Clément XI et le concile de Rimini

Clément XI et le concile de Rimini

 

III, 21

 

1720

 

Au Crustamin par mer Hadriatique,

Apparoistra un horrible poisson,

De face humaine, & la fin aquatique,

Qui se prendra dehors de l'ameçon.

 

Croire, à propos de ce quatrain - comme le font d'autres interprètes - qu'il s'agirait de l'invention d'un certain sous-marin qui aurait été construit dans la région de ce petit ruisseau, nous semble une naïveté. Et on peut trouver chez les commentateurs beaucoup d'autres idées, très pittoresques, alarmantes, voire catastrophiques, à propos des quatrains alchimiques, qu'ils prennent tous comme des prophéties.

 

Le choix du mot CRUSTAMIN est très ingénieux, car il est composé de telle manière, qu'il ouvre, par des permutations cabalistiques, une série de significations, toutes concourant à élucider le contenu du quatrain. Le premier pas, et le plus simple, est de considérer ce mot comme étant composé de CRUSTA (latin crusta, écorce, croûte, ou crustum gâteau à feuilles croquantes) et MIN (par apocope de MINERAL). AU CRUSTAMIN... UN HORRIBLE POISSON L'horrible poisson est la matière première, qui, commme nous l'avons vu plus haut, a un aspect écailleux, ou avec croûte en feuilles, dans l'état de minerai. C'est ce qu'exprime la CRUSTA MINérale, associée à l'"horrible poisson". En second lieu, CRUSTAMIN (par métaplasme de U et M en I et L), nous donne CRISTALIN, ce qui est une indication pour les couches cristalines, semblables aux feuillets d'un livre. C'est pour cela qu'elle a été nommée "terre en feuilles" (terra foliata), ou livre avec feuilles. Considérons maintenant le mot clef du quatrain: CRUSTAMIN.

 

A un regard superficiel, il paraît indiquer une petite rivière d'Italie, nommée aujourd'hui Conca, et qui au temps des Romains s'appelait CRUSTUMIUM. Elle se verse dans la Mer Adriatique, et est considérée tellement insignifiante, qu'on ne la trouve même pas dans le grand atlas de l'Encyclopedia Britannica (Vlaicu Ionescu, Jean Phaure, Le message de Nostradamus sur l'ère prolétaire, 1976 - books.google.fr).

 

Le fleuve Conca

 

CRUSTUMIUM, CRUSTUNUS et CRUSTURNENIUS (Conca), riv. d'Ombrie qui prend sa source aux Apennins, et se jette dans la mer à Riminum (Marie Nicolas Bouillet, Dictionnaire classique de l'antiquité sacrée et profane, Tome 1, 1826 - books.google.fr).

 

Le torrent Conca se jette plus précisément à Cattolica près de Rimini. Il y avait à l’embouchure une ville appelée Conca ou Concha avec une tour ruinée.

 

Le Conca forme une partie de la frontière entre la huitième région au nord et la sixième région, l'Ombrie d'Auguste, qui comprend l'Ager Gallicus (www.wikiwand.com, Cahiers du Centre Glotz, Volume 2 , 1991 - books.google.fr).

 

En ce qui concerne les rivières, Lucain se plaĂ®t Ă  mentionner quelques particularitĂ©s caractĂ©ristiques : la vitesse torrentielle du MĂ©taure et du Crustumium, les gorges traversĂ©es par le Rutuba, les exhalaisons qui pendant la nuit se dĂ©gagent du Sarnus, les plaines cultivĂ©es qu'arrose le Siler, les bas-fonds du Macra et son voisinage du port de Luna. Ou bien encore il Ă©voque les vieilles fables associĂ©es aux noms de ces fleuves : la lĂ©gende de PhaĂ©thon et de ses soeurs sur les rives du PĂ´, celle de Marica sur les bords du Liris.

 

Parmi les autres poètes du siècle d'Auguste, Ovide est le seul qui ait exercĂ© sur Lucain une certaine influence. On ne trouve dans la Pharsale aucune rĂ©miniscence de Tibulle ni de Properce : au contraire, les souvenirs d'Ovide y sont assez nombreux, moins que ceux de Virgile, mais plus que ceux d'Horace. Ovide a fourni 15 ou 16 imitations, contre 1 ou 8 d'Horace, et 50 environ de Virgile (www.roma-quadrata.com).

 

Passé Rimini, le chemin de fer suit la côte, en passant par S. Martino et S. Lorenzo, franchit le Marano et la Conca (le Crustumium rapax de Lucain, La Pharsale II. 406), et atteint La Cattolica, qui donna l'hospitalité aux évêques catholiques pendant le concile de Rimini de 359, d'où le nom de la localité (Karl Bædeker, Italie manuel du voyageur par K. Baedeker: L'Italie centrale et Rome, Tome 2, 1869 - books.google.fr).

 

La Cattolica se serait aussi appelée Crustumium (selon l'édition des Guerres Puniques de Silius Italicus de 1862 : le vieux Crustumium) (Lucain, Silius Italicus, Claudien: oeuvres complètes, 1862 - books.google.fr).

 

Le concile de Rimini

 

SULPICE Sévère raconte que du temps de l'empereur Constantius «les Ariens faisoient valoir, non en secret comme auparavant, mais en public, le triomphe de leur hérésie. Ils interprétoient même, dit-il, en leur faveur le concile de Nicée, qu'ils avoient corrompu par l'addition d'une seule lettre, et ils avoient répandu des ténèbres sur la vérité. Car dans le lieu où étoit écrit le terme "omousion", qui signifie unité de substance, ils disoient qu'on avoit écrit "omoiusion", qui ne signifie que similitude de substance... parce que la similitude est très différente de l'unité». On voit par cet exemple combien les textes sont importans aux dogmes, et à quel point la prétendue question de fait conserve ou renverse la question de droit. Une lettre met en sûreté le dépôt de la foi, et le retranchement de cette seule lettre renverseroit les promesses de Jésus-Christ. [...]

