Basques et Rifains

Basques et Rifains

 

VI, 1

 

1926

 

Autour des monts Pyrenees grans amas

De gent estrange secourir Roy nouveau:

Pres de Garonne du grand temple du Mas,

Un Romain chef le craindra dedans l'eau.

 

VI, 2

 

1926-1927

 

En l'an cinq cens octante plus et moins,

On attendra le siecle bien estrange:

En l'an sept cens, et trois cieux en tesmoings,

Que plusieurs regnes un a cinq feront change.

 

Si on met en rapport les quatrains 1 et 2 de la Centurie VI, l'année 580 et la Garonne peuvent faire référence aux incursions vasconnes en Aquitaine jusqu'à ce fleuve.

 

Les années 580

 

Tandis que les années 600 ne sont liées à aucun événement historique déterminant, les années 560/580 marquent la fin de la « renaissance mérovingienne » du VIe siècle, avec le règne de Clotaire Ier (558/ 561) où le royaume franc fut réunifié, tandis que les années 620/630, avec l'unification du royaume sous Clotaire II (613-629) et Dagobert Ier (629-639), correspondent à une seconde « renaissance mérovingienne » (Patrick Périn, La datation des tombes mérovingiennes, 1980 - books.google.fr).

 

La notion de rénovation est liée ici à l'unification ou l'agrandissement de l'Etat mérovingien.

 

Les quatre fils de Clovis se firent entre eux une guerre acharnée. Clotaire, resté seul maître en 558, laissa lui-même quatre fils qui se partagèrent ses domaines. L'Aquitaine échut à Chilpéric. Mais la discorde ne tarda guère à venir. Gontran, roi de Bourgogne, marcha contre Chilpéric; puis, en 584, il envoya des troupes en Aquitaine contre Gondebaud qui s'était fait couronner à Brive. L'armée de Gontran traversa la Garonne au Mas-d'Agenais, pilla cette ville et se lança à la poursuite de Gondebaud, qui périt par trahison à Saint-Bertrand- de-Comminges où il s'était renfermé. Le général de Gontran, Didier, comte de Toulouse, défit en 587 l'armée de Chilpéric commandée par Regenwald ou Renaud, gouverneur de l'Agenais et du Périgord. Il prit Périgueux, et s'empara dans la basilique de Saint-Caprais d'Agen de la femme de Renaud, qu'il fit conduire à Toulouse. C'est en 586, sous Chilpéric, que les Vascons ou Gascons, descendus des Pyrénées espagnoles, se répandirent dans la Novempopulanie. Bladaste, duc de Bordeaux, envoyé contre eux, fut tué et son armée fut complètement défaite. Le duc Astrovald n'obtint ensuite qu'un faible succès; les envahisseurs restèrent maîtres, malgré tout, du territoire désigné sous le nom de Vasconie citérieure (agenais.org).

 

"Mas" et "Garonne" désignent problement le Mas d'Agenais, lieu de passage des armées de Gontran selon M. de Saint Amans (XIXème siècle), et non le Mas d'Aire sur l'Adour. On sait que Nostradamus passa quelques années à Agen auprès de Jules Scaliger.

 

Des antiquaires reconnurent dans le jardin du presbytère du Mas d'Agenais, un autel votif avec une inscription comportant le mot USSUBIUM : TVTELAE. AVG. VSSVBIO. LABRVM SILVINVS. SCIPIONIS. F. ANTISTES. D. Ussubium figure sur la route de Bordeaux à Agen aussi bien dans l'Itinéraire d'Antonin que sur la Table de Peutinger. Le monument que le prêtre Silvinus avait établi à Ussubium, se trouvait sans doute près du temple de la Déité tutélaire ou Tutèle de ce lieu. Silvinus occupait une place distinguée dans la hiérarchie sacerdotale, et il est probable que ce ne fut pas seulement pour satisfaire à des besoins hygiéniques qu'il fit établir ce Labrum, mais aussi pour servir à des purifications prescrites à ceux qui entraient dans le temple, ou qui étaient chargés de le desservir. (M. Chaudruc de Crazannes, Un autel votif, Mémoires de la Société archéologique du midi de la France, Volume 1, 1834 - books.google.fr).

 

Peut-être Nostradamus vit-il cet autel et son inscription. A-t-il aussi dans l'esprit la légende de saint Vincent d'Agenais.

 

Saint Vincent n'est connu dans nos bréviaires manuscrits ou imprimés que sous le nom de saint Vincent du Mas d'Agenais. Ce surnom qui a subsisté dans nos livres liturgiques jusqu'au milieu du XVIe siècle nous apprend à démêler dans les fables de nos légendes actuelles le til qui nous conduit à noire tradition primitive. [...] L'auteur des actes du martyre de saint Vincent-d'Agenais est le premier et presque le seul qui ait fait mention de Vellanum de Pompejacum. Il écrivait au vr siècle dans le diocèse d'Agen, et son témoignage est d'autant plus certain qu'il avait ces deux villes sous les yeux. Il nous apprend que saint Vincent fut arrêté à Vellanum, petite ville du territoire appelée Rus Reonemense; qu'il y avait dans cette ville un temple d'idoles situé, sur une colline, au bas d'un fleuve qu'il ne nomme pas, mais qui ne peut être que la Garonne, parce que cette ville était dans le territoire d'Agen ; qu'à une certaine fête, un globe de feu sortait de ce temple, se précipitait dans le fleuve et remontait dans le temple même, sans s'éteindre; que c'est là que saint Vincent souffrit le martyre et fut enseveli ; que son corps fut transféré dans la suite, en la petite ville de Pompejacum qui se glorifiait encore alors de ce précieux dépôt; qu'enfin, dans le même lieu où était le temple dans lequel le démon avait été adoré autrefois, il y avait une église consacrée au vrai Dieu sous l'invocation de saint Vincent et dans laquelle, tous les ans, les habitants des petites villes voisines se réunissaient pour célébrer sa fête. Fortunat, évèque de Poitiers, contemporain de cet historien, fait mention de ces deux églises que plusieurs auteurs ont confondue en une soule et les caractérise par le même trait. Il nous apprend que Léonce II, évêque de Bordeaux, fit couvrir de plomb celle qui était dépositaire des reliques de saint Vincent. Le même poète fait aussi mention de l'église de Vellanum à laquelle il conserve son nom celtique de Vernemetis, qui signifie un grand temple. (J. Labrunie, Essais historiques de M. Argenton sur l'Agenais, Recueil des travaux de la société d'agriculture, sciences et arts d'Agen, Volume 8, 1857 - books.google.fr).

 

En 571, Léovigild prend le site d’Amaya en Cantabrie après avoir repoussé les assauts des Vascons.La révolte des Vascons de 579 à 582 fut encore une sérieuse lutte pour leur indépendance. En 580, les Vascons se rebellent une fois de plus, probablement sous l’influence de l’insurrection catholique de Baetica (Bétique (Hispania Baetica) couvre le sud de l’Espagne, et correspond à peu près à l’actuelle Andalousie). En 581, Léovigild va à l’encontre des Vascons en personne, et après beaucoup d’ennui, réussi à occuper une grande partie de la Vasconie, et prend possession de la ville d’Egessa (Egea de los Caballeros). Pour assoir son succès, il fonda la ville de civitas victoriaca (Iruña-Véleia) en bonne position stratégique, c'est-à-dire que, selon son habitude, il restaure une forteresse antique, ici celle qui porte le nom romain de Iruña-Véleia, pour surveiller la route... de Bordeaux. Après avoir mis fin ainsi à cette campagne, Léovigild décida de prendre une mesure énergique contre son fils rebelle. À cet effet, il passa plusieurs mois en 582 à organiser une armée puissante, et, dès qu’elle fut réunie, marcha sur Caceres et Mérida. Pour finir, Récarède Ier, dit « le Catholique », et nouveau roi des Wisigoths dans la péninsule ibérique de 586 à 601, fit la guerre aux Vascons afin de reprendre les terres que Léovigild avait envahi jusqu’au fin fond des Pyrénées, mais cependant sans succès.

 

Le Traité d’Andelot signé en 587 entre Gontran Ier roi de Burgondie et son neveu Childebert II roi d’Austrasie, devait assurer une paix perpétuelle entre les deux royaumes. Childebert II se vit reconnaître, les possessions de Meaux, Tours, Poitiers, Avranches, Aire-sur-Adour, Couserans, Lapurdum et Albi.

 

Il semble bien que les Vascons, malgré la possession mérovingienne sur traité, soient les véritables maîtres de la partie Sud-Ouest du duché d’Aquitaine. Les Vascons, protégés par l’accès difficile de leurs montagnes, étaient restés indépendants sur le versant sud des Pyrénées occidentales. Ils avaient gardé leur langue et leur religion. En 587, ils sortent de leurs retraites et envahissent les plaines de l’Adour et de la Garonne. Leur progression dure jusqu’en 602 quand les deux fils de Childebert II, Théodebert II, roi d’Austrasie et Thierry II, roi de Burgondie les battent et leurs imposent un duc en la personne de Genialis. C’est l’union entre Mérovingiens qui leurs permet de soumettre les Vascons mais cela s’arrête aux pieds des Pyrénées. En 602, les Francs ayant conquis la Vasconie, décide de l'ériger en Duché. Ce royaume ou teilreich ne fut concédé à Caribert II qu’à la condition qu’il soit soumis à l’autorité de Dagobert Ier. Ce territoire avait été choisi pour servir de zone tampon entre la Septimanie wisigothique, les Vascons et le royaume franc de Dagobert I.

 

Le roi des Wisigoths était depuis 601 Liuwa ["nouveau roy"] qui régna jusqu'en 603.

 

Entre 660 et 670, suite à l’alliance entre l’aristocratie aquitaine et les Vascons, le royaume de Toulouse réapparut quoiqu’en cachant son nom, avec le choix de Félix comme chef, patrice de Toulouse. C'est le début d'une période de l'indépendance Vasco-aquitaine de 660 à 768 (Le Pays Basque au Moyen-Âge (du Ve au XIe siècle)).

