Les Vaudois et l'occupation de la Savoie III, 61 1749-1750 La grande bande et secte crucigere,
Se dressera en Mesopotamies
: Du proche fleuve compagnie legere, Que telle loy
tiendra pour ennemie. "Mésopotamie" Il se pourrait que "Mésopotamie" désigne les
Vaudois comme cela est vu dans le quatrain III, 99 - Histoire des Vaudois -
1777-1778, VIII, 70 - Le fait marquant du règne de François Ier - 2081-2082. "crucigere" crucigère et
crucifère : «Qui porte une croix» (d'apr. Gatin
1924). Toutefois, si -gère signifie «qui porte», -fère
signifie à la fois «qui porte» et «qui produit». C'est à cette dualité de sens
que l'on doit sans doute la plus grande vitalité de l'élém.
-fère (www.cnrtl.fr). Les signes des Juifs tombèrent en désuétude au cours du
XVe siècle. Les hétérodoxes avérés furent souvent astreints aux XIIIe et XIVe
siècles au port d'un costume spécial. En 1314, le bailli de Perpignan avait
prescrit le port, soit de la cape, soit de la roue, qui pouvait ĂŞtre de couleur
quelconque pourvu qu'elle tranchât sur la robe. Le costume jaune et le chaperon
bizarre de la vieille femme figurée au XIVe siècle dans le ms. fr. 166 de la Bibl. Nat., fol. 43, pourraient rappeler les
costumes infamants imposés par les tribunaux, car il accompagne un texte
relatif à l'hérésie et à l'adultère. La femme porte un fagot et un cierge rouge
et noir. En 1215, le 4e concile de Latran ordonne que les Sarrasins des deux
sexes porteraient comme les Juifs un vêtement spécial, afin d'éviter les unions
que les chrétiens ou chrétiennes pouvaient contracter avec eux par erreur
réelle ou alléguée. En 1279, le concile d'Ofen
décréta que les Juifs porteraient la rouelle rouge et les Sarrasins la rouelle
jaune ; en Sicile, ils portèrent sur la poitrine une pièce d'étoffe jaune;
en Catalogne, ils furent soumis à l'obligation de porter les cheveux coupés en
rond. En 1229, le concile de Toulouse, en 1233 celui de BĂ©ziers, en 1242 celui
de Tarragone imposent aux hérétiques convertis le port de deux croix de
couleurs diverses sur chaque côté de la poitrine. Ce signe devait ressembler
aux croix que portent les religieux en Italie dits Crociferi,
et une fresque du XIVe siècle à Kalapanaïoti (île de
Chypre) montre des donateurs, une femme et deux hommes, ayant aussi ce signe.
Il semble donc avoir eu plusieurs usages. Plus
tard, il fut prescrit aux malheureux Vaudois et autres hérétiques de porter
cousues sur tous leurs vĂŞtements, sauf la chemise, des croix latines d'Ă©toffe
jaune, l'une devant, l'autre derrière (Camille
Enlart, Manuel d'archéologie française depuis les temps mérovingiens jusqu'à la
Renaissance, 1916 - books.google.fr). Occupation de la
Savoie par les Espagnols Cependant, le moment le plus marquant de ces relations
Ă©pisodiques entre Savoyards et Espagnols reste l'occupation par ces derniers de
la totalité de l'ancien duché, de 1742 à 1749. Certes, au niveau européen, «la
Guerre des Espagnols», ainsi nommée dans de nombreux documents savoyards, ne
fut qu'un épisode très secondaire de la Guerre de Succession d'Autriche, qui
mit aux prises la majorité des puissances européennes. Mais ces quelques années
représentèrent sans conteste pour la Savoie l'une des périodes les plus sombres
du siècle (Alain
Becchia, L'occupation espagnole de la Savoie, 1742-1749, 2007 - books.google.fr). Contrebande et
Vaudois En 1747, un officier espagnol fait cependant arrĂŞter
trois individus, déférés ensuite devant le Sénat, après la découverte dans une
grange d'un cabaret de Scionzier d'une vessie de vache remplie de fausse
monnaie ! Deux des accusés seront condamnés au bannissement à vie et le plus
jeune à vingt années d'exil. La contrebande prend de telles proportions sur la
frontière du Dauphiné que la France finit par s'en émouvoir. Le contrôleur général
Orry Ă©crit au marquis de Campoflorido (alors
ambassadeur d'Espagne en France), le 22 avril 1743 : «Monsieur, Les troupes
espagnoles qui sont en quartier dans les villes de la Savoie, frontières de
France, font un commerce considérable de toutes sortes de marchandises de
contrebande et particulièrement de sel. Il n'est pas possible aux employés des
fermes de s'y opposer parce que ces troupes font ce commerce en bandes armées.»
