Folie et neuroleptiques

Folie et neuroleptiques

 

VI, 46

 

1959-1960

 

Un juste sera en exil renvoyé,

Par pestilence aux confins de Nonseggle,

Response au rouge le fera desvoyé,

Roy retirant Ă  la Rane et Ă  l'Aigle.

 

"Nonseggle"

 

On a Nonseggle ou Nonsegle selon les éditions (Torgné-Chavigny, Réédition du livre de Prophéties de Nostradamus Publié en 1566 chez Pierre Rigaud: Vie de Nostradamus, 1862 - books.google.fr).

 

Nonseglos/Nanseglos/Nanseglass/Nonsiglon/Nansicles (www.myheritage.fr).

 

On trouve parmi les officiers du roi Henri VI un dénommé William Nanseglos (Ralph Alan Griffiths, The Reign of King Henry VI: The Exercise of Royal Authority, 1422-1461, 1981).

 

Le nom viendrait du cornique (nant : vallĂ©e et glos : Ă©glise) (John Bannister, A Glossary of Cornish Names, 1871 - books.google.fr).

 

The Nansiglos came of a Cornish family settled in London for several generations. The father, William, was Comptroller of the Great Customs, London, in 1457, and owner of a famous inn, 'The Bishop,’ at the corner of Grey’s Inn Lane ; later the celebrated bookshop of Jacob Touson. The Nansicles bought estates in Essex and Norfolk (F.P. Vernery, Memoirs If The Vernery Family Vol I, 1925 - archive.org).

 

LANTEGLOS-BY-CAMELFORD, though recorded in the Patent Rolls for 1277 as LANTEGLOS, is clearly properly to be regarded as originally NANTEGLOS "church in the valley" and we, in fact, do find NANSEGLOS in the episcopal register for 1311. LANTEGLOS-BY-FOWEY is an exactly parallel case (C.L. Wren, Saxons and Celt in South-West Britain, Transactions of the Honourable Society of Cymmrodorion, 1959).

 

The parish church of Camelford is at Lanteglos by Camelford. The seal of the borough shows: Arg. a camel passing through a ford of water all proper with legend "Sigillum Vill: de Camelford". Camelford has been linked to the legendary Camelot, and the battle of Camlann (en.wikipedia.org - Camelford).

 

The chronicle tradition typically follows Geoffrey in placing Camlann on the Camel in Cornwall: Wace places it at "Camel, over against the entrance to Cornwall," and Layamon specifies the location as Camelford in his Brut (The Death of Arthur) (1200 - 1225) (d.lib.rochester.edu - Death of Arthur - layamon).

 

Les Annales de Cambrie (v.950) ont deux entrĂ©es arthuriennes : la première, concernant la 72ème annĂ©e du cycle, dit : «Bellum Badonis in quo arthur portavit crucem domini nostri jesu christi tribus diebus & tribus noctibus in humeros suos & brittones victores fuerunt», «La bataille de Badon oĂą Arthur porta la croix de notre seigneur Jesus Christ trois jours et trois nuits sur ses Ă©paules et oĂą les brittons furent victorieux». Arthur est de nouveau associĂ© Ă  Badon, et cette fois, c’est dans cette bataille qu’il porte un symbole chrĂ©tien…La deuxième entrĂ©e : «Gueith camlann in qua arthur & medraut corruerunt, et mortalitas in britannia et in hiberna fuit» : «Le combat de Camlann oĂą Arthur et Medraut pĂ©rirent, et il y eut mortalitĂ© en Bretagne et en Irlande», pour l’annĂ©e 93. (537 : La Bataille de Camlann (Camblan), dans laquelle Arthur et Medraut pĂ©rirent ; et il y eut la pestilence en Bretagne et Irlande. Il existe aussi une entrĂ©e concernant la Bataille d’Arfderydd oĂą Merlin est censĂ© avoir perdu la raison. Mais les entrĂ©es arthuriennes ne se rattachent vraiment Ă  aucune autre partie des Annales, et semblent avoir Ă©tĂ© rajoutĂ©es Ă  posteriori ; un chercheur, H.Wiseman, a ainsi produit un calcul montrant que cela pouvait avoir Ă©tĂ© fait Ă  partir des travaux de Bede (le-monde-arthurien.e-monsite.com).

 

Gueith camlann, inqua arthur and medraut corruerunt : et mortalitas in brittannia et in hibernia fuit (www.cambridge.org - Notes and news, Jean-Louis Fetjaine, Le Pas de Merlin, 2010 - books.google.fr).

 

Richard Carew, dans The Svrvey of Cornwall parle de la mère du roi Arthur, fille du duc de Cornouailles et de sa bataille finale :

 

And vpon Igerna wife to Gorlois, Duke of Cornwall,Vter begat the worthy Arthur, and a daughter called Amy. [...] Vpon the riuer of Camel, neere to Camelford, was that last dismal battel strooken betweene the noble king Arthur, and his treacherous nephew Mordred, wherein the one took his death, and the other his deaths wound. For testimony whereof, the olde folke thereabouts will shew you a stone, bearing Arthurs name, though now depraued to Atry (THE SVRVEY OF CORNWALL, Written by Richard Carew of Antonie, Esquire, 1602 - quod.lib.umich.edu).

 

La fin de Merlin est évoquée de différentes façons selon les auteurs. Il ne connaît généralement pas de mort véritable, mais il est «retiré du monde» et repose «au cœur d'une inaccessible prison forestière, ni mort ni vivant». Dans les textes gallois, il reste pour toujours dans la forêt. Dans la Vita Merlini, il passe son temps à observer les astres depuis sa demeure aux soixante-dix fenêtres, avec sa sœur. Une autre version évoque une tour de cristal. Il peut aussi faire retraite pour toujours avec son confesseur Blaise. Dans le Perceval en prose, Merlin se retire jusqu'à la fin du monde dans son esplumoir.

 

Sa popularité se développe après 1066, l'installation des barons normands en Angleterre favorisant une culture commune et de nombreux échanges entre les îles Britanniques et l'actuel territoire français. Aliénor d'Aquitaine, férue de poésie et de roman, promeut la légende arthurienne qui rencontre un grand succès aux XIIe siècle et XIIIe siècles. Merlin connaît alors une nette évolution. Suibhne, Myrrdin, Lailoken et le Merlinus de la Vita Merlini sont des rois divins et vaincus, exilés dans la forêt où ils se muent en devins et connaissent la folie. Ils constituent trois variations autour d'un même thème mythique (fr.wikipedia.org - Merlin).

 

Le patronyme de Paul (Pol) Aurélien, et l'origine bretonne insulaire suggèrent qu'il a pu appartenir à une famille patricienne également connue pour avoir produit Ambrosius Aurelianus qui semble avoir conduit les opérations de défense des Bretons de l'île de Bretagne contre les Saxons entre 470 et 485. Cela confirmerait qu'une migration vers l'Armorique d'un grand nombre de Bretons a eu lieu de manière organisée, sous la conduite des princes et du clergé, à partir du VIe siècle en raison de l'invasion saxonne de l'île de Bretagne. Pour ce qui concerne le clergé, on a parlé de "saints organisateurs" et Pol Aurélien apparaît être l'un d'eux. Il fit son éducation auprès d'Ildut, avec d'illustres condisciples tels que Samson, Brieuc, Malo ou Gildas. Il fut très vite attiré par la solitude (fr.wikipedia.org - Pol Aurélien).

 

Un autre Lanteglos Ă  Fowey

 

Cf. le quatrain II, 1 avec son acrostiche "VEPP" qui pourrait renvoyer Ă  Saint Veppa qui donne son nom au village actuel de Cornouailles de Saint Veep, au Nord de Fowey oĂą se fit une razzia de pirates barbaresques dit "turcs" en 1645.

 

Dans les 3000 premiers vers du roman de Béroul, Marc habite Lantien, et à partir du 3015ème, il réside à Tintagel (Tintagueil avec un g dur) (A. de Mandach, Lantien en Cornouailles, Le Moyen âge, 1972 - books.google.fr).

 

Tintagel est Ă  6 miles (10 km) de Camelford.

 

Mais si l'on admet que Tintagel Ă©tait une rĂ©sidence d'Ă©tĂ© en raison du climat rigoureux qui y règne en hiver et du fait que la mer d'Irlande Ă©tait alors impraticable pour des pirates irlandais, il faut admettre aussi, pour un souverain de Dumnonie, une rĂ©sidence d'hiver en vertu des mĂŞmes critères. Or, le climat et la situation de Lantien rĂ©pondent parfaitement Ă  ces exigences. SituĂ© Ă  proximitĂ© d'un estuaire, celui de la Fowey, la rĂ©gion de Lantien jouit d'un climat exceptionnel, puisqu'Ă  quelques milles de lĂ , dans le domaine du vicomte de Falmouth, Tregothnan, les palmiers poussent en pleine terre ! Ce n'est lĂ  qu'un argument de vraisemblance. Mais il ne faudrait tout de mĂŞme pas oublier qu'il existe un fait Ă  savoir l'existence de la stèle de Fowey, laquelle, suivant le tĂ©moignage de John Leland en 1538, se trouvait primitivement Ă  un mille de Castledour, Ă©tait autrefois surmontĂ©e d'une croix et faite de granit porphyrique provenant de Luxulyan (au nord-ouest de Castle Dore) (Jacques Chocheyras, Philippe Walter, Tristan et Iseut: genèse d'un mythe littĂ©raire, 1996 - books.google.fr).

 

En Comwall, Ă  proximitĂ© de Fowey (oĂą le manoir de Lantyan, attestĂ© dès le Domesday Book, correspond Ă  la localisation du palais du roi Marc Ă  «Lancien» selon le Tristan de BĂ©roul), une inscription du VIe siècle, signalĂ©e pour la première fois par John Leland (1540), a Ă©tĂ© dĂ©chiffrĂ©e : DRUSTANUS HIC IACIT CUNOMORI FILIUS (Ci-gĂ®t Drustanus, fils de Cunomorus) Le premier nom est une forme primitive de Tristan (dont les romans ultĂ©rieurs ont fait le neveu du roi Marc). A dĂ©faut d'Ă©tablir l'historicitĂ© des personnages des rĂ©cits mĂ©diĂ©vaux le rapprochement de ce tĂ©moignage Ă©pigraphique et du passage prĂ©cĂ©dent de la Vita de saint Paul AurĂ©lien suggère que non seulement l'hagiographe breton du IXe Ă©tait informĂ© de l'existence de la pierre portant cette inscription (ce qui est probable), mais qu'il avait connaissance de l'association lĂ©gendaire de Tristan et du roi Marc. Wrmonoc n'avait pas forcĂ©ment lui-mĂŞme visitĂ© le Cornwall mais il pouvait avoir rencontrĂ© des voyageurs ayant effectuĂ© la traversĂ©e. Toujours est-il que cet hagiographe breton de la fin IXe siècle Ă©tablit implicitement un lien entre le nom de Drustanus (attestĂ© par l'inscription) et celui d'un ancien roi de Cornwall appelĂ© Marcus. Bien plus, il estime utile de faire rĂ©fĂ©rence Ă  celui-ci pour donner encore plus de relief au personnage de Conomor, pourtant familier du public lĂ©onard Ă  qui s'adressait la Vita de saint Paul AurĂ©lien (Bernard Merdrignac, Quatre langues et deux oreilles, Langues de l'histoire, langues de la vie: mĂ©langes offerts Ă  Fañch Roudaut, 2005 - books.google.fr).

 

Le vĂ©ritable berceau des amours splendides de Tristan et Iseut est le Cornwall, plus exactement la rĂ©gion de Tintagel (au nord) et celle de Fowey (au sud) (A. de Mandach, E.M. Roth, Le trianngle Marc-Iseut-Tristan : un drame de double inceste, Études celtiques, Volumes 22 Ă  23, 1985 - books.google.fr).

 

"desvoyĂ©" : fou

 

desvoyĂ© : sorti des voies de la raison, fou :

 

Pathelin par contre perçoit de suite qu'en fait Guillaume n'est pas "insensé" ("Ce marchand n'est pas desvoyé / Belle seur, qui le m'a vendu") et qu'il n'a donc pas les qualités requises pour "chanter" son rôle au diapason fou de la pièce ("Ja si bien chanter ne sçaura") (Wilhelm Stähle, "La farce de Pathelin" in literarischer, grammatischer und sprachlicher hinsicht, 1862 - books.google.fr, Thierry Boucquey, Mirages de la farce: fête des fous, Bruegel et Molière, 1991 - books.google.fr).

 

Fou et juste : psaumes 13(14) et 52(53)

 

Cette opposition se trouve dans le psaume 13 (14), reprise dans le 52 (53). 13 comme le nombre de vers d'un rondeau, forme poétique affectionnée par Charles d'Orléans, qui vécut au temps du roi fou Charles VI ("croissant Sélin" des quatrains VIII, 54 et VI, 77).

 

1 L’InsensĂ© a dit en son cĹ“ur : Il n'y a point de Dieu. - 2 Ils se sont corrompus, & se sont rendus abominables en leurs faits : il n'y a personne qui fasse bien. | 3 L'Eternel a regardĂ© des cieux sur les fils des hommes ; pour voir s'il y en a quelqu'un entendu, & qui cherche Dieu. 4 Ils se sont tous desvoyez, & se sont ensemble rendus puans:il n'y a personne qui face bien, non pas mesmes un. 5 La ils seront effrayĂ©s Ă  bon escient : car Dieu [est] avec la race juste, 6 vous faites honte Ă  l'affligĂ© de son conseil, d'autant que l'Eternel [est] sa retraite. 7 Ă” qui donnera de Sion la delivrance d'Israel ! Quand l'Eternel aura ramenĂ© & mis Ă  recoi son peuple captif, Iacob s'egayera, IsraĂ«l s'esjouira (La Bible, etc. (Les Pseaumes de David, mis en rime Francoise par C. Marot et T. de Bèze, 1635 - books.google.fr).

 

En 1542, réfugié à Genève auprès de Calvin et encouragé par lui, Marot reprend la traduction des psaumes. À sa mort en 1544, il aura versifié 49 psaumes. Calvin charge Théodore de Bèze de poursuivre l’œuvre de Marot et de terminer la paraphrase des 150 psaumes de la Bible. En 1562 paraît à Genève le recueil officiel des 150 psaumes sous le titre Les pseaumes de David. Ce psautier connaît une impressionnante diffusion. Il contribue à façonner l’identité réformée. Ce sera un signe de ralliement et même un chant de guerre dans les tribulations du peuple protestant français (www.museeprotestant.org - Clément Marot (1496-1544)).

 

Le type de fou dansant est figurĂ© dans les livres de prières et plus particulièrement en introduction du psaume 52 (53) «Dixit insipiens». OpposĂ© Ă  David, l’auteur des psaumes et roi de l’Ancien Testament, il prononce des paroles blasphĂ©matoires dès le premier verset. Il n’a pas Ă©tĂ© reprĂ©sentĂ© dans un but illustratif ou divertissant, mais pour des raisons morales. Dans le BrĂ©viaire de Jean sans Peur, l’opposition est marquĂ©e entre David et le fou, par le fait qu’ils se tournent le dos: le roi est agenouillĂ© en prières devant Dieu, tandis que le fou habillĂ© de rouge, bleu, jaune et blanc sautille en regardant sa marotte. D’un cĂ´tĂ©, David loue Dieu en son âme ; d’un autre cĂ´tĂ©, le fol ne reconnaĂ®t pas Dieu en son cĹ“ur. De mĂŞme, dans le Psautier de Charles VIII, David dialogue en silence avec Dieu, sa prière Ă©tant allĂ©gorisĂ©e par la harpe qui repose Ă  cĂ´tĂ© de lui. A l’inverse, le fol parle Ă  sa marotte en dĂ©signant le roi du doigt. Verbeux, il se dĂ©tourne de Dieu et exprime le blasphème qui est un pĂ©chĂ© d’orgueil: «Dixit insipiens in corde suo, non est Deus». Le verset signifie, non pas une ignorance, mais un refus de Dieu, une nĂ©gation de son existence «en son cĹ“ur». Ainsi, le fou sautillant reprĂ©sente le pĂ©chĂ© et le vice, alors que David incarne la vertu morale.

