Les deux maisons de Properce

Les deux maisons de Properce

 

III, 21

 

1720

 

Au Crustamin par mer Hadriatique,

Apparoistra un horrible poisson,

De face humaine, & la fin aquatique,

Qui se prendra dehors de l'ameçon.

 

Croire, à propos de ce quatrain - comme le font d'autres interprètes - qu'il s'agirait de l'invention d'un certain sous-marin qui aurait été construit dans la région de ce petit ruisseau, nous semble une naïveté. Et on peut trouver chez les commentateurs beaucoup d'autres idées, très pittoresques, alarmantes, voire catastrophiques, à propos des quatrains alchimiques, qu'ils prennent tous comme des prophéties.

 

Le choix du mot CRUSTAMIN est très ingénieux, car il est composé de telle manière, qu'il ouvre, par des permutations cabalistiques, une série de significations, toutes concourant à élucider le contenu du quatrain. Le premier pas, et le plus simple, est de considérer ce mot comme étant composé de CRUSTA (latin crusta, écorce, croûte, ou crustum gâteau à feuilles croquantes) et MIN (par apocope de MINERAL). AU CRUSTAMIN... UN HORRIBLE POISSON L'horrible poisson est la matière première, qui, commme nous l'avons vu plus haut, a un aspect écailleux, ou avec croûte en feuilles, dans l'état de minerai. C'est ce qu'exprime la CRUSTA MINérale, associée à l'"horrible poisson". En second lieu, CRUSTAMIN (par métaplasme de U et M en I et L), nous donne CRISTALIN, ce qui est une indication pour les couches cristalines, semblables aux feuillets d'un livre. C'est pour cela qu'elle a été nommée "terre en feuilles" (terra foliata), ou livre avec feuilles. Considérons maintenant le mot clef du quatrain: CRUSTAMIN.

 

A un regard superficiel, il paraît indiquer une petite rivière d'Italie, nommée aujourd'hui Conca, et qui au temps des Romains s'appelait CRUSTUMIUM. Elle se verse dans la Mer Adriatique, et est considérée tellement insignifiante, qu'on ne la trouve même pas dans le grand atlas de l'Encyclopedia Britannica (Vlaicu Ionescu, Jean Phaure, Le message de Nostradamus sur l'ère prolétaire, 1976 - books.google.fr).

 

Le fleuve Conca

 

CRUSTUMIUM, CRUSTUNUS et CRUSTURNENIUS (Conca), riv. d'Ombrie qui prend sa source aux Apennins, et se jette dans la mer à Riminum (Marie Nicolas Bouillet, Dictionnaire classique de l'antiquité sacrée et profane, Tome 1, 1826 - books.google.fr).

 

Le torrent Conca se jette plus précisément à Cattolica près de Rimini. Il y avait à l’embouchure une ville appelée Conca ou Concha avec une tour ruinée.

 

Le Conca forme une partie de la frontière entre la huitième région au nord et la sixième région, l'Ombrie d'Auguste, qui comprend l'Ager Gallicus (www.wikiwand.com, Cahiers du Centre Glotz, Volume 2 , 1991 - books.google.fr).

 

En ce qui concerne les rivières, Lucain se plaît à mentionner quelques particularités caractéristiques : la vitesse torrentielle du Métaure et du Crustumium, les gorges traversées

par le Rutuba, les exhalaisons qui pendant la nuit se dégagent du Sarnus, les plaines cultivées qu'arrose le Siler, les bas-fonds du Macra et son voisinage du port de Luna. Ou bien encore il évoque les vieilles fables associées aux noms de ces fleuves : la légende de Phaéthon et de ses soeurs sur les rives du Pô, celle de Marica sur les bords du Liris.

 

Parmi les autres poètes du siècle d'Auguste, Ovide est le seul qui ait exercé sur Lucain une certaine influence. On ne trouve dans la Pharsale aucune réminiscence de Tibulle ni de Properce : au contraire, les souvenirs d'Ovide y sont assez nombreux, moins que ceux de Virgile, mais plus que ceux d'Horace. Ovide a fourni 15 ou 16 imitations, contre 1 ou 8 d'Horace, et 50 environ de Virgile (www.roma-quadrata.com).

 

Passé Rimini, le chemin de fer suit la côte, en passant par S. Martino et S. Lorenzo, franchit le Marano et la Conca (le Crustumium rapax de Lucain, La Pharsale II. 406), et atteint La Cattolica, qui donna l'hospitalité aux évêques catholiques pendant le concile de Rimini (Karl Bædeker, Italie manuel du voyageur par K. Baedeker: L'Italie centrale et Rome, Tome 2, 1869 - books.google.fr).

 

Le concile de Rimini s’est tenu au début de l’été 359. Il rassemblait une majorité d’évêques nicéens. Ceux-ci refusèrent de signer la quatrième formule de Sirmium rédigée par la commission qui avait préparé le synode à la demande de Constance II. Les évêques réaffirmèrent la foi de Nicée (325) et excommunièrent les représentants de l’arianisme avant d’envoyer leur délégation auprès de l’Empereur. Le texte de la profession de foi est cité par Saint Jérôme, au chapitre dix-sept de son Dialogue entre un luciférien et un orthodoxe. Les Mauristes attribuent la paternité de la profession de foi à Phoebade d’Agen (www.patristique.org).

 

La Cattolica se serait aussi appelée Crustumium (selon l'édition des Guerres Puniques de Silius Italicus de 1862 : le vieux Crustumium) (Lucain, Silius Italicus, Claudien: oeuvres complètes, 1862 - books.google.fr).