 

«Par ces combats de paroles, dit notre historien, on étoit parvenu jusqu'à engager le monde entier dans ces piéges de l'hérésie. Après le concile de Rimini, dit-il, «le terme de substance fut aboli, comme ambigu et témérairement employé par les Pères, sans aucune autorité de l'Ecriture.» Cet auteur assure «qu'une profession de foi frauduleuse trompa les évêques.» [...]

 

Mais qu'arrive-t-il dans une occasion oĂą les Ă©vĂŞques se trompent sur des textes si importans Ă  la foi ? Demandons-le Ă  ce grave auteur. «Ni l'un ni l'autre des deux partis, dit-il, ne pouvoit alors croire qu'il fĂ»t entièrement ni vaincu ni victorieux; car la foi, c'est-Ă -dire la confession de foi, Ă©toit pour les Ariens, et les dĂ©clarations postĂ©rieures Ă©toient pour les Catholiques, exceptĂ© celle que Valens avoit ajoutĂ©e, et qui, n'ayant pas Ă©tĂ© d'abord bien comprise, l'avoit Ă©tĂ© enfin trop tard.» Il ajoute que saint Hilaire «aperçut l'extrĂŞme pĂ©ril de la foi, parce que les Occidentaux Ă©toient trompĂ©s, et les Orientaux victorieux par leur tromperie.» (Troisième instruction pastorale sur le cas de conscience, 1705) (Oeuvres complètes de FĂ©nelon, archevĂŞque de Cambrai, Tome 4, 1850 - books.google.fr).

 

Le concile de Rimini s’est tenu au début de l’été 359. Il rassemblait une majorité d’évêques nicéens. Après avoir souscrit aux termes du concile, les évêques catholiques se reprirent et réaffirmèrent la foi de Nicée (325) et excommunièrent les représentants de l’arianisme avant d’envoyer leur délégation auprès de l’Empereur. Le texte de la profession de foi est cité par Saint Jérôme, au chapitre dix-sept de son Dialogue entre un luciférien et un orthodoxe. Les Mauristes attribuent la paternité de la profession de foi à Phoebade d’Agen (www.patristique.org).

 

Cf. quatrain VI, 1 - Basques et Rifains - 1926, au sujet de Phebade d'Agen.

 

Via Flaminia

 

Caius Flaminius Nepos (mort en 217 av. J.-C.) est un consul romain, d'origine plébéienne. Il eut pour fils Caius Flaminius, le consul de 187 av J.-C.. Censeur à partir de 220 av. J.-C., il prolongea vers Ariminum la route militaire qui porte son nom (via Flaminia), et qui, à l'origine, allait de Rome à Spoletium (aujourd'hui Spolète). La voie Flaminia atteint l'Adriatique à Fanum Forunae (Fano) et longe la côte en passant par Pisaurum (Pesaro) et la future Cattolica. Il construisit également le cirque Flaminius et, selon toute vraisemblance, inaugura les jeux plébéiens. En 218 av. J.-C., il s'attira à nouveau l'hostilité des conservateurs en soutenant la lex Claudia, motion interdisant aux sénateurs et à leurs fils de posséder des navires de haute mer de plus de 300 amphores, sauf pour transporter les produits de leurs propres domaines. À nouveau élu consul en 217 av. J.-C., avec pour collègue Cnæus Servilius Geminus, il prit le commandement de l'armée face aux Carthaginois d'Hannibal. Flaminius conduisit ses troupes d'Ariminum à Arretium (aujourd'hui Arezzo) mais fut surpris sur les rives du lac Trasimène dans l'Ombrie et fut décapité au cours d'une sanglante bataille où périrent la moitié des 30000 hommes de son armée. Un Celte combattant pour Hannibal nommé Ducarios fut son bourreau selon la mention de Tite-Live vengeant ainsi le massacre d'une partie de son peuple 6 ans plus tôt par une légion commandée par Flaminius (fr.wikipedia.org - Caius Flaminius Nepos, fr.wikipedia.org - Via Flaminia).

 

La basilique de Saint-Valentin sur la via Flaminia près de Rome a été fouillée par M. Marucchi qui publie ses recherches en 1890. Un fragment du couvercle d'un sarcophage en marbre présente à droite, on voit un pêcheur qui tire de l'eau un poisson suspendu à l'hameçon. A gauche une nef au nom de Thecla et son nocher Paulus (Revue thomiste, revue doctrinale de théologie et de philosophie, 1898 - books.google.fr,  Pasquale Testini, Archeologia cristiana: nozioni generali dalle origini alla fine del sec. VI. ; propedeutica, topografia cimiteriale, epigrafia, edifici di culto, 1980 - books.google.fr).

 

Antonio Bosio, grand archéologue et féru d'antiquités, a vécu entre XVI et XVIIe siècle, Il a été le premier à entrer dans les catacombes de Saint-Valentin.

 

Valentin est un prĂŞtre de Terni qui se trouve sur la Via Flaminia Nova. C'est l'antique Interamna Nahars (Ombrie, LONELY PLANET, 2017 - books.google.fr).

 

Sur la cĂ´te adriatique, Ă  l'embouchure du MĂ©taure, dans ce qui avait Ă©tĂ© l'ager Gallicus, la ville dĂ© Fanum Fortunae, parfois simplement appelĂ©e par abrĂ©viation Fanum et qui, aujourd'hui encore, porte le nom de Fano, perpĂ©tuait par cette dĂ©nomination le souvenir d'un sanctuaire de Fortuna autour duquel elle avait pris naissance et dont, par ailleurs, Ă  l'exception de ce seul tĂ©moignage, nous ignorons tout. Fanum Ă©tait, comme Antium, une ville maritime et le centre commercial oĂą se faisaient les Ă©changes entre la vallĂ©e du MĂ©taure et la mer et oĂą la Via Flaminia, après avoir longĂ© le fleuve, atteignait la cĂ´te pour remonter ensuite vers Ariminum, son point d'aboutissement. Fortuna, dispensatrice de la fĂ©conditĂ©, vĂ©nĂ©rĂ©e par de nombreux collèges d'artisans prĂ©nestins ou romains, avait-elle Ă  Fanum un caractère particulièrement net de dĂ©esse de la prospĂ©ritĂ© et de patronne de la vie Ă©conomique, distributrice, dès une pĂ©riode relativement ancienne de son histoire, des biens matĂ©riels, comme le sera plus tard, et plus clairement, la Fortune hellĂ©nisĂ©e Ă  la corne d'abondance ? (Jacqueline Champeaux, Fortuna. Le culte de la Fortune Ă  Rome et dans le monde romain. I - Fortuna dans la religion archaĂŻque. Rome : École Française de Rome, 1982 - www.persee.fr).