Afin de lutter contre cette contrebande qui se développe impunément, les
autorités espagnoles réagissent le 30 mai 1743 pour réduire le «préjudice des
Fermes générales de Savoye (...) dont la conservation des droits a été promise
aux fermiers». Elles interdisent aux officiers et soldats «d'introduire, vendre
et débiter aucun tabac de contrebande» sous peine de sanctions et de privation
des honneurs militaires. DĂ©sormais les soldats qui arrĂŞteront des
contrebandiers se verront offrir par les fermiers quatre pistoles d'or pour
chaque prisonnier capturé avec au moins dix livres de tabac et deux pistoles
s'ils sont pris avec seulement cinq livres. Ils toucheront Ă©galement une prime
sur les mulets, chevaux et charrettes saisis. La Délégation générale prend
aussi des mesures pour lutter contre la contrebande. Les autorités espagnoles
autorisent Ă©galement le personnel des gabelles Ă porter Ă nouveau des armes. La
présence dans les montagnes de nombreuses bandes de déserteurs armés, qu'ils
soient espagnols, sardes ou français, qui se mêlent plus ou moins à la
contrebande habituelle, renforça le phénomène. La paix revenue, les
contrebandiers se transformèrent souvent en bandes de voleurs qui sévirent
longtemps, surtout en Grande Chartreuse, mais aussi dans les Bauges, le long du
RhĂ´ne, en Haute-Maurienne et Chablais (Alain
Becchia, L'occupation espagnole de la Savoie, 1742-1749, 2007 - books.google.fr). Les Barbets des
Alpes, dit le P. Abel de Sainte Thérèse (Monographie de N.-D. de Laghet, 144, note) employés à titre de corps francs pendant
la guerre (qu'avait à soutenir la maison de Savoie, possesseur du comté de
Nice) devenaient facilement, Ă
l'occasion, des contrebandiers ou mĂŞme des bandits. Les Barbets remontaient aux
Vaudois, qui donnaient à leurs ministres le nom vénitien de Barba, oncle pour
réserver à Dieu seul le nom de Père (L'intermédiaire
des chercheurs et curieux, Volumes 43 à 44, 1901 - books.google.fr). Nous rejoignons les barbes «les ministres du culte chez
les Vaudois» (<vaud. barbo
«titre de respect qu'on donne à un ancien du peuple; pasteur vaudois» FEW 1,
250a) et les barbets «Vaudois des Alpes
; contrebandiers des Alpes» (alp. barbet «bandit
piémontais » FEW ib.), les pauvres crétins du Valais,
de la Savoie et du Dauphiné, symbole de la dégénérescence physique et morale (Travaux
de linguistique et de littérature, Volumes 4 à 5, 1966 - books.google.fr). Compagnie légère Des indications fragmentaires, dans les registres de
baptêmes de la paroisse saint-Léger de Chambéry, prouvent la présence d'unités
des régiments d'Aragon (1743), de Calice (en 1743, 1745 aussi), des Asturies en
1744, de Burgos (en 1745-1746 puis 1748), de la Reine (1747), de Grenade
(1748), de Bourbon (1748) et surtout de régiments suisses durant toute
l'occupation : de Reding (1744-1746), Dunant (1744-1746), de Souaz (??), de Buch (1746 et
1747), de Bavois (1745-1746) ou de Schwaller (1747-1749). Le régiment de Séville prend ses
quartiers d'hiver à Samoëns, où stationnent deux compagnies de cavalerie et Taninge, qui reçoit deux compagnies également. En
Tarentaise, les troupes stationnent essentiellement Ă Fesson-sur-Salins,
«position centrale d'oĂą l'on domine les quatre vallĂ©es qui aboutissent Ă
Moûtiers et, durant chaque été, au camp de Macôt,
d'où elles surveillent les abords du Petit Saint-Bernard. Près de Beaufort, on