 

Cf. quatrain VI, 1 - Basques et Rifains - 1926.

 

Via Flaminia

 

Hispellum (Spello) se trouve à proximité de la Via Flaminia, près de Fulginium. On y trouva en 1733 une inscription d'un rescrit de Constantin reconnue authentique (Jacques Gascou, Le rescrit d'Hispellum. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire, tome 79, n°2, 1967 - www.persee.fr).

 

Caius Flaminius Nepos (mort en 217 av. J.-C.) est un consul romain, d'origine plébéienne. Il eut pour fils Caius Flaminius, le consul de 187 av J.-C.. Censeur à partir de 220 av. J.-C., il prolongea vers Ariminum la route militaire qui porte son nom (via Flaminia), et qui, à l'origine, allait de Rome à Spoletium (aujourd'hui Spolète). La voie Flaminia atteint l'Adriatique à Fanum Forunae (Fano) et longe la côte en passant par Pisaurum (Pesaro) et la future Cattolica. Il construisit également le cirque Flaminius et, selon toute vraisemblance, inaugura les jeux plébéiens. En 218 av. J.-C., il s'attira à nouveau l'hostilité des conservateurs en soutenant la lex Claudia, motion interdisant aux sénateurs et à leurs fils de posséder des navires de haute mer de plus de 300 amphores, sauf pour transporter les produits de leurs propres domaines. À nouveau élu consul en 217 av. J.-C., avec pour collègue Cnæus Servilius Geminus, il prit le commandement de l'armée face aux Carthaginois d'Hannibal. Flaminius conduisit ses troupes d'Ariminum à Arretium (aujourd'hui Arezzo) mais fut surpris sur les rives du lac Trasimène dans l'Ombrie et fut décapité au cours d'une sanglante bataille où périrent la moitié des 30000 hommes de son armée. Un Celte combattant pour Hannibal nommé Ducarios fut son bourreau selon la mention de Tite-Live vengeant ainsi le massacre d'une partie de son peuple 6 ans plus tôt par une légion commandée par Flaminius (fr.wikipedia.org - Caius Flaminius Nepos, fr.wikipedia.org - Via Flaminia).

 

La basilique de Saint-Valentin sur la via Flaminia près de Rome a été fouillée par M. Marucchi qui publie ses recherches en 1890. Un fragment du couvercle d'un sarcophage en marbre présente à droite, on voit un pêcheur qui tire de l'eau un poisson suspendu à l'hameçon. A gauche une nef au nom de Thecla et son nocher Paulus (Revue thomiste, revue doctrinale de théologie et de philosophie, 1898 - books.google.fr,  Pasquale Testini, Archeologia cristiana: nozioni generali dalle origini alla fine del sec. VI. ; propedeutica, topografia cimiteriale, epigrafia, edifici di culto, 1980 - books.google.fr).

 

Antonio Bosio, grand archéologue et féru d'antiquités, a vécu entre XVI et XVIIe siècle, Il a été le premier à entrer dans les catacombes de Saint-Valentin.

 

Valentin est un prĂŞtre de Terni qui se trouve sur la Via Flaminia Nova. C'est l'antique Interamna Nahars (Ombrie, LONELY PLANET, 2017 - books.google.fr).

 

Sur la côte adriatique, à l'embouchure du Métaure, dans ce qui avait été l'ager Gallicus, la ville dé Fanum Fortunae, parfois simplement appelée par abréviation Fanum et qui, aujourd'hui encore, porte le nom de Fano, perpétuait par cette dénomination le souvenir d'un sanctuaire de Fortuna autour duquel elle avait pris naissance et dont, par ailleurs, à l'exception de ce seul témoignage, nous ignorons tout. Fanum était, comme Antium, une ville maritime et le centre commercial où se faisaient les échanges entre la vallée du Métaure et la mer et où la Via Flaminia, après avoir longé le fleuve, atteignait la côte pour remonter ensuite vers Ariminum, son point d'aboutissement. Fortuna, dispensatrice de la fécondité, vénérée par de nombreux collèges d'artisans prénestins ou romains, avait-elle à Fanum un caractère particulièrement net de déesse de la prospérité et de patronne de la vie économique, distributrice, dès une période relativement ancienne de son histoire, des biens matériels, comme le sera plus tard, et plus clairement, la Fortune hellénisée à la corne d'abondance ?  (Jacqueline Champeaux, Fortuna. Le culte de la Fortune à Rome et dans le monde romain. I - Fortuna dans la religion archaïque. Rome : École Française de Rome, 1982 - www.persee.fr).

 

Des monstres féminins que nous a légués le Moyen Age, Mélusine, souvent confondue avec une sirène, est le plus fascinant. Fée, femme et serpent, elle est synonyme d'un passé fabuleux où le merveilleux se mêlait à la vie quotidienne. Le deshérité rencontrait dame Fortune à la croisée des chemins... Raymondin, qui est perdu dans une forêt, rencontre de même Mélusine qui prend son destin en main (Claude Lecouteux, Mélusine et le chevalier au cygne, 1997 - books.google.fr).

 

Les deux routes qui longeaient les deux rives du Tibre, le Salaria et la Flaminia, établissaient les relations politiques et commerciales de Rome avec l'Ombrie, et tout le nord de l'Italie (Jean Guiraud, L'état pontifical après le grand schisme: étude de géographie politique, 1896 - books.google.fr).

 

Le pape Martin V

 

Martin V termine le Grand Schisme en étant élu au Concile de Constance en 1471 (fr.wikipedia.org - Martin V).