 

Des monstres féminins que nous a légués le Moyen Age, Mélusine, souvent confondue avec une sirène, est le plus fascinant. Fée, femme et serpent, elle est synonyme d'un passé fabuleux où le merveilleux se mêlait à la vie quotidienne. Le deshérité rencontrait dame Fortune à la croisée des chemins... Raymondin, qui est perdu dans une forêt, rencontre de même Mélusine qui prend son destin en main (Claude Lecouteux, Mélusine et le chevalier au cygne, 1997 - books.google.fr).

 

Les deux routes qui longeaient les deux rives du Tibre, le Salaria et la Flaminia, établissaient les relations politiques et commerciales de Rome avec l'Ombrie, et tout le nord de l'Italie (Jean Guiraud, L'état pontifical après le grand schisme: étude de géographie politique, 1896 - books.google.fr).

 

"horrible poisson" : monstre marin et hameçon

 

Et c’est parce qu’il s’appliquait aussi au Christ qu’il a pu être porté par des personnages importants de l’Église primitive, notamment par Lucifer, évêque de Cagliari en Sardaigne, légat du Pape au concile de Milan de 355, exilé de là en Orient par l’empereur pro-arien Constance II et qui a paru comme le chef de file des anti-ariens intransigeants, nommés à cause de lui lucifériens. Satan était donc jadis lumière avant de prévariquer et de tomber.

 

Dans le TraitĂ© des Principes, Origène appelle Satan «Prince de ce monde, c'est-Ă -dire de cette habitation terrestre, et il gouverne ceux qui l'ont suivi dans sa malice puisque ce monde tout entier — j'appelle maintenant monde ce lieu terrestre — est placĂ© sous le pouvoir du Malin, c'est-Ă -dire de cet apostat. Il est donc un apostat, c'est-Ă  dire un transfuge, et c'est le Seigneur qui le dit dans le Livre de Job : Tu prendra Ă  l'hameçon le dragon apostat, c'est-Ă -dire transfuge. Il est certain en effet que ce dragon dĂ©signe le diable». C'est le C’est le traducteur Rufin qui a fait suivre Ă  deux reprises le mot d’origine grecque apostata par sa traduction latine transfuga. Donc «des puissances contraires sont appelĂ©es transfuges et il est dit qu’elles furent autrefois immaculĂ©es» (Henri Crouzel, Le dĂ©moniaque dans l’œuvre d’Origène In : Figures du dĂ©moniaque, hier et aujourd’hui, 199 - books.openedition.org).

 

A côté de Julien, l'empereur arien Constance II a droit, tout aussi régulièrement, à la qualification d'apostat dans les violents libelles de l'antiarien extrémiste Lucifer de Cagliari qui accuse l'empereur de vouloir faire des chrétiens des apostats comme lui. Au début de son œuvre De regibus apostaticis, l'auteur explique précisément à Constance qu'il va lui présenter "les actions des quelques rois égaux à toi en apostasie et cruauté" et, un peu plus loin, il le compare à Jéroboam qui a voulu rendre le peuple d'Israël apostatam ex Dei cultorem (Nancy Gauthier, La notion d'apostat dans l'Occident latin du IVe siècle, Les Chrétiens face à leurs adversaires dans l’occident latin du IVe siècle, 2001 - books.google.fr).

 

A la mort de l'empereur Constance, Julien l'Apostat, son cousin germain, lui succĂ©da. Et quoiqu'il eĂ»t Ă©tĂ© un faux chrĂ©tien, un vrai ennemi de JĂ©sus-Christ, qui eĂ»t dĂ©sirĂ© d'exterminer (s'il eĂ»t pu) son nom et sa religion de toute la terre, nĂ©anmoins, pour mieux tromper les chrĂ©tiens, et gagner la rĂ©putation d'un prince bĂ©nin et clĂ©ment, et s'Ă©tablir dans la bienveillance des peuples de son empire, peut-ĂŞtre aussi Ă  cause de la haine qu'il portoit Ă  Constance, pour dĂ©truire tout ce qu'il avoit fait, et soulager ceux qu'il avoit opprimĂ©s, il commanda, par une raison d'État, que tous les Ă©vĂŞques bannis retournassent en leurs diocèses, ainsi que dit saint JĂ©rĂ´me en ces mots :

 

La nacelle apostolique Ă©toit bien Ă©branlĂ©e, les vents impĂ©tueux la battoient, les vagues furieuses l'attaquoient de tous cĂ´tĂ©s, en sorte qu'elle Ă©toit rĂ©duite Ă  un danger manifeste, lorsque Notre-Seigneur s'Ă©veilla et commanda Ă  la tempĂŞte de cesser. La bĂŞte mourut (c'est Ă  savoir l'empereur Constance) et la mer devint calme. Je le dirai encore plus clairement : tous les Ă©vĂŞques qui avoient Ă©tĂ© chassĂ©s de leurs siĂ©ges retournèrent en leurs Ă©glises, par le consentement du nouveau prince, et alors l'Égypte reçut son grand et victorieux pasteur Athanase (Pedro de Rivadeneira, Les vies des saints et fĂŞtes de toute l'annĂ©e, Tome 5, 1864 - books.google.fr).

 

La manière dont les amis de S. Athanase et les partisans de la foi de Nicée furent poursuivis, maltraités et persécutés avant et pendant l'exil de l'évêque d'Alexandrie, est une terrible preuve de l'intolérance des hérétiques lorsqu'ils ont le dessus, et explique les paroles amères dont se servent l'ardent Lucifer, de même qu'Athanase et Hilaire, lorsqu'ils parlent de l'empereur Constance. Ils l'appellent à diverses reprises le précurseur de l'Antechrist, l'Antechrist lui-même, et il le compare à Hérode, à Pharaon, à Saul et à Achab. Lucifer ne craint même pas de le surnommer immanis fera et immanis bestia, qui n'a de l'homme que les lineamenta et la figure (Karl Joseph von Hefele, Histoire des conciles d'après les documents originaux, Tome 2, traduit par Isidore Goschler, Odon Delarc, 1869 - books.google.fr).

