aux provinces qu'il réunit à son empire (Ingrie, Livonie, Karélie). Par la fondation de Saint Pétersbourg, 1705, il entre en relations directes avec l'Europe; le traité de Nystadt, en 1721, lui assure la prépondérance dans le Nord et sur la mer Baltique; l'Ukraine est soumise, la mer Caspienne devient un lac russe, et la puissance du tzar s'étend jusqu'à la Chine, jusqu'aux Kouriles et au Kamtchatka. Il lègue à ses successeurs le plan de conduite politique qu'ils doivent suivre (Louis Grégoire, Dictionnaire encyclopédique d'histoire, de biographie, de mythologie et de géographie, 1873 - books.google.fr). C'est un fils du neveu de Charles XII, battu par Pierre le Grand à Poltawa, qui devient le tsar Pierre III qui inaugure la dynastie des Romanov-Holstein-Gottorp, marié à Catherine II. |