 

En 587, « surgissant des montagnes, ils descendent dans la plaine, dĂ©vastant vignes et champs, livrant les Ă©difices Ă  l'incendie, emmenant beaucoup de prisonniers et de troupeaux » (GrĂ©goire de Tours), et la rĂ©action du duc franc ne parvient pas Ă  les bloquer. Dès lors les raids de pillage ne cessent plus, et l'occupation commence. Une grande expĂ©dition royale en 602 les contraint au tribut et leur impose un duc. Ils se retournent alors contre le territoire wisigothique; mais une nouvelle rĂ©action de ce cĂ´tĂ© — des campagnes en 610, 613 et 621 et la construction de la forteresse d'Olite — leur coupe la voie du Sud. Les Vascons une nouvelle fois font volte-face et il semble bien qu'une partie de la Gascogne passe en leur pouvoir, puisqu'en 626 l'Ă©vĂŞque romain d'Eauze, sans doute pour sauver son autoritĂ©, pactise avec eux ; il se rend au concile de Clichy, l'annĂ©e suivante, sur convocation de Clotaire II, mais il est le seul des Ă©vĂŞques de Novempopulanie Ă  y assister. Deux ans plus tard, Ă  la mort de Clotaire II, Dagobert Ă©rige pour son frère Charibert II un royaume d'Aquitaine qui, constituĂ© d'un bloc de pagi comprenant Saintes, PĂ©rigueux, Cahors, Agen et appuyĂ© sur Toulouse, est visiblement destinĂ© Ă  tenir en respect la Vasconie d'outre-Garonne, dĂ©sormais considĂ©rĂ©e comme une marche. Après la mort de Charibert, Dagobert organise en 635, avec, notamment, les deux ducs de Bordeaux et de Toulouse, une grande expĂ©dition pour venir Ă  bout des Vascons. Ceux-ci acceptent de se soumettre, mais dans la vallĂ©e de la Soule ils Ă©crasent une partie de l'armĂ©e franque. Dès le dĂ©but de la seconde moitiĂ© du VIIe siècle, au temps du maire du Palais Ebroin, un patrice, FĂ©lix, est nommĂ© Ă  Toulouse avec pouvoir de commandement sur toute la rĂ©gion jusqu'aux PyrĂ©nĂ©es dĂ©sormais contrĂ´lĂ©e par les Vascons, mais lui-mĂŞme fait cause commune avec eux. Pratiquement l'Aquitaine, demeurĂ©e si profondĂ©ment romaine, fait sĂ©cession du royaume franc. A la mort de FĂ©lix (671-672), son « fidèle » Loup se rebelle officiellement contre le roi, et il agit en « prince ». En vain Clotaire III lance une offensive contre lui; le « duc » Loup, maĂ®tre de toute l'Aquitaine mĂ©ridionale, vient appuyer militairement avec ses Gascons la vaine tentative de rĂ©bellion de la Septimanie, dont le duc Paul, soulevĂ© contre le roi wisigothique Wamba, s'Ă©tait proclamĂ© roi. Puis il Ă©tend son pouvoir Ă  la fois vers le Centre-Ouest et vers les pagi proches de la Septimanie. Dans les premières dĂ©cennies du VIIIe siècle, les princes des Aquitains, Eudes, puis Hunaud, rĂ©ussissent pratiquement Ă  rĂ©unir sous leur principat la plus grande partie de l'Aquitaine avec l'Auvergne, le Limousin, le Poitou et le Berry. Cela ne peut se comprendre qu'avec l'aide prĂŞtĂ©e aux Aquitains par les Vascons, qui, maĂ®tres de la Gascogne, avaient aussi pĂ©nĂ©trĂ© dans l'outre-Garonne, notamment en Agenais. Dans diverses sources, les Aquitains sont appelĂ©s « Romains Â», dans dans d'autres « Vascons Â» (Jacques Dupâquier, Histoire de la population française, Tome 1, 1995 - books.google.fr).

 

Eauze (peut-ĂŞtre jeu de mot avec "dans l'eau" v. 4) est Ă  75 km au sud. Le "romain chef" serait l'Ă©vĂŞque catholique de la ville qui par crainte des Vascons "pactise avec eux".

 

Génialis mourut, après une administration assez longue et toujours tranquille. Sous le gouvernement de son successeur, Aighinan, les Vascons se révoltèrent, d'accord avec Senoc, évèque d'Eauze et métropolitain de la Novempopulanie. C'est alors qu'ils reconnurent pour leur duc Armand, l'un des grands hommes de l'époque, mais dont l'origine est restée inconnue. Armand franchit l'Adour et parvint, malgré les rois de France, à faire accepter son autorité sur tout le pays qui s'étend jusqu'au fleuve de la Garonne.Cependant, Dagobert monta sur le trône, en 628, et fit à son frère Caribert un petit royaume d'Aquitaine, avec la ville de Toulouse pour capitale. Ce royaume borné, d'un côté, par la Loire, de l'autre, par la Garonne, enveloppait, au sud, la contrée où les Vascons venaient d'établir leur domination. Mais, Armand, ayant donné en mariage sa fille Gisèle au jeune roi d'Aquitaine, celui-ci acquit alors, ou par un simple arrangement de famille, ou même par la force des armes, la souveraineté du duché des Vascons. Voilà donc, dès l'an 650, comment la Novempopulanie, cette ancienne Aquitaine de César, put recevoir le nom de Vasconie. Mais qu'on ne croie pas que ce vaste duché fût habité exclusivement par des Vascons proprement dits. Il faut, au contraire, distinguer avec soin les trois zones qui le partagent : 1° le pays récemment occupé entre l'Adour et la Garonne; 2° le quartier plus étroit que limitent l'Adour, au nord, et le Gave d'Oloron au midi; 3° enfin, la petite contrée qui de la rive gauche de ce Gave, à partir du Vert (près de Moumour), s'élève par gradins jusqu'au haut des montagnes. Ces trois zones formèrent, dans leur ensemble, le duché nominal de la Vasconie; mais les Vascons, loin d'en expulser la population indigène ou de s'y fondre avec elle, se contentèrent de lui être unis politiquement et continuèrent à vivre, en corps de nation, dans la troisième zone, laissant les deux autres aux descendants des vieux Aquitains (J.M. Menjoulet, Saint Amand, patron des Basques, Revue de Gascogne: bulletin bimestrial de la Société historique de Gascogne, Volume 10, 1869 - books.google.fr).

 

En 626-627, un certain Palladius et son fils Senoc (Senoch, Sedocus, Sidocus qui assista au Concile de Reims en 625, avec Audéricus ou Audrit, évêque d'Auch), évêque d'Eauze, furent exilés parce que le duc Egina (le saxon Ayghinia, Aignan) leur reprochait d'avoir été complices d'une révolte des Vascons. Nous retrouverons bientôt le duc, en 630, parmi les chefs de la formidable armée dirigée par Dagobert Ier contre les Vascons cispyrénéens une fois de plus révoltés. Nous verrons aussi ce même haut fonctionnaire s'employer à fléchir Dagobert Ier en faveur de ces rebelles Ainsi, Ayghinia était alors duc de la Vasconie cispyrénéenne (J.B. Labé, La Vasconie cispyrénéenne, Annales, Université de Bordeaux. Faculté des lettres et sciences humaines, 1890 - books.google.fr).

 

"règnes un à cinq"

 

De 660 à 744, il y a 5 ducs de Vasconie et d'Aquitaine indépendants : Félix, Loup, Eudes, Hubald et Waifre (Le Pays Basque au Moyen-Âge (du Ve au XIe siècle)).

 

En 1640, Pierre de Marca, né à Pau en 1594 et mort en 1662, protégé du chancelier Séguier et de Richelieu, compte Sadregesile, Boggis, Eudes, Hunaud et Vaifers comme les cinq ducs des Vascons qui possédèrent sous ce titre, une partie et puis toute la Gascogne (Pierre de Marca, Histoire de Bearn, contenant l'origine des rois de Nauarre, des ducs de Gascogne, marquis de Gothie, princes de Bearn, comtes de Carcassonne, de Foix, & de Bigorre, 1640 - archive.org).

 

Pierre de Marca composa en 1641 le De concordia sacerdotii et imperii en rĂ©ponse au livre de Charles Hersent qui imputait au principal ministre de Louis XIII la volontĂ© de crĂ©er un patriarcat national, indĂ©pendant du Saint-Siège. L’ouvrage de Pierre de Marca, rĂ©digĂ© Ă  la demande du Cardinal, Ă©tait incontestablement un manifeste gallican. Deux ans après les frères Dupuy, l'homme d'Église se faisait Ă  son tour le dĂ©fenseur des « libertĂ©s » françaises. Pour lui, les droits ecclĂ©siastiques de la monarchie reposaient sur trois principes irrĂ©vocables : l'autoritĂ© absolue du prince, indĂ©pendant au temporel de toute juridiction Ă©trangère et a fortiori romaine ; la nĂ©cessitĂ© pour le pape d'accepter, sans les modifier les anciens canons de l'Église ; la particularitĂ© historique de la France qui n'avait jamais manquĂ© de porter secours au Saint-Siège et de sauvegarder la discipline extĂ©rieure de l'Église. Comme les Feuillants, Pierre de Marca pensait que les libertĂ©s de l'Église gallicane dĂ©limitaient prĂ©cisĂ©ment le cadre lĂ©gal des relations entre les deux pouvoirs [...] Mais, selon Pierre de Marca, le respect des libertĂ©s gallicanes ne se limitait pas Ă  l'observation stricte de l'ancienne collection du Corpus canonum et des coutumes reçues dans le royaume, comme le pensaient certains gallicans (Leschassier, Pithou ou Dupuy). Il estimait, au contraire, qu'il fallait observer l'usage de l'ancien et du nouveau droit, auxquels il ajoutait les DĂ©crĂ©tales, exceptĂ©es bien sĂ»r celles du PseudoIsidore dont l'autoritĂ© Ă©tait contestĂ©e (Benoist Pierre, La bure et le sceptre: la congrĂ©gation des Feuillants dans l'affirmation des États et des pouvoirs princiers (vers 1560-vers 1660), 2006 - books.google.fr).