 

Le croisement des textes de Jérôme et de Lucifer peut permettre de considérer Constance comme un monstre aquatique à la figure d'un homme s'attaquant à la nacelle ecclésiale.

 

Dans l'Apocalypse XIII, une bête affiliée à l'Antéchrist monte de la mer.

 

Ambroise de Milan remarque que ceux qui avoient facilement cru les Ariens, «avoient été trompés, en sorte qu'ils étoient tombés dans le piége, où ils croyoient trouver la foi.» Il s'explique aussitôt, et il déclare qu'il veut parler des Pères du concile de Rimini, qui «prononcèrent anathême contre quiconque dit que Jésus-Christ est créature, comme les autres créatures. Ils furent simples, dit-il, pour entendre et pour croire... Ils furent trompés d'abord par le son des paroles. Semblables à des oiseaux, ils n'aperçurent pas le filet tendu, ne songeant qu'à se nourrir de la foi. Ainsi, ne cherchant que la foi, ils prirent l'hameçon d'une cause impie.» Selon ce Père, une locution déréglée et captieuse, c'est comme l'hameçon qui donne la mort à celui qui cherche la vie. Ainsi l'Eglise ne peut veiller avec sûreté au salut de ses enfans, selon les promesses, si elle n'est pas sûre, selon les promesses mêmes, de leur montrer l'hameçon funeste qu'ils doivent fuir. Telle est l'importance des mots pour le fond des choses (Troisième instruction pastorale sur le cas de conscience, 1705) (Oeuvres complètes de Fénelon, archevêque de Cambrai, Tome 4, 1850 - books.google.fr).

 

Les tribus de Rome

 

Servius Tullius partagea aussi tout le territoire romain en tribus qu'on nomma rustico, et qui, devenues la commune romaine, comprenaient tout ce qui ne faisait pas partie des 300 gentes patriciennes. Les tribus rustiques prirent les noms ou de certaines familles ou des lieux qu'elles occupaient, et l'on conservait le nom de sa tribu tant Ă  la ville qu'Ă  la campagne. Elles finirent par ĂŞtre plus estimĂ©es que celles de la ville oĂą Q. Fabius fit entrer, en 450 de R. ( 304 ans av. J.-C.), tout le bas peuple et ceux qui ne possĂ©daient rien et n'avaient pas mĂŞme de mĂ©tiers. Il reçut Ă  cette occasion le surnom de Maximus pour avoir purgĂ© les tribus rustiques des affranchis et de la populace qu'on y avait placĂ©s pendant quelques annĂ©es; on les mit ensuite tous dans l'Esquiline, et c'Ă©tait un affront d'y ĂŞtre rejetĂ© par les censeurs. Aussi, dans les actes , ainsi qu'on le voit par les inscriptions, tenait-on Ă  indiquer de quelle tribu on Ă©tait, pour montrer qu'on n'appartenait pas Ă  une tribu urbaine, ou d'affranchis, ou de nouveaux citoyens romains et des peuples auxquels on accordait le droit de suffrage. [...] Les tribus rustiques de Servius entouraient Rome qui en Ă©tait le centre, et dont le territoire ne s'Ă©tendait qu'Ă  5 ou 6 milles de la ville. Au reste, on n'est pas d'accord sur le nombre des tribus rustiques Ă©tablies par Servius. [...] Quoiqu'il en soit ces tribus conservèrent leurs anciens noms : ROMULIA, VEIENTINA, LEMONIA, PUPINIA, CRUSTUMINA. Les autres prirent des noms de familles romaines. Ces cing tribus sont les seules de Servius sur la position topographique desquelles on ait quelque donnĂ©es, encore assez incertaines. [...] La Lemonia, Ă  l'E. de Rome, prenait son nom du Pagus Lemonius, près de la porte Capène; elle Ă©tait entre la voie latine et la voie Appienne; elle comprenait Alba, Aricia, Velitra. La CRUSTUMINA tirait sa dĂ©nomination de Crustumerium ou Crustumina, sur la rive gauche du Tibre. Au N. de Rome, elle occupait le territoire entre la route qui menait Ă  Antemnæ, Ă  Fidene, Ă  Crustume (Description des musĂ©es de sculpture antique et moderne du Louvre, Tome 1, 1847 - books.google.fr).

 

Crustumenies

 

Le T.L.F. atteste par erreur cet italianisme en 1536, au lieu de 1546, en citant le passage en question, et il se limite Ă  dire : «empruntĂ© Ă  l'italien bergamotta [...]».

 

Quant à l'adjectif «crustumenies», il forme avec le substantif «poyres» un calque et précède dans le texte de Rabelais le syntagme «poyres berguamottes». L'adjectif «crustumenies» dénote une variété de poires originaires de la Syrie et réimplantées dans la Sabine (Latium). Aucun des critiques n'a relevé que cet adjectif est une véritable création de Rabelais, étant formé sur le nom de la ville de Crustumerium ou Crustumium en Sabine, et sur le nom d'une des tribus de Rome, à savoir la Crustumina. L'ajout des phonèmes [n] et [i] signe l'originalité rabelaisienne par rapport aux modèles latins de Virgile ou de Pline l'Ancien, qui notent ces poires sous le nom de pirum Crustuminum ou Crustumium [...]

 

Crustumerium ou Crustumium est le nom d'une ancienne ville «romaine» entre le Latium et la Sabine; elle fut conquise par les Romains à la fin du VIe siècle avant Jésus-Christ et elle donna son nom à la tribu Crustumina en 495; elle était située sur la Via Salaria, établie entre Fidene et Ereto (Franco Giacone, A tout seigneur tout honneur: sur quelques italianismes du Tiers Livre, Revue d'histoire littéraire de la France, Volume 97, 1997 - books.google.fr).