 

Ce pape étoit Romain, de l'ancienne maison des Colonnes, dans laquelle il y a eu des souverains pontifes & des rois. Il étoit fils d'Agapet Colonne qui avoit été fait cardinal par Urbain VI. Sous ce pape Othon avoit été referendaire, il fut sous Boniface IX, nonce en Italie, & enfin cardinal sous Innocent VII en 1405. Après la mort de ce pape il s'attacha au parti de Gregoire XII. qu'il abandonna lorsqu'il eût été déposé dans le concile de Pise. Il assista à l'élection d'Alexandre V. & de Jean XXIII. qui le fit légat dans l'Ombrie. Il fut des premiers à suivre ce dernier, lorsqu'il se sauva de Constance, & des derniers à revenir. Presque tous les auteurs conviennent dans le jugement avantageux qu'ils portent de lui ; il étoit savant, sur-tout dans le droit canonique (Histoire ecclesiastique, Depuis l'an 1401 jusqu'en 1431. Seconde partie, Tome 21, 1726 - books.google.fr).

 

La prophétie de saint Malachie donnerait à Jean XXIII, bien qu'il fût un antipape, la devise : "Cervus siren" (François Cucherat, La prophétie de la succession des papes depuis le XIIe siècle jusqu'a la fin du monde: son auteur, son authenticité et son explication, 1873 - books.google.fr).

 

On parle de cette prophétie dans le quatrain suivant III, 22 au sujet du cardinal Sfondrati (ou Sfondrata) pape sous le nom Grégoire XIV.

 

Colonna et sirène

 

Mythique protecteur du clan Colonna, la figure d’Hercule est pour sa part sous-entendue pour la première fois dans l’imprese que Paolo Giovio (1483-1552) élabore pour Stefano Colonna (v. 1490-1548), lorsqu’il insère la sirène bicaudale, autre symbole de la famille, entre les deux colonnes du demi-dieu (fig. 72) (Safarik 1999 : 16). Symbole de force et de courage, le rapprochement sera réitéré ponctuellement lors des siècles suivants, notamment dans une section de la décoration pariétale de la Sala dei Palafrenieri, au rez-de-chaussée de l'actuel palazzo Colonna, situé sur la Via IV Novembre. Dans cette partie du décor, un Hercule en contrapposto, muni de sa peau de lion et de sa masse, est peint dans une niche feinte placée entre une paire de colonne (Marianne Raymond, Les plafonds de bois peints à Rome au XVIe siècle : le cas du palazzo del Vaso (Colonna) à Santi Apostoli, 2017 - www.academia.edu).

 

C'est entre la via Flaminia et le Tibre qu'étaient échelonnées leurs possessions. Ils y étaient établis depuis des siècles ; dès 1252, nous trouvons un Colonna seigneur de Castelnuovo, sur la Flaminia. Malgré les hasards des guerres, ce château appartenait toujours à la même famille, vers 1400, et l'inventaire des biens des Colonna mentionne encore, en 1433, la moitié de ce domaine. Mais, de là, ils avaient gagné vers le Nord étendant à la fois leurs possessions vers la voie Flaminienne et vers la vallée du Tibre, aux dépens de l'Eglise et des Orsini (Jean Guiraud, L'état pontifical après le grand schisme: étude de géographie politique, 1896 - books.google.fr).

 

Les vues de Martin V sur  Rimini

 

Galeotto-Robert MALATESTI, seigneur de Rimini, de 1429 à 1432 ; Sigismond Pandolphe Ier, seigneur de Fano et ensuite de Rimini, de 1429 à 1468, et Malatesta IV, seigneur de Césène et Cervia, de 1429 à 1465, étaient fils naturels de Pandolfe III, et d'après le vœu de leur père et de leur oncle Charles, ils devaient succéder conjointement à la souveraineté de la maison Malatesti: mais leur cousin, le prince de Pesaro, réclamait ces États en qualité de plus proche héritier légitime; et le pape Martin V, comme seigneur direct d'un fief du saint-siège, prétendait que ce fief était échu à l'Église par l'extinction de la ligne légitime. Ce pape réunit en effet au domaine de Saint-Pierre, Borgo-San-Sepolcro, Bertinoro, Osimo, Cervia, la Pergola et Sinigaglia; mais il laissa aux trois jeunes Malatesti les villes de Rimini, Fano et Césène, qu'il partagea entre eux (Biographie universelle, Tome 26, 1842 - books.google.fr, P. J. Jones, The Malatesta of Rimini and the Papal State, 2005 - books.google.fr).

 

Un manuscrit de Properce dédicacé à Martin V

 

Le manuscrit Vaticanus 5174 en papier de 97 fl. a été copié à Trau, ville d'Illyrie, en 1464, d'après l'inscription du f° 85b : Sexti Aurelii Propertii Nautae elegiarum liber quartus et ultimus finit M° CCCCLXIIII, Idibus februariis in tragurio Amen deo gratias. Le copiste qui, comme on le voit, est un homme fort pieux, a inséré aux dernières pages des poésies de Lactance, des vers en l'honneur de saint Jérôme, un hymne en l'honneur du pape Martin V et l'épitaphe de Jean Visconti, archevêque de Milan. Enfin le scribe lui-même, Jean Lipavich, a transcrit une de ses élucubrations poétiques : post pestem tragurium rediens composuit. Ce Properce d'un certain intérêt historique est une réplique assez mauvaise de la source panormitienne (Le Musée belge, Volume 13, 1909 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 1720 sur 1430 (Vues de Martin V sur Rimini) donne 1140.

