Gergovie et Cassini

Gergovie et Cassini

 

III, 100

 

1778

 

Entre Gaulois le dernier honoré,

D'homme ennemi sera victorieux:

Force & terroir en moment exploré,

D'vn coup de trait quand mourra l'enuieux.

 

"traict" : flèche

 

"Action de lancer un projectile (des flèches, des traits d'arbalète...), action de tirer Ă  l'arc, Ă  l'arbalète". Par mĂ©tonymie : "Projectile (lancĂ© Ă  l'aide d'un arc, d'une arbalète)" (www.cnrtl.fr).

 

Pline nous apprend que les Gaulois nommaient l'ellĂ©bore "venenum cervarum" et s'en servaient pour empoisonner leurs flèches (G. LĂ©vĂŞque, Recherches sur l'origine des Gaulois, 1869 - bibnum.enc.sorbonne.fr) : cf. VII, 34 - AlĂ©sia - 2024.

 

Quand VercingĂ©torix voulut refaire son armĂ©e après Avaricum, sagittarios omnes, quorum erat permagnus numerus in Gallia, conquiri et ad se mitti jubet. Ces archers firent grand mal aux Romains pendant le siège de Gergovie ; ils avaient dĂ©jĂ  jouĂ© un rĂ´le important dans l'attaque de Bibrax par les Belges et la surprise du camp de Q. CicĂ©ron par les Nerviens ; ils combattirent devant AlĂ©sia mĂ©langĂ©s Ă  la cavalerie de l'armĂ©e de secours, et c'est aussi avec des cavaliers que CĂ©sar, qui avait pu apprĂ©cier leur adresse, fit venir des archers de Rouergue pendant le siège d'Ilerda. Bien que, d'après Strabon, les Gaulois se servissent de prĂ©fĂ©rence, mĂŞme pour la chasse Ă  l'oiseau, d'un dard de bois qu'ils lançaient Ă  la main plus loin qu'une flèche, «quelques-uns, ajoute le gĂ©ographe, font usage en outre d'arcs et de frondes» ; dans les sacrifices humains, il montre la victime immolĂ©e parfois Ă  coups de flèches. Sans parler des textes du Pseudo-Aristote, de Strabon, de Pline et de Dioscoride sur les poisons sagittaires connus en Gaule, [...] il faut rappeler que Pline parle encore des roseaux du Rhin comme de mieux appropriĂ©s Ă  faire des flèches de chasse et qu'un corps d'archers Nerviens figure dans les armĂ©es impĂ©riales. Une autre cohors sagittaria est composĂ©e de Gaesates, peuplade du Valais qu'on considère gĂ©nĂ©ralement comme celtique ou celtisĂ©e (L'Anthropologie, Volume 20, 1909 - www.google.fr/books/edition).

 

"l'envieux"

 

Devant Gergovie, le centurion Lucius Fabius, de la huitième légion, avait dit parmi les siens, que les prix distribués à l'assaut d'Avaricum lui donnaient l'envie d'en gagner, et qu'il prétendait que personne ne serait au haut du mur avant lui (Les commentaires de César traduit par Emmanuel Toulongeon, Tome premier, 1813 - www.google.fr/books/edition).

 

"excitari" dans le texte : cf excitation et envie (C. Iulii Caesaris Commentarii cum supplentis A. Hirtii et aliorum, 1857 - www.google.fr/books/edition).

 

Les centurions Fabius et Petronius meurent tout deux à Gergovie. Pretronius sera transpercé de toutes parts (par des flèches aussi peut-être).