 

Acrostiche : AADQ, adque

 

"adque" : "atque" (Gaffiot).

 

Les Pères du concile de Rimini Ă©crivent Ă  l'empereur Constance plusieurs lettres dont une oĂą ils se justifient (De damnatione Ursacii et Valentis) :

 

Atque ea de causa Ursacius et Valens, jampridem socii et astipulatores Ariani dogmatis, a nostra communione, sententia data, segregati fuere : quam ut denuo recuperarent, de peccatis suis, in quibus se conscius agnoscebant, panitentiam veniamque postularunt ut eorum syngraphæ testantur: et ob id illis venia gratiaque delictorum facta est. Hæc autem per id temporis facta sunt, cum Mediolani synodus in consessum ibat, præsentibus ibidem Romanæ Ecclesiæ presbyteris : fuitque proinde nobis persuasissimum, iniquuu esse, cum imperator Constans ab obitu suo dignus omni memoria banc fidem omni cura et diligentia conscriptam promulgarit, tum demum ex quo ille baptizatus, ex hominibus in requiem sibi debitam translatus est, aliquid novi in ea fide moliri velle, et tot sanctos confessores et martyres hujus placiti scriptores auctoresque contemnere, qui pro veteri lege, rituque Ecclesiæ, in ea sententia permansere: quorum fidem Deus per Dominum Jesum Christum in tempora tui imperii contulit: per quem ita late regnas, ut etiam nostro orbi imperes. Verum De inconstantia Ursacii et Valentis (Patrologiæ cursus completus: sive bibliotheca universalis, integra, uniformis, commoda, oeconomica, omnium SS. patrum, doctorum, scriptorumque ecclesiasticorum. Series latina, Volume 13, 1845 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 1720 sur 359 donne -1002.

 

On peut remarquer six sabbatiques connues depuis Josué jusqu'à Jesus-Christ. La premiere sabbatique connue tombe en l'année de la dédicace du Temple sous Salomon. Il est vrai que celle-ci n'est pas expressément marquée dans le texte facré; mais elle est connue par plusieurs Interpretes, & prouvée par celles dont le texte sacré fait mention. On remarque que le Temple ayant dû être achevé en l'année 1005 avant l'Ere Chrétienne Vulgaire au huitieme mois de l'année sacrée, qui étoit le second de l'année civile, répondant au mois lunaire d'Octobre, la dédicace ne fut célébrée que dans l'année suivante 1004 avant l'Ere Chrétienne Vulgaire, au septieme mois de l'année sacrée qui étoit le premier de l'année civile, répondant au mois lunaire de Septembre. Et comme le calcul prouve que l'année qui commençoit alors, étoit une année sabbatique, on conjecture avec assez de vraisemblance, que ce fut ce qui donna lieu à Salomon de remettre à cette année la cérémonie de la dédicace, afin qu'elle fût célébrée avec un plus grand concours. Cette sabbatique devoit donc commencer à la fin de l'année 1004, c'est-à-dire, au commencement de l'automne, & occuper les huit premiers mois de l'année 1003 avant Jesus-Christ (La Sainte Bible en latin et en françois: avec des notes litterales, critiques et historiques, Tome 3, 1768 - books.google.fr).

 

Julien l'Apostat, succĂ©dant Ă  Constance II en 361, avait aboli les lois restrictives de Constantin et de Constance contre les Juifs, et voulut reconstruire le temple de JĂ©rusalem; les communautĂ©s israĂ©lites Ă©trangères restèrent sourdes Ă  l'appel impĂ©rial : elles s'Ă©taient dĂ©tachĂ©es de la cause nationale, du moins d'une façon immĂ©diate. Pour tous les Juifs de ce temps, la reconstitution du royaume de Juda Ă©tait liĂ©e Ă  l'avènement du Messie et ils ne pouvaient l'espĂ©rer d'un philosophe couronnĂ©; ils n'avaient qu'Ă  attendre le roi du ciel qui leur Ă©tait promis et ces sentiments persistèrent durant des siècles (Bernard Lazare, L'antisĂ©mitisme: son histoire et ses causes, 1894 - books.google.fr).

 

Clément XI

 

Gianfrancesco Albani, né le 23 juillet 1649 à Urbino dans les Marches (Italie) et décédé le 19 mars 1721 à Rome, fut le 243e évêque de Rome, et donc pape de l’Église catholique qu'il gouverna de 1700 à sa mort en 1721, sous le nom de Clément XI.

 

Les origines albanaises du Pape Clément XI jouèrent un rôle dans les hostilités contre les Turcs. Il devint le promoteur de la Ligue européenne qui conduisit à deux défaites sanglantes des Turcs, à Petrovaradin et à Belgrade, par le prince Eugène de Savoie [cf. quatrain III, 17] (fr.wikipedia.org - Clément XI).

 

La Faggiuola était un château à cinq lieues au nord-ouest d'Urbino, près des sources du fleuve Conca, entre les deux petites villes de MacerataFeltria et de Feltrio-San-Leo (Fraticelli, Stor. della vita, etc., p. 193) (François Tommy Perrens, Histoire de Florence, Tome 3, 1877 - books.google.fr).

 

Sous les Romains, le territoire d'Urbino faisait partie de l'Ombrie d'Auguste.

 

La 89e devise malachienne attribuĂ©e Ă  ClĂ©ment XI est « Flos circumdati Â».

 

Abbé F. Cucherat, Prophétie de saint Malachie sur la succession des papes, Seychalles, Chez Tournemine, 1871. Attribuée Malachie, évêque irlandais qui mourut à Clairvaux en 1148 et dont saint Bernard composa la Vie, la Propheria S. Malachiae, Archiepiscopi, de Summis Pontificibus a été publiée à Venise, en 1595 par Arnold de Wyon, bénédictin de Venise, dans son ouvrage Lignum Vitae, Ornamentum et Decus Ecclesiae. Le texte est une suite de 112 maximes attribuées aux papes élus depuis Célestin II (1143-1144), maximes dont la formulation amphigourique est supposée contenir un message décisif sur chacun. Aucun contemporain de Malachie ne mentionne la Propheria S. Malachiae. Le texte est vraisemblablement un faux composé au XVIe siècle, sans doute pour favoriser une élection pontificale. L'abbé Cucherat, qui avait affirmé que Malachie avait écrit sa prophétie à Rome, entre 1139 et 1140, s'était attaché à décrypter les messages contenus dans les maximes. Voir par exemple Les textes prophétiques et la prophétie en Occident (XIe-XIIIe siècle), VAUCHEZ A (dir.), Mélanges de l'École Française de Rome, t. 102-2, 1990 (Didier Méhu, Cluny après Cluny: Constructions, reconstructions et commémorations, 1790-2010, 2019 - books.google.fr).