apercevait encore à la fin du XIXe siècle, les vestiges d'un camp retranché,
sur le mont Saint-Jacques (une enceinte de 160 sur 130 m et 92 cabanes de
pierre toutes semblables, de 5 m de longueur sur environ 3 m de largeur): de ce
point, une garnison pouvait, là aussi, surveiller au loin la vallée. Le petit
village de Novalaise (502 habitants), en Savoie
Propre, voit aussi s'installer en quartier d'hiver, le 18 octobre 1743, trois
capitaines, quatre lieutenants, trois cornettes (officiers portant l'Ă©tendard d'une
compagnie de cavalerie), trois tambours et 111 dragons, auxquels il faut
ajouter onze valets. [...] Il y avait 5 piquets de fusiliers espagnols Ă
Moûtiers (Alain
Becchia, L'occupation espagnole de la Savoie, 1742-1749, 2007 - books.google.fr). Il y a avait une Compagnie détachée ou légère de
fusiliers d'Aragon (1766, JerĂłnimo de Torres) (Catherine
Denys, Brigitte Marin, Vincent Milliot, Réformer la police: les mémoires
policiers en Europe au XVIIIe siècle, 2009 - books.google.fr, Georges
Desdevises du Dezert, L'Espagne de l'ancien RĂ©gime, Tome 2 : Les institutions,
1899 - books.google.fr). Si on prend un exemple français, le régiment des Fusiliers de La Morlière de l'armée française de
l'Ancien Régime, créé en 1745 par Alexis Magallon de
la Morlière, pendant la guerre de
Succession d'Autriche et licencié en 1749, fait partie des troupes légères levées à cette époque pour mener la
«Petite guerre», Ă cĂ´tĂ© de l'armĂ©e rĂ©gulière. Il y a deux types de compagnies Ă
pied, fusiliers et grenadiers. Leur composition est prévue par l'ordonnance de
1745. Une compagnie de fusiliers comprend un capitaine, un capitaine en second,
un premier lieutenant, un lieutenant en second et un sous-lieutenant, quatre sergents,
un capitaine d'armes, six caporaux et six anspessades, quatre ouvriers, 77
fusiliers et 2 tambours (fr.wikipedia.org
- Fusiliers de La Morlière). "proche fleuve" On peut penser au Rhône. M. de Lapparent me signale la possibilité d'une influence
espagnole dans le culte de sainte Brabe en Savoie.
C'est un fait que toute la Savoie a été occupée par l'armée espagnole pendant
six ans, au dix-huitième siècle, de 1742 à 1749, et que sainte Barbe était à ce moment depuis longtemps la protectrice par
excellence des artificiers, arquebusiers et artilleurs espagnols. Mais,
d'une part, on comprendrait malaisément que nos paysans de Maurienne et de
Tarentaise aient emprunté un culte à des dominateurs cruels et avides, dont le
souvenir ne s'est pas effacé encore complètement de la mémoire populaire et
dont, en tout cas, les documents historiques prouvent la rapacité et la
barbarie, causes d'une haine profonde di la part des Savoyards, les classes
nobles et les couvents exceptés (voir Victor de Saint-Genis, Histoire de
Savoie, t. III, p. 53-78). En outre, l'occupation
espagnole s'est étendue sur la Savoie tout entière, depuis le lac Léman
jusqu'au Dauphiné et depuis les Alpes jusqu'au Rhône: on ne comprendrait
pas pourquoi le culte de sainte Barbe ne se serait implanté à ce moment que
dans les régions bien délimitées de la Maurienne et de la Tarentaise indiquées
ci-dessus; on ne peut attribuer Ă des cantonnements d'artilleurs espagnols les
cas sporadiques, qui sont pour la plupart antĂ©rieurs au dix-huitième siècle, Ă
moins d'y voir aussi des importations des artilleurs espagnols, français, italiens,
etc., des XVe-XVIIe siècles, venus en Savoie au cours des guerres antérieures.