 

"dernier Gaulois" et "explorĂ©" : VercingĂ©torix et Lucterios

 

C'est dans la région soumise à Rome, à Genabum (Orléans), que la révolte commence. Les chefs Carnutes y égorgeant des citoyens romains et envoient le signal attendu à Gergovie par Vercingétorix, pendant que César suit, avec inquiétude à Ravenne, les événements de Rome, où son ami Clodius est tué, où l'incendie ravage le Forum et où la République se trouve en danger. Vercingétorix, qui conduit le «clan» le plus redoutable de la nation arverne, fait prendre les armes à ses hommes, dés qu'il a reçu l'appel espéré. Bientôt, il est proclamé Chef Suprême de la Confédération des Peuples Gaulois. Auprès de lui, il a le cadurque Luctérius, «toujours en quête de nouveaux projets dangereux pour les Romains», qui sera le véritable animateur de l'ultime lutte gauloise et qui, avant d'en être chassé par les Romains six années plus tôt, administrait le territoire cadurque, attaché politiquement au pays arverne. Apprenant l'insurrection, César se rend, à marches forcées, vers la Transalpine. Tandis que Vercingétorix pénètre chez les Bituriges, qui fraternisent vite avec les Arvernes, Luctérius se dirige vers la Garonne. En dépit de l'hiver et des mauvaises routes, il rallie rapidement les Gabales du Gévaudan et les Ruthênes du Rouergue. Dans l'Agenais, Teutonat, roi des Nitobroges, lui donne des soldats. A la tête d'une forte armée, Luctérius, par les Causses et l'Hérault, franchit la frontière romaine et pousse jusqu'à Toulouse et Narbonne. Mais, devant lui, il voit «le rideau de garnisons derrière lequel Narbonne était assise. Il juge impossible de manœuvrer entre elles et il se retire, écarté plutôt que battu». Malgré les légions ennemies, il opère sa jonction avec Vercingétorix, qu'il accompagne à Gergovie, dont César entreprend le siège (Jules Crabol, Quelques souvenirs et quelques écrits, 1964 - books.google.fr).

 

Lucterios ou Luctère (latinisé en Lucterius) est un chef gaulois des Cadurques (Cadurci, peuple habitant l’actuelle région de Cahors et du Quercy), le dernier avec le Sénon Drappès à résister à l'invasion des légions romaines de Jules César à la fin de la guerre des Gaules.

 

Il nous est connu par les Commentaires sur la Guerre des Gaules de Jules César. Lucterios se rallie en 52 av. J.-C., à la cause de Vercingétorix qui «envoie chez les Rutènes, avec une partie des troupes, le Cadurque Lucterios, homme d’une rare intrépidité». Il «les gagne aux Arvernes. Il pousse chez les Nitiobroges et chez les Gabales, reçoit de chaque peuple des otages, et, ayant réuni une forte troupe, entreprend d’envahir la Province, en direction de Narbonne». César renforce ses positions et Lucterios renonce à traverser les Cévennes en hiver. Plus tard, Lucterios participe au siège d'Alésia et à la défaite gauloise. Hirtius, historiographe de Jules César, raconte le siège d'Uxellodunum, place forte appartenant aux Cadurques dont la position géographique reste controversée. Un an après la reddition de Vercingétorix à Alésia, Lucterios et Drappès le Sénon réunissent leurs forces avec à nouveau l'intention d'envahir la Provincia. Menacés par les légions de Caninius, ils se réfugient dans l'oppidum d'Uxellodunum après s'être ravitaillés en blé. César intervient en personne et prend la ville en la privant d'eau. Vaincu, Lucterios cherche refuge chez le chef arverne Epasnactos, qui rallié à Rome, le livre à César. Drappès, prisonnier, se laisse mourir de faim, sans doute pour éviter le déshonneur d'être exhibé en triomphe (fr.wikipedia.org - Lucterios).

 

Acrostiche : EDFD

 

"AEDFED" : "qui souhaite" en gaulois (Jean-Baptiste Bullet, MĂ©moires sur la langue Celtique, 1759 - www.google.fr/books/edition).

