La cohabitation de 1986 entre Jacques Chirac et François Mitterrand

La cohabitation de 1986 entre Jacques Chirac et François Mitterrand

 

VI, 83

 

1986-1987

 

Celuy qu’aura tant d’honneur & caresses

A son entree de la Gaule Belgique :

Un temps apres fera tant de rudesses,

Et sera contre à la fleur tant bellique.

 

Les deux premiers vers du quatrain semblent décrire, autour de la Lorraine qui se trouvait à l’époque gallo-romaine dans la Gaule Belgique [1], l’accession au pouvoir de la majorité de droite issue des Législatives de 1986 en France. Alors que Jacques Chirac, premier ministre, fera un voyage en Lorraine du 23 au 25 avril 1987 [2] (« son entree Â»), pour présenter un plan d’investissements de 2 milliards de francs, c’est aussi en Lorraine que se gagne la majorité à l â€˜Assemblée nationale, grâce au docteur Kiffer, député de Moselle, maire d’Amnéville. « Tout à fait au début de la session parlementaire, il manquait une voix à la droite pour avoir la majorité sans le Front national, et cette voix c’était moi […] Je me suis laisser courtiser […] J’ai laissé monter les enchères. On m’a demandé ce que je voulais. J’ai eu l’agrément immédiat pour la station thermale. Puis j’ai dit : « Je veux un casino. Je fais partie de la majorité. Â» Comme le RPR avait le pouvoir, j’ai rangé mes affaires et je me suis apparenté au groupe RPR. Alors donc en 1986 ils m’ont tout donné, j’ai eu mon casino, merci Pasqua. J’ai eu tout de suite les machines à sous [3]. Â» (« tant d’honneur & caresses Â»).

La cohabitation née des élections législatives de mars 1986 oblige François Mitterrand et le premier ministre qu’il a choisi dans la nouvelle majorité, Jacques Chirac, à gouverner ensemble. Le Président laisse le gouvernement travailler mais la défense du « domaine réservé Â» présidentiel (défense, diplomatie) fait l’objet de ses soins jaloux. « Malgré une friction qui va croissant au fur et à mesure que les jours passent (et que l’on s’approche de l’élection présidentielle où Jacques Chirac, candidat, veut se donner une stature d’homme d’Etat), cette résistance est d’autant plus efficace que le Premier ministre, candidat à l’Elysée, ne désire pas trop amoindrir la fonction à laquelle il prétend [4] » (« contre à la fleur tant bellique Â» : du latin « contra ac Â», au contraire de ce que la fleur (la Rose socialiste) est tant belliqueuse).

Le projet de loi Devaquet jette de nombreux étudiants dans les rues fin novembre et début décembre 1986. Le 24 novembre une manifestation de la FEN à laquelle sont associés des dirigeants socialistes montre la dimension politique du mouvement. Dans la nuit du 5 au 6, un étudiant, Malik Oussékine, est tué lors d’une charge de police (« tant de rudesse Â»). L’émotion est vive. Le 10 décembre une manifestation comptant 300 000 personnes au cri de « Plus jamais ça Â» défile dans Paris.

« Désormais, le destin du gouvernement Chirac paraît scellé. Les réformes sont mises en suspens, c’est à dire abandonnées, dans l’attente de l’élection présidentielle [5] Â».

 



[1] Anne de Leseleuc, « La Gaule Â», Flammarion, 2001, p. 152

[2] Sylvie Guillaume, « La France contemporaine, la Vème République Â», tome II, Perrin, 1991, p. 436

[3] Philippe Madelin, « Jacques Chirac, une biographie Â», Flammarion, 2002, p. 433

[4] Hugues Portelli, « La Vème république Â», Grasset, 1994, p. 379

[5] Arnaud Teyssier, « La Vème République, 1958-1995 Â», Pygmalion, 1995, p. 405

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