 

Les poètes, tels Charles d’Orléans ou François Villon, ont déploré la folie des hommes, la mélancolie du temps, le caractère éphémère de la vie et la peur de la mort. Dans la danse macabre, le sot participe à la farandole de la vie conduite inexorablement vers la mort. Il préfigure le fou qui, dans l’Eloge de la folie d’Erasme (1511), dit à chacun sa vérité, dénonce le tragique de la folie du monde et en appelle à la conscience morale de l’homme (www.livingbooksabouthistory.ch - Martine Clouzot, Marie-José Gasqse-Grandjean, Le fou dansant et le mundus inversus, 2017).

 

Le père de Merlin, avant de devenir un incube dans la transposition chrĂ©tienne et courtoise de la lĂ©gende, Ă©tait probablement un ĂŞtre marin, un dĂ©mon des eaux, un «vieux de la mer», voire un ĂŞtre protĂ©en de nature venteuse, c'est-Ă -dire un «esprit», un souffle. Si Guillaume d'Angleterre est le père des jumeaux Marin (alias Merlin) et Louvel (le loup), il faut rappeler que Guillaume est un des surnoms du loup en haut et bas breton. Autrement dit, le loup Guillaume, père de Merlin, confirme la nature spirituelle de l'enfant. Une vieille croyance rapportĂ©e par François Villon rappelle en effet cette antique nature venteuse du loup : Sur le NoĂ«l, morte saison / Que les loups se vivent de vent. L'idĂ©e figure dĂ©jĂ  dans certains bestiaires du XIIe siècle. Le folkloriste Claude Gaignebet a soulignĂ© l'importance et la longĂ©vitĂ© de cette association dans la tradition folklorique et plus particulièrement dans le folklore des enfants. Le vent n'est pas simplement de la nature parmi d'autres ; il renvoie Ă  une cosmogonie qui confère Ă  l'âme (anima) une nature pneumatique (animus). Merlin le fou se prĂ©sente alors comme une sorte d'esprit empli du souffle de la folie (le mot follis, Ă©tymologie du mot fou, dĂ©signe bien un ballon d'air). Merlin est un ĂŞtre de vent. Son association avec le loup s'explique parle lien traditionnel de cet animal avec les souffles venteux. Elle rejoint aussi le mythe de la naissance gĂ©mellaire (du type Romulus et Remus) oĂą le loup qui est ici une louve joue un rĂ´le essentiel. On note Ă©galement une intĂ©ressante analogie entre la lĂ©gende dorĂ©e de saint François d'Assise et celle de Merlin. Dans les deux cas un personnage inspirĂ© est capable de parler aux animaux et de s'en faire comprendre. Par ailleurs, saint François parle de «son frère le loup» suggĂ©rant une gĂ©mellitĂ© mythique avec cet animal si Ă©troitement liĂ© Ă©galement Ă  Merlin par l'intermĂ©diaire du loup Blaise (Philippe Walter, Merlin ou le savoir du monde, 2000 - books.google.fr).

 

La nĂ©gation de toute divinitĂ© se trouve aussi Ă©voquĂ©e avec force dans la Bible : Ps. 14 (LXX: 13) : «L'insensĂ© a dit en son cĹ“ur : plus de Dieu.» Cf. encore Ps. 10, 4 (LXX: 9, 4) et JĂ©r. 5, 12. En fait, l'athĂ©isme Ă  l'Ă©tat pur est difficile Ă  distinguer de la nĂ©gation de la Providence, et celle-ci va de pair avec la mise en vedette du hasard. Pour ces questions, Epicure est la cible de toutes les critiques que les esprits religieux adressent aux sceptiques. Dans les Ă©crits rabbiniques, l'apikoros, ou le nĂ©gateur, que l'on appelle aussi quelques fois « hĂ©rĂ©tique pour l'essentiel » (Baba Batra, 16 b) est exclu du peuple des croyants qui auront droit au monde futur (Sanhedr. Mishna, 10, 1). Sur la doctrine d'Épicure telle que l'envisagent les Juifs croyants, les tĂ©moignages abondent. Nous n'en citerons que deux, celui de Josèphe et celui de MaĂŻmonide : Fl. Josèphe, A. J., X, 11, 7. A propos du livre de Daniel : "Les Ă©picuriens repoussent la Providence loin des affaires humaines. Ils ne croient pas que Dieu prenne soin de ce qui se passe dans le monde, ils affirment au contraire que le monde va son propre chemin, sans maĂ®tre ni pilote. En rĂ©alitĂ©, s'il n'avait pas de guide pour le conduire (comme ils imaginent que c'est le cas), le monde serait comme les bateaux sans pilote que le vent coule sous nos yeux..." (Philon d'Alexandrie, De confusione linguarum, prĂ©sentĂ© par Roger Arnaldez, 1963 - books.google.fr).

 

Le psaume 53 (52) est une rĂ©pĂ©tition du psaume 14 (sauf les versets 5-6 du ps 14 qui sont diffĂ©rents). A remarquer les deux fausses questions (suivant les traductions : v. 3b, 5a, 7). La rĂ©ponse est dĂ©jĂ  connue par celui qui la pose (Alain Combes, Dire les Psaumes: Guide pratique, 1997 - books.google.fr).

 

La rĂ©ponse Ă  la question posĂ©e dans ce psaume sur la manière dont sont choisis les Ă©lus : respect de la justice de Dieu et donc du DĂ©calogue (Fabienne Jourdan, Poème judĂ©o-hellĂ©nistique attribuĂ© Ă  OrphĂ©e: production juive et rĂ©ception chrĂ©tienne, 2010 - books.google.fr).

 

"Rane"

 

Dans l'Evangile aux femmes de Marie de Compiègne, identifiĂ©e Ă  Marie de France, on peut lire :

 

XXII. Feme est en loiautĂ© et en douçor sovraine :

Car tous chiax qui le croient a sainte fin amaine,

Ne cose ne diroit dont autres eĂĽst paine,

Pour autant de fin or com a de keue raine.

 

(La femme est en loyautĂ© et en douceur souveraine : / Car elle amène Ă  une sainte fin tous ceux qui la croient, / Et jamais elle ne dirait rien dont un autre pĂ»t ĂŞtre peine, / Pour autant d'or fin qu'il y a de queue dans une raine).

 

On voit que les plaisanteries sur la queue de la grenouille ne sont pas nouvelles. Raine vient rĂ©gulièrement de rana. L'orthographe picarde est ici plus exacte que l'orthographe française actuelle dans reinette. Le français grenouille (de ranuncula), d'abord sous la forme renouille (Marie de Compiègne a reinoilles, dans ses fables), puis, au XVe siècle, sous la forme actuelle grenouille. par la prosthèse du g, semble avoir Ă©tĂ© plus rĂ©pandu que raine, spĂ©cial au picard et peut-ĂŞtre au normand. Ainsi, Marot dit quelque part :

 

Rane est latin; escry donc autrefois.

Rayne en picard ou grenouille en françois (M. Constans, Marie de Compiègne (Marie de France) d'après l'Évangile aux femmes, 1876 - books.google.fr).

 

Chèvrefeuille est le onzième des «lais» écrits par Marie de France à la fin du XIIe siècle. Composé de cent dix huit octosyllabes, c'est le plus court du recueil Le poème, inspiré d'un lai breton, reprend un épisode de la geste de Tristan (fr.wikipedia.org - Chevrefoil).

 

L’une des plus curieuses figurations du tétramorphe appartient à un ensemble de manuscrits enluminés des évangiles provenant du monastère de Landévennec. Marc n’a pas une tête de lion comme il se devrait, mais une tête de cheval. On l’explique habituellement par la proximité phonétique entre le nom de l’évangéliste et le mot cheval qui se dit marc’h en langue bretonne. Mathieu est l'homme, Luc le taureau et Jean l'aigle. (Patrick Peccatte, Le tétramorphe – une appropriation chrétienne d’une figure cosmique [1/8], 2020 - dejavu.hypotheses.org).

 

On retrouve les grenouilles dans l'Apocalypse (16,13-14) de Jean qui sortent de la bouche du faux prophète, du dragon et de la bête, matérialisant les esprits immondes.

 

La grenouille en cornique se dit "guilschin" mis en rapport avec le nom de Bertrand du Guesclin qui avait un aigle pour blason (Edwin Norris (1795-1872), The ancient Cornish drama, 1859 - archive.org, fr.wikipedia.org - Bertrand du Guesclin).

 

La reine d'Angleterre, Henriette, fille de Henri IV, dit sur le bateau qui l'emportait en exil en France, que les reines ne craignaient pas d'être noyées, par un jeu de mot entre reine / raine (qui se disait pour grenouille) (François Xavier de Feller, Dictionnaire historique, Tome 10, 1833 - books.google.fr).

 

"Rane" et "Aigle" : Crapaud-volant

 

Au sujet de la dĂ©nomination Caprimulge (de capra : chèvre, et de mulgere : traire), accordĂ©e Ă  Caprimulgus europaeus, l'engoulevent d'Europe, oiseau-type de la famille, LittrĂ© nous renseigne : «Le nom est fondĂ© sur une erreur»; disons sur une croyance paysanne qui lui attribue la fonction de «trayeur de chèvres», de brebis et de vaches, car, lorsqu'il poursuit et gobe en vol les insectes crĂ©pusculaires, Ă  la manière du martinet avec lequel il est d'ailleurs confondu, les campagnards le voient rĂ´der autour des Ă©tables. «Crapaud volant» est un autre sobriquet populaire, connotant un bec qui s'ouvre largement (fissirostre) comme celui d'un crapaud, mais qui dĂ©couvre une goule rose - goule : ancienne forme de gueule - oĂą s'engouffre un vent frais, assaisonnĂ© de lĂ©pidoptères et de diptères variĂ©s. Cependant, Benoist et Goelzer nous rappellent qu'au temps de CicĂ©ron (1er s. av. J.C.), le poète Catulle accordait dĂ©jĂ  au pasteur et trayeur de chèvres le titre de Caprimulgus; et que ce dernier terme Ă©tait Ă©galement employĂ© par Pline l'Ancien 1er s. ap. J.C.) pour dĂ©signer «l'oiseau qui tète les chèvres» (JATBA, Journal d'agriculture traditionelle et de botanique appliquĂ©e, Volumes 28 Ă  29, 1981 - books.google.fr).

 

A la fin du XVIème siècle, du prince des Sots dit Engoulevent est insérée dans le recueil de la Satyre Ménippée l'Epître du Sr. Engoulevent à un sien ami, sur la Harangue que le Cardinal Pellevé fit aux Etats de Paris. Il fait "Response au rouge".

 

Le rouge, selon Pierre Brin d'amour désigne souvent un cardinal dans les Centuries (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

Il eut un procès curieux avec les comédiens de l'Hôtel de Bourgogne, en 1604 au sujet des droits attachés à sa principauté (François-Xavier de Feller, Dictionnaire historique, Tome 2, 1832 - books.google.fr).

 

On n'apprend point dans le plaidoyer de Julien Peleus Ă  l'occasion d'un arrĂŞt de la Cour du 19 fĂ©vrier 1608, de personnalitĂ© sur Engoulevent, sinon qu'il s'appelloit Nicolas Joubert ; & qu'il Ă©toit nĂ© & nourri au pays des grosses bĂŞtes, qu'il n'Ă©tudia jamais qu'en la philosophie des Cyniques... que c'Ă©toie une tĂ©te creuse, une coucourde (Cucrubita une citrouille) Ă©ventĂ©e, vuide de sens comme une canne, un cerveau dĂ©montĂ© qui n'avoit ni ressort, ni roue entiere dans la tĂŞte, Voyez les Plaidoyers de Julien (Jean-François Dreux du Radier, RĂ©crĂ©ations historiques, critiques, morales et d'Ă©rudition, avec l'histoire des fous en titre d'office, 1768 - books.google.fr).

 

In Paris on Mardi Gras 1606, the celebrated lawyer Julien Peleus pleaded in favour of Nicolas Joubert, known as Angoulevent, who was Prince of Fools of Louis XIII. Angoulevent stood accused of not having performed his duty of a triumphal entry into Paris. In defence of the Prince of Fools, Peleus maintained that his client was wholly worthy of his principality, because he never studied anything other than “la philosophie cynique”, which is why he was only knowledgeable about “bas souhaits”. [...] Cynicism, uniquely of all ancient philosophies, became associated with sex, folly and carnival by the time of Peleus's successful plea. The Cynic philosophy which Peleus mentions is far removed from the modern meanings of 'cynicism' or 'cynisme', even cynisme', even if the French term still has connotations of 'impudence' (Hugh Gerald Arthur Roberts, Dogs' Tales: Representations of Ancient Cynicism in French Renaissance Texts, 2006 - books.google.fr).

 

Du cĂ´tĂ© royal, en avril 1593, ce sera L'AbrĂ©gĂ© de l'âme des Ă©tats, premier titre de ce qui deviendra par la suite De la vertu du catholicon d'Espagne (du nom d'une purge Ă  base de rhubarbe et de sĂ©nĂ© que vendaient les charlatans dans les foires). Il s'agit de l'Ĺ“uvre d'un chanoine normand Jean Le Roy, aumĂ´nier du deuxième cardinal de Bourbon, Ă©crite dans la veine rabelaisienne, dans un esprit teintĂ© de gallicanisme, très hostile Ă  l'Espagne et subtilement critique d'un clergĂ© français peu exemplaire. Le livre est imprimĂ© Ă  Tours chez le fameux Jamet MĂ©tayer, l'imprimeur du roi rĂ©fugiĂ© dans cette ville. Comme l'ouvrage qui suit, c'est aussi une Ĺ“uvre collective puisque vont y participer Pierre Pithou, l'historien et jurisconsulte, Jacques Gillot, conseiller au Parlement, ainsi que les poètes Nicolas Rapin, Jean Passerat et Florent ChrĂ©tien, ancien prĂ©cepteur du roi restĂ© attachĂ© au protestantisme. Mais l'Ĺ“uvre la plus considĂ©rable du temps et la plus originale est la Satyre MĂ©nippĂ©e, texte dont la posture politique originelle n'est pas claire et qui ne deviendra franchement favorable Ă  Henri IV qu'Ă  mesure de ses rĂ©Ă©ditions successives. C'Ă©tait un pot-pourri de vers et de prose, un pastiche dans le style bouffon des Ă©crits du philosophe cynique grec MĂ©nippe. C'est encore une Ĺ“uvre Ă  plusieurs mains, jaillie de la plume de ce que le milieu politique de Paris compte de plus cultivĂ©, oĂą l'on retrouve certains des auteurs du Catholicon : les chanoines Jacques Gillot et Pierre Leroy, les poètes Florent Passerat et Gilles Durant, l'Ă©rudit Florent ChrĂ©tien, les magistrats Nicolas Rapin et Pierre Pithou. En somme, le milieu qui a favorisĂ© l'Ă©mergence de l'arrĂŞt Le Maistre. C'est une farce Ă  Ă©pisodes : deux charlatans, l'un partisan de l'Espagne, l'autre de la Maison de Lorraine, rivalisent d'arguments tordus pour dĂ©fendre leur chapelle. L'actualitĂ© est passĂ©e au tamis, les Ă©tats gĂ©nĂ©raux de Paris tournĂ©s en dĂ©rision, la perfidie de l'Espagne dĂ©noncĂ©e - c'est elle qui dĂ©verse le catholicon, le poison du fanatisme - et, plus surprenant, qui dĂ©note une manière de «laĂŻcité» avant l'heure : la Ligue constamment dĂ©noncĂ©e comme la consĂ©quence du pouvoir abusif des prĂŞtres sur les esprits (Jean-Paul Desprat, Henri IV: Roi de cĹ“ur, 2018 - books.google.fr).