 

On appelle Fausses décrétales ou encore Pseudo-Isidoriana une collection de décrétales pseudépigraphes, faussement attribuées à un certain Isidore Mercator, lui-même longtemps confondu avec Isidore de Séville. Il s'agit d'un immense travail de falsification de documents canoniques. Rédigées dans les années trente et quarante du IXe siècle, les Fausses décrétales constituent l'une des plus importantes sources de droit canonique médiéval.

 

L'un des buts principaux des faussaires est la protection de l'évêque en procédure criminelle contre les empiétements de l'archevêque et des grands laïques. Les accusations à l'encontre des évêques sont purement et simplement interdites dans certains textes.

 

Les fausses décrétales semblent avoir été apportées au Pape Nicolas Ier, à Rome, en 864, par Rothade de Soissons. Les Papes suivants utilisent ces textes afin d'affirmer leur autorité à la tête de l'Église puisqu'il y est écrit que les évêques ne peuvent être jugés que par le Pape et qu'aucun décret conciliaire n'est valable sans leur approbation.

 

Au Moyen Âge, les canonistes ont pris les Fausses Décrétales pour des textes parfaitement authentiques. Seul l'archevèque Hincmar de Reims, au IXe siècle, semble avoir eu des soupçons — ou peut-être en savait-il plus qu'il ne jugeait politique de l'admettre. Cette attitude changea au XVe siècle. Nicholas de Cues, qui avait copié un exemplaire des Fausses Décrétales lui-même (le manuscrit 52 de la Fondation Cusanus) remarqua certains anachronismes : était-il vraiment crédible que le pape-martyr Clément Ier ait fondé la prééminence de certains sièges épiscopaux sur le fait que les païens, eux, avaient leurs archiprêtres dans ces mêmes villes ? Pendant la Réforme du XVIe siècle, les attaques devinrent plus systématiques. Les Centuriatores Magdeburgenses rassemblèrent des arguments contre l'authenticité des Décrétales. Mais il fallut attendre jusqu'en 1628 pour que David Blondel, prédicateur réformé à Genève, fournît la preuve définitive : les soi-disant papes des trois premiers siècles citaient l'Écriture d'après la version Vulgate, qui ne vit le jour que longtemps après leur mort (fr.wikipedia.org - Fausses décrétales).

 

Selon Jean Frappier, L. Levillain a démontré que les Gesta Dagoberti étaient l'œuvre de Hincmar de Reims, qui doutait de l'authenticité des Décrétales du Pseudo-Isidore (R. Marichal, L'origine de "Floovant", Mélanges de langue et de littérature du Moyen Age et de la Renaissance offerts à Jean Frappier: professeur à la Sorbonne, Tome 2, 1970 - books.google.fr).

 

C'est dans les Gesta Dagoberti I. regis Francorum, c. 6 (B. Krusch [éd.], « MGH SS rer. Merov », 2, p. 402) : « Aquitaniae ducatu specialiter ei commisso » ; ibid., c. 35, p. 413 : « Sadragiselus, dux Aquitaniorum » qu'apparaît Sadregésile (Philippe Depreux, Le Princeps péppinide et l'Occident chrétien, De Mahoma a Carlomagno, Los primeros tiempos (Siglos VII-IX), XXXIX Semana de Estudios Medievales Estella, 2012 - books.google.fr).

 

Rabelais Ă©tait bon; il s'en prit plutĂ´t aux institutions qu'aux hommes. Laissant un peu Ă  l'Ă©cart la royautĂ© qui avait peut-ĂŞtre encore une certaine raison d'ĂŞtre pour rĂ©sister aux dernières convulsions de la fĂ©odalitĂ©, il s'attaqua principalement Ă  la thĂ©ocratie. Dans tout le cours de son Ĺ“uvre on entend le cri, on sent le coup de fouet de la satire Ă  l'adresse de l'Église, mais c'est surtout dans les quatrième et cinquième livres qu'il lâche la bride Ă  la plus mordante, Ă  la plus impitoyable raillerie. Il s'en prend d'abord, livre IV. chap. 48, aux DĂ©crĂ©tales qu'il turlupine d'une façon si amusante et si foudroyante en mĂŞme temps. On sait peu aujourd'hui, ce que sont au fond les DĂ©crĂ©tales, parce que un petit nombre d'hommes seulement ont sondĂ© l'esprit dans lequel elles ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ©es, les maximes qu'elles ont recommandĂ©es, les sophismes qu'elles ont fait Ă©clore, les monstruositĂ©s qu'elles ont enfantĂ©es. [...] Que d'enseignements Ă  retirer de ce grimoire tĂ©nĂ©breux dont on affecte de ne pas connaitre l'existence et qui est lĂ  dans l'ombre n'attendant qu'un Ă©vĂ©nement miraculeux, heureusement fort improbable, pour reprendre haleine, pour faire irruption, pour s'Ă©taler au grand jour pour commander encore Ă  l'univers ! Que sont donc les DecrĂ©tates ? On donne le nom de DĂ©crĂ©tales aux diffĂ©rents recueils qui contiennent les rescrits ou ordonnances, dĂ©cisions et règlements Ă©manĂ©s de la cour pontificale, rescrits consignĂ©s dans un grand nombre de lettres authentiques ou supposĂ©es des souverains pontifes, adressĂ©es Ă  des Ă©vĂŞques, Ă  des prĂŞtres ou Ă  de simples fidèles depuis le pape Sirice, Ă  la fin du IVe siècle jusqu'au pape Paul IV, Ă  la fin du XVIe . Le premier recueil des DĂ©crĂ©tales, connu sous le nom de DĂ©cret, remonte au VIe siècle; il est intitulĂ© Collectio decretorum Pontifieum Romanorum a Siricio ad Anastasium II. Il fut collationnĂ© par un moine grec appelĂ© Denys Petit. Le second date du IXe siècle; il parut sous le nom supposĂ© d'Isidore Mercator. L'auteur publia toutes les pièces donnĂ©es par Denys Petit et en ajouta un grand nombre d'autres parmi lesquelles plusieurs furent reconnues apocryphes. Le troisième, corrigĂ© et considĂ©rablement augmentĂ©, fut mis au jour au XIIe siècle par un religieux italien nommĂ© Gratien ; il est connu sous le titre de Decretum Gratiani. Ce dernier recueil, gĂ©nĂ©ralement adoptĂ© devint classique et remplaça les deux premiers. Il comprend trois parties, divisĂ©es en Destinations, Questions, Causes et Canons. Le quatrième est dĂ» au pape GrĂ©goire IX. Il fut publiĂ© dans la première moitiĂ© du XIIIe siècle sous le titre de Nova Compilatio decretalium. Ce quatrième recueil est divisĂ© en cinq parties. Le cinquième est connu sous le nom de Sexte, c'est-Ă -dire sixième, parce qu'il est considĂ©rĂ© comme faisant suite au prĂ©cĂ©dent recueil qui renferme, comme nous venons de le voir, cinq parties. Il fut publiĂ© par le pape Boniface VIII, Ă  la fin du XIIIe siècle. Le sixième, divisĂ©, lui aussi, en cinq livres, porte le titre de ClĂ©mentines; il est dĂ» au pape ClĂ©ment V, mais il ne sera publiĂ© que par le pape Jean XXII, au commencement du XIVe siècle. Le septième, enfin, est intitulĂ© Extravagantes, c'est-Ă -dire constitutions Ă©garĂ©es, oubliĂ©es, dispersĂ©es, errantes en dehors du droit canonique (extra vagantes). Ce recueil est divisĂ© en deux parties : la première contient les vingt bulles propres de Jean XXII, et la seconde, divisĂ©e en cinq livres, est appelĂ©e Extravagantes connmunes. Ces deux parties furent publiĂ©es successivement par ledit pape Jean XXII, dans la première moitiĂ© du XIve siècle. Ces diffĂ©rents recueils ont Ă©tĂ© rĂ©pandus en nombre incroyable d'exemplaires et sous tous les formats : « DĂ©crĂ©tales, dit Panurge, avons trouvĂ© en papier, en parchemin lanternĂ©, en velin, escriptes Ă  la main ou imprimĂ©es en moule. » (Liv. IV, ch. 49.) Si l'on parcourt le volumineux code dĂ©crĂ©talien, on rencontre, au premier coup d'Ĺ“il, des dĂ©cisions concernant la foi, des règlements relatifs au culte, aux cĂ©rĂ©monies religieuses et surtout Ă  la discipline ecclĂ©siastique; mais si, de cet examen superficiel, on passe Ă  l'Ă©tude attentive de chaque paragraphe des distinctions, des causes, etc., on sera bien vite convaincu qu'un grand nombre de canons contiennent le germe des plus rĂ©voltantes aberrations. Homenaz n'exagère pas lorsqu'il dit (liv. IV, ch. 50) : « Cela luy est non seulement permis mais commandĂ© par les sacrez DĂ©crĂ©tales, et doibt Ă  feu incontinent empereurs, roys, ducz, princes, rĂ©publiques et Ă  sang mettre qu'ilz transgresseront un iota de ses mandemens : les spolier de leurs biens, les dĂ©possĂ©der de leurs royaulmes, les proscrire, les anathĂ©matizer, et non seulement leurs corps, et de leurs enfans et parens aultres occire, mais aussi leurs âmes damner au parfond de la plus ardente chaudiere qui soit en enfer Â» (François Audiger, Rabelais et l'Eglise, La revue socialiste, Volume 9, 1889 - books.google.fr).

