Marsault et Marsaud

Marsault et Marsaud

 

VI, 95

 

1995-1996

 

Par detracteur calumnié à puis nay,

Quand istront faicts enormes & martiaux:

La moindre part dubieuse à l'aisnay,

Et tost au regne seront faicts partiaux.

 

"istront... énormes et martiaux" : Maures et Martial

 

"issir" du verbe latin "exire" qui peut signifie" : sortir dans le public, divulguer ou d'un ouvrage sorti d'un travail (Cicéron) (Gaffiot).

 

Dès 1018, la ville de Narbonne subit un raid des «maures cordouans». Il est intéressant de noter d'ailleurs que selon Adémar de Chabannes, ces Cordubenses Mauri ne parlaient pas l'arabe, mais «à la manière de chiots». [...] C'est encore Adémar de Chabannes qui nous informe sur les réponses aux activités pirates de Denia. Entre 1018 et 1023, un aventurier normand, Roger I de Tosny, dirigea ses troupes contre les Sarrasins qui menaçaient la côte catalane. Non seulement il aurait anéanti d'innombrables Sarrasins, mais se serait aussi emparé de plusieurs forteresses. En outre, lors d'une de ces attaques, il fit semblant de manger un prisonnier musulman devant ses coreligionnaires ; cet épisode d'anthropophagie poussa Mujàhid à demander la paix à Barcelone moyennant le versement d'un tribut. En échange, selon Clarius de Sens, Ermessende, comtesse de Barcelone, offrit à Roger la main de sa fille, Stéphanie Les détails des exploits fournis par Adémar sont douteux, sans pourtant mettre en doute les bases de l'histoire, et nous ne pouvons d'emblée écarter l'histoire de Tosny (Travis Bruce, La Taifa de Denia: Et la Méditerranée au XIe siècle, 2020 - books.google.fr).

 

Selon Adémar de Chabannes, au carême de l'année 1012, se trouvaient réunis dans la basilique du Sauveur, des seigneurs d'Aquitaine, de France, et même d'Italie. En leur présence eurent lieu de nombreux miracles. Quelques années plus tard, en 1018, plus de cinquante personnes furent étouffées un jour, tant la foule était grande qui se pressait auprès du tombeau. Le Midi notamment se distinguait par sa dévotion à saint Martial et quand, en 1018, les habitants de Narbonne furent attaqués à l'improviste par les Maures de Cordoue, ils invoquèrent le saint. Grâce à son appui, ils furent vainqueurs, et en reconnaissance ils envoyèrent une vingtaine de prisonniers à l'abbé de Saint-Martial. Pour répondre à la popularité toujours croissante du saint patron de Limoges, l'abbé Geoffroy fit richement décorer la crypte et suspendre au-dessus du sépulcre une couronne d'or (Charles Ferdinand de Lasteyrie du Saillant, L'abbaye de Saint-Martial de Limoges, 1901 - www.google.fr/books/edition).

 

His diebus, in parasceve, post crucem adoratam Roma terrae motu et nimio turbine periclitata est. Et confestim quidam Iudeorum intimavit domno papae, quia ea hora deludebant sinagogae Iudeorum Crucifixi figuram. Quod Benedictus papa sollicite inquirens et comperiens, mox auctores sceleris capitali sententia dampnavit. Quibus decollatis, furor ventorum cessavit. Quo tempore Hugo, capellanus Aimerici vicecomitis Rocacardensis, cum eodem seniore suo Tholosae in pascha adfuit, et colaphum Iudeo, sicut illic omni pascha semper moris est, inposuit, et cerebrum ilico et oculos ex capite perfido ad terram effudit; et statim mortuus, a sinagoga Iudeorum de basilica sancti Stephani elatus, sepulturae datus est. Quo tempore Cordubenses Mauri per mare Gallicum subito cum multa classi Narbonae per noctem appulerunt, et summo diluculo cum armis in circuitu civitatis sese effuderunt; et sicut ipsi nobis retulerunt, sortilogium eorum eis promiserat, prospere acturos et Narbonam capturos. At christiani quantotius corpus et sanguinem Dei a sacerdotibus accipientes communicaverunt, et praeparantes se ad mortem, bello invaserunt Sarracenos, et victoria potiti sunt, omnesque aut morte aut captivitate cum navibus et multis spoliis eorum retinuerunt, et captivos aut vendiderunt aut servire fecerunt, et Sancto Marciali Lemovicae viginti Mauros corpore enormes transmiserunt dono muneris. Ex quibus abbas Gosfridus duos retinuit in servitute, ceteros divisit per principes peregrinos, qui de partibus diversis Lemovicam convenerant. Loquela eorum nequaquam erat Sarracenisca, sed more catulorum loquentes, glatire videbantur (Adémar de Chabannes, Chronique, 1. III, 52) (www.mlat.uzh.ch).

 

Frères, puîné et aîné

 

L'hérédité se double de la primogéniture : un seul fils succède au roi défunt. La couronne est déférée sans partage : l'aîné seul est appelé au trône. Le principe semble fixé dès Robert le Pieux qui associa son fils aîné, Henri, contre le vœu de la Reine Constance, laquelle préférait le puiné Robert (C. Lovisi, Les lois fondamentales au XVIIIe siècle, Recherches sur la loi de dévolution de la couronne, Travaux et recherches de l'Université de droit, d'économie et de sciences sociales de Paris, Série sciences historiques, Volume 21, 1983 - www.google.fr/books/edition).