 

Le comique athĂ©nien et MĂ©nippe offrent une première ressemblance, si l'on considère les formes d'imagination sous lesquelles ils produisent leurs Ă©pigrammes irrespectueuses. Aristophane a sa NĂ©cyomancie : ce sont les Grenouilles.  Si, en effet, des diffĂ©rences capitales sĂ©parent la NĂ©cyomancie des Grenouilles, les deux fantaisies n'en ont pas moins des points de contact Ă©vidents. La trame de la comĂ©die attique est connue. Craignant que de la mort de Sophocle et d'Euripide il ne rĂ©sulte pour l'art tragique un dĂ©clin irrĂ©mĂ©diable, Dionysos se rend aux Enfers, accompagnĂ© de Xanthias, son esclave, et se propose d'en ramener un poète digne de lui et de ses fĂŞtes. Entre Eschyle et Euripide il hĂ©site. Finalement, après avoir entendu les deux maĂ®tres illustres cĂ©lĂ©brer, Ă  tour de rĂ´le, leurs mĂ©rites respectifs, il choisit Eschyle dont le « drame plein d'Arès » lui semble plus substantiel et plus sain. La diversitĂ© des plaisanteries et mille dissemblances extĂ©rieures n'empĂŞchent pas qu'en dernière analyse on retrouve dans cette pièce l'idĂ©e gĂ©nĂ©rale de la NĂ©cyomancie oĂą MĂ©nippe va aux Enfers pour demander conseil Ă  TirĂ©sias : descendre dans l'Hadès pour y revoir des personnages dĂ©funts et s'entretenir avec eux d'une question dĂ©terminĂ©e (Henri Piot, MĂ©nippe: un personnage de Lucien, 1914 - books.google.fr).

 

La Nécyomancie de Lucien de Samosate est inspiré de la Nekyia de Ménippos de Gadara, philosophe cynique phénicien.

 

L'IcaromĂ©nippe de Lucien, saisi d'une inquiĂ©tude mĂ©taphysique – ce qui ne ressemble guère Ă  notre Syrien ! – et ne trouvant pas dans les rĂ©ponses des philosophes matière Ă  l'apaiser, va frapper directement Ă  la porte de Zeus, pour savoir ce qu'il en est au juste du monde, des dieux et de la providence. De mĂŞme le MĂ©nippe de la NĂ©kyomancie descend-il aux Enfers pour demander conseil Ă  TirĂ©sias, comme le Dionysos des Grenouilles allait y chercher un poète tragique Ă  cause de la pĂ©nurie qui rĂ©gnait sur terre dans ce registre. L'idĂ©e première de ce voyage fantastique se trouve sans doute dans la comĂ©die. On peut songer Ă©galement au Socrate des NuĂ©es, qui, dans sa nacelle, prend de la hauteur pour observer les rĂ©gions supĂ©rieures et dĂ©mĂŞler les choses cĂ©lestes. Plus tard, le hĂ©ros des Histoires vraies ne se contentera pas d'un aller-retour jusqu'au ciel, mais fera beaucoup mieux, et explorera tout le système solaire. Ce MĂ©nippe icarien ne doit pas grand-chose au philosophe cynique de Gadara, qui vĂ©cut au IIIe siècle av. J.C. On sait qu'il avait composĂ© un Voyage au ciel, dont Lucien s'inspirerait ici, comme dans L'AssemblĂ©e des dieux, le Zeus rĂ©futĂ© et le Zeus tragĂ©dien, et, entre autres aussi, une « Catabase », Ă  l'origine du MĂ©nippe de Lucien : la pĂ©riode  mĂ©nippĂ©e est une des plus importantes dans la production de notre auteur. Mais nous avons ici affaire Ă  un hybride, et l'on se demande s'il ne doit pas quelque chose, non pas vraiment aux hippocentaures de la mythologie, mais Ă  la comĂ©die aristophanienne encore une fois : Ă  l'hippocanthare (cheval-escarbot) de de TrygĂ©e, ou aux crĂ©atures fantastiques qui peuplent le théâtre eschylĂ©en dans Les Grenouilles : l'hippalectryon (cheval-coq) qui laisse Dionysos interdit, le tragĂ©laphos (bouc-cerf), et autres inventions stupĂ©fiantes. C'est, je crois la vraie raison pour laquelle MĂ©nippe se dote d'un propulseur composite, avec une aile d'aigle et une de vautour (Paul Demont, Histoires vraies et autres oeuvres de Lucien, 2015 - books.google.fr).

 

Il y a de grosses grenouilles ailĂ©es dans le conte de Madame d'Aulnoy (1651 - 1705), L'oiseau bleu. Elles connaissent la carte gĂ©nĂ©rale de l'univers :

 

"une chaise volante, traĂ®nĂ©e par des grenouilles ailĂ©es : un enchanteur de ses amis lui avait fait ce prĂ©sent." (Marie-Catherine, baronne d’Aulnoy, Contes de madame d'Aulnoy, 2011 - books.google.fr).

 

On en retrouve chez Anatole France :

 

"Eh bien, monsieur, répliqua mon bon maître, je ne suis pas fâché qu'il y ait dans la lune des grenouilles ailées; ces oiseaux marécageux sont les très dignes habitants d'un monde qui n'a pas été sanctifié par le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous ne connaissons, j'en conviens, qu'une petite partie de l'univers, et il se peut, comme le dit M. d'Astarac, qui d'ailleurs est fou, que ce monde ne soit qu'une goutte de boue dans l'infinité des mondes" (Anatole France, La rôtisserie de la reine Pédauque, 1893 - books.google.fr).

 

Tristan et Iseut, la Croix rouge et la réponse

 

Le texte de la légende de Tristan et Iseut apparaît dans la tradition orale de Bretagne dans l'ancienne Gwerz de Bran («bran» signifiant corbeau en français) du IXe siècle. Au XIIe siècle, il est traduit en français par un trouvère et fait ainsi son entrée dans la littérature écrite. Plusieurs textes différents voient ensuite le jour, dont les célèbres versions de Béroul et de Thomas d'Angleterre, certains ont été perdus, comme celui de Chrétien de Troyes; aucun de ceux qui nous sont parvenus n'est intégral. Deux manuscrits racontent un épisode où Tristan s’est déguisé en fou pour revoir Iseut; ils s’appellent tous deux Folie Tristan. La Folie Tristan d’Oxford est généralement rattachée au roman de Thomas et la Folie Tristan de Berne à la version dite commune de Béroul. Le poète allemand Eilhart von Oberge compose entre 1170 et 1190, en grande partie d'après Béroul, la première version de l'histoire en moyen haut allemand, Tristrant (fr.wikipedia.org - Tristan et Iseut).

 

Découverts, Tristan et Iseut sont condamnés au bûcher, sans jugement. Aidé par Gorvenal, son fidèle serviteur, Tristan réussit à s'échapper de son lieu de captivité et parvient à délivrer aussi la Reine. Tristan et Iseut vivent dans la forêt du Morois, dans la misère mais «ils s'aiment, ils ne souffrent pas». Marc apprend par un forestier où le couple se cache. Il s'y rend et les surprend dans leur sommeil; mais alors qu'il pourrait les tuer, il renonce car il voit qu'une épée les sépare dans leur lit et il comprend que leur amour est resté chaste. Touché par tant de pureté et de vertu, il les épargne, mais laisse des indices de son passage, avant de s'en aller sans les réveiller. Tristan fait part de ses inquiétudes à l'ermite Ogrin; il est lassé de fuir et veut rendre la paix à Iseut en la ramenant à son époux. Il apporte une missive au Roi pour lui proposer un accord. (www.maxicours.com).

 

Pour porter ce «bref», pour en avoir la réponse, Tristan s'est transformé en oiseau de nuit. Mais la nuit n'est pas un handicap pour ces chevauchées du héros qui, nous répète le jongleur, «bien sot tot le païs et l'estre» (v. 2452). Les chemins détournés (v. 2480) n'ont garde de le perdre, les fossés ne semblent pas être difficiles à franchir, le château de Lancien n'est pas d'un accès impossible. Contrastant avec le symbolisme tragique de la Croix Rouge qui favorise les desseins de Marc, la nature accorde sa passivité active au dynamisme du héros, exactement comme au temps où Tristan arrachait Iseut aux lépreux

 

C'est Ă  la Croix rouge que Tristan doit venir chercher la rĂ©ponse du roi Marc au «bref» : la Croix Rouge paraĂ®t donc rĂ©gler le sort du couple vaincu (Françoise Barteau, Les romans de Tristan et Iseut: Introduction Ă  une lecture plurielle, 1972 - books.google.fr).

 

Selon la tradition du «Tristan mĂ©nestrel» et de BĂ©roul, Lantien Ă©tait l'une des rĂ©sidences principales du roi Marc. D'après BĂ©roul et Eilhart, c'est justement Ă  la «Croiz Roge au Chemin Fors» aux portes de LantĂŻen que le roi Marc dĂ©posa une lettre qui devait ĂŞtre emportĂ©e par Tristan Ă  l'ermitage d'Ogrin : Ă©tant banni, Tristan ne pouvait entrer dans les murs de Lantien, mais il lui Ă©tait possible de happer la lettre au passage sur la Croix en dehors de Lantien, Ă  la faveur de la nuit. Dans ces conditions, on en conviendra, la prĂ©sence du nom de drvstanvs fils de Cvnoworis dans l'inscription funĂ©raire de cette «Croiz Roge au chemin Fors» Ă  Menabilly Ă  Fowey prend une signification nouvelle. Ainsi que nous allons le montrer dans le prĂ©sent article, il y avait aussi sur la pierre le nom d'une dĂ©funte, d'une Domina dont le nom se rĂ©vèle aujourd'hui comme irlandais. Ceci correspond parfaitement aux donnĂ©es des romans qui attribuent Ă  Iseut une origine irlandaise : c'Ă©tait la fille du roi d'Irlande (A. de Mandach, Aux portes de LantĂŻen en Cornouailles : une tombe du VIe siècle portant outre le nom de Tristan, celui d'Iseut, Le Moyen âge, 1975 - books.google.fr, www.megalithic.co.uk).

 

The stone was first mentioned by John Leland c. 1540. He described it as 'a broken crosse' and said it was 'A mile of' from 'Casteldour' (Elisabeth Okasha, Corpus of Early Christian Inscribed Stones of South-west Britain, 1993 - books.google.fr).

 

Menabilly Ă©tait un fief des Rashleigh, oĂą s'installera Daphne du Maurier en 1943 qui le rebaptise Manderley.

 

Le guĂ© aventureux : au guĂ© aventureux, Iseut rejoindra le Roi mais Tristan devra s'exiler. Le royaume entier est heureux de retrouver la Reine tant aimĂ©e, exceptĂ© les trois barons encore vivants qui jadis nuirent aux amants (www.maxicours.com).

 

Le retour d'Iseult auprès de Marc a lieu près du Gué Aventureux, tandis que le serment d'Iseult devant Arthur et les compagnons de la Table Ronde a lieu au Gué du Mal Pas (Bernard Félix, Iseult et ses sœurs celtiques: essai sur la liberté du choix amoureux, 1995 - books.google.fr).

 

L'escondit (serment) d'Iseut jure qu'elle n'a pas été dans d'autres bras que ceux de son mari et ceux du lépreux, en lequel est déguisé Tristan, qui lui fait passer le gué du Mal Pas (Hans Christmann, Sur un passage du Tristan de Béroul, Bulletin Bibliographique, Numéros 10 à 12, 1958 - books.google.fr).

 

Le jugement par le fer rouge : les barons fĂ©lons exigent que la Reine se soumette Ă  l'Ă©preuve du fer rouge pour prouver au Roi Marc qu'elle n'a pas commis l'adultère. Elle accepte et s'en remet Ă  Dieu et effectivement, elle sort saine et sauve de cette Ă©preuve, et retrouve la confiance de tous (www.maxicours.com).

 

La forêt du Morois est un espace en marge par rapport à la cour, qui conserve le secret de leur amour (Patricia Victorin, Ysaïe le triste, une esthétique de la confluence: tours, tombeaux, vergers et fontaines, 2002 - books.google.fr).

 

DÉVOYÉ, écarté, éloigné, dans le sens du latin deviare (M. Drioux, Discours sur l'histoire universelle de Jacques Bénigne Bossuet, 1856 - books.google.fr).

 

On peut alors s'interroger sur un Ă©trange cimetière ouvert aux quatre vents, et qui fait l'objet d'une Ă©vocation fugitive dans le Tristan, mais chez BĂ©roul seulement. Une Croix Roge, mentionnĂ©e d'ailleurs Ă  plusieurs reprises dans le rĂ©cit, donne son nom Ă  ce lieu oĂą le roi Marc entend bien retrouver le forestier qui doit le conduire auprès des deux amants endormis dans la loge de feuillage : "A la Croiz Roge, au chemin fors, La on enfuet les cors, Ne te movoir, iluec m'atent". Tristan, vv. 1909-11.

 

Il ne s'agit plus d'un champ clos, ni d'un lieu rĂ©servĂ© aux morts illustres. N'Ă©tait-ce la prĂ©sence de la croix, on pourrait mĂŞme se demander si ce lieu d'ensevelissement des corps, ne renvoie pas aux temps prĂ©chrĂ©tiens. Cette Croix Rouge dressĂ©e en terre de lĂ©gende, dans la Blanche Lande de la fĂ©erie bretonne, ne va pas non plus sans quelque Ă©trangetĂ©, car le terme roge n'est pas la dĂ©nomination usuelle du "rouge" chrĂ©tien, lequel porte plus volontiers le nom de vermeil. Cette vision d'un espace des morts Ă©loignĂ© et sĂ©parĂ© de l'espace des vivants nous renvoie Ă  l'autrefois des pratiques funĂ©raires ainsi qu'Ă  un Ă©tat archaĂŻque de l'imaginaire de la mort. Le retour des morts dans le lieu oĂą vit la communautĂ© humaine est en effet un phĂ©nomène qui ne remonte guère au-delĂ  du XIe siècle, selon l'historien Robert Fossier :

 

L'importance dĂ©sormais attachĂ©e Ă  la protection que dispensent les morts se mesure, pour finir, Ă  un dernier trait : jadis souvent Ă©cartĂ© du sĂ©jour des vivants, le cimetière regagne le cĹ“ur du village; il se presse autour de l'Ă©glise, l'envahit de ses tombes, accueille sur son sol inviolable les dĂ©munis et les victimes; il devient l'un des lieux de rencontre de la communautĂ©, une terre d'asile, un champ de paix pour les vivants et pour les morts. Enfance de l'Europe, I, p. 335.

 

Malgré de profondes différences dans la situation, la configuration, et même selon toute vraisemblance, dans la dignité de la "clientèle", le cimetière des quatre vents chez Béroul et le cimetière des nobles dans Amadas et Ydoine, présentent un point commun intéressant. Ils sont tous deux coupés du monde des vivants, ils représentent ainsi l'autrefois du cimetière et se trouvent aptes à servir de cadre à des histoires incroyables de morts sortant de leur tombe. On a souligné l'importance que les textes accordent en général à la clôture qui fait du cimetière un espace protégé, sanctifié, une parcelle de "terre chrétienne". Toutefois, malgré la double clôture matérielle et spirituelle qui en protège l'accès, la paix du cimetière est souvent troublée par des créatures indignes. Le diable, en particulier, manifeste pour les tombeaux une prédilection attestée dès l'origine de son histoire. Il peut aussi prendre possession du cadavre des pécheurs. L'impureté attire l'Impur, et le péché prépare la place du diable à l'intérieur de l'espace sacré (Francis Dubost, Aspects fantastiques de la littérature narrative médiévale, XIIème - XIIIème siècles: l'autre, l'ailleurs, l'autrefois, Tome 2, 1991 - books.google.fr).