 

Abbé F. Cucherat, Prophétie de saint Malachie sur la succession des papes, Seychalles, Chez Tournemine, 1871. Attribuée Malachie, évêque irlandais qui mourut à Clairvaux en 1148 et dont saint Bernard composa la Vie, la Propheria S. Malachiae, Archiepiscopi, de Summis Pontificibus a été publiée à Venise, en 1595 par Arnold de Wyon, bénédictin de Venise, dans son ouvrage Lignum Vitae, Ornamentum et Decus Ecclesiae. Le texte est une suite de 112 maximes attribuées aux papes élus depuis Célestin II (1143-1144), maximes dont la formulation amphigourique est supposée contenir un message décisif sur chacun. Aucun contemporain de Malachie ne mentionne la Propheria S. Malachiae. Le texte est vraisemblablement un faux composé au XVIe siècle, sans doute pour favoriser une élection pontificale. L'abbé Cucherat, qui avait affirmé que Malachie avait écrit sa prophétie à Rome, entre 1139 et 1140, s'était attaché à décrypter les messages contenus dans les maximes. Voir par exemple Les textes prophétiques et la prophétie en Occident (XIe-XIIIe siècle), VAUCHEZ A (dir.), Mélanges de l'École Française de Rome, t. 102-2, 1990 (Didier Méhu, Cluny après Cluny: Constructions, reconstructions et commémorations, 1790-2010, 2019 - books.google.fr).

 

On retrouve cette prophétie au quatrain suivant.

 

Le tombeau de Properce

 

Crusta : bas-relief, revĂŞtement (de marbre) (Gaffiot) (Florent Arnaud, Le grand livre de l'histoire du monde des hommes, Tome VI, 2010 - books.google.fr).

 

De sepulcro Propertii, recentiore detecto memoria, pauca jam adjicienda videntur. Cum probabile sit, eum in villa, quam haberet ab urbem patriam, sepultum fuisse, plane non dubito, quin illud sepulcrum, quod A. 1722. apud Hispellates repertum fuit, vere sit Propertii sepulcrum. Sed agedum totam relationem de hac detectione apponamus, quomodo illa in MĂ©m. de Trevoux, quem librum forte paucissimis juvenum excutere contigerit, a. 1723. p. 840. sqq. Francogallico idiomate consignata reperitur: « Le 7. de Juin 1722. en dĂ©molissant un mur Ă  Spello dans le Palais de la Princesse Pamphile, on trouva une pierre quarrĂ©e, longue d'un peu plus d'un pied et demi Romain, et large de 13 ou 14 poucĂ©es, surmontĂ©e d'une espèce de fronton triangulaire très simple, comme tout le reste de la pierre. On voit au milieu de cette pierre la tĂŞte d'un jeune homme, sur laquelle pendent deux festons de fleurs et de fruits. Le fronton est chargĂ© dans le milieu d'une fleur; et aux cĂłtĂ©s l'on voit deux figures bizarres, reprĂ©sentant pardevant des lapins, qui se terminent par derrière en queue de SirĂ©ne. Au-dessous de la tète du jeune homme, on lit cette Inscription en caractères Romains : "Sex. Aurel. Propert. Sex. F. Lem.". Au-dessus de la tĂŞte, qui est dans une espèce de quadre, on voit cette autre inscription: "L. Cominus L. F. Lemon". Celui qui nous instruit de cette dĂ©couverte, juge, que cette seconde inscription, quoiqu'ancienne, est nĂ©anmoins postĂ©rieure Ă  la première. Les lettres, dit-il, en sont monstreuses, trop larges, et très-mal formĂ©es; au lieu que celles de l'inscription qui est au bas de la pierre, sont beaucoup plus grandes, rondes, d'une bonne main, et d'um bon siècle. D'ailleurs il paroit par la construction de la pierre, par sa situation, et par sa forme, qu'elle n'a Ă©tĂ© dressĂ©e que pour Properce. Sur tout cela il faut l'en croire sur sa parole, si l'on n'est pas Ă  portĂ©e de s'en instruire par soi-mĂŞme; car il ne reprĂ©sente ni la forme des caractères de ces inscriptions, ni les autres marques auxquelles on auroit pĂş reconnoitre qu'elle est la principale et la plus ancienne. Quoi qu'il en soit, il conclut de ce monument, que Properce Ă©toit de Spello, autrefois ville Episcopale, mais qui m'est plus qu'un bourg d'Ombrie, Ă  une lieue de Folingo. Les ruines d'un ThĂ©atre, et d'autres Monumens attestent son ancienne grandeur. L'AbbĂ© Passarini a pris soin de ramasser les Inscriptions de Spello, qu'on nommoit autrefois "Colonia Julia Hispelli", pour les donner au Public. Ce livre est peut-ĂŞtre dĂ©ja imprimĂ©. C'est lĂ , que du cĂ´tĂ© de la porte de S. BarnabĂ© se trouve un lieu très-agrĂ©able, plantĂ© d'oliviers, oĂą l'on voit les restes d'une maison, qu'on appelle encore aujourd'hui "la maison du Poete", laquelle, suivant l'ancienne tradition du pais, appartenoit Ă  Properce, et c'est en ce lieu-lĂ  que son tombeau vient d'ĂŞtre dĂ©couvert: car le Palais Monaldi, d'oĂą la pierre a Ă©tĂ© tirĂ©e, Ă©toit autrefois aux Seigneurs Urbani, qui possĂ©doient aussi cette maison de campagne de Properce. La dĂ©couverte du tombeau de Properce Ă©toit rĂ©servĂ©e Ă  l'illustre Dame Therese Grilli, Princesse Pamphile. Ce mot abrĂ©gĂ© "Lem." signifie dans ces inscriptions, comme dans plusieurs autres, "Lemonia", en sousentendant, Tribu. Â» (Christianus Theophilus Kuinoel, Sexti Aurelii Propertii Omnia opera, Volume 1, 1822 - books.google.fr).