 

Les décrétales insérées dans le recueil de Denys le Petit furent reproduites dans une collection composée en Espagne vers le premier tiers du VIIe siècle et attribuée, sans preuves, à Isidore de Séville. Cette oeuvre espagnole, disposée d'abord suivant un ordre chronologique, fut ensuite adaptée à une classification méthodique des matières. Sous cette dernière forme, elle valut à Isidore de Séville, l'auteur présumé, une grande réputation.

 

La première partie des Fausses Décrétales comprend une préface empruntée à Isidore de Séville (Décrétales - www.cosmovisions.com).

 

ConsacrĂ©e aux DĂ©crĂ©tales et au droit canon, dont elle recense en annexe les mentions dans le Quart Livre, l’étude d’Olivier Millet appartenant au recueil Langue et sens du Quart Livre issu du colloque international qui s’est tenu Ă  Rome en novembre 2011 Ă  l’invitation de l’universitĂ© La Sapienza, apporte de prĂ©cieux Ă©lĂ©ments contextuels pour comprendre l’épisode des Papimanes, mais aussi celui des Chicanous, dans lequel la prĂ©sence des DĂ©crĂ©tales est moins explicite, mais bien rĂ©elle. Par exemple, c’est conformĂ©ment Ă  une DĂ©crĂ©tale qu’un cordelier refuse de prĂŞter Ă  Villon des vĂŞtements liturgiques pour une reprĂ©sentation théâtrale. De mĂŞme, la coutume des chicanous, qui gagnent leur vie Ă  se faire battre, peut faire rĂ©fĂ©rence Ă  une DĂ©crĂ©tale consacrĂ©e aux clercs qui acceptent de recevoir des coups de fouet pour racheter une offense. L’article Ă©claire les enjeux de ces allusions : les Ă©pisodes commentĂ©s abordent des sujets particulièrement polĂ©miques, comme l’immunitĂ© clĂ©ricale et la distinction entre clercs et laĂŻcs ; en outre, le pape Paul III Ă©tait un spĂ©cialiste des DĂ©crĂ©tales, qui concentrent donc les critiques des gallicans, celles des Ă©rasmiens dĂ©sireux de revenir aux sources du droit canon et celles de Luther. Si l’épisode des Papimanes reflète ce contexte, la critique de la papautĂ© y est cependant estompĂ©e pour mettre en scène une « idolâtrie de fantaisie Â». (Alice Vintenon, Langue et sens du Quart Livre, Ă©d. Franco Giacone, 2012 - journals.openedition.org).

 

Basques et décrétales : une histoire de pantoufle

 

Dans le Pantagruel de Rabelais (Livre II), le géant va à Paris (chapitre VII) où, vers l'abbaye Saint-Antoine (actuel hôpital Saint-Antoine), il rencontre pour la première fois Panurge, babélien, maître en tous langages et possesseur d'un savoir apparemment universel, qui parle en langue basque.

 

Au chapitre VII, Rabelais prend pour type d'une bibliothèque théologique et monastique la fameuse librairie de l'abbaye Saint-Victor. Dans la longue énumération qui va suivre, il se moque des titres bizarres de plusieurs écrits du temps, principalement sur la théologie et la scolastique. Quelques-uns de ces titres sont réels ou légèrement modifiés. La plupart sont de i'invention de Rabelais, mais forgés de manière à rappeler certaines particularités relatives à l'auteur ou à la matière. Parmi lesquels : Bigua salutis (Le palan du salut. C'est la parodie du titre d'un recueil de sermons , imprimés à Haguenau en 1498 et en 1512 : Sermones dominicales, a quodam fratre hungaro, biga salutis intitulati. A biga (chariot à deux roues, Du Cange) Rabelais a substitué plaisamment bigua (bigue, enfrançais; bigou, en breton; biga, en basque; bighe en italien) le palan) ; Bragueta juris (Plaisanterie fondée, dit Le Duchat, sur ce que le droit est réputé habiter dans la braguette) ; Pantoufla decretorum (La pantoufle des Décrétales. Les Décrétales, écrit Morellet, étant l'ouvrage des papes qui font baise leurs pantoufles, l'auteur suppose qu'elles sont sorties de ces pantoufles où elles étaient renfermées, comme le droit dans la braguette). [...]

 

Adonc dist Panurge (au chapitre IX) : Jona andie guaussa goussy etan beharda er remedio beharde verselaysser landa. Anbat es otoy y es nausu ey nessasust gourray proposian ordine den. Nonyssena bayta facheria egabe gen herassy badia sadassu noura assia. Aran hondauangualde cydassu naydassuna. Estou oussyc eg vinau soury hien er darstura eguy harm. Genicoa plasar vadu.

 

Ceci est du basque, mais défiguré. Nous le trouvons pour la première fois dans l'édition de 1542, de F. Juste. Il manque dans Dolet. Voici un projet de restitution que nous avons emprunté à l'opuscule publié sous le pseudonyme de Urhersigarria (Examen critique du Manuel de la langue basque) : « Jaun handia, gauza gucietan behar da erremedio ; behar da, be1cela icer lan da. Ambatez othoyez mauzu, eguin ezazu gur, aya proposatia ordine den. Non izanen baita facheria gabe, ginaraci bada zadazu neure asia. Arren horen hondoan, galde zadazu nahi duzuna; eztut hujcic eguiren zuri nic, erten derauzut eguia arimaz, Jaincoac placer badu. » C'est-à-dire, littéralement : Mon grand monsieur, à toute chose il faut un remède; il en faut un, autrement besoin est de suer. Je vous prie donc de me faire connaître par signe si ma proposition est dans l'ordre; et si elle vous paraît sans inconvénient, donnez-moi ma subsistance. Puis, après cela, demandez-moi tout ce que vous voudrez, je ne vous ferai faute en rien ; je vous dis la vérité du fond du cœur, s'il plaît à Dieu (Oeuvres de Rabelais, édition Burgaud des Marets et Rathery, 1870 - books.google.fr).

 

Rabelais parle auparavant dans Gargantua du liège, dont les pantoufles étaient faites, dont le gonflement d'une certaine mesure par le vin sortant des pores du buveur définissait l'arrêt des beuveries (Oeuvres de maître François Rabelais, Tome 1, 1711 - books.google.fr).

 

Pour certains auteurs, l'origine de pantoufle serait à chercher dans le grec "pantophellon" de "pan" et "phellon" (tout, liège), par le napolitain "pantofola" (Nouveau dictionnaire étymologique et historique, Larousse, 1969).

 

Les « pantoufles de Turpin », en velours violet, qu'aujourd'hui encore montrent au visiteur les religieux de Roncevaux, datent du règne de François Ier (voir Joseph Bédier, Les légendes épiques t. III, Paris, H. Champion, 1921, p. 309) (Correspondance générale de François-René Chateaubriand : 1789-1807, rédacteurs Pierre Riberette, Pierre Christophorov, 1977 - books.google.fr).

 

Hac requiescit humo Tilpinus praesul honoris, / Vivere cui Christus vita & obire fuit. / Hunc Rhemi populo, martyr Dionisius almus, / Pastorem vigilem misit & esse patrem. Quem pascens quadragenis est amplius anni, / Veste senectutis despoliatus abit. / Quartas cum nonas Mensis September haberet / Mortua quando fuit mors, sibi vita manet. / Et quoniam locus atque gradus hos iunxerat, Hincmar / Huic fecit tumulum, composuit titulum.

 

Cet epitaphe composé a la louange de l'Archeuesque Turpin ou Tilpin, est de la façon d'Hincmar aussi Archeuesque de Rheims, tres-grand Prélat aussi bien que Turpin, & tiré de la mesme Abbaie roiale de sainct Denis en France, ou ces deux grands hommes auoient pris l'habit de sainct Benoist auparauant que d'estre faits Archeuesques de Rheims (Antonio de Yepes, Chroniques générales de l'ordre de St Benoit, traduit par Martin Mathieu, 1648 - books.google.fr).

 

Tilpin sous le nom de Turpin devait devenir dans les chansons de gestes l'archétype du titulaire de la fonction d'archevêque. C'est de 779/780 qu'on peut dater l'érection définitive de l'archevêché par l'octroi du pallium à Tilpin. Toutefois ce n'est pas à lui mais à Hincmar, son successeur de 845 à 882, qu'on doit une réflexion de fond sur l'exercice de l'autorité métropolitaine. Il fut le premier qui l'assuma en plénitude et comme cela ne se passa pas sans friction il fut aussi le premier qui rassembla des dossiers et scruta le droit de l'Église pour y trouver de quoi conforter ses positions. [...] La mise en circulation des Fausses Décrétales pendant cette période avait développé une conception de la primatie comme échelon intermédiaire entre les métropoles et le siège de Rome. Hincmar mena la résistance. Il n'hésita pas à forger à l'occasion les textes dont il avait besoin pour renforcer son dossier. C'est ainsi qu'à partir d'un document authentique trouvé dans la collection Hispana, il fabriqua la lettre du pape Hormisdas (514-523) nommant saint Remi son vicaire dans le royaume des Francs et utilisa une version interpolée de la lettre envoyée par Hadrien Ier à Tilpin au moment de l'octroi du pallium. On y lit notamment : « Tu nous as demandé pour toi et pour ton Eglise de t'accorder en vertu de l'autorité de saint Pierre, prince des apôtres, de celle du saint siège romain et de la nôtre, un privilège pour maintenir ce que tu as déjà fait et pouvoir, sous notre autorité, avec l'aide de Dieu et de saint Pierre apôtre, mener à bonne fin ce que tu n'as pas achevé. C'est pourquoi, de grand cœur et avec l'aide de Dieu et de l'autorité apostolique, conformément aux saints canons et aux décrets du saint siège apostolique, non seulement nous confirmons tes anciens droits, mais encore, dans notre affection pour toi, nous t'en accordons de nouveaux de l'autorité de saint Pierre, prince des apôtres, à qui a été donné par Dieu et Jésus-Christ notre Sauveur, le pouvoir de lier et de délier les péchés des hommes sur la terre et dans le ciel ; nous confirmons et corroborons que l'Eglise de Reims, ainsi qu'elle l'a été de toute antiquité, demeure la métropole et le siège principal de la province, et toi qui as été, par la coopération de Dieu, ordonné sur ce siège, nous te confirmons la qualité de primat de cette province ; sur toutes les cités qui de toute antiquité ont été soumises à l'Église métropolitaine de Reims ; qu'il en soit ainsi à perpétuité pour toi et tes successeurs ». La référence à saint Pierre et au siège apostolique est d'une redondance frappante. L'archevêque Hincmar entendait clairement être maître chez lui, mais il n'a jamais eu de tentation autocéphale. S'il concevait l'Eglise comme une communion et non une monarchie pontificale, il était sans réserve sur la prééminence du pape qui occupait le premier siège du collège épiscopal. [...]