 

DRVSTANVS HIC IACIT

CVNOMORI FILIVS

[Drustanus lies here, son of Cunomorus]

 

The inscription is heavily eroded, but the earliest records of the stone, dating to the 16th century, all agree on some variation of CIRVIVS / CIRUSIUS as the name inscribed. It was first read as a variation of DRUSTANUS in the late 19th century (en.wikipedia.org - Tristan and Iseult).

 

Around 1540, John Leland recorded a third line now missing: CVM DOMINA OUSILLA ('with the lady Ousilla': Ousilla is conceivably a latinisation of the Cornish Eselt), but missed the badly weathered first line ('DRUSTANVS HIC IACIT') (en.wikipedia.org - Tristan).

 

On retiendra de l'inscription "Conomor" associé au roi Marc par l'historien Wrmonoc au IXe siècle. D'où Tristan.

 

Le "Roy" Marc

 

"retirer Ă " : ressembler Ă  (Oeuvres de Michel de Montaigne, prĂ©sentĂ© par J.A.C. Buchon, 1836 - books.google.fr).

 

Le roi Marc (Marc'h : cheval en cornique) ressemble plus Ă  un cheval qu'Ă  une grenouille ou un aigle.

 

Plusieurs versions du conte du roi aux oreilles de cheval ont été recueillies au Pays de Galles, mais aucune version écrite n'est antérieure au XVIe siècle. Dans cette première occurrence écrite, la légende est mise au compte de March ap Meirchion. [...] Le mot gallois utilisé dans une triade pour qualifier March est celui de llyghessavc (avec ou sans n). Llynghessavc peut se traduire par «seafarer, pirate, exile», c'est-à-dire «marin, pirate, exilé». [...]

 

L'explication fournie par le roi Marc (et donc par BĂ©roul) fait appel, on le voit, Ă  des croyances largement rĂ©pandues, (et pas seulement au XIIe siècle), Ă  la possibilitĂ© de mĂ©tamorphoses temporaires d'un homme en animal. Ajoutons que le thème surprend d'autant moins le public de BĂ©roul que cette mĂ©tamorphose est mise au compte du nain Frocin: (...) Ce mal / Que j'ai orelles de cheval, / M'est avenu par cest devin. 1345 BĂ©roul tire ainsi doublement parti de la substitution du nain Frocin au personnage traditionnel du barbier du conte AT 782, puisque la trahison du secret du roi s'inscrit dans la logique du personnage du nain «fĂ©lon» et que les marques animales du souverain trouvent une explication «naturelle» dans les pouvoirs prĂŞtĂ©s Ă  Frocin: le roman vient en quelque sorte au secours du conte traditionnel. Tout se passe comme si le nain Frocin, auprès du roi Marc, Ă©tait, par certains aspects, la rĂ©plique, mais «diabolisĂ©e», chargĂ©e de connotations nĂ©gatives, du personnage de Merlin dans ses rapports avec Uter Pendragon, puis Arthur. Comme Merlin, Frocin connaĂ®t l'avenir, lit dans les astres, est un «devin»: Sire, or mandez le nain devin: 635 [...] Le diminutif (Melot pour Merlin) a aussi quelque chose de rabaissant, sinon d'infamant, que l'on retrouve d'ailleurs dans le nom de Frocin. M. Delbouille a montrĂ© comment Frocin (Frocine) Ă©voquant le petit crapaud ou la petite grenouille (voire le tĂŞtard) avait pu finir par dĂ©signer un nabot, un nain : «BĂ©roul aurait jouĂ© de la double signification du mot, son nom propre Ă©voquant d'abord la petite taille du personnage, mais rappelant aussi, derrière ce sens dĂ©rivĂ©, le sens premier du mot et la hideur de la bĂŞte [le crapaud] que la tradition populaire veut aussi mĂ©chante que laide»

 

Gottfried de Strasbourg dans sa version de Tristan appelle le nain Melot et peut-être aussi Thomas (Gaël Milin, Le roi Marc aux oreilles de cheval, 1991 - books.google.fr).

 

"confins"

 

Les confins peuvent représenter les marges de la société autant que des frontières.

 

Chez BĂ©roul, Tristan, exilĂ© de la cour du roi Marc, se dĂ©guise en lĂ©preux pour approcher Iseut et la justifier après l'Ă©puisement du charme (Ă  la Saint Jean) qui les retenait amoureux. Le stratagème montĂ© par Yseut la fait traverser la fange sur le dos du lĂ©preux/Tristan, la belle blonde proclamant qu'il n'y a que deux hommes qui lui passèrent entre les jambes : le roi Marc et le lĂ©preux.

 

Dans le roman en prose, Tristan, pour oublier Yseut, Ă©pouse la soeur de Kahedin, fils du roi HoĂ«l en Petite Bretagne. Tristan retourne en Cornouailles avec son beau-frère qui tombe amoureux d'Yseut, qui lui fait parvenir une lettre pour le repousser (Gabriela Tanase, Tristan : Ă  partir du monstrueux vers une spiritualitĂ©, Étrange topos Ă©tranger: actes du XVIe Colloque de la SATOR, Kingston, 3-5 octobre 2002, 2006 - books.google.fr).

 

Loin d'être lyrique, son poème est entièrement construit sur un raisonnement simple et bien structuré. Ce que Kahédin appelle amour, elle le nomme folie: "Folie n'est pas vaselage" (v. 1) et si cette folie conduit le chevalier à la mort, "nus ne l'en doit plaindre" (v. 30) (Jean Dufournet, Nouvelles recherches sur "Le Tristan en prose", 1990 - books.google.fr).

 

Dans ce lai on y trouve aussi "Mout fait li oisiaus grant folie / Ki encontre l'aigle s'alie" (Philippe MĂ©nard, Le Roman de Tristan en prose: Des aventures de Lancelot Ă  la fin de la "Folie Tristan", Tome 1, 1987 - books.google.fr).

 

Un autre aigle se trouve dans l'Histoire de Lamorat dans le mĂŞme sens :

 

Chertes, a la verité dire, je n'aroie pooir encontre vous, non plus que li aingniaus aroit encontre l'aigle (Jean-Claude Faucon, Le roman de Tristan en prose: Du départ de Marc vers le royaume de Logres jusqu'à l'épisode du lai "voir disant", 1991 - books.google.fr).

 

Il y a bien "response" d'Yseut mais Ă  Kahedin qui n'a pas de rapport avec le rouge. Mais Tristan tombe sur la lettre d'Yseut, et devient fou de jalousie.

 

Tristan lépreux et Tristan fou se ressemblent beaucoup. La folie et la lèpre renvoient, en fait, à des explications scientifiques très voisines qui font toujours intervenir la mélancolie comme cause déterminante (Philippe Walter, Tristan et Yseut, 2006 - books.google.fr).

 

Tristan reste Ă  jamais le marginal : mĂ©nestrel, lĂ©preux, fou, pèlerin... Surtout, pour Tristan, la folie simulĂ©e n'est pas sur le mĂŞme plan que les autres dĂ©guisements; Eilhart dans sa version de Tristan assure bien une progression : Tristan est tour Ă  tour lĂ©preux, pèlerin, mĂ©nestrel et fou, tout comme IpomĂ©don, dans le roman de Hue de Rotelande, choisit comme ultime travestissement la folie. Cette insistance n'est pas gratuite, car la folie dĂ©guisĂ©e est ce qui permet Ă  Tristan d'Ă©viter la folie rĂ©elle : «Quand je ne la vois, je manque de perdre la raison.» Ce dĂ©guisement est un antidote : Tristan joue le fou pour se libĂ©rer de sa folie. Cette fonction instrumentale et «cathartique» n'est pourtant pas le privilège de la seule folie simulĂ©e. L'Ă©cart entre la folie feinte et la folie rĂ©elle ne doit pas ĂŞtre exagĂ©rĂ© : en effet, la frenesie du hĂ©ros de roman s'inscrit souvent, et de manière remarquable, dans une stratĂ©gie dĂ©libĂ©rĂ©e et fait suite Ă  une dĂ©cision, tout comme pour Tristan dans les Folies. Ce qui surprend le plus le lecteur moderne du Chevalier au Lion est le prĂ©lude de la forsenerie; celle-ci n'a rien d'une force imprĂ©visible ou soudaine. Yvain veut et dĂ©sire fuir les hommes par haine de lui-mĂŞme. La folie est une «autovengeance», un instrument, non pas au service d'un crime (Hamlet) ou d'un amour (Tristan), mais dont il use contre lui-mĂŞme. L'anticipation est double : la forsenerie est tout Ă  la fois dĂ©sirĂ©e et redoutĂ©e ; plus exactement, Yvain craint moins la folie, que la folie au milieu des hommes (entr'ax), puisque toute folie est honte et signe d'une honte. La littĂ©rature mĂ©diĂ©vale inscrit de manière privilĂ©giĂ©e la folie dans une stratĂ©gie et dans un cadre (Jean-Marie Fritz, Le Discours du fou au Moyen Ă‚ge (XIIe-XIIIe siècles), 1992 - books.google.fr).

 

"rouge"

 

La lèpre stigmatise le péché individuel (Pichon, 1988, pp. 247-264) la peste stigmatise le mal collectif, celui des populations, celui d’une condition humaine faillible, peccable (Dominique Chevé-Aicardi, Les corps de la Contagion. Etude anthropologique des représentations iconographiques de la peste (XVIème–XXème siècles en Europe), 2006 - theses.hal.science).

 

En France, une pièce de tissu rouge Ă©tait un signe distinctif des lĂ©preux : Ă  Troyes, Ă  Bordeaux, en DauphinĂ© (Jean Vitaux, Histoire de la lèpre, 2020 - books.google.fr).

 

Chez Béroul, c'est alors qu'il se fait lépreux, que Tristan portera des "sorchauz d'une escarlate" (Tristan et Iseut: Les poèmes français - La saga norroise, 2016 - books.google.fr).

 

La lèpre a pu passer pour une maladie pestilentielle selon une acception large du terme (Démétrius Alexandre Zambaco, Anthologie: La lèpre à travers les siècles et les contrées, 1914 - books.google.fr, Encyclopédie méthodique ou par ordre de matières: médecine, Tome 11, 1824 - books.google.fr).

 

Le Lévitique 14,4 parle d'écarlate dans le rituel de purification du lépreux. C'était sans doute un ruban de couleur écarlate, qui attachait l'oiseau vivant, le bois de cèdre et l'hysope (Augustin Calmet, Dictionnaire historique, critique, chronologique, geographique et littéral de la Bible, 1783 - books.google.fr).

 

Armure rouge

 

Tristan (Tristram) dans Le Morte Arthur de Thomas Malory (XVème siècle) combat dans un tournoi en armure rouge (anglais "Justs and Tournaments" : cf. jeu de mot entre "Justs" (joutes) et "Juste").

 

Then in the justing were great deeds done, and Sir Lancelot first smote Tristram; but Tristram, recovering himself, burled King Arthur from his horse. Then going away from the field, he came back presently in red armour, that none might know him, and he placed on their horses Sir Palamides and some other knights who had been smitten down. But at this moment Palamides looking up saw the fair Isolte smiling at Tristram, for she alone knew him in his red armour (George William Cox, Eustace Hinton Jones, Popular Romances of the Middle Ages, 1871 - books.google.fr, Sir Edward Strachey, Morte D'Arthur: Sir Thomas Malory's Book of King Arthur and of His Noble Knights of the Round Table, 1871 - books.google.fr).

 

Le vieux Marc et le jeune Tristan

 

La chambre du trĂ©sor du Palais de Jacques Coeur Ă  Bourges est, pour Fulcanelli (Mystère des cathĂ©drales), la pièce la plus curieuse du palais. Son plan est octogonal et elle a conservĂ© sa porte en fer dotĂ©e d'une serrure compliquĂ©e, d'un verrou rĂ©sistant et d'un judas. Les huit nervures de la voĂ»te retombent sur des culs-de-lampe. L'un d'eux reprĂ©sente un Ă©pisode du roman de Tristan, celui oĂą le hĂ©ros a rendez-vous avec Iseult près d'une pièce d'eau ; le roi Marc, cachĂ© dans un arbre, les surveille, mais Tristan, ayant vu son reflet dans l'eau, n'adresse Ă  Iseult que des banalitĂ©s. L'arbre qui porte le roi Marc sort d'une pièce cubique (l'Ĺ“uvre rĂ©alisĂ©e). La prĂ©sence d'une chouette (la messagère de Minerve) dĂ©finit le caractère nocturne de l'ensemble. Commentant ce motif de cul-de-lampe, Fulcanelli Ă©crit : “Le mythe de Tristan de LĂ©onnois est une rĂ©plique de celui de ThĂ©sĂ©e. Tristan combat et tue le Morhout, ThĂ©sĂ©e le Minautore. Nous retrouvons ici le hiĂ©roglyphe de la fabrication du lion vert - d'oĂą le nom de LĂ©onnois ou LĂ©onnais portĂ© par Tristan - laquelle est enseignĂ©e par Basile Valentin sous la lutte des deux champions, l'aigle et le dragon. Ce combat singulier des corps chimiques dont la combinaison procure le dissolvant secret (et le vase du composĂ©) a fourni le sujet de quantitĂ© de fables profanes et d'allĂ©gories sacrĂ©es.” Ce dissolvant permet Ă  l'or (le roi Marc) de retrouver sa première jeunesse (Tristan) ; il constitue aussi un clin d'Ĺ“il Ă  l'adage hermĂ©tique voulant que tout ce qui est en haut (macrocosme) est comme ce qui est en bas (microcosme) par le miracle d'une seule chose : n'appartenait-il pas Ă  l'alchimiste Jacques CĹ“ur, nommĂ© maĂ®tre de l'hĂ´tel des monnaies de Paris, de redonner au marc sa valeur première ? (Roger Facon, L'Or de JĂ©rusalem, 1989 - books.google.fr).

 

Dans le relief du Palais de Bourges, Frocin, en habit de fou, est prĂ©sent derrière un arbre Ă  gauche comptant des insectes (mouches ?) sur le tronc (Eugène FrĂ©dĂ©ric Ferdinand Hucher, Lettre Ă  Paulin Paris sur les reprĂ©sentations de Tristan et d'Yseult dans les monuments du moyen âge, 1871 - books.google.fr).

 

Quand on sait que l'emblème de Jean est l'aigle, on ne peut s'empêcher de faire un rapprochement avec la mythologie qui unissait dans un même symbolisme divin l'aigle et l'éclair. Dans la Bible, souvent les anges ont la forme d'aigles (Ézéc. l, 10 - Apoc. 4, 7-8, etc.). L'aigle était un symbole solaire par excellence dans l'Antiquité. Il passait pour rajeunir (Ps. 103[102], 5). Pour cela, il chauffe ses plumes au soleil et plonge dans l'eau (Marcel Laperruque, Fêtes païennes et fêtes chrétiennes: la liturgie universelle, 1996 - books.google.fr).

 

L'aigle est l'oiseau de Jupiter qui changea les Lyciens en grenouilles pour avoir outragé Latone, mère de ses deux enfants Artémis et Apollon, qui au début de l'Iliade, envoie la peste aux Achéens car Agamemnon a fait tort à son prêtre, Chrysès, en lui volant sa fille Chryséis.