 

M. Courtalon de Laistre, dans ses Recherches sur la Tactique des Gaulois, commence par distinguer les ordres militaires de cette nation. C'Ă©toient les Chevaliers, ou Nobles, les Gessates ou Gesates, les Solduriens, les Siloduns, les Cataphractaires ou Clibanaires, les Crupellaires et la Trimarkisia, ou ordonnante de trois chevaux pour chaque place de combattant. [...] Les Solduriens, dits Ă©galement Siloduns, faisoient vĹ“u de courir ensemble toute sorte de fortune, et de ne jouir des commoditĂ©s de la vie qu'avec ceux qui leur Ă©toient unis par les liens de la plus Ă©troite amitiĂ© ; ils mourroient les uns pour les autres, et gardoient si religieusement et si constamment leur vĹ“u qu'il ne s'en trouva jamais un seul qui ait rĂ©fusĂ© de mourir après la mort de son ami. Les Grecs les appelloient EuchelimĂ©es, c'est-Ă -dire vouĂ©s ou dĂ©vots. Siloduns revient en langue gauloise Ă  exĂ©cutants leurs vĹ“ux (La guerre de Jules CĂ©sar dans les Gaules, Tome 1, 1786 - books.google.fr).

 

La seule mention connue des soldurii - gauloise, ibérique ou aquitaine, l’étymologie de ce mot reste incertaine - se trouve dans les Commentaires de César 3,21 au sujet d'un autre siège, celui de la capitale des Sotiates (Sos actuel en Lot-et-Garonne), par Crassus en -56 (Marc Bouchain, L’Aquitaine et ses marges (IIIe-Ier av. J.-C.) : peuplements et cultures, 2015 - dumas.ccsd.cnrs.fr).

 

Typologie

 

Le report de 1778 sur la date pivot -52 donne -1882.

 

Si Samothès, premier roi des Gaulois, règne en -2200 alors -1882 tombe dans le règne de Bardus son descendant qui institue l'académie des Bardes (Jean Louis d'Amiens, L'Atlas des temps, divise en quatre livres, la periode de Louis le Grand, la nouvelle methode chronologique, la chronologie sacree de l'Ancien Testament et la chronologie nouvelle des annees de grace, 1683 - www.google.fr/books/edition).

 

Cf. VII, 34 - Alésia - 2024.

 

Gergovie

 

Le comte de Caylus (1692-1765), membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres où il développa l’archéologie gauloise, fit preuve d’une plus juste intelligence du contexte et ne céda pas à la mode celtomane. Son Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques, romaines et gauloises, publié de 1752 à 1767, manifestait un intérêt pour les monuments gaulois et les antiquités nationales. Il s’intéressa à Gergovie, à l’emplacement de la bataille, aux fouilles qui y furent faites. Il reproduisit des médailles gauloises tout en déclarant – réflexion étonnante ! – qu’elles ne pouvaient véritablement «instruire» sur leur histoire. Quant aux dolmens de Bretagne qu’il connaissait par des cartes et des dessins expédiés par le président de Robien et La Sauvagère, ce précurseur perspicace refusa de les attribuer aux anciens Gaulois. Il leur conférait une antiquité «d’autant plus reculée, que du temps des Romains la trace en était perdue». Il fut le premier à les attribuer à un peuple antérieur aux Gaulois (Joseph Rio, Entre Orient et Occident : le mythe des origines dans les textes bretons, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest n° 115-2, 2008 - journals.openedition.org).

 

Caylus identifie Uxellodunum à Capdenac (Marc Bouchain, L’Aquitaine et ses marges (IIIe-Ier av. J.-C.) : peuplements et cultures, 2015 - dumas.ccsd.cnrs.fr).

 