 

La place du nom de tribu ne serait pas conforme ainsi que l'emploi du nominatif au lieu de l'ablatif pour une pierre tumulaire (Bernard de Montfaucon, Supplement au livre de l'antiquité expliquée et représentée en figures: tome troisième : qui comprend les habits et les usages de la vie, 1724 - books.google.fr).

 

Hélas! les lapins sont bien là, pour symboliser ce mensonge lapidaire. L'épigraphie démontre que l'inscription est apocryphe ; celle-ci ne prouve donc pas que Properce était de Spello, mais que pour prouver qu'il en était, un faussaire la fabriqua. N'en déplaise aux Hispellates, en effet, le grand amoureux était d'Assise, tout comme saint François. L'amour sensuel et l'amour mystique, de par la volonté de ce grand faiseur d'antithèses qui est le Destin, ont trouvé tous deux là-bas leur plus grand poète (René Schneider, L'Ombrie : l'âme des cités et des paysages, 1905 - books.google.fr).

 

Le nom de famille Pamphili provient de Gubbio en Ombrie puis se dirigea vers Rome sous le pontificat du pape Innocent VIII (1484–1492). La puissance de la famille Pamphili atteint son sommet avec l'élection de Giovanni Battista Pamphili sous le nom de Pape Innocent X, qui exerça cette fonction de 1644 à 1655. À l'instar du règne de son prédécesseur, le pape Urbain VIII (de la famille Barberini), le règne d'Innocent X fut caractérisé par du népotisme (fr.wikipedia.org - Famille Pamphili).

 

Cf. quatrain II, 28 - Le pape Innocent X, Fin des Ming en Chine - 1651-1652.

 

Crustumenies

 

Le T.L.F. atteste par erreur cet italianisme en 1536, au lieu de 1546, en citant le passage en question, et il se limite à dire : «emprunté à l'italien bergamotta [...]».

 

Quant à l'adjectif «crustumenies», il forme avec le substantif «poyres» un calque et précède dans le texte de Rabelais le syntagme «poyres berguamottes». L'adjectif «crustumenies» dénote une variété de poires originaires de la Syrie et réimplantées dans la Sabine (Latium). Aucun des critiques n'a relevé que cet adjectif est une véritable création de Rabelais, étant formé sur le nom de la ville de Crustumerium ou Crustumium en Sabine, et sur le nom d'une des tribus de Rome, à savoir la Crustumina. L'ajout des phonèmes [n] et [i] signe l'originalité rabelaisienne par rapport aux modèles latins de Virgile ou de Pline l'Ancien, qui notent ces poires sous le nom de pirum Crustuminum ou Crustumium [...]

 

Crustumerium ou Crustumium est le nom d'une ancienne ville « romaine » entre le Latium et la Sabine ; elle fut conquise par les Romains à la fin du VIe siècle avant Jésus-Christ et elle donna son nom à la tribu Crustumina en 495 ; elle était située sur la Via Salaria, établie entre Fidene et Ereto (Franco Giacone, A tout seigneur tout honneur: sur quelques italianismes du Tiers Livre, Revue d'histoire littéraire de la France, Volume 97, 1997 - books.google.fr).

 

Les tribus de Rome

 

Servius Tullius partagea aussi tout le territoire romain en tribus qu'on nomma rustico, et qui, devenues la commune romaine, comprenaient tout ce qui ne faisait pas partie des 300 gentes patriciennes. Les tribus rustiques prirent les noms ou de certaines familles ou des lieux qu'elles occupaient, et l'on conservait le nom de sa tribu tant à la ville qu'à la campagne. Elles finirent par être plus estimées que celles de la ville où Q. Fabius fit entrer, en 450 de R. ( 304 ans av. J.-C.), tout le bas peuple et ceux qui ne possédaient rien et n'avaient pas même de métiers. Il reçut à cette occasion le surnom de Maximus pour avoir purgé les tribus rustiques des affranchis et de la populace qu'on y avait placés pendant quelques années ; on les mit ensuite tous dans l'Esquiline, et c'était un affront d'y être rejeté par les censeurs. Aussi, dans les actes , ainsi qu'on le voit par les inscriptions, tenait-on à indiquer de quelle tribu on était, pour montrer qu'on n'appartenait pas à une tribu urbaine, ou d'affranchis, ou de nouveaux citoyens romains et des peuples auxquels on accordait le droit de suffrage. [...] Les tribus rustiques de Servius entouraient Rome qui en était le centre, et dont le territoire ne s'étendait qu'à 5 ou 6 milles de la ville. Au reste, on n'est pas d'accord sur le nombre des tribus rustiques établies par Servius. [...] Quoiqu'il en soit ces tribus conservèrent leurs anciens noms : ROMULIA, VEIENTINA, LEMONIA, PUPINIA, CRUSTUMINA. Les autres prirent des noms de familles romaines. Ces cing tribus sont les seules de Servius sur la position topographique desquelles on ait quelque données, encore assez incertaines. [...] La Lemonia, à l'E. de Rome, prenait son nom du Pagus Lemonius, près de la porte Capène; elle était entre la voie latine et la voie Appienne; elle comprenait Alba, Aricia, Velitra. La CRUSTUMINA tirait sa dénomination de Crustumerium ou Crustumina, sur la rive gauche du Tibre. Au N. de Rome, elle occupait le territoire entre la route qui menait à Antemnæ, à Fidene, à Crustume (Description des musées de sculpture antique et moderne du Louvre, Tome 1, 1847 - books.google.fr).