 

Au milieu du IXe siècle entrent en circulation trois collections de pièces apocryphes : les capitula attribués à Angilramme, les Faux capitulaires de Benoît le Lévite, les Décrétales du pseudo-Isidore, qui ont exercé une influence considérable sur le développement du droit ecclésiastique, en particulier dans la question des rapports entre suffragants et métropolitains. Contre les abus de pouvoir de ces derniers, les evêques, soucieux de leur indépendance et confortés par l'action centralisatrice de Nicolas Ier, ont cherché à se servir du recours romain (Passion de la découverte, culture de l'échange: mélanges offerts à Nicole Moine et Claire Prévotat, 2006 - books.google.fr).

 

La chronique du Pseudo-Turpin composée au début du XIIe siècle ne parle que des expéditions ibériques, mais le remaniement de sa traduction française (début XIIIe) intègre en l'abrégeant la Descriptio qualiter dans sa version vulgaire due à Pierre de Beauvais (avant 1206). La croisade passe naturellement dans l'historiographie officielle capétienne que constituent les Grandes chroniques de France (Franck Collard, De la vérité poétique à la fable historique, Vérité poétique, vérité politique: mythes, modèles et idéologies politiques au Moyen âge : actes du colloque de Brest, 22-24 septembre 2005, 2007 - books.google.fr).

 

On sait que Turpin, archevêque de Reims et compagnon de Charlemagne, n'a jamais écrit la chronique appelée Historia Karoli Magni et Rotholandi qu'on lui attribue, et qui est une compilation du XIe ou du XIIe siècle. Mais cette chronique a été beaucoup lue et elle a tellement frappé les esprits, justement par le contraste entre son contenu irrationnel et merveilleux et sa prétention à la vérité, que Rabelais n'est pas le seul à utiliser le nom de Turpin pour désigner la fiction la plus débridée. L'Arioste l'allègue aussi une vingtaine de fois dans son œuvre, le plus souvent pour souligner ironiquement le caractère invraisemblable d'un passage (Béatrice Perigot, Rabelais et le modèle épique de l'Arioste, L'épopée et ses modèles de la Renaissance aux Lumières, 2002 - books.google.fr).

 

"trois cieux"

 

Là où l'hygiène du pantagruélisme exclut les mauvais rieurs, les « agelastes », le discours d'Homenaz exclut les mauvais croyants, les hérétiques : O comment lisant seulement un demy canon, un petit paragraphe, un seul notable de ces sacrosainctes Decretales, vous sentez en vos coeurs enflammée la fournaise d'amour divin : de charité envers vostre prochain, pourveu qu'il ne soit Hereticque : contemnement asceuré de toutes choses fortuites et terrestres : ecstasique elevation de vos espritz, voire jusqu'au troisième ciel : contentement certain en toutes vos affectations (Ariane Bayle, Romans à l'encan: de l'art du boniment dans la littérature au XVIe siècle, 2009 - books.google.fr).

 

On remarque d'abord que les Décrétales ne servent que de matière première pour la fabrication d'accessoires en préparation d'une représentation théâtrale médiévale. Leur association aux farces, sornettes et momeries, formes d'une satire populaire discréditée au Quart Livre, en dit long sur leur statut. Pour Homenaz pourtant, les Décrétales sont au-dessus de tout soupçon et de toute critique, infaillibles comme son Dieu, le pape. Pareillement à Bridoye, l'évêque fait ainsi état d'une qualité bien panurgienne: il interprète tout en faveur de ses idoles comme le joyeux luron s'efforce de tourner tout événement négatif, son endettement excessif par exemple, à son avantage à l'aide de son discours sophiste. L'impact des Décrétales sur Frère Jean est tout aussi néfaste : - Un jour (dist frere Jan) je m'estois à Seuillé torché le cul d'un feuillet d'unes meschantes Clementines [...]: je me donne à tous les Diables, si les rhagadies et hasmorrutes ne m'en advindrent si trés horribles, que le paouvre trou de mon clous bruneau en feut tout déhinguandé. - Injan, dist Homenaz, ce feust évidente punition de Dieu, vengeant le peché qu'aviez faict incaguant ces sacres livres, les quelz doibviez baiser et adorer, je dis d'adoration de latrie, ou de hyperdulie pour le moins. Le Panormitan n'en mentit jamais. (QL LII, 658-59) (Bernd Renner, Difficile est saturam non scribere : l'herméneutique de la satire rabelaisienne, Numéro 427, 2007 - books.google.fr).

 

Révélée par l'apôtre Paul en 2 Cor 12, 2, la hiérarchie des trois cieux dans l'Homélie sur la Genèse de Jean Chrysostome rappelle la place importante dévolue aux Séraphins dans les hauteurs célestes puisqu'ils « purifièrent les lèvres d'Isaïe » (Bernard Teyssedre, Anges, Astres et Cieux: Figures de la destinée et du salut, 2014 - books.google.fr).

 

Pour des lecteurs modernes, il semble étrange qu'Athanase ait situé en dernier lieu la vision qu'eut en extase Antoine des attaques ariennes de 356-357 à Alexandrie et de la victoire de l'orthodoxie (82) comme la prédiction qu'il fit de la mort du persécuteur arien Balacios, le dux d'Egypte, frappé par la colère divine (86) (cf. le ravissement de saint Paul au troisième ciel, Antoine serait aller plus haut). Mais à regarder de plus près cette fin de la Vie d'Antoine, nous voyons surgir des charismes essentiels aux yeux d'Athanase, ceux de la parole et de l'action : le solitaire détourne des schismatiques mélitiens, lutte contre l'hérésie arienne à Alexandrie même (68-69), appelle les païens à la conversion, en trois discours successifs (72-80). Dans son exil aux déserts d'Egypte, Athanase, combattant de la foi, revoit la vie d'Antoine comme centrée sur la foi et la piété, au service de l'orthodoxie militante. Les visions ultimes ont ce sens (Monique Alexandre, La construction d'un modèle de sainteté, Saint-Antoine entre mythe et légende, 1996 - books.google.fr).

 

Ce qui rehausse encore la gloire de saint Phébade, c’est l’opinion assez généralement répandue parmi les historiens ecclésiastiques, qu’il avait composé son traité contre les Ariens au nom des évêques des Gaules. Toutefois, cette opinion a été contredite par des auteurs assez graves pour que nous ne lui donnions pas plus d’importance qu’elle n’en a réellement. C’est assez que les historiens de l’Église gallicane affirment que les évêques des Gaules se consolaient de l’absence d’Hilaire par le zèle et l’érudition de Phébade; c’est assez que saint Jérôme ait inscrit le nom de notre évêque parmi les défenseurs de la foi catholique. Il nous apprend qu’indépendamment du livre contre les Ariens, saint Phébade fit plusieurs autres écrits qu’il semble regretter de n’avoir pas lus. Saint Jérôme écrivait son livre des historiens ecclésiastiques en 392, et il nous apprend que Phébade était alors dans une extrême vieillesse. Il le désigne dans ce catalogue sous le nom de Fæbade. Il est appelé ailleurs Phæbade, qui paraît être son véritable nom. C’est du moins ainsi qu’on le lit dans son livre contre les Ariens. Du reste, il a été étrangement défiguré par les copistes. On lit Fygadius dans saint Ambroise, Fægadius dans Sulpice-Sévère, Fagadius ou Phægadius au concile de Valence, Fitadius à celui de Saragosse; mais nulle part il n’a été défiguré comme dans le lieu même de son siége. On trouve encore dans Agen une rue qui porte le nom de Saint—Fiari. C’est ainsi que les Agcnais appelaient le grand évêque dans leur langue vulgaire. Enfin, nous le trouvons sous le nom de Fedarius, dans l’ancien bréviaire d’Agen qui étend ainsi le passage de saint Jérôme dans la troisième leçon : Fedarius, Agennensium episcopus, ab Arianis multa pro fidei amore sustinuit [...]

 

Selon les Bénédictins de Saint—Maur, Phébade n’aurait pas seulement réfuté la formule de Sirmium contre les Ariens, mais il aurait aussi composé un savant ouvrage pour foudroyer le conciliabule de Rimini. C’est trop d’honneur pour notre illustre prélat, et nous ne pouv0ns pas nous dispenser de faire connaître un traité si important. Saint Chrysostome lui donna les honneurs de la traduction, et on l’avait d’abord inséré parmi les discours de ce Père; mais comme il est parfaitement reconnu que ce n’est pas l’ouvrage de l’évêque de Nazianze, les Bénédictins de la même congrégation l’ont porté, dans leur édition des écrits de ce Père, comme un appendice des œuvres de saint Chrysostome (Abbé Joseph Barrère, Histoire religieuse & monumentale de diocèse d'Agen depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, comprenant la partie des diocèses circonvoisins autrefois renfermée dans l'Agenais, Tome 1, 1855 - books.google.fr, Godefroy Hermant, La Vie de St Athanase patriarche d'Alexandrie, 1679 - books.google.fr).