 

Un rĂŞve symbolique d'Yseut confirme une liaison implicite entre Tristan et le Lion zodiacal. Lorsque les amants se trouvent dans la forĂŞt du Morrois, le roi Marc les surprend en train de dormir. Il dĂ©cide de ne pas les rĂ©veiller mais en profite pour laisser un signe de son passage : il dispose ses gants dans le feuillage de la loge oĂą dorment les fugitifs. Yseut fait alors un rĂŞve angoissant. Elle s'imagine que deux lions veulent la dĂ©vorer. Elle implore leur pitiĂ© ; aussitĂ´t, les deux lions la prennent par la main. Elle pousse un grand cri et les gants du roi Marc tombent sur elle. La reine se rĂ©veille en sursaut. Le symbolisme du rĂŞve est parfaitement transparent. Si le roi Marc porte le nom d'un Ă©vangĂ©liste qui a justement pour emblème un lion, ce n'est certainement pas un hasard. Tristan, quant Ă  lui, est reprĂ©sentĂ© par le signe astrologique de sa naissance «caniculaire». Dans son cas, le lion redouble l'emblème du chien. Il faudra interroger cette ressemblance fantasmatique des deux personnages dans l'esprit d'Yseut mais on peut dĂ©jĂ  noter l'Ă©quivalence opposĂ©e de ces deux forces masculines qui reportent leurs sentiments sur la mĂŞme femme (Philippe Walter, Le Gant de verre: le mythe de Tristan et Yseut, 1990 - books.google.fr).

 

L'été et l'hiver des amours tristaniennes semblent bien répondre à ce grand partage saisonnier sanctifié par l'Eglise.

 

La Saint-Jean du solstice d'été est le moment chez Béroul de l'absorption du philtre par Tristan et Yseut. La disparition du charme se fera à un jour anniversaire trois ans plus tard.

 

L'Ă©pisode de la Folie d'Oxford se dĂ©roulerait lors des trois jours consacrĂ©s Ă  la fĂŞte de Fous, dont le pivot central est le 27 dĂ©cembre de la Saint-Jean d'hiver. ReprĂ©sentĂ© par un aigle, saint Jean l'Ă©vangĂ©liste est Ă©voquĂ© dans la Prose d'Adam de Saint-Victor comme celui qu'une lumière plus pure emporte vers les choses divines, fertur in divina puriori lumine. Sur un manuscrit du Xe siècle, on lit que Jean, volant Ă  la manière de l'aigle, monte aux nues par la parole, More volans aquilae verbum petit astra Johannes. Le Tristan des Folies reproduit Ă  sa manière cette mĂŞme image d'envol : la parole du hĂ©ros l'emporte dans les nuĂ©es du palais de verre. Françoise Barteau a bien vu que ce dernier reprenait des Ă©lĂ©ments de la JĂ©rusalem cĂ©leste du mĂŞme saint Jean, cette fois-ci celui de l'Apocalypse (Jean-Marc Pastre, RemĂ©moration et rituel tristanien dans la salle aux images et dans les deux folies, Etudes mĂ©diĂ©vales, NumĂ©ro 4, 2002 - books.google.fr).

 

Si la grenouille est verte, sa couleur s'ajoute au "rouge".

 

AssociĂ© au rouge, le vert symbolise sans doute la conjonctio oppositorum dans le dessin du ms. 2327, fol. 279 : le serpent Ouroboros y est reprĂ©sentĂ© par deux cercles concentriques, l'un rouge, l'autre vert Selon le ms. de Saint-Marc : la composition « devient vert foncĂ© et la couleur d'or en dĂ©rive ». Ce qui ressemble beaucoup au symbolisme de SynĂ©sius, auteur alchimique qui dans son dialogue avec Dioscorus, qui donne l'ordre des couleurs, chez l'homme, dans le processus alchimique, qui est donc : pâleur (ocre) vert, jaune ; le vert vient après la pâleur. La chrysocolle qu'Ă©voque le texte correspond Ă  la malachite, de couleur verte, qui sert Ă  la soudure de l'or. SynĂ©sius appelle aussi la chrysocolle "batrachion" grenouille animal amphibie (Paulette Duval, La pensĂ©e alchimique et le Conte du Graal, 1979 - books.google.fr).

 

Le manuscrit 2327 (de Paris) a Ă©tĂ© Ă©crit en 1478, quatre ou cinq siècles après le manuscrit de Saint-Marc; les figures des mĂŞmes appareils y reparaissent, mais profondĂ©ment modifiĂ©es ; elles ne rĂ©pondent plus exactement au texte mais sans doute Ă  des pratiques postĂ©rieures (Marcellin Berthelot, Figures des appareils des alchimistes grecs, Annales de chimie et de physique, 1887 - archive.org).

 

Dans la conjonctio oppositorum, on retrouve l'hybridation.

 

Le visage du roi Marc dans son pin se reflète sur le miroir d'eau de la fontaine, comme celui d’une grenouille au-dessus d’une mare.

 

La Borderie ne connaissait en Bretagne qu'un seul exemple du fameux droit de grenouillage : le "depry des grenouilles de l'Ă©vĂŞque de Saint-Brieuc", attestĂ© dès 1498 : les habitants de deux maisons de l'allĂ©e Menault (aujourd'hui rue des trois frères Marlin) Ă©taient tenus, lors de la vigile de saint Jean Baptiste, de faire taire les grenouilles du ruisseau voisin  (Bernard Merdrignac, Recherches sur l'hagiographie armoricaine du VIIème au XVème siècle: Les hagiographes et leurs publics en Bretagne au Moyen Age, Tome II, 1986 - books.google.fr).

 

Brieuc aurait été gallois.

 

Tristan justifié

 

On voit pourquoi BĂ©roul a voulu plus particulièrement Ă  ces endroits solliciter l'attention de son public : l'ermite lui-mĂŞme proposait l'alternative entre l'escondit et le pardon. Marc et ses barons ont choisi le pardon. La cause de Tristan est donc juste. Iseut a triomphalement prononcĂ© sa deraisne : la loi l'a donc innocentĂ©e. BĂ©roul met en valeur les instants oĂą les fondements juridiques de sa thèse sur l'innocence de Tristan et d'Iseut rĂ©vèlent leur soliditĂ© (Recherches et travaux, NumĂ©ros 1 Ă  13, 1970 - books.google.fr).

 

Tristan et Yseut ont en effet été ensorcelés par le philtre d'amour qui ne leur était pas destiné.

 

Hybride et folie

 

Le mot 'hybride' est doublement hybride. L'étymologie nous apprend qu'il vient "du latin hibrida, "sang mêlé", altéré en hybrida, sous l'influence du grec hubris qui signifie 'démesure', 'violence', par un faux rapprochement. Cette violence, à la lettre, faite au mot (au signifié comme au signifiant), et inscrite dans son orthographe, le rend hYbride à lui-même et le teinte d'une dissémination du sens, créant des embranchements de significations diverses à partir d'une vague et imparfaite dis/similitude orthographique, à la lettre près. Le mot 'hYbride', de par l'ébranlement de son sens et de son orthographe, est issu et rend compte d'un processus de contamination (entre Grec et Latin, entre 'mélange' et 'violence'). Cet excès, cette hubris, signifiée par le Y, font maintenant partie et départ du mot 'hYbride' (Sylvie Durmelat, L'invention de la "culture beur.", 1995 - books.google.fr).

 

La folie est vĂ©ritablement intĂ©ressante - dramatiquement comme psychologiquement - quand elle est intĂ©riorisĂ©e par une disposition toute humaine. C'est ainsi que son lien est souvent signalĂ© avec l'hubris («outrecuidance») et la tyrannie. Le prince trop puissant qui ne maĂ®trise pas son propre pouvoir peut ĂŞtre envahi par la «cholère», au sens pathologique : liquide dĂ©vastateur, l'humeur «brĂ»lante» envahit son ĂŞtre et trouble son entendement (Françoise Charpentier, L'illusion de l'illusion : les scènes d'Ă©garement dans la tragĂ©die humaniste, VĂ©ritĂ© et illusion dans le théâtre au temps de la Renaissance, 1983 - books.google.fr).

 

Du fou au fou de cour

 

Le fou vernaculaire conserve le mĂŞme sens moral que l'insipiens du psaume 52, mais dans les romans arthuriens et dans le Roman de Tristan, le fou dit "de cour" s'apparente davantage Ă  une "folie simulĂ©e" qu'Ă  une ignorance (de Dieu): par exemple, Tristan simule la folie Ă  la cour du roi Marc en se dĂ©guisant en fou pour accĂ©der Ă  Iseut. Et cette folie simulĂ©e est l'opposĂ©e de la folie conçue comme une privation de raison, elle est au contraire donnĂ©e par l'esprit. Or, le modèle de ce type de fou est posĂ© par David qui, fuyant la haine de SaĂ»l, se rĂ©fugia chez Achis, le roi de Gat, simula la folie devant lui par peur. [...] Tristan se prĂ©sente Ă  la cour du roi Marc avec une massue Ă  la main ; les fous du Dixit insipiens des psautiers des XIIe et XIIIe siècles arborent une massue, qui est devenue la marotte du fou dit "de cour" (Martine Clouzot, Le fou de cour ou le miroir du prince, Château et divertissement: actes des Rencontres d'archĂ©ologie et d'histoire en PĂ©rigord les 27, 28 et 29 septembre 2002, 2003 - books.google.fr).

 

Fou et théâtre des Mystères

 

Le Guary Miracle (Guaremirs), dit Carew dans son abrĂ©gĂ© de l'Histoire de Cornouailles (Richard Carew, The Svrvey of Cornwall, London, Printed by S. Staffod for John Jaggard, 1602), est une espèce de Farce composĂ©e de quelques morceaux de l'Ecriture, & Ă©crite dans la langue du paĂŻs. On Ă©leva pour la reprĂ©sentation un Amphithéâtre de terre en plein champ, ayant de largeur environ cinquante pieds. Le peuple y accourut de tour cĂ´tĂ© les tours d'adresse & les Diables n'y furent point Ă©pargnĂ©s, l'oreille & les yeux eurent de quoi se satisfaire. Ils ne rĂ©citoient point par cĹ“ur ; ils avoient derrière eux une espèce de soufleur qui avoit le livre en main; Parmi les Acteurs des Mystères, il y avoit un bouffon qui amusoit le peuple par ses souffrances feintes ou par des absurditĂ©s, & c'etoit le Diable qui jouoit ce rĂ´le subalterne. Dans le Mystère de la Passion, il Ă©toit couvert de ridicule & abandonnĂ© aux huĂ©es publiques : circonstance plaisante qui n'est point Ă©chappĂ©e Ă  notre Shakespear. Il a de frĂ©quentes allusions Ă  ces vieilles sottises dans le Taming of the Shrew, oĂą l'un des personnages demande un peu de vinaigre pour faire rugir leur Diable. Ces bones gens dans ces pieuses reprĂ©sentations, après avoir employĂ© l'Ă©ponge remplie de fiel & de vinaigre, en frottoient le nez du Diable qui jettoit des cris horribles, comme s'il eut respirĂ© de l'eau benite, & ces agrĂ©ables plaisanteries excitoient le gros rire de l'assemblĂ©e : aussi avoit-on soin dans les anciennes Farces d'apprĂŞter du vinaigre pour tourmenter le Diable. Nous avons dans notte langue plusieurs vieux proverbes qui ont rapport Ă  ce rĂ´le du Diable rendu ridicule dans ses souffrances & dans ses discours. Ce qui Ă©toit le plus divertissant pour ces spectateurs pleins de goĂ»t, c'Ă©toit lorsque le Diable contrefaisoit le grognement du cochon. Cette dĂ©testable plaisanterie nous venoit des anciens Mimes &. Bouffons. Voyez les Fables & Esope. Les Romains eux-mĂŞmes, ce peuple si Ă©clairĂ©, ne rougissoient pas de rire Ă  ces platitudes. Nous voyons que ces Mystères en France & en Angleterre furent d'abord reprĂ©sentĂ©s dans les Provinces a dio, c'est-Ă -dire, en plein air ; ils s'Ă©tablirent depuis Ă  Paris Ă  l'HĂ´tel de Bourgogne, aujourd'hui la ComĂ©die Italienne. Mais les Belles-Lettres eurent Ă  peine servi Ă  Ă©purer la Religion de ces absurditĂ©s qui la dĂ©figuraient, qu'Ă  la fin du regne de François Ier la Cour & le ClergĂ© se rĂ©unirent pour proscrire ces farces extravagantes. En 1541, le Procureur-GĂ©nĂ©ral, au nom du Roi, prĂ©senta une RequĂŞte au Parlement contre la Compagnie de l'HĂ´tel de Bourgogne. Les principaux chefs d'accusation Ă©toient que la reprĂ©sentation des histoires de la Bible induisoit le peuple au JudaĂŻsme ; que celle des morceaux tirĂ©s du Nouveau Testament encourageoit le libertinage; qu'enfin ces pieuses ComĂ©dies diminuaient les aumĂ´nes, & faisaient tort aux pauvres. Il paroĂ®t que la RequĂŞte eut lieu, car en 1548 le Parlement de Paris confirma cette Compagnie de l'HĂ´tel de l'HĂ´tel de Bourgogne dans la possession dudit HĂ´tel, mais il dĂ©fendit la reprĂ©sentation des Mystères (L'AnnĂ©e littĂ©raire, Tome 7, 1761 - books.google.fr).

 

On retrouve le Théâtre de Bourgogne au quatrain IX, 33 - Louis XIV - Hercule (2127-2128).

 

Aux XVe-XVIe siècles, le personnage du fol prĂ©sente diffĂ©rents visages.  Il y a le fol consacrĂ© des Psaumes (celui qui dit en son cĹ“ur Non est Deus), le fol naturel (probablement l'aliĂ©nĂ© d'esprit), le fol domestique (les fous de cour, par exemple) et le morosophe (le fol Ă©rasmien, rabelaisien et shakespearien). Il se confond donc avec l'hĂ©rĂ©tique et avec le possĂ©dĂ©, mais il connaĂ®t Ă©galement un rĂ´le spĂ©cifique au théâtre. Le rĂ´le du fol a beaucoup d'importance dans les mystères et dans les moralitĂ©s. Très souvent, il n'est pas transcrit dans le texte de la pièce et n'est indiquĂ© la plupart du temps que sommairement - sans qu'on dispose du texte proprement dit : Stultus loquitur. Pourtant, il fonctionne soit comme Ă©lĂ©ment de reterritoralisation, oĂą il est censĂ© reprĂ©senter un «autre monde», celui de la folie au sein d'une reprĂ©sentation de l'axiologie citadine. [...]

 

Le fol est rapproché, par glissement diabolique, de l'Harlequin qui trouve son origine dans le théâtre médiéval, mais qui deviendra, à partir du XVIIe siècle, le fol au costume bariolé par excellence. [...]

 

L'enfer est une bouche et on parlait Ă  Mons du crapaud (cf. "Rane") d'enfer. [...]

 

Dans certains mystères (Le Jour du Jugement, La Passion de Semur), un concile des diables intervient comme dans les introductions dans parties des romans arthuriens consacrés à Merlin (Jelle Koopmans, Le théâtre des exclus au Moyen Age, 1997 - books.google.fr).

 

"Rane" et "Aigle" : Crapaud et plumes chez Rabelais

 

Après l'ignorance des langues grecque et latine, voici maintenant pour celle de la civilisation : «Davantaige, veu que les loix sont extirpĂ©es du meillieu de philosophie morale et naturelle, comment l'entendront ces folz qui ont, par Dieu, moins estudiĂ© en philosophie que ma mulle ? Et au regard des lettres de humanitĂ©, et de congnoissance des antiquitez et histoires, ilz en estoient chargez comme ung crapault de plumes [...] : dont toutesfois les droictz sont tous plains, et sans ce ne peuvent estre entenduz» (Livre II, chap. 11). Par ce discours Ă  l'indiscutable saveur polĂ©mique, Pantagruel devient dĂ©finitivement le porte - parole de l'Humanisme et l'adversaire des sophistes (GĂ©rard Defaux, Rabelais agonistes: du rieur au prophète : Ă©tudes sur Pantagruel, Gargantua, Le Quart livre, 1997 - books.google.fr).

 

Un monstre des Songes drolatiques attribué à Rabelais est composé en particulier de parties de crapaud et d'aigle. Il formerait Manducus (Manduce) ou Maître Gaster (cf. le Mâchecroûte à Lyon, le Graouilly à Metz connus de Rabelais) (Les songes drolatiques de Pantagruel (1575), Œuvres de Rabelais, Tome 9, 1823 (Louis Charbonneau-Lassay, Le Bestiaire du Christ (1941), 2014 - books.google.fr).