 

Sirènes

 

Properce ne craint pas d'accompagner Tullus sur la mer Adriatique et sur la mer Égée, ni de le suivre sur les monts Ryphées, mais il est retenu par la volonté de sa maîtresse dont il appréhende les reproches et les violences (Elégie VI à Tullus, Livre I) (Pierre Bergeron, Histoire analytique et critique de la littérature remaine: depuis la fondation de Rome, jusqu'au cinquième siècle de l'ère vulgaire, Tome 1, 1840 - books.google.fr).

 

Properce parle rarement de sirènes. Il en est question dans l'élégie 12 du Livre III à Postumus, qui compare les amours de Postumus et Galla à celles d'Ulysse et Pénélope.

 

Castra decem annorum, et Cicomum manus, Ismara capta,

Exustæque tuæ mox, Polypheme, genæ;

Et Circæ fraudes, lotosque herbæque tenaces,

Scyllaque et alternas scissa Charybdis aquas

Lampeties Ithacis werubus mugisse juvencos;

Paverat hos Phoebo filia Lampetie:

Et thalamum Aeaea flentis fugisse puellae

Totque hiemis noctes totque natasse dies

Nigrantisque domos animarum intrasse silentum,

Sirenum surdo remige adisse lacus

Et ueteres arcus leto renouasse procorum

Errorisque sui sic statuisse modum (III, 12, 23-36)

 

Ce rĂ©sumĂ© est un exemplum destinĂ© Ă  mettre en Ă©vidence l'analogie entre la situation de Postumus et d'Aelia Galla et celle d'Ulysse et de PĂ©nĂ©lope : toutes les aventures qui ont retardĂ© Ulysse et l'ont mis en danger, l'ont enfin conduit vers son Ă©pouse fidèle et c'est l'omen que Properce veut donner Ă  ses amis. La sĂ©lection des Ă©pisodes est la suivante : les dix ans du siège de Troie, la prise d'Ismaros, le voyage au bout de la MĂ©diterranĂ©e, Polyphème, CircĂ©, le lotos, Scylla et Charybde, les bĹ“ufs de PhĂ©bus, Calypso, Ulysse nageant, la Nekuia, les Sirènes, la vengeance d'Ulysse et sa rĂ©installation Ă  Ithaque. Ce rĂ©sumĂ© qui limite l'OdyssĂ©e aux seules aventures d'Ulysse et commence avec le siège de Troie, qui ignore AlcinoĂĽs et les PhĂ©aciens, Éole et les Lestrygons, ne respecte pas l'ordre chronologique : le dĂ©barquement chez les Lotophages devrait ĂŞtre mentionnĂ© entre l'Ă©pisode des Cicones et celui de Polyphème ; la Nekuia et le passage devant les Sirènes entre le sĂ©jour chez CircĂ© et l'Ă©pisode de Charybde et Scylla. A ces libertĂ©s prises avec la chronologie odyssĂ©enne il faut ajouter que

chez Homère la ville des Cicones s'appelle Ismaros et qu'il n'y est pas question d'Ismara qui se retrouve chez Virgile (G. II, 37) et chez Lucrèce (V, 30) pour dĂ©signer une montagne : au tĂ©moignage de Strabon (VII fr. 44) la ville portait, Ă  son Ă©poque, le nom d'Ismara. Properce a donc modernisĂ© la prĂ©sentation de l'Ă©pisode odyssĂ©en. Il en est de mĂŞme pour CalpĂ© qui dĂ©signe l'une des colonnes d'Hercule (le promontoire de Gibraltar) et qui ne figure pas chez Homère. Mais selon certains commentateurs la tempĂŞte qui assaille Ulysse auprès du cap MalĂ©e, après la razzia chez les Cicones, l'aurait poussĂ© jusqu'aux colonnes d'Hercule et Strabon (I, 10 et svts, notamment 18) affirme l'"exĂ´keanismos" de diverses aventures du hĂ©ros et polĂ©mique sur ce point contre Polybe. Ainsi c'est par une interprĂ©tation moderne - rencontrĂ©e chez les gĂ©ographes, les commentateurs ou les poètes alexandrins - que Properce fait allusion Ă  la grande navigation d'Ulysse Ă  l'extrĂŞme ouest, au bout du monde. On notera encore que dans le contexte propertien l'Aeaea puella du vers 31 ne saurait ĂŞtre que Calypso, bien que le nom de son Ă®le chez Homère soit Ogygie : ici encore Properce prĂ©sente l'Ă©pisode homĂ©rique avec des Ă©lĂ©ments non homĂ©riques ; la variante de Properce a des tĂ©moins chez Pomponius MĂ©la (II, 120) et chez Hygin (Fab. 125) (Jean-Paul Boucher, Études sur Properce: problèmes d'inspiration et d'art, 1965 - books.google.fr).