 

On retrouve cette prophétie au quatrain suivant.

 

Et signalant, avec sa charitĂ©, la noblesse de ses goĂ»ts & la grandeur de ses vues, ClĂ©ment, pour le bien public, fit construire de nouveaux greniers d’abondance, si vastes & si sains, que Rome devint comme inaccessible Ă  la disette. Pour attirer les grains, il fit construire un nouveau port, aussi commode que magnifique. Avant son pontificat, le cours des eaux publiques n’étoit pas moins nĂ©gligĂ© que le transport des grains : il fit rĂ©parer les aqueducs & les conduits rompus, sur une longueur qui eĂ»t dĂ©concertĂ© tout autre courage que le sien. Et portant bien loin, hors de Rome, sa magnanime bienfaisance, il procura des fleuves d’eau saine Ă  Civita Vecchia, oĂą les eaux corrompues & comme empoisonnĂ©es ne portoient plus que la langueur & la mort. Il rĂ©para les chemins publics, dans le Latium, dans la Sabine & dans la Romagne. Il fit des ponts sur une infinitĂ© de rivieres & de ruisseaux dangereux. Il dessecha les marais au loin, sur les bords de la mer; il y Ă©leva des tours, & quantitĂ© de forts, contre les incursions des pirates & des infideles. Parlerons-nous des monumens religieux qu'il a, ou Ă©rigĂ©s, ou rĂ©parĂ©s, ou ornĂ©s, avec la magnificence exquise qui Ă©toit comme la marque de son gĂ©nie ? Mais on ne peut que nommer les Ă©glises innombrables qui lui doivent leur existence, ou leur embellissement, dans toute l'Ă©tendue de notre hĂ©misphere, en Hongrie, en Moscovie, dans la CrimĂ©e, la Thrace, la GĂ©orgie, l'ArmĂ©nie, la Perse, l'Egypte & l'Ethiopie; sans parler encore d’une vingtaine d’églises qu’il bâtit, ou qu’il embellit dans la ville de Rome. Et dans l’une de celles-ci, un seul article de dĂ©coration, les seules statues des ApĂ´tres dans la basilique de Saint-Jean-de Latran, lui coĂ»terent plus de soixante-dix mille Ă©cus d’or. On doute qu'il ait bien su lui-mĂŞme ce qu’a pu coĂ»ter la rĂ©paration du PanthĂ©on, qu'il importoit Ă  l'Evangile d’éterniser, comme un monument de son triomphe sur la superfition de la superbe Rome, & de toutes les nations qu’elle avoit subjuguĂ©es. VoilĂ  quel Ă©toit, selon le tĂ©moignage de ses oeuvres & de tous ses contemporains orthodoxes, le Pontife si dĂ©nigrĂ© dans les vagues invectives de la secte qu'il a proscrite : Ă  qui le bon sens, ainsi que la religion, veut-il qu’on s’en rapporte ? Qui peut craindre encore les calomnies, ou plutĂ´t les dĂ©tractions insignifiantes d’une secte, qui n'a pas Ă©pargnĂ© um pontife tel que ClĂ©ment XI ? Encore si Ă  ce prix il eĂ»t eu le bonheur de procurer la paix de l’Eglise ! (Histoire de l'Eglise, Tome 24 : Depuis l'Election de Clement XI en 1700, jusqu'a sa mort en 1721, 1790 - books.google.fr).

 

Le cas de conscience

 

Un prĂŞtre jansĂ©niste, sans doute confesseur d'un ecclĂ©siastique qui allait mourir et qui, posa sept questions aux docteurs de la Sorbonne en leur demandant de trancher. Les plus importantes de ces questions Ă©taient de savoir si l'absolution pouvait ĂŞtre accordĂ©e Ă  un ecclĂ©siastique qui reconnaissait rejeter, dans le sens de l'Église, les cinq propositions condamnĂ©es comme jansĂ©nistes par Innocent XII, mais qui, puisqu'il ne lui Ă©tait pas Ă©vident qu'elles Ă©taient vraiment contenues dans l'Augustinus de JansĂ©nius, pensait qu'il lui suffisait d'observer un « silence respectueux » concernant cette question de fait et, avec cette restriction, avait signĂ© le formulaire prescrit par Alexandre VII. Quarante docteurs de Sorbonne, parmi lesquels Ellies du Pin, Petitpied, Bourret, Sarrasin et Natalis Alexander, dĂ©cidèrent que l'absolution ne pouvait pas ĂŞtre refusĂ©e, puisque le cas n'Ă©tait ni nouveau, ni extraordinaire et puisque l'opinion du pĂ©nitent n'avait pas Ă©tĂ© condamnĂ©e par l'Église. Bien que la dĂ©cision eĂ»t Ă©tĂ© rendue secrètement le 20 juillet 1701, les jansĂ©nistes publièrent le cas en juillet 1702, avec les signatures des quarante docteurs de Sorbonne : Cas de conscience par un confesseur de Province... rĂ©solu par plusieurs docteurs de la FacultĂ© de ThĂ©ologie de Paris. Lettre de M. ... Chanoine de B. Ă  M.T.D.A. (fr.wikipedia.org - Vineam Domini).