 

Du mari crédule et trompé, depuis le bon roi Marc jusqu'à Sganarelle. Rabelais a trouvé dans nos fabliaux cette tradition, aussi vieille que la France; La Fontaine et Molière la continuent, et le grand roi lui prête l'autorité de son exemple et de sa vie (Rosseeuw Saint-Hilaire, De la poésie lyrique en France, Revue chrétienne, 1862 - books.google.fr).

 

Le Tiers Livre porte sur la question du mariage. Panurge, devenu châtelain, se demande s'il doit se marier. Il redoute au chapitre XIV le cocuage (il se voit en rêve avec des cornes).

 

Ayant manifestĂ© son scepticisme au moment de se soumettre Ă  l'exercice ascĂ©tique prĂ©conisĂ© par Pantagruel, Panurge a signĂ© son Ă©chec avant mĂŞme de tenter l'expĂ©rience. Est-ce pour cela qu'avant qu'il aille dormir et songer, Frère Jean lui prĂ©dit un mariage malheureux ? En tout cas, le moine aura pour tâche au chapitre XV d'exposer l'Ă©chec de Panurge employant une mĂ©thode diffĂ©rente de celle de Pantagruel, mais dont le sens est le mĂŞme. Panurge n'a pas rĂ©ussi Ă  se libĂ©rer de ses appĂ©tits sensuels, lui qui affirmait au chapitre II que la dĂ©pense excessive lui permettait de s'en Ă©manciper et d'exercer la vertu de tempĂ©rance. Il explique longuement que dĂ®ner lĂ©gèrement, donc la condition mĂŞme du songe divinatoire, est une erreur et un scandale, et offre en exemple les moines qui ne pensent qu'Ă  «baufrer». C'est Ă  Frère Jean qu'il s'adresse, croyant sans doute qu'il se ralliera Ă  son opinion. «Je te entends», rĂ©pond le moine, qui trouve les accents d'un Pantagruel. Il explique pourquoi on appelle ainsi le bĹ“uf salĂ© en neuf leçons; cette recette est celle de certains religieux, qui ne «mangent mie pour vivre, ilz vivent pour manger, et ne ont que leur vie en ce monde» (XV, 120), prĂŞts Ă  se lever matin pour passer plus de temps en prières, non par religion, mais parce que le bĹ“uf qui cuit ainsi longuement est plus tendre et meilleur au goĂ»t. Cette «caballistique institution» permet Ă  ces bons pères de soumettre complètement l'esprit Ă  la matière, d'user de la religion pour satisfaire les besoins du corps. Leur interprĂ©tation, leur «rĂ©bus», est purement profane, bien qu'ils y emploient tous les gestes de la dĂ©votion. Panurge est Ă  l'image de ces moines matĂ©rialistes, lui qui vit sans tenir compte de la dimension spirituelle de l'existence, Ă  tel point que la leçon de Frère Jean est perdue pour lui. Il croit comprendre son ami, mais il se trompe de terme. Le mot cabale lui en rappelle un autre : Il me y va du propre cabal. Le sort, l'usure et les interestz je pardonne. Je me contente des despens, puys que tant disertement nous as faict repetition sus le chapitre singulier de la caballe culinaire et monasticque (XV, 120). Le mot cabale, interprĂ©tation, lui Ă©voque cabal, capital. Panurge croit que Frère Jean distingue entre le capital, qu'il convient de conserver, et les intĂ©rĂŞts, que l'on peut dĂ©penser. La rĂ©fĂ©rence Ă  l'Éloge des Dettes, implicite quand il s'agissait de se libĂ©rer des appĂ©tits sensuels, devient Ă©vidente. Plus prĂ©cisĂ©ment, Panurge reprend un raisonnement qu'il tenait Ă  Pantagruel lorsqu'il suppliait le gĂ©ant de ne pas le dĂ©livrer de toutes ses dettes : J'ayme mieux leurs donner toute ma cacqueroliere, ensemble ma hannetonniere : rien pourtant ne deduisant du sort principal (V, 57). Dans les deux cas, après avoir Ă©tĂ© admonestĂ©, Panurge, croyant avoir compris, conclut qu'il conservera du moins le capital. Ici, comme lorsqu'il s'agissait de sa virilitĂ©, il contredit de la manière la plus Ă©vidente l'introduction Ă  l'Éloge des Dettes, l'Éloge de la DĂ©pense. La prodigalitĂ© et l'endettement excessif de Panurge, loin d'ĂŞtre une preuve de gĂ©nĂ©rositĂ©, lui permettaient d'acquĂ©rir un pouvoir tyrannique et de donner pleine mesure Ă  sa volontĂ© de puissance. Il reviendra Ă  Frère Jean, plus loin dans le texte, d'analyser l'avarice profonde de Panurge, qui concerne l'argent, le sexe, mais surtout l'âme. Le chapitre XV a l'allure d'une pause dans la recherche ; il a pour objet de permettre Ă  Frère Jean et ÉpistĂ©mon de mesurer et d'identifier, chacun Ă  sa manière, le problème de leur ami. Ce n'est pas, Ă  l'Ă©vidence, le mariage : le thème n'apparaĂ®t pas une seule fois dans ce chapitre Celui-ci prĂ©pare ainsi la partie du texte oĂą ces deux personnages secondaires se hisseront au rang de protagonistes. Il annonce Ă©galement de quelle façon l'un et l'autre envisageront la question lorsque leur tour viendra de prendre la quĂŞte en charge pour un moment. On verra plus loin les nombreuses diffĂ©rences qui les sĂ©parent, et dont certaines apparaissent dès Ă  prĂ©sent. ÉpistĂ©mon met l'accent sur l'aveuglement de Panurge, et ce thème sera Ă  nouveau au premier plan lors de la consultation de Her Trippa. Quant Ă  Frère Jean, son intervention au chapitre XV porte sur une question plus fondamentale, celle-lĂ  mĂŞme que Pantagruel mettait en avant lorsqu'il Ă©voquait la hiĂ©rarchie qui est au principe de la possibilitĂ© du rĂŞve prophĂ©tique. Le gĂ©ant Ă  ce moment dĂ©crivait en termes puissamment Ă©vocateurs la distinction entre la matière et l'esprit, entre le corps terrestre et l'âme divine, et la nature des relations qui les unissent. Corollairement, le discours de Frère Jean s'intĂ©resse, Ă  travers la figure des moines amateurs de bĹ“uf salĂ© en neuf leçons, Ă  la confusion entre matière et esprit. Son intervention va donc plus avant dans le problème de Panurge que celle d'ÉpistĂ©mon, et nous verrons que la mĂŞme remarque s'impose lorsque l'on compare les chapitres oĂą Panurge demande conseil Ă  l'un et Ă  l'autre (Oumelbanine Zhiri, L'extase et ses paradoxes: essai sur la structure narrative du Tiers livre, 1999 - books.google.fr, Les oeuvres de M. Francois Rabelais Docteur en mĂ©decine, Tome 1, 1691 - books.google.fr).

 

Au chapitre VII du Pantagruel, Rabelais invente le terme "manducitĂ©" hybride de manducus et mendicitĂ©. Le chapitre sur le "bĹ“uf salĂ©" est reliĂ© au reste du Livre par antithèse : les moines sont normalement cĂ©libataires.

 

Sont des tricksters rusés Tristan, secondé par Iseut, Panurge, Ulysse, et Renart qui cite le premier dans la branche dite de "Renart teinturier" (Michel Zink, Tristan et Iseut: Un remède à l'amour, 2022 - books.google.fr).

 

The contemporary stories of Renart and Tristan are indeed alike in many ways; both revolve around a primordial sexual transgression involving Renart or Tristan and the wife of a noble personage often, but not always, called an uncle in both the Renart and Tristan stories. The sexual offense is eventually followed by a flight or chase into the woods where the offense is repeated, and, moreover, where the offended husband plainly views the lovers, as Mark sees Tristan and Iseut in the leafy bower (BĂ©roul, vv. 1981-2051), as Ysengrin sees his wife Hersent caught headfirst in Renart's den while Renart "helps" her out from behind (Br. VIIa, vv. 5911-6038). In both the Re- nart and Tristan stories we find trials by ordeal and a public justification by the accused wife. BĂ©roul even says that Tristan knows much of foxy ways, "Tristan set mot de Malpertuis" (v. 4286) (Nancy Freeman Ragalado, Tristan and Renart : two tricksters, L'Esprit CrĂ©ateur, Volume 16, 1976 - books.google.fr).

 

Après les héros viennent les types humains plus voisins de la réalité le moine frère Jean, le médecin Rondibilis, le juge Brid'oie, le pédant Janotus, le bon précepteur Ponocrates, le paysan Couillatris; enfin le plus triomphant de tous, Panurge, l'héritier direct de maître Renart par la malice et la gaieté. Renart, personnage allégorique, peut se permettre les plus étranges métamorphoses, devenir tour à tour moine, chevalier, médecin, jongleur, roi, pape il appartient au monde de la fantaisie. Panurge tient davantage au monde réel: c'est un composé d'écolier, de mendiant, de fripon, de valet, de philosophe et de bouffon. Vrai gibier du Châtelet comme Villon son compère, moqueur, hâbleur et persifleur universel, il rit de tout, excepté du danger (Charles Lenient, La satire en France; ou, La littérature militante au XVIe siècle, Tome 1, 1877 - books.google.fr).

 

"Divarc'ha" en breton signifie désarçonner ou dégonder. Le mot est composé de "di" (extractif) et de "marc'h" (cheval ou gond). Il signifie aussi dévoyer l'estomac (indigestion) (Dictionnaire breton-français de Le Gonidec, précédé de sa grammaire bretonne, 1850 - books.google.fr).

 

Grenouille et ignorance

 

Dans son EpĂ®tre première Ă  Guy du Faur de Pibrac, Michel de L'Hospital Ă©crivait (1562) :

 

C'est l'ignorance qui accable les malheureux mortels : elle les accompagne depuis le berceau jusqu'Ă  la tombe, et ils sentent après de longues annĂ©es combien peu leur a servi le passĂ©. Reconnaissons donc qu'il est dans la nature humaine de se tromper, que nos seuls apanages sont la folie, l'erreur et l'Ă©ternelle irrĂ©solution. [...]

 

Il serait trop long de rapporter combien de dĂ©sastres a causĂ©s cette ignorance en se prĂ©sentant Ă  nous sous mille aspects divers, et en nous faisant, usurper les vains prestiges d'une fausse gloire. Aucun vice n'a Ă©tĂ© pour la terre la source d'autant de maux : tous les hommes infatuĂ©s de leurs erreurs, plus gonflĂ©s que le crapaud ou la grenouille de la fable, osent faire la guerre Ă  la nature, comme les Titans la dĂ©clarèrent jadis au Ciel (PoĂ©sies complètes du chancelier Michel de L'Hospital, 1857 - books.google.fr).

 

Il y a un certain nombre de situations ironiques qui proviennent de ce que le lecteur a connaissance de quelques faits ou de quelques Ă©vĂ©nements que l'un des protagonistes ignore. Le personnage dans ignorance est Ă  chaque reprise le roi Marc. On pense immĂ©diatement Ă  la fameuse scène de la nuit de noces. L'auteur dĂ©crit d'une manière vivante la substitution d'Iseut par Brangain dans la chambre obscure, et le plaisir du roi Marc qui ne se doute de rien. Le lendemain matin le roi est si heureux qu'il va jusqu'Ă  remercier Tristan d'avoir si bien garde Iseut; et pour le rĂ©compenser de sa loyautĂ©, lui confère publiquement l'hĂ©ritage du royaume de Cornouailles ! (§486,1-5). Un autre exemple de cette sorte d'ironie, que l'on appelle en anglais dramatic irony, est le cas oĂą le roi Marc croit faussement que c'Ă©tait lui qui avait blessĂ© son neveu, quand en rĂ©alitĂ© c'Ă©tait SeguradĂ©s. Il est mĂŞme très fier de ce tour de force imaginĂ©, et son ton, lorsqu'il est assis au chevet de Tristan, est dĂ©cidĂ©ment condescendant : "Biaus douz amis, dit li rois, or poez savoir que d'ausi bons chevaliers com vos iestes a en cest pars. A po que vos n'iestes morz par vostre folie." Tristan rĂ©agit avec vĂ©hĂ©mence : "Je ne sui pas encores morz... mes bien sachiez qu'il sera mout chier vendu cesti cop que je au receĂĽ" Et le le roi s'en va consternĂ©, croyant que les paroles de Tristan se rapportent Ă  lui ($ 372,9 sq.). On peut citer un troisième Ă©pisode, oĂą Tristan faillit ĂŞtre pris avec Iseut, et le roi Marc, exaspĂ©rĂ©, accuse femme d'infidĂ©litĂ© (§596). Iseut affecte l'innocence. "Comment pouvez-vous imaginer chose pareille ?" lui demande-t-elle. "S'il m'avait aimĂ©e illicitement, ne m'aurait-il pas emmenĂ©e avec lui en Leonois au jour oĂą il me dĂ©livra des mains de Palamedes, au lieu de me ramener Ă  la cour ?" L'ironie de la rĂ©ponse d'Iseut rĂ©side dans le fait que sa c'est lĂ  prĂ©cisĂ©ment la proposition que Tristan lui fit quand il la dĂ©livra (cf. $512,1-8), et ses paroles ont donc pour le lecteur une signification que Marc ignore tout Ă  fait (RenĂ©e L. Curtis, L'humour et l'ironie dans le Tristan en prose, Der Altfranzösische Prosaroman: Funktion, Funktionswandel u. Ideologie am Beispiel d. Roman de Tristan en prose, 1979 - books.google.fr).

 

Acrostiche : UPRR, uproar

 

"uproar" : anglais (on serait en Angleterre) tumulte.

 

Le nom de Tristan (Drystan) est d'origine picte (au nord de l'Ecosse) : il signifie peut ĂŞtre «vacarme», «tumulte», influencĂ© par le français "triste". Le nom de Marc vient de Marc'h, «cheval». Iseut vient peut-ĂŞtre de l'irlandais. Iseut aux blanches mains est la fille du roi HoĂ«l de Carhaix (Finistère) (Emile Lavielle, BĂ©roul, Tristan et Iseut, Volume 60 de Connaissance d'une oeuvre, 2000 - books.google.fr, Catherine Sandner, L'après accouchement: Tout ce qui vous attend vraiment, 2006 - books.google.fr).

 

Des rois pictes s'appelaient Durst ou Drust (Thomas Innes, A Critical Essay on the Ancient Inhabitants of Scotland, Tome 1, 1729 - books.google.fr).

 

On parle aussi du germanique "Drust", gouverneur (William Cook Mackenzie, The Races of Ireland and Scotland, 1916 - books.google.fr).

 

En gaĂ©lique : "dursa", "dursan" : crack, noise (William Shaw, A Galic And English Dictionary, Tome 2, 1780 - books.google.fr, John Jamieson, Scottish Dictionary and Supplement, Tome 1 : A-Kut, 1841 - books.google.fr).

 

En gallois : "trwst" ("trous"), tumulte (John Morris-Jones, A Welsh grammar: historical and comparative, Tome 1, 1913 - books.google.fr, Jean-Baptiste Bullet, MĂ©moires sur la langue celtique, Tome 3, 1754 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 1960 sur la date pivot 547 donne -866.

 

The statue of Bladud too, erected in the baths about 1700, bore the subscription that Bladud founded Bath 863 years before Christ (Gibbs's Bath Visitant, 1835 - books.google.fr).

 

Bladud, fondateur mythique de Bath, passait pour avoir été un lépreux guéri après s'être baigné dans des sources chaudes (Bruno Tabuteau, La lèpre dans l’Angleterre médiévale. À propos d’un livre récent. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 87, fasc. 2, 2009 - www.persee.fr).