 

"hameçon"

 

"hameçon" apparaît dans l'élégie I du Livre IV de Properce dans une intervention de l'astrologue Horos :

 

Bientôt, lorsque ta mère eut détaché de ton sein la bulle d'or de l'enfance, pour te revêtir, devant ses dieux pénates, de la toge d'adolescence et de liberté, Apollon te dicta ses premières leçons, et t'ordonna de fuir la bruyante éloquence du Forum. Livre-toi donc à la séduisante élégie : voilà ta bannière, sous laquelle une foule nombreuse viendra se ranger. En t'enrôlant sous les drapeaux du plaisir et de Vénus, tu seras pour les amours un ennemi qui servira à leur gloire. Une seule femme brisera toutes ces palmes brillantes, récompenses de longs travaux. Tes efforts pour rompre l'hameçon trop bien fixé à ta gorge ne serviront qu'à enfoncer davantage la pointe acérée. Ses caprices seront l'unique mesure de ton sommeil et de tes veilles, et il ne tombera pas de tes yeux une larme qui ne soit son ouvrage. Mille sentinelles, mille verrous ne te répondront pas de sa fidélité : quand une femme veut tromper, il lui suffit d'une fente légère (Catulle, Tibulle et Properce, Tome 9 de Bibliothèque latine-française, traduit par A. Valatour, Charles Héguin de Guerle, Jules Genouille, 1868 - books.google.fr).

 

La tournure emphatique haec tua (v. 135) ainsi que les nombreux futurs de cette section serviraient à souligner le caractère inexorable du destin de Properce, qui devra toujours écrire des poésies élégiaques, seules capables de lui valoir la gloire. Vna puella (v. 140) est une allusion à Cynthie, qui réapparaîtra nommément dans les élégies 4.7 et 4.8, ou bien à son livre. Toutefois, les temps utilisés aux vers 139-40, le parfait parasti et le présent eludit, ne permettent pas d'y voir une prédiction d'Apollon. On peut certes corriger eludit (co) en eludet (ç), «les rendra vaines», mais parasti évoque clairement les succès passés de l'auteur. Ce passage prend tout son sens si on le confronte avec ce qui précède ; l'astrologue veut sans doute dire qu'il n'appartient pas au poète élégiaque de «dire», ou de «prédire», activité que l'astrologue revendique pour lui seul, comme le démontre le long discours qu'il vient de faire sur ses capacités en la matière, mais «d'inventer» (finge). Cependant, c'est le seul emploi de fingere au sens de «composer» chez Properce, qui apparaît chez lui d'ordinaire en un sens négatif, «simuler». Fallax s'oppose à la fides plusieurs fois invoquée par Horos, vv. 80, 92, 98, qui se situe dans l'ordre de la vérité, et signifie «trompeuse», sens qui vient, selon Varron L. 6.55, du fait que l'on trompe quelqu'un au moyen de la parole, comme le fait l'élégie, œuvre de paroles ; sinon, il faudrait entendre «de fiction», «décevante», car tu n'arriveras jamais à séduire Cynthie, ou encore, «instrument de ruses amoureuses», le livre IV donnant de Properce et de l'élégie une image négative ; la correction pellax, donne un sens plus érotique ; mais elle ne s'impose pas. Il est plaisant d'observer que fallax peut s'employer à propos des astrologues et autres charlatans.  On a noté, en outre, son lien avec 3.24.1 falsa est ita tuae, mulier,fiducia formae, où l'auteur condamnait la beauté artificielle de Cynthie. Par ailleurs, les termes utilisés par Horos pour évoquer le seruitium amoris, avec l'image du crochet  (v. 141) et de l'hameçon (v. 142), ne sont guère élogieux pour Properce. Si l'élégie semble «se résumer à un art de l'ambiguïté», cette ambiguïté est constitutive du genre (Eric Coutelle, Poétique et métapoésie chez Properce: de l'ars amandi à l'ars scribendi, 2005 - books.google.fr).

 

Le pape Clément XI, les Etats de l'Eglise et l'archéologie

 

Gianfrancesco Albani, né le 23 juillet 1649 à Urbino dans les Marches (Italie) et décédé le 19 mars 1721 à Rome, fut le 243e évêque de Rome, et donc pape de l’Église catholique qu'il gouverna de 1700 à sa mort en 1721, sous le nom de Clément XI.

 

Les origines albanaises du Pape Clément XI jouèrent un rôle dans les hostilités contre les Turcs. Il devint le promoteur de la Ligue européenne qui conduisit à deux défaites sanglantes des Turcs, à Petrovaradin et à Belgrade, par le prince Eugène de Savoie [cf. quatrain III, 17] (fr.wikipedia.org - Clément XI).

 

Sous les Romains, le territoire d'Urbino faisait partie de l'Ombrie d'Auguste.

 

La 89e devise malachienne attribuĂ©e Ă  ClĂ©ment XI est « Flos circumdati Â».

 