 

L'affaire du cas de conscience incita Louis XIV à réclamer à Clément XI une bulle contre le jansénisme : la bulle Vineam Domini du 16 juillet 1705 rappelait les précédentes condamnations des cinq propositions, récusant la distinction du fait et du droit, ainsi que le silence respectueux, en affirmant que les propositions étaient condamnées au sens de Jansénius. La bulle fut enregistrée dans les registres de la faculté de théologie en septembre 1705 sans susciter d'opposition. Mais elle ne mit pas un terme aux controverses. Celles-ci se fixaient désormais sur les Réflexions morales du P. Quesnel. L'ouvrage, déféré à Rome depuis 1699, fut condamné seulement en juillet 1708. Louis XIV intervint alors en 1711 pour réclamer à Clément XI une nouvelle bulle, cette fois contre Quesnel. La bulle Unigenitus du 8 septembre 1713, qui condamnait 101 propositions de Quesnel (1634 - 1719) comme exprimant la doctrine janséniste, allait plonger l'Église de France dans près d'un siècle de divisions aux origines intellectuelles de la Révolution. Par conviction ou par opiniâtreté, Noailles, cardinal-archevêque de Paris, allait se retrouver au cœur des premiers développements de la «catastrophe» de l'Unigenitus, selon le mot de Pierre Chaunu. Louis XIV confia, en effet, à une assemblée de cardinaux et d'évêques présents dans le voisinage de la Cour le soin de recevoir la bulle. Le 5 février 1714, ceux-ci conclurent à l'acceptation de la bulle purement et simplement, à l'exception de Noailles et de sept autres prélats qui refusaient l'acceptation pure et simple et réclamaient des explications. Parmi ces réfractaires figuraient le frère cadet de Noailles, évêque de Châlons, et Jean Soanen, évêque de Senez, promis à un long avenir d'opposant. La bulle Unigenitus fut enregistrée le 15 février 1714 par le Parlement de Paris avec quelques clauses conservatoires, relatives aux libertés de l'Église gallicane et aux usages du royaume. [...]

 

Comme il s'agissait d'une constitution de caractère dogmatique, la bulle devait être enregistrée aussi par la faculté de théologie de Paris. Mais les docteurs se trouvaient pris entre deux feux : en effet, persévérant dans son opposition, Noailles interdit sous peine de suspense au clergé parisien d'accepter la bulle Unigenitus, par un mandement du 25 février 1714; malgré les exemptions de la faculté, les curés docteurs, par exemple, restaient soumis à l'ordinaire. D'autre part, le vieux roi n'avait rien perdu de sa pugnacité et de sa promptitude à exiler les récalcitrants par lettres de cachet. C'est pourquoi la mort de Louis XIV, le 1er septembre 1715, constitue un tournant : avant cette date, certains, qui seront par la suite anticonstitutionnaires, adoptèrent une position nuancée ou s'abstinrent prudemment, comme le montre l'étude minutieuse des débats en Sorbonne faite par Jacques Grès-Gayer. À cet égard, les docteurs, curés ou futurs curés de Paris, qui seuls nous intéressent ici, constituent un échantillon représentatif des différentes attitudes adoptées. Les délibérations au sujet de l'enregistrement de la bulle à la faculté se déroulèrent au début de mars 1714. [...]

 

Parmi les partisans de l'acceptation, certains avaient eu cependant une opinion nuancée ou bien n'avaient pas exprimé d'avis en mars 1714, comme Hideux, pourtant considéré comme janséniste insigne, et Feu, qui sera une figure emblématique des curés anticonstitutionnaires. Les plus nombreux ne participèrent pas aux débats ou n'exprimèrent pas leur opinion du vivant de Louis XIV. [...]

 

La mort de Louis XIV, le 1 septembre 1715, retourna la situation; Philippe d'OrlĂ©ans, rĂ©gent d'un nouveau roi de cinq ans, n'Ă©tait pas en mesure de persĂ©vĂ©rer dans une intransigeance Ă  laquelle d'ailleurs son tempĂ©rament ne le poussait pas. D'autre part, Noailles non seulement Ă©tait sauvĂ© d'une dĂ©position probable, mais se voyait au pouvoir avec sa famille : le duc de Noailles, son neveu, devenait prĂ©sident du Conseil des finances et lui-mĂŞme prĂ©sident du Conseil de conscience, fonctions qu'il allait exercer jusqu'en septembre 1718. Mais cette position ne l'obligerait-elle pas Ă  rechercher un compromis au sujet de l'acceptation de la constitution Unigenitus ? Cependant, en Sorbonne Ă  partir d'octobre 1715, la plupart des attentistes rejoignirent le groupe des opposants au dĂ©cret d'acceptation du 5 mars 1714, dĂ©noncĂ© comme un faux. Cela relançait les dĂ©bats de la facultĂ© autour de la bulle, affermissant parmi les docteurs un esprit de corps susceptible d'inquiĂ©ter les Ă©vĂŞques constitutionnaires ou, au contraire, d'ĂŞtre utilisĂ© par le parti adverse. Le 5 mars 1717, les Ă©vĂŞques de Mirepoix, de Montpellier, de Boulogne et de Senez se prĂ©sentèrent en sĂ©ance de Sorbonne et y lurent leur acte d'appel contre la bulle Ă  un concile gĂ©nĂ©ral. Une centaine de docteurs adhĂ©rèrent sur-le-champ Ă  cet appel, dont 14 curĂ©s de Paris. [...]

 

Compte tenu des absents, le noyau initial des anticonstitutionnaires paraissait considérablement grossi. Il l'était plus encore quand, l'année d'après, le 26 septembre 1718, la faculté de théologie entreprit d'en appeler à son tour au concile général. Du 26 septembre 1718 au 2 janvier 1719, 21 curés de Paris adhérèrent comme docteurs à l'acte d'appel de la faculté. À l'exception de Cambefort (Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle) qui y adhéra seulement comme docteur, tous avaient anticipé le mouvement d'appel en Sorbonne en se joignant le 24 septembre 1718 à l'appel de Noailles publié ce même jour. Depuis la fin de 1716, en effet, les militants anticonstitutionnaires avaient entrepris d'utiliser les curés du diocèse de Paris pour faire pression sur Noailles et le maintenir dans son opposition à la bulle, au moyen d'une campagne de signatures (Ségolène de Dainville-Barbiche, ,Devenir curé à Paris: Institutions et carrières ecclésiastiques, 1695-1789, 2015 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Pasquier Quesnel).