Gergovie : lieu-dit français, commune de La Roche-Blanche (Puy-de-DĂ´me). SituĂ© Ă  10 km au sud de Clermont-Ferrand. Oppidum gaulois rendu cĂ©lèbre par la dĂ©faite de CĂ©sar sur les Gaulois menĂ©s par VercingĂ©torix, en 52 a.C. En dĂ©pit des arguments archĂ©ologiques qui pourraient servir Ă  prouver que Gergovie n'est pas le plateau de Gergovie, la tradition historique, Ă©clairĂ©e par de nombreuses attestations mĂ©diĂ©vales et des trouvailles archĂ©ologiques encore plus nombreuses, identifient sans ambigĂĽitĂ© l'antique Gergovie Ă  l'actuel Gergovie. Le nom du lieu est attestĂ© au milieu du Ie s. a.C. par CĂ©sar : Gergovie. Sur le plateau de Gergovie ont Ă©tĂ© dĂ©couverts, outre des vestiges de l'Ă©poque gauloise, d'autres bien plus anciens puisque du NĂ©olithique, de l'Ă‚ge du Bronze et du premier Ă‚ge du Fer : son occupation humaine est donc très ancienne. Son nom repose sur la racine indo-europĂ©enne *GERG- "dresser" (IEW 385) et le suffixe -OUIA cette formation Ă  son pendant dans le nom de Bourg-Saint-AndĂ©ol (Ardèche) qui, au IXe s., Ă©tait vicum predictum Bergoiate (indo-europĂ©en *BHERGHOS "montagne" (IEW 140) avec le suffixe -OUIA, nom auquel a Ă©tĂ© ajoutĂ© le suffixe locatif gaulois -ATE). Le village au pied du plateau est attestĂ© villa Girgoie en 959 (Cartulaire de Sauxillanges, n°231) : cette forme a Ă©tĂ© adaptĂ©e en français d'oĂą Gergoie en 1561 (Symeoni Description de la Limagne, carte) et encore en 1743 dans le Dictionnaire de TrĂ©voux, et elle est toujours prĂ©sente en dialecte auvergnat avec la prononciation dzargoyo. Cependant, la Carte de Cassini a rĂ©employĂ© la forme latine en appelant le plateau m(onta)gne de Gergovie en 1775-76 : le plateau n'est depuis connu, en français du moins, que sous le nom de gergovie (Pierre-Henri Billy, Dictionnaire des noms de lieux de la France, 2021 - books.google.fr).

 

La grande exploration de la France avait commencé au XVe siècle avec le héraut Berry, contemporain de Charles VII, mais elle ne devint fructueuse que dans la seconde moitié du XVIe. C'est alors que Guillaume Paradin (mort en 1590) donne une description raisonnée du Lyonnais et du Beaujolais dans laquelle on trouve des détails précis sur les montagnes, les cours d'eau, les mines, etc. Jean du Choul (de Lyon) décrit le mont Pilat, Gabriel Syméoni la Limagne d'Auvergne, Papire Masson l'ancienne civitas Arvernorum (1611). Nombreux mais encore mal connus sont les voyageurs qui au XVIIe siècle reprirent cette enquête et recueillirent sur place les notions exactes que l'abbé Longuerue, Piganiol de La Force, Expilly, Bruzen de La Martinière feront entrer plus tard dans leurs grandes compilations (Alfred Leroux, Le Massif central: histoire d'une région de la France, Tome 3, 1898 - books.google.fr).

 

La carte de Cassini, premier levé cartographique complet réalisé sur l'ensemble du territoire français, est décidée en 1747 par Louis XV et confiée à Cassini de Thury, le petit-fils du célèbre astronome. Conçue, à l'origine, pour clarifier les découpages de l'Ancien Régime, elle s'achève à la Révolution, au moment de la création des départements... Création royale mise en œuvre par Colbert, grand amateur de cartes géographiques, contrôlée par l'Académie des sciences, souhaitée par l'Administration des Ponts et Chaussées, cette oeuvre gigantesque ne peut survivre, après l'abandon du Roi en 1756, que grâce à l'opiniâtreté des Cassini qui surent mobiliser le soutien financier d'amateurs éclairés et les contributions des Provinces. Œuvre scientifique exemplaire mais aussi aventure passionnée d'une dynastie d'entrepreneurs qui vit se relayer quatre générations de Cassini au cours des quelque cent années que nécessitèrent la mise au point des méthodes de triangulation géodésique et l'achèvement de ce grand ouvrage consacré à "la mesure et à la description exacte de la France" (Monique Pelletier, La carte de Cassini: l'extraordinaire aventure de la carte de France, 1990 - books.google.fr).

 

La carte générale de la France. Clermont-Ferrand. N°52. Feuille 110 est établie sous la direction de César-François Cassini de Thury et édité en 1775-1776 (gallica.bnf.fr).

 

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