 

Gildas le Sage mentionne le «siège du Mont Badonicus» (peut-être Bath selon Geoffroy de Monmouth) - d'où les historiens l'appellent Gildas Badonicus - sans donner de détails au paragraphe 26 de son sermon De Excidio et Conquestu Britanniae; il semble considérer ce fait comme un événement important, survenu l'année de sa naissance 43 ans avant la rédaction du texte, mais ne parle absolument pas du roi Arthur, ni là, ni à aucun endroit de son texte (fr.wikipedia.org - Bataille du Mont Badon, fr.wikipedia.org - Gildas l'Albanais).

 

John Leland mourut fou en 1552 dans la trop grande charge de travail de classement de ses écrits. Pendant ses études il était allé à Paris pour se perfectionner en grec et fit la connaissance de Guillaume Budé et d'autres savants.

 

Dans le Mémoire sur les écrivains d'Angleterre publié d'après sa production, il est question d'un prophète appelé Aigle (Aquila) ayant vécu du temps de Rudubrac fils de Luelle à l'époque du roi latin Capys. A la suite, Leland raconte la folie du roi Bladude qui voulant se faire adorer comme un dieu se jeta d'une hauteur avec des ailes. Au chapitre suivant, le roi Molmur donne aux Bretons de nouvelles lois que Gildas a traduites en latin (COMMENTARII DE SCRIPTORIBUS BRITANNICIS. Auctore Joanne Lelando Londinate. Ex Autographo Lelandino nunc primus edidit Antonius. Hall, A. M. Coll. Reg. Oxon. Socius. C'est-à-dire : Mémoires sur les Ecrivains d'Angleterre, par Jean Leland, imprimez sur le Manuscrit original de Auteur, par les soins de M. Hall. A. Oxford. 1709. in-8 pag. 486) (Le journal des sçavans, 1710 - books.google.fr).

 

Un peu plus historique

 

Juste

 

NĂ© vers l'annĂ©e 500, mort en 570, Gildas a composĂ© son De excidio et conquestu Britanniae vers 545 cette courte nolice biographique contient Ă  peu près tout ce qu'on est en droit d'affirmer des circonstances de sa vie. On peut cependant observer, en outre, qu'il connaissait avec quelque dĂ©tail la situation politique de son temps en Cornouailles et en Galles et que ce sont ces rĂ©gions qui retenaient son attention : une bonne partie de sa vie se serait donc passĂ©e lĂ . Y rĂ©sidait il encore au moment oĂą il Ă©crivait ? C'est une autre question. Avait il suivi le mouvement qui, dès le dĂ©but de l'invasion saxonne, avait portĂ© ses compatriotes en foule vers l'Armorique ? Peut on admettre que, restĂ© au contact des rois qu'il vitupère, il aurait eu la libertĂ© de parole qu'il manifeste ? Je ne saurais en dĂ©cider (Edmond Faral, La lĂ©gende arthurienne, Ă©tudes et documents: Première partie: Les plus anciens textes, 1929 - books.google.fr).

 

Dans la Vita sancti Oudocei : «queque ut vidit, ecce vir bonus et justus et totius Britanniae historiographus Gildas sapiens, ut in historiis nominatur, qui eo tempore conversabatur in insula Echni, ducens anachoritam vitam, transibat per medium fluvium navicula» (Book of Llandaff, Ă©d. Evans et Rhys, p. 138) (Ferdinand Lot, La vie de Saint Gildas, Annales de Bretagne, Volume 23, 1908 - books.google.fr).

 

La confusion entre Gildas le Sage et Gildas l'Albanais fait du premier un personnage plus âgé (Sabine Baring-Gould, John Fisher, The Lives of the British Saints: The Saints of Wales and Cornwall and Such Irish Saints as Have Dedications in Britain. Faustus to Gynaid, 1911 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Gildas l'Albanais).

 

D'après la Vie armoricaine, il fut disciple de saint Ildut (associĂ© au monastère de Llantwit Major au Pays de Galles, dont le texte prĂ©cise que c'Ă©tait alors une petite Ă®le, «in quadam arta et angusta insula», dans le canal de Bristol), avec d'autres religieux qui vinrent ensuite en Armorique : Samson de Dol et Paul AurĂ©lien (fr.wikipedia.org - Gildas le Sage).

 

Selon une chronique Samson naquit en Armorique et fit plusieurs va et vient entre l'Armorique et l'Angleterre. Il devint religieux et se retira dans les îles Sorlingues.

 

En ce moment, les Saxons menaçaient d'une incursion le territoire apostolique du saint prélat; la peste se joignit à cette menace, et les chanoines et les subordonnés de Sanson le supplièrent de fuir ces deux dangers.

 

Selon une autre chronique il y aurait eu deux Samson, l'un, gallois, évêque d'York réfugié à Dol à cause des Saxons et l'autre. Il laissa son évêché de Dol à Samson II né près de Vannes (Eugène Pégot-Ogier, Histoire des îles de la Manche, Jersey, Guernesey, Aurigny, Serck, 1881 - books.google.fr).

 

Les Annales de Cambrie parlent de la peste Jaune qui sévit sept ans en Cambrie (Pays de Galles) de 547 à 554 (Arthur de la Borderie, Saint Gildas, historien des Bretons, Revue de Bretagne, de Vendée & d'Anjou, Partie 1, 1884 - books.google.fr).

 

Samson s'embarqua définitivement pour l'Armorique dans le port appelé aujourd'hui Fowey, formé par l'embouchure de la rivière de ce nom. Nous avons déjà dit comment il aborda (vers 548) dans la péninsule armoricaine.

 

Ce qui est véritablement curieux, c'est que dans les noms de lieux actuels du comté anglais de Cornwall, c'est-à-dire de la pointe occidentale de l'ancien pays des Dumnonii, on trouve des traces évidentes de l'itinéraire suivi par saint Samson. Sur la côte sud de ce comté, dans la direction sud-est du hâvre de Padstow, se jette dans la mer la rivière de Fowey; à trois milles en amont de son embouchure, il y a sur la rive droite une paroisse de Saint-Samson, et en face sur la rive gauche une autre église dite Saint-Winau; comme si ce n'était pas assez, à 8 milles et à 6 milles de Saint-Samson on trouve deux paroisses sous les vocables de Saint-Mewan et de Saint-Austell ou Austole. Voilà donc la trace de Samson et de deux de ses plus chers disciples, Mewen (Meen) et Austole, et vis à vis de lui le sage moine de Dochori, Uinau ou Uiniau, qui sans doute l'avait accompagné jusque-là. (Arthur Le Moyne de La Borderie, Histoire de Bretagne, Tome 1, 1896 - books.google.fr).

 

Les routes commerciales sont aussi celles qu'empruntent les missionnaires. C'est la route de saint Samson, mais c'est aussi celle de tous les évangélisateurs itinérants les peregrini, les Brioc, Carantoc et Petroc, par exemple. Ces saints, ou leur culte, semblent originaires du pays de Galles et s'être répandus à travers le canal de Bristol en Cornouailles , où nous trouvons leurs églises [à eux dédiées] dans l'arrière-pays de l'estuaire de la Camel. De là, eux et leurs sectateurs empruntèrent la route qui traverse la péninsule cornique jusqu'à la Fowey et de là par mer en Bretagne. Ce serait aussi le cas de st Gildas de Rhuys et de st Pol de Léon, issus, comme st Samson, du grand monastère de St Illtud dans le Glamorgan (sud du pays de Galles). Ce serait aussi le cas de st Mawes (st Mandez en Bretagne) qui serait né en Irlande et qui a donné son nom à un petit port de l'estuaire de la Fal, près de Truro. C'est aussi, à notre avis, celui de st Guénolé (Winwaloe en celtique), cas intéressant entre tous pour ce qui concerne notre propos puisqu'une église lui est dédiée sur la rive gauche de l'estuaire de la Fowey, un peu au nord de l'église St-Samson, elle sur la rive droite. Mais la route des marchands et des missionnaires pourrait aussi avoir été, à l'occasion, celle des envahisseurs. En effet, sur la rive gauche (orientale) de la rivière Fowey, part du village de Lerryn, au bord de la rivière du même nom, s'étendait une ligne de fortification surmontée d'arbres, ce qui, à notre avis, l'a fait appeler "Haie du Géant" (Giant's hedge). Courant à travers champs et forêts jusqu'à la rivière West Loe, sur au moins huit miles (soit treize kilomètres), les ruines intermittentes de cette "formidable barrière de terre et de pierre" ont plus de huit pieds de hauteur, avec le côté le plus abrupt et le plus infranchissable tourné vers le nord. En revanche, on n'a aucun indice pouvant laisser penser que la Haie du Géant pouvait se continuer sur la rive ouest de la Fowey. L'ennemi venait donc du nord, par la voie terrestre transpéninsulaire, et non de la mer, comme on pourrait le croire (Jacques Chocheyras, Tristan et Iseut: genèse d'un mythe littéraire, 1996 - books.google.fr).

 

"rouge" : Ruz, lieutenant de Conomor

 

GuĂ©rok I n'accepta de donner sa fille Triphine en mariage Ă  Conomor (après un refus nettement proclamĂ© contre lequel s'Ă©leva le prĂ©tendant), que si saint Gildas venait lui-mĂŞme pour Conomor demander la main de la princesse; tel fut le sens de la rĂ©ponse qui fut donnĂ©e par le père de Triphine Ă  Ruz (Rouge) envoyĂ© du comte de LĂ©on, si bien que Conomor se rendit auprès du saint Ă  Castel-Noek oĂą le Blavet forme un mĂ©andre, et protesta effrontĂ©ment contre les accusations dont il Ă©tait l'objet, puis promit formellement de rendre Triphine heureuse, mais menaça de l'Ă©ventualitĂ© d'une guerre si le mariage ne se faisait pas. Gildas se laissa-t-il convaincre ou voulut-il Ă©viter la guerre ? Il soutint la demande prĂ©sentĂ©e par Conomor en s'imaginant que Triphine saurait amĂ©liorer Conomor. Le mariage fut donc dĂ©cidĂ© (Joseph Frison-Morlec, Les traditions de la Bretagne, Tome 1, 1962 - books.google.fr).

 

Gildas s'est laissé duper par l'hypocrite. Même s'il s'est rattrapé par la suite, son erreur de discernement a entraîné la mort de celle qu'il n'avait pas écoutée (Jean-Luc Bremond, Un pays une communauté: Roman familial, 2019 - books.google.fr).

 

L'histoire de sainte Triphine apparaît en 1531 dans les Grandes Chroniques d'Alain Bouchard (Catherine Velay-Vallantin, L'Histoire des contes, 2014 - books.google.fr).

 

La résurrection de Trifine, défaite éclatante du tout-puissant Conomor par le docteur des Bretons, le pauvre moine Gildas, porta en un instant le nom, le respect de celui-ci à tous les coins de l'Armorique et l'aida très puissamment dans sa propagande persévérante pour l'extension de la foi chrétienne et de l'institut monastique. L'écho de cette malédiction retentit aux quatre coins de l'Armorique, Gildas la porta partout, et racontant partout l'histoire de Trifine, souleva contre son assassin une indignation universelle. Les évêques bretons comprirent qu'il était urgent de frapper le monstre. Au milieu de ses propres états, sur le haut du MenezBré (en Pédernec), en un concile solennel les prélats, les abbés, les prêtres de la Bretagne s'assemblèrent, et là, en face d'un peuple innombrable qui les acclamait, dévoilant tous les crimes de Conomor, depuis l'assassinat de Trifine jusqu'à celui du roi de Domnonée, Iona, si longtemps ignoré, ils chargèrent le misérable d'un terrible anathème (548-550). En même temps débarquait en Armorique l'exécuteur prédestiné de cette sentence, l'évêque-moine Samson, venu de l'île de Bretagne fonder le monastère de Dol, et qui, voyant l'oppression sous laquelle étouffait la Domnonée, l'unanime exécration contre l'oppresseur, alla à Paris, obtint du roi Childebert le retour de l'héritier légitime, Judual, fils d'lona, qui défit et tua le tyran (552-554) (Arthur de la Borderie, Saint Gildas l'historien des Bretons, Revue de Bretagne et de Vendée, Volume 55, 1884 - books.google.fr).

 

Monstres hybrides

 

Le griffon ou grype est une créature légendaire présente dans plusieurs cultures anciennes. Il est imaginé et représenté avec le corps d'un aigle (tête, ailes et serres) greffé sur l'arrière d'un lion (abdomen, pattes et queue), et muni d'oreilles de cheval (fr.wikipedia.org - Griffon (mythologie)).

 

Carausius (Marcus Aurelius Valerius) est un usurpateur romain maître de la province de Bretagne entre 286 et 293 (fr.wikipedia.org - Carausius).

 

La Vita de saint Paul Aurélien composée à Landévennec en 884 par Wrmonoc, disciple de l’abbé Wirdosten, donne la forme complète du nom du roi de Domnonée insulaire Marcus Quonomorus que rencontre le saint avant de passer sur le continent.

 

L’identification de Conomor au roi Marc de la lĂ©gende a conduit AndrĂ©-Yves Bourgès (Commor entre le mythe et l’histoire : profil d’un chef breton du vie siècle », MSHAB, t. 74, 1996) Ă  avancer l’hypothèse sĂ©duisante selon laquelle Conomor aurait pu porter les tria nomina de *Marcus Aurelius Commorus et ĂŞtre le descendant de Marcus Aurelius Carausius (Bernard Merdrignac, GĂ©nĂ©alogies et secrets de famille. Corona Monastica, 2004 - books.openedition.org).

 

Le Griffon, qui est gravé sur le Bouclier de Carausius, me feroit conjecturer que non-seulement notre Empereur adoroit le Soleil ou Apollon comme une Divinité topique. [...] Je ne sçaurois par rapport à la Mythologie, m'empêcher de rapporter encore sur ce sujet un passage de l'Interpréte d'Aristophane, qui comme l'usage où l'on étoit chez les Grecs de représenter des Griffons sur les Boucliers. C'est dans ses Grenouilles où il explique le mot "grupaietos" per peregrina scuti insignia. Aquilas enim dit-il, solebant in scutis pingere. Mais notre Médaille fait voir que ce mot Grec d'Aristophane doit s'entendre ici de la figure du Griffon qu'on avoit accoûtumé de faire graver sur les Boucliers (Claude Génébrier, Histoire de Carausius, empereur de la Grande-Bretagne, 1740 - books.google.fr).

 

"oie-renard" (HĂ©rodote, etc.), "bouc-cerf", animal fantastique (Aristophane, etc.), plus tard sorte d'antilope (Diodore, etc.), "cheval-coq", bĂŞte fabuleuse (Eschyle, Aristophane), "griffon-aigle", autre bĂŞte fabuleuse (Aristophane), etc. (Olivier Masson, Onomastica graeca selecta: Introduction et index - books.google.fr).

 

Aristophane dénonce la grandiloquence et l'obscurité du style de son rival, caractérisé par l'invention de «mots gros comme des bœufs» (v. 924), qui effraient le public avec leurs «faces de croquemitaine» (v. 925) et sont «montés sur leurs grands chevaux» (v. 929). Eschyle, en somme, brandit des "térata" pour impressionner les spectateurs (Cécile Corbel-Morana, Le Bestiaire d’Aristophane, 2021 - books.google.fr).

 

Conomor est dans les hagiographies un monstre en effet, sorte de barbe-bleue, il tue ses femmes dont la dernière Trefine et son fils Tremeur.

 

Cf. le discours d'Aristophane sur l'androgyne primordial dans le Banquet de Platon.

 

La reconstitution d'une unitĂ© perdue par la fusion des deux ĂŞtres entre donc tout naturellement dans la pensĂ©e chrĂ©tienne et dans la mystique du coup de foudre Tristan et Iseut l'Ă©prouvent aussitĂ´t qu'ils ont bu le philtre : (Jean Claude Bologne, Histoire du coup de foudre, 2017 - books.google.fr).