 

Il aurait assisté au Concile de Valence (Gaule) en 374, son nom étant noté Foegadius, et celui de Saragosse en Espagne en 381, son nom étant noté Fitade.

 

MĂ©moires pour servir a l'histoire ecclesiastique des six premiers siecles qui contient les vies de S. Athanase & des Saints qui sont morts depuis l'an 378 jusques en 394 & les histoires des Priscillianistes & des Messaliens, Tome 8, 1702 (MĂ©moires pour servir a l'histoire ecclesiastique des six premiers siecles qui contient les vies de S. Athanase & des Saints qui sont morts depuis l'an 378 jusques en 394 & les histoires des Priscillianistes & des Messaliens, Tome 8, 1702 - books.google.fr).

 

L'Apôtre Saint Paul, qui avoit fait connoître dans son Epître aux Romains la résolution où il étoit de prêcher en Espagne le Nom de Jesus-Christ, ne fut pas plûtôt hors des prisons de Rome, qu'il se disposa à exécuter son projet (Henri-Simon-Pierre Gissey, Histoire generale d'Espagne, Tome 1, 1751 - books.google.fr).

 

Divers auteurs attestent sa venue effective en Espagne : Clément de Rome au IIIe siècle ; le Canon de Muratori vers 160 ou 180 ; plus tard saint Athanase, saint Epiphane, saint Jean Chrysostome, saint Jérôme, Théodoret (Roland Moreau, Histoire de l'âme basque, 1970 - books.google.fr).

 

S. Jean Chrysostome (398-407) en parle dans l'Homélie 76 sur S. Matthieu, dans l'Homélie 13. sur le chap. 4. de la première Epitre aux Corinthiens.

 

Voulez-vous voir le reste, à partir de la tête ? ou voulez-vous remonter de bas en haut ? Voyez cette statue d'or, bien plus précieuse que l'or, telle qu'elle existe sans doute dans le ciel, non-enchaînée par le poids d'un plomb vil, non fixée en un seul lieu; mais courant de Jérusalem jusqu'en Illyrie, puis partant pour l'Espagne, et portée comme sur des ailes à travers le monde entier. Quoi de plus beau que ces pieds qui ont parcouru toutes les contrées, éclairées par le soleil ? Le prophète avait prédit cette beauté, quand il disait : « Qu'ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix ! » (Is. LII, 7.) Voyez-vous comme ces pieds sont beaux? Voulez-vous aussi voir sa poitrine ? Venez, je vous la montrerai, et vous vous convaincrez qu'elle est beaucoup plus belle que ces pieds déjà si beaux, et plus belle encore que celle de l'ancien Législateur. Moïse, Il est vrai, porta les tables de pierre; mais celui-ci possédait le Christ en lui-même, et portait l'image du roi et du propitiatoire; il était donc plus honorable que les chérubins. La voix qui sortait du propitiatoire n'était point comparable à celle-ci ; elle ne parlait guère que des choses sensibles; celle de Paul exprime des chose plus élevées que les cieux; l'une ne s'adressait qu'aux Juifs, l'autre s'adresse au monde entier ; la première sortait d'objets inanimés, la seconde d'une âme douée de vertu (Jean Chrysostome, Homélie 13. sur le chap. 4. de la première Epitre aux Corinthiens - books.google.fr).

 

La légende, racontée dans le bréviaire de Lescar imprimé en 1541, montre Galactoire combattant les Wisigoths à Mimizan à la tête d'une troupe armée alors qu'il se rend au secours de Clovis (fr.wikipedia.org - Galactoire de Lescar).

 

Où sont les grands coups d'épée de naguère, les casques rutilants, les boucliers cabossés, les chevauchées fantastiques ? Hélas nous n'avons pas eu dans les Landes de Wagner aux trompettes d'or pour chanter l'épopée des vascons de Galactoire. Les Wisigoths engagés par l'empereur décadent pour défendre l'empire romain, s'installèrent en maître au grand dam des populations aquitaines. Ils étaient ariens, hérétiques et voulaient imposer leur loi. Galactoire, Evêque de Lescar, mena contre les Wisigoths une campagne sanglante avec ses fidèles vascons. Il remporta d'abord maints succès, s'emparant du trésor des Wisigoths. Trésor merveilleux sauvage, dont les pièces maîtresses étaient un cheval en or. Dieu des migrations, et une vache et un veau en or, Dieu de la Fécondité et de la Force de ce peuple. Convertis à l'arianisme ils avaient toutefois gardé ces images magiques. La réaction fut terrible et immédiate. De Toulouse et de la Narbonnaise les contingents wisigoths convergèrent dans le Tursan, à Aire, leur deuxième capitale. La colonne aux longs cheveux et bijoux brillants partit à la poursuite des Vascons. Moins mobiles, moins aguerris, ces derniers furent en partie rejoints à Mimizan. Leur colonne était échelonnée ; avec l'arrière garde Galactoire fit une défense héroïque et fut tué. Les Wisigoths rendus furieux par la perte de leurs talismans firent preuve d'une férocité implacable. Retraitant le long des lacs, et des anciens forts romains, les Vascons encombrés par le cheval en or, trop grand et trop lourd l'enterrèrent à Saint-Paul-en-Born, au Tuc de Houns, où nous sommes ; toujours talonnés, à Eulalie-en-Born ils enfouirent au Tue de Castet la vache et le veau en or, essayant d'échapper à leurs poursuiveurs. Hélas, à Sanguinet ce dernier carré vascon fut rejoint et massacré complètement au cours d'une sanglante bataille. Les Wisigoths furieux de ne pas pas trouver leur trésor exterminèrent les Vascons résolus. Le sang répandu fut si grand que gorgée, la terre alentour, en garda la teinte rouille. Les populations épouvantées conservèrent le souvenir de ce massacre et le nom de Sanguinet resta à la bourgade. Mais le cheval en or et la vache et le veau, me direz-vous ? Autrefois dans le pays de Born nombreux sont ceux qui firent des rêves de Perrette. Certains cherchèrent même, arasant presque le Tuc de Houns. On y retrouva des briques, des restes de constructions, mais de cheval, point. Pensez donc, les Vascons n'étaient pas fous ! Avant de les enterrer ils les avaient faits bénir. Aussi les Wisigoths ariens, hérétiques, ne purent jamais les trouver, ni les cupides chercheurs de trésor. Parfois pourtant, ils sortent de leur cachette, la nuit de Noël, et dans la brume qui danse près des étangs vous pouvez voir, si vous êtes pur, ces bêtes de l'Apocalypse dressées sur leur Tuc, la tête tournée vers l'Orient (Jean Peyresblanques, Contes et légendes des Landes, 1977 - books.google.fr).

 

Sulpice Sévère et Phoebadius, évêque d'Agen, furent en effet à peu près contemporains, S. Hilaire de Poitiers d'une génération leur aîné. Ils menèrent en Occident le combat pour l'orthodoxie, surtout après le concile arien de 357 et la publication de sa formule dite «Blasphème de Sirmium».

 

Une édition de Contre les Ariens attribué à Phébade par saint Jérôme est parue à Paris en 1570 en latin (Encyclopédie théologique, Tome IX, Dictionnaire de statistique religieuse et de l'art de vérifier les dates, Migne, 1831 - books.google.fr).

 

Ecoutons le savant Ă©vĂŞque :

 

« Dirigé par l'amour de la foi catholique, j'avais déjà composé contre les Ariens un livre que j'avais confié à un ami. Il le trouva convenable et le jugea digne de la publicité. Je l'avais conjuré par-dessus tout de le communiquer, sans me faire connaître, à des hommes doctes et prudents, afin que, s'il trouvait de la sympathie, je pusse au moins profiter de leurs conseils pour corriger tout ce qui serait plus ou moins bien établi dans cet ouvrage. Quel est en effet l'homme assez arrogant pour assumer à lui seul toute l'étendue, toute la gravité de la doctrine céleste, et pour s'imaginer qu'il comprend clairement tous les mystères, alors que l'apôtre saint Paul s'écrie : « Celui qui croit savoir quelque chose ne « sait pas même les premiers éléments de la science » : et ailleurs : « Nous ne voyons maintenant qu'à travers un miroir et comme par énigme, mais alors « nous verrons face à face. » (Abbe Barrère, Histoire Religieuse & Monumentale du Diocèse d'Agen, 1855 - books.google.fr).

 

Saint-Paul a été ravi dans le troisième ciel où il a entendu des choses inénarrables (2 Cor. XII, 4). Le troisième ciel désigne l'ordre de choses le plus relevé, celui où Dieu se manifeste le plus à découvert, et où, par conséquent, l'Apôtre a pu apprendre et comprendre quelque chose du mystère de la Divinité manifestée en gloire dans le ciel et en chair sur la terre. Il n'est donc pas étonnant que, sans révéler ce qu'il lui est ordonné de taire, il parle avec tant d'élévation de la divine personne du Sauveur , et oppose l'autorité de l'enseignement apostolique à la philosophie, aux enseignement humains, et à la science mondaine (Col. II. 8) (Charles Moulinié, L'enseignement graduel des vérités religieuses par J.C. et les apôtres, fondement de la vraie tolérance, 1818 - books.google.fr).

 

Retour en Espagne : Isidore de SĂ©ville et les cieux

 

Pour présenter le monde dans lequel vivait Isidore de Séville, il convient de situer d'abord cette Espagne du début du VIIe siècle, telle qu'elle est devenue après les derniers soubresauts de l'Empire romain et l'installation des royaumes barbares, particulièrement celui des Visigots. Pour cela, sans doute sera-t-il intéressant de suivre, comme fils conducteurs, la Chronique universelle qu'Isidore a rédigée vers 616 et qu'il a abrégée dans ses Etymologies, mais surtout l'Histoire des Gots qu'il a écrite un peu plus tard, et remaniée en 625 (Pierre Cazier, Isidore de Séville et la naissance de l'Espagne catholique, 1994 - books.google.fr).