Et signalant, avec sa charité, la noblesse de ses goûts & la grandeur de ses vos: Clément, pour le bien public, fit construire de nouveaux greniers d’abondance, si vastes & si sains, que Rome devint comme inaccessible à la disette. Pour attirer les grains, il fit construire un nouveau port, aussi commode que magnifique. Avant son pontificat, le cours des eaux publiques n’étoit pas moins négligé que le transport des grains : il fit réparer les aqueducs & les conduits rompus, sur une longueur qui eût déconcerté tout autre courage que le sien. Et portant bien loin, hors de Rome, sa magnanime bienfaisance, il procura des fleuves d’eau saine à Civita Vecchia, où les eaux corrompues & comme empoisonnées ne portoient plus que la langueur & la mort. Il répara les chemins publics, dans le Latium, dans la Sabine & dans la Romagne. Il fit des ponts sur une infinité de rivieres & de ruisseaux dangereux. Il dessecha les marais au loin, sur les bords de la mer; il y éleva des tours, & quantité de forts, contre les incursions des pirates & des infideles. Parlerons-nous des monumens religieux qu'il a, ou érigés, ou réparés, ou ornés, avec la magnificence exquise qui étoit comme la marque de son génie ? Mais on ne peut que nommer les églises innombrables qui lui doivent leur existence, ou leur embellissement, dans toute l'étendue de notre hémisphere, en Hongrie, en Moscovie, dans la Crimée, la Thrace, la Géorgie, l'Arménie, la Perse, l'Egypte & l'Ethiopie; sans parler encore d’une vingtaine d’églises qu’il bâtit, ou qu’il embellit dans la ville de Rome. Et dans l’une de celles-ci, un seul article de décoration, les seules statues des Apôtres dans la basilique de Saint-Jean-de Latran, lui coûterent plus de soixante-dix mille écus d’or. On doute qu'il ait bien su lui-même ce qu’a pu coûter la réparation du Panthéon, qu'il importoit à l'Evangile d’éterniser, comme un monument de son triomphe sur la superfition de la superbe Rome, & de toutes les nations qu’elle avoit subjuguées. Voilà quel étoit, selon le témoignage de ses oeuvres & de tous ses contemporains orthodoxes, le Pontife si dénigré dans les vagues invectives de la secte qu'il a proscrite : à qui le bon sens, ainsi que la religion, veut-il qu’on s’en rapporte ? Qui peut craindre encore les calomnies, ou plutôt les détractions insignifiantes d’une secte, qui n'a pas épargné um pontife tel que Clément XI ? Encore si à ce prix il eût eu le bonheur de procurer la paix de l’Eglise ! (Histoire de l'Eglise, Tome 24 : Depuis l'Election de Clement XI en 1700, jusqu'a sa mort en 1721, 1790 - books.google.fr).

 

Les fouilles effectuées en 1721 par Francesco Bianchini (1662-1729) pour le compte du duc de Parme dans les jardins Farnèse sur le Palatin révélèrent un ensemble décoratif particulièrement riche, appelé les «Bains d’Auguste», qui a depuis été identifié avec la Domus Transitoria, partie occidentale du palais de Néron. Trois grandes pièces furent découvertes, avec des placages de marbre sur les murs, des pavements en opus sectile et des voûtes entièrement peintes. Le luxe de cette décoration était renforcé dans l’une des pièces par des incrustations de gemmes et de dorures. Les fouilles de Bianchini ayant été effectuées dans le but de récupérer le plus de matériel archéologique possible, tout ce qui pouvait être détaché facilement fut emporté. Les pièces furent dépouillées de leurs marbres, de leurs colonnes, les gemmes furent arrachées et le duc de Parme ordonna la dépose de quarante-cinq fragments de peinture. En 1724, dans son Supplément au livre de l’Antiquité expliquée, Bernard de Montfaucon note à propos du monument que « tout est bouleversé » et qu’il est impossible de comprendre l’organisation des pièces ; sans doute faut-il comprendre que le pillage a été particulièrement violent pour le site. Le pape Clément XI était opposé à l’exportation des objets provenant de fouilles en général et il refusa le détachement des peintures. Mais l’opération se fit malgré tout, les fouilleurs ayant attendu le décès du pape pour agir. Elle se déroula lors de la nonciature du pape suivant, entre le 31 mars et le 8 mai 1721. Francesco Bartoli (1670-1733), commissaire aux antiquités, ferma les yeux sur le pillage, mais il prit toutefois le soin de réaliser des dessins des pièces et de leur décor avant leur destruction. Une soixantaine de ces dessins nous sont parvenus. Quatre dessins de Francesco Bartoli représentant la façade du bâtiment et les trois plafonds des chambres furent publiés par Montfaucon dans son ouvrage. La plupart des objets trouvés dans ces fouilles partirent pour Parme et les fragments de peinture furent intégrés à la maçonnerie du palais ducal et ornés de cadres. Le duc de Parme profita de l’occasion pour faire quelques dons, comme celui d’un fragment de peinture qu’il offrit au cardinal de Rohan afin que celui-ci l’apportât au duc d’Orléans. La peinture, appelée Rome assise, fut envoyée en France et fit forte impression sur le cardinal, qui voulut y voir presque autant de beauté que dans les Noces Aldobrandines. Le fragment avait été donné au cardinal comme provenant de la maison de Properce sur l’Esquilin, et il fut inséré dans une caisse en bois pour permettre son transport en France. Le cardinal de Rohan remit donc l’œuvre au duc d’Orléans, puis il la fit publier dans les Mémoires de l’Académie. Nous ne savons pas si l’œuvre fut ensuite exposée au Louvre.

 

«Au mois de janvier 1722, M. le cardinal de Rohan apporta de Rome un morceau antique de peinture Ă  fraisque (sic), qu’il avait fait enchâsser dans du bois pour le conserver ; & il en fit prĂ©sent Ă  S. A. R. Mgr le Duc d’OrlĂ©ans. Cette peinture, qui avait Ă©tĂ© dĂ©couverte dans les ruines d’une maison Ă  huit pieds sous terre, au Mont Esquilin, & dans le mĂŞme lieu qu’on nomme encore aujourd’hui la maison de Properce, faisait partie d’une frise qui reprĂ©sentait diffĂ©rents sujets» : Moreau de Mautour 1729. Selon les dires du poète, la maison de Properce Ă©tait situĂ©e sur l’Esquilin, mais son emplacement n’est pas connu avec exactitude : voir Platner et Ashby 1965. Il est probable qu’au dĂ©but du XVIIIe siècle on a reconnu la maison du poète dans l’un des vestiges romains qui se trouvaient sur l’Esquilin (Delphine Burlot, Fabriquer l’antique : Les contrefaçons de peinture murale antique au XVIIIe siècle, 2012 - books.openedition.org).

 

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