 

Ils ne furent qu'un et d'une seule essence, eux qui avant étaient deux et distincts (Gottfried (von Strassburg), Tristan: Préface de Jean Fourquet, 1980 - books.google.fr).

 

Conomor, aigle et grenouille

 

L'aveugle Saint Hervé, selon une légende de sa Vita, fit taire des grenouilles qui dérangeait un seigneur qui l'avait accueilli. Il présida en 548 le concile qui excommunia Conomor et qui se déroula sur le Menez Bré où le barde Gwench'lan prophétise au siècle passé un carnage de chrétiens par des aigles dévorants (fr.wikipedia.org - Saint Hervé, Théodore Hersart de la Villemarqué, Barzaz-Breiz: chants populaires de la Bretagne, 1893 - books.google.fr).

 

Conomor apparait peut être dans la tradition galloise sous le nom de Cynfawr ou Cynfor Cadgaddug (vainqueur de batailles). Son nom est attesté dans certaines listes généalogiques galloises sous la forme Kynwawr, notamment dans l'Ach Morgan ab Owein et le Mostyn MS. 117. Kynvawr signifie «grand chien» ou «grand chef» (de con «chien» ou «chef», nom que l'on trouve dans Conan, et «grand» meur). Les Triades Galloises en font un descendant de Coel Hen (fr.wikipedia.org - Conomor).

 

Coel Hen (Coel le Vieux ou l'Ancien), mort vers 420 est un roi semi-légendaire de l'île de Bretagne, avant l'invasion saxonne (fr.wikipedia.org - Coel Hen).

 

Le personnage est enrichi, devient père de sainte Hélène comme le mentionne John Leland (Trioedd Ynys Prydein: The Triads of the Island of Britain, 2014 - books.google.fr, Lucy Toulmin Smith, The Itinerary of John Leland in Or about the Years 1535-1543: pts 1-3, 1964 - books.google.fr).

 

King Henry VII issued a commission to several persons in Wales, deeply versed in heraldic lore, to investigate the pedigree of his grandfather Owen Tudor. The commission was executed with that fidelity and accuracy which the subject demanded: the genealogy of Owen, son of Meredydd ap Tudor, was deduced from Eduy fed Fychan, Baron of Briafeingle, in Denbighland, I ord of Criciaeth, chief justice and chief of council to Llywelyn ap Iorwerth, Prince of Wales. Ednyfed married Gwenllian, daughter of Rhys ap Gryffydd, of South Wales, and had several castles in Angle sea, Carnarvonshire, and Deubighshire The pedigree is then carried up to Coel Godeboc, King of Britain, from whom Heury VII. descended by n ale issue, in the 31st degree; and from Beli the Great, in the 41st. The genealogy of Beli is then derived from Brutus; and Henry VII. made out to be his descendant in the 100th degree (Thomas, Memoirs of Owen Glendower, (Owain Glyndwr), 1822 - books.google.fr).

 

Coel aurait eu pour armoiries un aigle Ă  deux tĂŞtes (Alexander Balloch Grosart, Robert Chester's "Loves Martyr, Or, Rosalins Complaint", 1601, 1878 - books.google.fr, Graham Rutt, Cycling Britain's Cathedrals Tome 1, 2020 - books.google.fr).

 

Bath's new town hall of 1625 had statues of King Edgar and King Coel. An interesting reference in the borough court records of 1534-35 mentions the town wall near "King Coel's Castle" (Laquita M. Higgs, Godliness and Governance in Tudor Colchester, 1998 - books.google.fr).

 

Lien avec le quatrain II, 1

 

Le quatrain II, 1 avec son acrostiche "VEPP" qui pourrait renvoyer Ă  Saint Veppa qui donne son nom Ă  Saint Veep, au Nord de Fowey oĂą se fit une razzia de pirates barbaresques dit "turcs" en 1631 et 1645.

 

Le De excidio et conquestu Britanniae de Gildas est un sermon sur l'état de la Grande-Bretagne rédigé vers le début du VIe siècle par le moine Gildas. Il retrace dans sa première partie l'arrivée des Anglo-Saxons en Grande-Bretagne.

 

Les auteurs classiques disent des Saxons, qu'ils sont des pirates qui infestaient la mer du Nord et la Manche et que pour protéger le littoral contre leurs incursions et leurs raids, les Romains ont dû mettre en place le litus Saxonicum «côte saxonne» des deux côtés de la Manche jusqu'à l'Atlantique (fr.wikipedia.org - Saxons).

 

St Winnow (about 3 m. S. of Lostwithiel) is situated on the E. bank of the Fowey Estuary. It retains the name of Gwynno or Winnow, whom the Welsh know as Gwynog ap Gildas, the son of Gildas the British historian (Arthur Leslie Salmon, Cornwall, 1927 - books.google.fr).

 

Winnow was a disciple of S. Cadoc, and when this latter saint came to Cornwall and settled near the Fowey river, where already was a plantation of Veep, his aunt on his father's side (Sabine Baring-Gould, The Lives of the Saints, Tome 16, 1898 - books.google.fr).

 

Selon la Vie galloise, Gildas, fils de Caw, avait vingt-trois frères, tous guerriers (parmi lesquels Huail qui se révolta contre le roi Arthur et fut tué par lui) (fr.wikipedia.org - Gildas le Sage).

 

Selon la même Vie galloise, Samson de Dol est frère de Gildas.

 

Gwenafwy, Peillan, and Peithien; daughters of Caw, and saints, but there are no churches which retain their names (Rice Rees, An Essay on the Welsh Saints Or the Primitive Christians, Usually Considered to Have Been the Founders of the Churches in Wales, 1836 - books.google.fr).

 

On constate en cornique la chute de l'a final : quand la sainte galloise au nom de forme galloise «Gwenogwyn» vint s'installer en missionnaire en Cornouailles, au bord du Fowey en face de LantĂŻen, les Corniques adaptèrent selon leur habitude son nom gallois «à la cornique» et en firent Vennapa, puis au cours des siècles après le VIe, l'a final tomba, donnant Vennap. [...] Aux environs du IXe siècle l'accent se dĂ©place en cornique de la pĂ©nultième Ă  la dernière syllabe, de sorte que VĂ©nnap passe Ă  Vennáp (ce qui donnera le nom actuel de «Saint... Veep» (AndrĂ© de Mandach, Aux portes de LantĂŻen en Cornouailles une tombe du VIe siècle portant, outre le nom de Tristan, celui d'Iseut, Le Moyen âge, Volume 81, 1975 - books.google.fr).

 

Gildas intercesseur contre la folie

 

Saint Gildas, possédait comme saint Gilles le pouvoir de protéger de la folie. Il ne s'agissait pas de la terrifiante démence dont la tendre duchesse de Bretagne [Jeanne de France, fille du roi Charles VI] avait tant redouté l'héritage pour ses enfants en les vouant à saint Gilles de Normandie. Saint Gildas, ne se penchait pas sur la dangereuse folie des rois, ni sur la comique folie des fous de cour. La folie dont il prenait la charge était aussi l'ensemble des souffrances et des maladies sans nom, dont avait péri la duchesse, atteinte par l'un de ces maux étranges qui font jaunir doucement (Maryvonne Quémarec, L'ambassadeur de la paix: Gilles de Bretagne, 2003 - books.google.fr).

 

Folie contemporaine

 

Tristan est soigné par la mère d’Yseut de ses blessures reçues au combat contre Morholt en 40 jours. Dans le roman allemand, Yseut fait passer Tristan pour un médecin gradué à Salerne, Frère Wit.

 

Merlin, Ă  la fois homme et animal, civilisĂ© et sauvage, sage et fou, unissant en lui les caractères les plus contradictoires, comme le rappelle P. Walter, «offre dès son Ă©tat d'enfant l'image la plus accomplie de la coexistence des contraires (coincidentia oppositorum)» (Merlin ou Le savoir du monde, 2000, p. 76) (S. Menegaldo, D. James-Raoul, Regards sur une oeuvre : Roman de Silence, La tradition Ă©pique du Moyen Ă‚ge au XIXe siècle: partie thĂ©matique, 2005 - books.google.fr).

 

Il ne faut pourtant pas suivre les mĂ©decins en tout, saint Ambroise disant sur le Psaume XIII : «Les prĂ©ceptes de la mĂ©decine sont contraires Ă  la condition divine. Les mĂ©decins dĂ©tournent du jeĂ»ne, interdisent les veilles, dĂ©conseillent la tension de la mĂ©ditation.» Et il conclut : « Aussi celui qui se livre aux mĂ©decins se refuse-t-il Ă  lui-mĂŞme ». Car il nous est ordonnĂ© de mortifier les membres de l'homme animal par l'ApĂ´tre, Colossiens, III [5] : « Mortifiez vos membres terrestres: fornication, impuretĂ©, dĂ©sir, mauvaise convoitise, cupiditĂ© Â» Les membres de cet homme, ses mains, ses pieds, ses yeux, le Christ ordonne de les retrancher quand ils nous scandalisent, Matthieu, VIII [8-9]. Cela, comme dit l'ApĂ´tre, Romains VI [6], en sachant que « notre vieil homme a Ă©tĂ© crucifiĂ© en  mĂŞme temps que lui, le Christ, pour que soit dĂ©truit ce corps de pĂ©chĂ© et que nous ne soyons plus asservis au pĂ©chĂ© Â» (11 04-05 : l'homme animal) (Jean Nider, Des sorciers et leurs tromperies, traduit par Jean CĂ©ard, 2005 - books.google.fr).

 

Le terme de psychotropes dĂ©signe littĂ©ralement un mĂ©dicament de l'âme (psychĂ©), dĂ©nomination manifestement abusive ; il est prĂ©fĂ©rable de parler simplement de mĂ©dicaments du cerveau. Le premier vrai mĂ©dicament du cerveau fut le lithium. En 1949, J.  Cade, en Australie, Ă©tudie une substance supposĂ©e efficace sur les rhumatismes. Première surprise : les animaux qui ont reçu une injection de la substance sont d'une tranquillitĂ© anormale ; deuxième surprise : ce n'est pas la substance, mais le solvant, qui est responsable de l'effet sĂ©datif. Ce solvant contient un sel de lithium. En comparant avec des solvants dĂ©pourvus de lithium, Cade arrive Ă  la conclusion que seul le lithium est en cause. Fort de sa dĂ©couverte, Cade, qui est psychiatre, imagine un emploi possible chez les malades mentaux agitĂ©s. [...] Ă€ peu près Ă  la mĂŞme Ă©poque, en 1952, H. Laborit observe qu'un antihistaminique, la chlorpromazine, qu'il utilise dans le cadre d'anesthĂ©sie chirurgicale, possède une action psychique qui se caractĂ©rise par un ralentissement des idĂ©es et des gestes, une indiffĂ©rence Ă  l'entourage et une sorte de mise Ă  distance du monde de l'expĂ©rience. [...] Le largactil est nĂ© et avec lui est introduite la camisole chimique Ă  l'hĂ´pital psychiatrique. En 1957, le groupe de Sainte-Anne propose le terme «neuroleptique» pour caractĂ©riser cette classe de mĂ©dicaments dont la multiplication fait la fortune de l'industrie pharmaceutique. Ainsi s'ouvre l'ère de la psychopharmacologie qui transforme l'Ă©volution des psychoses. Les autres grandes dĂ©couvertes en matière de mĂ©dicaments du cerveau ne sont pas moins dues au hasard et Ă  l'observation. Ce sera en 1957 la dĂ©couverte de l'imipramine, une molĂ©cule dĂ©rivĂ©e de la chlorpromazine, mais sans effet neuroleptique qui se rĂ©vèle efficace dans le traitement de la mĂ©lancolie. La mĂŞme annĂ©e une Ă©quipe de psychiatres amĂ©ricains avec N. Kline dĂ©couvre les propriĂ©tĂ©s antidĂ©pressives d'un mĂ©dicament antituberculeux. [...] Puis viendront d'autres familles d'antidĂ©presseurs et les tranquillisants qui inaugurent une recherche plus ciblĂ©e, minorant la place du hasard au profit d'une volontĂ© crĂ©atrice et concertĂ©e que l'on a appelĂ©e le drug design (Jean-Didier Vincent, Voyage extraordinaire au centre du cerveau, 2007 - books.google.fr, Edouard Zarifian, Les Jardiniers de la folie, 1999 - books.google.fr).

 

En 1957, Jean Delay a élaboré avec son assistant Pierre Deniker une classification des substances psychotropes qui sera validée par le congrès mondial de psychiatrie en 1961. Cette classification distingue les substances psychotropes - des médicaments et aussi des drogues - en fonction de leur activité sur le système nerveux central (fr.wikipedia.org - Jean Delay).

 

Le droit pĂ©nal dĂ©finit les agissements considĂ©rĂ©s comme nuisibles Ă  la sociĂ©tĂ© en gĂ©nĂ©ral et indique les peines auxquelles sont exposĂ©s ceux qui les commettent. Concrètement, après qu'une infraction ait Ă©tĂ© constatĂ©e, il conviendra d'en dĂ©couvrir son auteur, de rassembler les preuves puis de sanctionner au terme d'un processus gĂ©nĂ©ralement judiciaire. Pour le choix de la sanction, le juge tiendra le plus grand compte de la nature et de la gravitĂ© de l'acte, mais aussi de la personnalitĂ© du dĂ©linquant. On ne saurait oublier, Ă  cet Ă©gard, que le Code de procĂ©dure pĂ©nale de 1958 a, dans son article 81, alinĂ©a 6, prĂ©vu que le juge d'instruction procède ou fait procĂ©der... Ă  une enquĂŞte sur la personnalitĂ© des personnes mises en examen ainsi que sur leur situation matĂ©rielle, familiale ou sociale, (il peut aussi prescrire un examen mĂ©dical, un examen mĂ©dico-psychologique ou ordonner toutes autres mesures utiles). Par la suite, une loi du 2 fĂ©vrier 1981 modifiĂ©e par une loi du 6 juillet 1989, a prĂ©vu que le juge d'instruction peut ordonner une telle enquĂŞte. C'est dire qu'actuellement le jugement de l'auteur d'un dĂ©lit ou d'un crime doit prendre en compte l'acte mais aussi la personne. En d'autres termes, la sanction doit ĂŞtre adaptĂ©e Ă  la personnalitĂ©, non seulement juridique du dĂ©linquant (dĂ©linquant primaire ou n'ayant pas fait l'objet de telle condamnation, rĂ©cidiviste) mais encore psychologique et rĂ©elle de l'agent. Par ailleurs, les sanctions se sont diversifiĂ©es : aux châtiments corporels ont succĂ©dĂ© les privations de libertĂ© et les sanctions patrimoniales (amendes, confiscation). Et aux peines fermes se sont ajoutĂ©es les sanctions sous condition : sursis, sursis avec mise Ă  l'Ă©preuve, contrainte pĂ©nale, libĂ©ration conditionnelle, et mĂŞme les sanctions Ă  prĂ©dominance sociale : ajournement et dispense de peine, substituts Ă  l'emprisonnement comportant notamment le travail d'intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral. Il s'ensuit que le choix puis l'exĂ©cution de la peine et son utilitĂ©, tant sociale qu'individuelle, mĂ©ritent une attention particulière. Depuis que la privation de libertĂ© Ă©tait devenue le rouage essentiel de la sanction pĂ©nale l'on s'Ă©tait prĂ©occupĂ© de la science pĂ©nitentiaire. Ă€ l'heure actuelle, et mĂŞme si la privation de libertĂ© garde une place importante Ă  l'Ă©gard des criminels dans le dispositif rĂ©pressif, de nombreuses autres sanctions sont proposĂ©es, si bien que le terme de pĂ©nologie, c'est-Ă -dire science des peines a pu paraĂ®tre plus adaptĂ© (Bernard Bouloc, Droit de l'exĂ©cution des peines, 2017 - books.google.fr).

nostradamus-centuries@laposte.net