En se reportant au catalogue de l'abbé Burlet, on
constatera d'ailleurs que les Ă©mergences historiques se font pour la moyenne
Tarentaise lors des visites pastorales de 1732 et 1733; et pour la moyenne
Maurienne, en 1730 et 1732, donc avant l'occupation espagnole (Genava,
Volumes 3 Ă 4., 1925 - books.google.fr). Barbe - Barbets. Participation des
Vaudois à la résistance L'absolutisme éclairé des rois sardes, leur distance
croissante avec l'Eglise (laĂŻcisation de l'enseignement, recul du soutien aux
missions) voire leur anticléricalisme et la paix revenue après la dure
occupation espagnole de 1742-1749 ne peuvent ĂŞtre que favorables aux
protestants (www.savoie-archives.fr - La lente victoire de la tolérance,
1730-1792). D'autant que les Vaudois participent Ă la lutte contre
l'occupation espagnol. Ils s'agit
bien de "barbets" et non de gens du pays de Vaud (L'Ă©pilogeur,
Decembre 1742 - Fevrier 1743, Volume 6, 1743 - books.google.fr). L'armée piémontaise, qui a pendant ce temps, avec l'aide
des troupes autrichiennes, achevé de repousser les forces espagnoles venues du
royaume de Naples, s'est regroupée à Suse, au pied du Mont-Cenis
et Ă La Thuile, au pied du col du
Petit-Saint-Bernard. Les avis sont partagés. Certains conseillers du roi
estiment que la saison est trop tardive pour une contre-attaque; d'autres font
valoir au contraire l'exemple de Victor-Amédée II, qui n'avait pas hésité en
1709, puis en 1711, Ă franchir les Alpes durant l'hiver pour aller combattre
les Français. Cette solution doit paraître inenvisageable aux Espagnols qui ont
négligé de garder solidement les cols et n'ont même pas jugé utile de déployer
des troupes en amont des principales vallées. Contre toute logique,
Charles-Emmanuel III décide pourtant de passer les Alpes, le 2 octobre, avec 11
000 hommes au total (certains auteurs disent 14 000) : 27 unités d'infanterie,
dont les deux régiments provinciaux de Tarentaise et Chablais, deux régiments
de dragons, une compagnie de gardes du corps et un millier de mercenaires
vaudois. Bénéficiant d'un réel effet de surprise, les troupes sardes pénètrent
en Savoie à la fois par le Petit-Saint-Bernard (colonne commandée par le roi luimême, venant du Val d'Aoste, avec en avant-garde six
compagnies de grenadiers et deux cents chevaux sous les ordres du commandant
Charles Philibert du Verger) et par le Mont-Cenis,
colonne commandée par le comte de Schulenburg. Ce
dernier, qui s'est fait «couvrir au col de la Roue par une avant-garde de
Vaudois, de miliciens et de grenadiers en direction de Modane», passe le Mont-Cenis le 29 septembre et s'installe à Termignon. Peu après, quelques escarmouches ont lieu entre
les paysans vaudois et des postes de gardes espagnols, qui détruisent, pour les
stopper, le pont neuf établi sur l'Arc à Villarclément.
Mais l'ouvrage est relevé rapidement et emprunté dès le 6 octobre par de
petites troupes de Vaudois. [...] A Saint-André, un contingent s'enfuit face à l'arrivée
inopinée de soldats piémontais et vaudois, qui visiblement effectuent sans
problème un raid en Savoie, en avril 1744. Cette nouvelle provoque une
débandade parmi les Espagnols (Alain
Becchia, L'occupation espagnole de la Savoie, 1742-1749, 2007 - books.google.fr). |