 

Isidore de Séville (en latin : Isidorus Hispalensis), né entre 560 et 570 à Carthagène et mort le 4 avril 636 , est un ecclésiastique du VII siècle, évêque métropolitain d'Hispalis (Séville), une des principales villes du royaume wisigothique entre 601 et 636. Il vient d'une famille influente (son frère, Léandre, ami du pape Grégoire le Grand le précède à l'épiscopat de Séville) qui contribue largement à convertir les Wisigoths, majoritairement ariens, au christianisme trinitaire (fr.wikipedia.org - Isidore de Séville).

 

La période pendant laquelle il a vécu 560 - 636 est contenue dans celle des 580 - 700 du quatrain.

 

M. Bernhard Bischoff, de l'Université de Munich, étudie la diffusion des œuvres d'Isidore de Séville en Europe au moyen âge, diffusion assez rapide puisque, dès 700, un moine de Ligugé, Defensor, connaissait déjà les Sententiae, reprenant un passage, invitant ses lecteurs novices à ne pas lire les «mensonges des poètes» ; diffusion qui augmenta ensuite avec l'exil de Wisigoths vers la Catalogne (au Xe siècle) et les monastères de l'Empire carolingien (dès le VIIIe) (Die europäische Verbreitung der Werke Isidors von Sevilla). La présence de son œuvre est notée dans un manuscrit écrit à Wearmouth ou à Jarrow vers 700 encore ; mais Virgile le Grammairien, peut-être Irlandais qui écrivait probablement en Gaule, dans la deuxième moitié du VIIe siècle connaissait déjà Isidore  (Cahiers de civilisation médiévale, 1962 - books.google.fr, Magali Coumert, La mémoire de Troie en Occident, d'Orose à Benoît de Sainte-Maure. In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, 36e congrès, Istanbul, 2005. Les villes capitales au Moyen Age - www.persee.fr).

 

Je puis citer à l'appui l'autorité de saint Isidore de Séville, en son livre des Etymologies, où il ne parle des Vascons que pour expliquer leur nom et leur position géographique. Ce passage est très remarquable au point de vue des nos recherches. Après avoir dit que les Vaccéens sont appelés ainsi du nom de leur capitale, Vacca, saint Isidore assure qu'on les nomma ensuite Vaccones et, plus lard, Vascones, par le changement de la lettre C en S. Mais il ajoute qu'ils « habitent sur la crête des » Pyrénées, la vaste solitude des montagnes ». C'est donc dans les lieux les plus abrupts des Pyrénées (Pyrennei Jugis) que les Vascons avaient leurs cantonnements, vers l'an 630 (J.M. Menjoulet, Saint Amand, patron des Basques, Revue de Gascogne: bulletin bimestrial de la Société historique de Gascogne, Volume 10, 1869 - books.google.fr).

 

La manière dont Isidore mĂŞle les connaissances profanes aux textes sacrĂ©s dans l'Ă©tude de la pluralitĂ© des cieux est encore plus singulière. La comparaison entre les donnĂ©es de la Bible et celles de l'astronomie antique Ă©tait traditionnelle dans l'examen de ce problème, comme on peut le constater dans les commentaires exĂ©gĂ©tiques sur la Genèse. Le savoir d'Isidore s'appuie d'abord ici sur l'Exameron d'Ambroise : c'est lĂ  qu'il a trouvĂ© une comparaison entre la thĂ©orie paĂŻenne de l'harmonie des sphères, les « cieux des cieux » du Psaume 148 (Ps 148, 4 : « laudate eum caeli caelorum Â», citĂ© par Isidore, au dĂ©but du chapitre,) et le « troisième ciel Â» oĂą Paul dĂ©clarait avoir Ă©tĂ© ravi. Mais Ambroise  n'a Ă©tĂ© suivi textuellement qu'au dĂ©but de ce chapitre d'Isidore « sur les sept planètes cĂ©lestes et leurs rĂ©volutions ». L'auteur de l’Exameron se contentait de suspendre prudemment son jugement devant la diversitĂ© des opinions philosophiques paĂŻennes sur le nombre des cieux, et de restituer Ă  David, suivant la tradition du judaĂŻsme hellĂ©niste et de l'Ă©cole exĂ©gĂ©tique de CĂ©sarĂ©e, la paternitĂ© de la thĂ©orie des sphères cĂ©lestes. En s'appuyant sur un texte d'Hilaire de Poitiers, Isidore va  plus loin. Il force jusqu'Ă  lui donner un sens matĂ©riel l'idĂ©e, exprimĂ©e dans l'HexaĂ©mĂ©ron de Basile, d'une lumière spirituelle situĂ©e dans l'espace au-delĂ  des limites de notre monde cĂ©leste. A l'en croire, c'est dans le « ciel du cercle supĂ©rieur, auquel il a fixĂ© des limites propres », que Dieu « a placĂ© les vertus des crĂ©atures spirituelles ». Assigner ainsi aux esprits une rĂ©sidence au-delĂ  des sphères planĂ©taires revient Ă  situer le monde spirituel dans le prolongement de l'univers matĂ©riel. Du mĂŞme coup, c'est impliquer qu'il n'existe aucune solution de continuitĂ© entre la matière et l'esprit. Cette thĂ©orie singulière n'est pas sans analogie avec la croyance paĂŻenne suivant laquelle les âmes des morts survivent dans l'Ă©ther supĂ©rieur, ou avec la conception manichĂ©enne d'un au-delĂ  ignĂ©. D'autant qu'Isidore prolonge sa thĂ©orie par des considĂ©rations sur le rĂ´le rĂ©frigĂ©rant des « eaux supĂ©rieures », qui paraissent supposer la nature ignĂ©e de ce monde spirituel extĂ©rieur Ă  notre univers : « De ce ciel, le divin Artisan du monde a tempĂ©rĂ© par des eaux la nature (ignĂ©e), de peur que le brasier du feu supĂ©rieur n'enflammât les Ă©lĂ©ments infĂ©rieurs ». L'influence de la thĂ©ologie matĂ©rialiste des StoĂŻciens se manifeste encore dans cette conception d'un univers spirituel ignĂ©, naĂŻve autant qu'Ă©trange pour notre pensĂ©e moderne puisqu'elle paraĂ®t nier radicalement la transcendance du spirituel. Tout se passe comme si l'effort de pensĂ©e thĂ©ologique avait Ă©chouĂ©, dans ce texte oĂą Isidore s'inspire d'Hilaire de Poitiers, par impossibilitĂ© de se dĂ©gager des cadres traditionnels de la cosmologie paĂŻenne, mais surtout faute de renoncer Ă  une intelligence littĂ©rale de ces expressions, faute de les interprĂ©ter d'une manière purement allĂ©gorique. [...]

 

Le littéralisme a poussé Isidore, en partant de la matérialité du « troisième ciel » et des « eaux supérieures » chez Ambroise et Augustin, à installer les purs esprits dans une sorte de monde extérieur qui n'est pas sans analogie avec le séjour des bienheureux du Songe de Scipion, voire avec les intermondes épicuriens, ou, plus près d'Isidore, avec le huitième ciel de la glose valentinienne, en contact avec le plérôme divin (Jacques Fontaine, Isidore de Seville et la culture classique dans L'espagne wisigothique, Tome 2, 1959 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Au VIe siècle, au nord des Pyrénées, les Vascons occupèrent le pays compris entre l'Adour et la Garonne, laissant des traces de leur race et de leur langue, mais rapportant chez eux, lorsqu'ils regagnèrent leurs montagnes avec Loup-Centule, quelques éléments étrangers. Certains savants ont voulu aussi rapprocher les Basques des Berbères, en se basant sur quelques éléments linguistiques dont la parenté paraît probable. La question ne semble pas avoir une importance capitale, les données d'archéologie, de sociologie et de folklore ne venant pas corroborer cette hypothèse (Gil Reicher, Les Basques: leur mystique, leur passé, leur littérature, 1939 - books.google.fr).

 

Comme les Basques dans les Pyrénées, les Berbères se sont réfugiés dans les montagnes de l'Atlas qui leur ont permis de survivre aux invasions (Otto de Habsbourg, Le Nouveau défi européen, 2007 - books.google.fr).

 

Un troisième roman, Guerin de Montglave, avait également donné une place honorable au récit de la bataille de Roncevaux: il sera imprimé jusqu'à la fin du XVIe siècle ; il faut compter encore avec les éditions du Pseudo-Turpin à partir de 1527, et surtout avec celles des Chroniques de France, qui intègrent pour le récit de Roncevaux l'affabulation du Pseudo-Turpin et paraissent dès 1476. Notons encore que dans Fierabras, Galien et Guerin, l'histoire du voyage de Charlemagne en Orient est associée à la légende de Roncevaux; dans Galien comme dans les Guerin, elle utilise la tradition du Pèlerinage et explique l'apparition du fils d'Olivier; dans Fierabras elle reprend, comme les Chroniques de France, la légende latine qui se préoccupe seulement de la glorification de Charlemagne. Or le propos du romancier de Guillaume d'Orange est justement de conter des faits qui se déroulent après la bataille de Roncevaux : il ne pourra donc faire à cet événement que de rapides allusions (François Suard, Guillaume d'Orange: étude du roman en prose, 1979 - books.google.fr).

 

Dans le Fierabras occitan, Roland est vaincus par les Vasques et non par les Sarrasins (René Guillemier, Au temps de la heaumerie: Pérégrinations dans la langue romane, 2013 - books.google.fr).