 

Comparons la décision du concile de Rimini, avec les bulles reçues unanimement de toutes les Eglises contre le livre de Jansénius, et raisonnons selon les principes du parti sur cette comparaison. S'il étoit vrai que les bulles eussent mal qualifié le texte de Jansénius, comme le concile de Rimini approuva mal à propos un anathématisme captieux, il s'ensuivroit que l'on devroit faire sur ces bulles tout ce que l'Eglise fit contre le concile de Rimini. Le livre de Jansénius étant, selon cette supposition, parfaitement conforme à celui de saint Augustin qui explique la pure doctrine de l'Eglise contre le pélagianisme, il s'ensuivroit que les bulles auroient encore plus favorisé l'impiété pélagienne, que le concile de Rimini ne favorisa l'impiété de l'arianisme. Au moins le concile de Rimini n'avoit fait qu'adhérer à un anathême qui étoit insuffisant et ambigu. D'ailleurs cette formule insuffisante et ambiguë sembloit rectifiée par d'autres formules d'anathématismes, qu'on avoit jointes à celle-là, et qui paroissoient suppléer ce qui lui manquoit (Troisième instruction pastorale sur le cas de conscience, 1705) (Oeuvres complètes de Fénelon, archevêque de Cambrai, Tome 4, 1850 - books.google.fr).

 

L'échec des tentatives de compromis, la faiblesse numérique comme l'agitation incontrôlable des appelants, les pressions de Rome et des partisans de l'Unigenitus en France même (les «acceptants» ou «constitutionnaires») provoquèrent le revirement revirement du Régent. À partir de 1720, le conseil de conscience renouvelé fut dominé par le précepteur de Louis XV, André-Hercule de Fleury, ancien évêque de Fréjus. Fleury, nommé cardinal, fut ensuite, de 1726 jusqu'à samorten 1743, le principal ministre de son ancien élève. Il était résolu à faire respecter l'Unigenitus, qu'une déclaration royale de 1730 proclama loi del'Église etde l'État, mais sa perspective était plus politique que religieuse (Alain Tallon, Catherine Vincent, Histoire du christianisme en France: Des Gaules à l'époque contemporaine, 2014 - books.google.fr).

 

Un des plus ardents signataires du «Cas de conscience» avait été le dominicain Noël Alexandre, docteur de Sorbonne, qui ne se soumettra à la bulle «Unigenitus» qu'à sa mort, en 1724 (Bernard Préteseille, Marie Poussepin: Ou L'exercice de la charité, 1989 - books.google.fr, R.p. Natalis Alexandri, Historia ecclesiastica Veteris Novique Testamenti ab orbe condito ad annum post Christum natum millesimum sexcentesimum, Tome IV, 1750 - books.google.fr).

 

Concile de Rimini et Jansénsites

 

Les lettres de Jean Soanen (1647 - 1740) paraissent en 1750 simultanĂ©ment en sept volumes in-octavo et en deux volumes in-quarto. Il s’agit des seules Ă©ditions de cette correspondance active qui contient 1632 lettres Ă©crites entre 1697 et 1740. On ne doit pas se leurrer quant aux objectifs de cette entreprise Ă©ditoriale empreinte d’hagiographie : il s’agit de montrer comment le saint Ă©vĂŞque (car ainsi le nomme-t-on) n’avait rien d’un tĂ©mĂ©raire, mais qu’il combattait, au nom de la «cause de Dieu», les suppĂ´ts de Versailles et de Rome : le cardinal de Rohan, le cardinal Dubois, le cardinal Fleury, le cardinal de Bissy et le cardinal de Tencin. Aussi, les lettres de Soanen sont principalement adressĂ©es aux «Amis de la vĂ©rité» : le cardinal de Noailles (avant qu’il n’accepte finalement la bulle), l’évĂŞque de Montpellier Colbert de Croissy, les catholiques de l’Église de Hollande et plusieurs prĂŞtres et religieuses appelants. [...]

 

Si Soanen observe avec joie le mouvement d’appel gagner les provinces, la crainte de désobéir au roi et à Rome au nom de Dieu pose d’épineux problèmes de conscience aux congrégations religieuses et aux laïcs. C’est à partir de ce moment que Soanen commence à jouer son rôle de directeur de conscience auprès des appelants, tant religieux que laïcs, en soutenant que la bulle Unigenitus est contraire à l’Église et au souverain. Pour ce faire, il trouve des précédents dans l’antiquité chrétienne où les évêques ont désobéi au Pape et ramenèrent le chef de l’Église dans le giron de l’orthodoxie. C’est le cas du Pape Libere qui «souscrivit à la Formule Arienne du Faux Concile de Rimini» et du Pape Zozime qui «se laissa tromper par la Cabale des Pélagiens de Rome». Le Pape peut donc errer et il est du devoir des Amis de la Vérité de défendre la cause de Dieu. Quant à savoir si les laïcs peuvent se mêler à cette dispute théologique, Soanen établit une fois de plus des parallèles avec l’antiquité chrétienne en évoquant Saint Prosper qui «n’étoit que Laïque, quand il écrivit avec tant de zele & d’érudition contre divers Evèques de nos Gaules & de notre Provence, qui s’étoient par malheur laissé surprendre aux artifices des Semi-Pelagiens». (Sébastien Drouin, Les Lettres pastorales de Jean Soanen : témoignage ou supercherie ? In : Croire à la lettre : Religion et épistolarité dans l’espace franco-britannique (XVIIe - XVIIIe siècle), 2012 - books.openedition.org, fr.wikipedia.org - Jean Soanen).

 

Les Jansénistes ne se lassent point de parler du Concile de Rimini & d'Honorius. Le célébre Racine le leur réprochoit déja en 1666. [...] Mais depuis Racine, c'est encore bien pis. Tout Quesnelliste qui prend la plume, écrit sur le champ les noms d'Honorius & de Rimini. Cela coule de source (Dominique de Colonia, Dictionnaire des livres jansénistes, ou qui favorisent le jansénisme, Tome 1, 1755 - books.google.fr).

 

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