 

Vaste compilation de textes historiques rédigée sur l'ordre de saint Louis au XIIIe siècle, Les Grandes Chroniques de France ont pour objet de mettre en valeur les grands moments de l'Histoire de France : on y retrouve bien sûr Charlemagne et Roland. Ses auteurs ont puisé aux mêmes sources de La Chanson de Roland, et la mort de Roland à Roncevaux est racontée avec les mêmes détails, que l'on retrouve dans les enluminures peintes par Jean Fouquet au XVe siècle pour illustrer la version du roi Charles VII. […]

 

Une des miniatures des Chroniques illustrées par Fouquet montre Roland étendu, non loin des nombreux Sarrasins qu'il a combattus. Auprès de lui est agenouillé son frère Baudouin. Dans l'herbe, son épée Durandal qu'il a vainement essayé de briser sur le rocher, comme on en voit la trace dans la fente derrière lui, et l'olifant qui lui a servi à appeler Charlemagne. En vain : Charlemagne est arrivé trop tard, mais il venge son neveu en battant les Sarrasins et le traître Ganelon, qui a vendu Roland à l'ennemi, sera écartelé (NRP Collège - Travailler l'oral - Novembre 2014, 2016 - books.google.fr).

 

La plupart des historiens s'accordent à dire qu'à la bataille de Roncevaux, les chevaliers carolingiens ont, en fait, affronté la milice vasconne et non l'armée sarrasine. Mais ce sont les Sarrasins dont La Chanson de Roland fait les protagonistes de la bataille.

 

La Chanson de Roland est un poème épique et une chanson de geste du XIe siècle attribuée parfois sans certitude à Turold (la dernière ligne du manuscrit dit : Ci falt la geste que Turoldus declinet). De même que les Vascons seront pris en tenaille entre Wisigoths espagnols au Sud et les Francs au Nord, les rifains auront affaire à combattre l'alliance franco-espagnole. En pleine époque de reconquête de l'Europe  et de conquêtes en Orient, il est fort possible que le texte de la Chanson de Roland ait été écrit pour donner un fondement historique aux croisades, et transformer une guerre territoriale en guerre sainte Henri Monin découvrit, en 1832, un poème nommé « La chanson de Roland » dans la Bibliothèque du roi. Francisque Michel donne une première édition du texte en 1837 qui était fondée sur un autre manuscrit conservé  à la bibliothèque d'Oxford en Angleterre. Ensuite, d'autres manuscrits sont découverts à Venise, à Versailles, à Lyon et à Cambridge. Toutefois celui d'Oxford présente le plus d'autorité, il est écrit de la main d'un scribe anglo-normand et date de 1170 environ (fr.wikipedia.org - Chanson de Roland).

 

La conquête musulmane de la péninsule Ibérique se déroule entre 711 et 726 après celle du Maghreb par le califat omeyyade. Avant l'arrivée des musulmans, la péninsule Ibérique était dominée par les Wisigoths (fr.wikipedia.org - Conquête musulmane de la péninsule ibérique).

 

La guerre du Rif est une guerre coloniale qui opposa les Rifains aux armées espagnole puis française, dans le Rif, région montagneuse occupant le nord du Maroc de Tanger à la frontière algérienne (le conflit se concentra au Rif central et au Rif oriental). Le conflit dura de 1921 à 1926 pour ce qui est de la participation de l'Espagne et de 1925 à 1926 pour ce qui est de la participation de la France.

 

Le 20 juillet 1921, l'armĂ©e espagnole fait face aux rebelles, et elle va ĂŞtre dĂ©faite Ă  Anoual. C'est le dĂ©part du projet de Mohamed Abdelkrim El Khattabi, dit Abd el-Krim. Les Rifains, organisĂ©s dans une armĂ©e de libĂ©ration du monde musulman, s'attaquent Ă  l'Espagne et Ă  la France. En dĂ©cembre 1924, le Tercio commandĂ© par le gĂ©nĂ©ral Franco couvre la retraite de Xauen. L'Espagne cherche Ă  nĂ©gocier un accord avec Abdelkrim. Ceci dĂ©clenchera une insurrection gĂ©nĂ©rale en Yebala et en Gomara. Abdelkrim attaque alors par surprise la zone française. Cela entraĂ®ne immĂ©diatement une alliance de l'Espagne avec la France. En septembre 1925, la flotte française soutient le dĂ©barquement espagnol d'Al Hoceima, première opĂ©ration amphibie aĂ©ronavale de l'Histoire. Le marĂ©chal Lyautey, rĂ©sident gĂ©nĂ©ral au Maroc depuis 1912, obtient des victoires, mais il est remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral PĂ©tain. L'aide de camp de PĂ©tain, Charles de Gaulle, lui reproche d'avoir acceptĂ© de lui succĂ©der et rompt avec lui. Abdelkrim se rendra Ă  la France pour empĂŞcher l’extension de la guerre chimique et le massacre de tout un peuple par les colons. Lors de ce conflit, du gaz moutarde a Ă©tĂ© larguĂ© par avions en 1924, un an avant la signature du protocole de Genève « concernant la prohibition d'emploi Ă  la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactĂ©riologiques Â». Abd el-Krim fut envoyĂ© en exil Ă  l'Ă®le de la RĂ©union en 1926, d'oĂą il s'Ă©vada 20 ans plus tard pour fuir en Égypte, oĂą il mourut en 1963 (fr.wikipedia.org - Guerre du Rif).

 

Entre 1909 et 1926, le développement du conflit colonial connu sous le nom de Guerre du Rif occupa en Espagne toute l'attention et les efforts de « l'africanisme gouvernemental », mais il eut comme opposant les formations ouvrières et républicaines, un secteur de l'armée et une bonne partie de l'opinion publique, qui après s'être déclarée interventionniste en 1860, avait commencé à changer d'attitude avec l'incident de Melilla en 1893. La prolongation de la campagne du Maroc n'a pas seulement compromis l'image de l'Espagne en tant que puissance administratrice du territoire, et conditionné profondément sa politique intérieure (« La Semaine Tragique » de 1909, épuration après le désastre de Annual en 1921) mais elle réactiva également l'image littéraire et populaire du Marocain en tant qu'ennemi barbare et cruel (sauf pour les indépendantistes galiciens, catalans et basques qui furent solidaires avec le Rif en tant que « nationalité opprimée »), parallèlement à un questionnement de plus en plus prononcé et généralisé sur l'engagement colonial espagnol (Thierry Fabre, Robert Ilbert, Les représentations de la Méditerranée, La Méditerranée espagnole, 2000 - books.google.fr).

 

Dans les positions de Sabino Arana vis-à-vis du problème colonial nous trouvons des arguments qui seront développés par les partis de gauche, tels que l'incapacité de l'Espagne à apporter les bénéfices de la "civilisation" étant donné son bas niveau de développement économique et culturel ; ou la manière de juger le problème en tant qu'affaire espagnole ne touchant le Pays Basque que dans la mesure où celui-ci subissait à son tour l'oppression de l'Etat espagnol. Nous retrouverons ce même argument dans certains secteurs du nationalisme basque qui combattirent violemment la guerre menée par l'Espagne contre Ibn Abd-el-Krim El-Khattabi. [...]

 

Quoique très marquée par la pensée de son fondateur, la position du nationalisme basque face à la question coloniale a traversé différentes phases. Dans les années 1910-1912, Luis de Elizalde, professeur de mathématiques au lycée de Vitoria (chef-lieu de la province basque d'Alava), joua un rôle important dans la politisation du mouvement nationaliste basque, en établissant des comparaisons entre le mouvement nationaliste basque et celui d'autres nationalités opprimées. Elizalde participa au Congrès des nationalités européennes qui eut lieu à Lausanne en 1916. Il écrivit quelques ouvrages dont le sujet central était le colonialisme. Dans son livre Palses y razas (Pays et races), il revendiquait le droit des peuples à l'indépendance. Il développa abondamment la question des peuples opprimés par l'Empire austro-hongrois, son but étant celui d'éduquer la jeunesse dans un nouvel esprit où le nationalisme parviendrait à déborder son cadre local. Après la première guerre mondiale, les idées d'Elizalde commencèrent à avoir une audience plus large . La revendication basque prit une dimension plus universelle, où le problème apparaît lié à celui du colonialisme et à celui d'autres nationalités opprimées. Le Parti Nationaliste Basque subit une scission dans les années 20, en raison des divergences survenues au sein de la direction. Le groupe le plus modéré, le plus conservateur, modifia le nom original de Parti Nationaliste Basque, le remplaçant par celui de "Comuniôn Nacionalista Vasca". D'autre part, les partisans de la tendance d'Arana y Goiri et du Parti Nationaliste Basque rétablirent ce nom tout en constituant un groupe à part. A la tête de cette scission se trouvait Luis de Arana y Goiri, frère du fondateur du Parti Nationaliste Basque, et Elias de Gallâstegui, qui estimaient que la Comuniôn Nacionalista Vasca s'acheminait dangereusement vers des positions collaborationistes avec le gouvernement de Madrid. L'organe des scissionistes fut le journal Aberri (Patrie) , fondé en mai 1923 et dont la publication alla jusqu'au 23 septembre de la même année, date à laquelle il fut frappé d'interdiction par la dictature du général Primo de Rivera. La Comuniôn Nacionalista Vasca et le Parti Nationaliste Basque sont restés séparés pendant sept ans, jusqu'à 1930 ; les deux organisations fusionnèrent alors sous le nom de Parti Nationaliste Basque . Afin d'éviter toute confusion, nous tenons à préciser que ce fut le Parti Nationaliste Basque du groupe Aberri qui mena une vigoureuse campagne contre la guerre du Maroc, alors que le journal Euzkadi qui était en 1923 l'organe de la Comuniôn Nacionalista Vasca, se limita à manifester son opposition à la guerre et à condamner les opérations militaires, mais ses critiques étaient plutôt faites en termes de responsabilités politiques, sans jamais aller jusqu'à s'ériger en défenseur de l'indépendance du Rif comme ce fut le cas pour le groupe Aberri (Pluriel, Numéros 13 à 16, 1978 - books.google.fr).

 

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