 

Constance donne des enfants au roi, dont le futur Henri Ier, et Robert. Elle préfère Robert et veut qu'il règne, mais son époux choisit Henri pour lui succéder. À la mort du roi, elle va jusqu'à tenter de tuer Henri, mais la tentative échoue et il monte sur le trône. Robert devient quant à lui duc de Bourgogne (fr.wikipedia.org - Constance d'Arles).

 

Constance mena la vie dure à son mari et, pour l'amener à composer, elle jugea habile de s'appuyer sur Eudes II. En effet, elle n'aimait guère ses fils aînés, en particulier Henri, dont les tendances homosexuelles lui déplaisaient. Elle craignait aussi que la règle de primogéniture, qui commençait à s'imposer chez les Capétiens, ne nuisît à l'établissement de ses cadets, Robert et Eudes (Michel Bur, La Champagne médiévale, recueil d'articles, 2005 - www.google.fr/books/edition).

 

La reine Constance en effet vit dans la mort d'Hugues l'occasion de promouvoir à la royauté son préféré, Robert. Et elle en manifesta la volonté avec véhémence. Le roi aurait pu passer outre, mais il aimait tendrement sa femme ; d'ailleurs, elle était reine ; et, tout en craignant ses accès de fureur et ses obstinations farouches, il préférait obtenir son accord. Il s'employa à lui montrer combien un sacre et un règne étaient affaires d'État, non d'affection ou de convenance. Robert n'était pas destiné au trône, nul n'avait à s'insurger contre ce fait. Ce prince ne serait pas oublié : on lui donnerait le beau et riche duché de Bourgogne, dont Henri était le duc présentement. Mais Constance ne voulait pas en démordre. Elle réclamait non pas un duché, mais un royaume. Pour un garçon de quatorze ans : un enfant encore, dont elle était certaine qu'il ferait un jour un grand roi. Qu'en savait-elle ? Le temps que le roi laissa s'écouler pour prendre patience et convaincre la récalcitrante, la reine l'employa à ameuter les Grands contre son époux et contre Henri. C'était surtout ce fils qu'elle souhaitait déconsidérer aux yeux de la noblesse et de l'Église, pour le rendre indésirable et inacceptable. Non seulement dans ses entretiens, mais dans ses lettres, elle répandait sur le prince Henri, pourtant son fils, les jugements les plus désobligeants, faisant de lui le portrait d'un adolescent incapable et sans caractère. La reine était connue elle-même comme une femme irréfléchie, impulsive et intrigante. Un certain nombre de vassaux firent foi pourtant en cette astucieuse diffamation. Chagriné et humilié, le roi Robert dut entreprendre à son tour une campagne d'information en faveur de son candidat. Le vent tourna favorablement. Mais la reine s'obstinait. Finalement, le roi, avec l'aval des Grands, fixa la date du sacre au 15 mai 1027, en une nouvelle fête de la Pentecôte. Arnoul, archevêque de Reims, était mort quatre ans plus tôt. Ce fut son successeur, Èbles, qui officia, entouré de neuf évêques. Cette fois encore, le chÅ“ur contenait les grands vassaux, et la nef était peuplée d'abbés, de clercs et de moindres seigneurs. Constance assistait à la cérémonie. Mais, à son issue, elle s'enfuit (Ivan Gobry, Henri Ier, 2010 - www.google.fr/books/edition).

 

Partialité

 

Au commencement du XIe siècle, le roi Capétien croyait, lui aussi, à la supériorité religieuse du moine : il admirait les efforts de certains religieux, notamment des abbés de Cluni, pour introduire dans les cloîtres l'ordre, la régularité, la perfection de la vie chrétienne; il était donc fortement tenté de favoriser les monastères et d'y grandir le pouvoir de l'abbé en l'émancipant. Dans les cités de son domaine, son autorité se heurtait à celle de l'évêque, tandis qu'elle avait moins à redouter la concurrence des chefs d'abbaye. Sous Robert le Pieux, la Royauté se fit ouvertement l'auxiliaire des moines et se plut à les défendre contre leurs ennemis. Le corps épiscopal se plaignit de cette partialité, avec une amertume dont témoigne le poème satirique écrit par l'évêque de Laon, Ascelin ou Adalbéron (Achille Luchaire, Les Premiers Capétiens (987-1137) (1883), 2014 - www.google.fr/books/edition).

 

Manichéens

 

Dès le début du XIe siècle, en 1018, Adhémar de Chabannes signale des hérétiques à Toulouse et à Orléans et leur impute, à mots couverts, les turpitudes qui devaient, cent cinquante ans plus tard, attirer l'attention sur les prétendus tisserands ; ce sont pour lui des manichéens : Eo tempore , decem ex canonicis Sanctae Crucis Aurelianis, qui videbantur esse religiosiores aliis, probati sunt esse Manichaei. Quos rex Robertus, cum nollent ad fidem reverti, primo a gradu sacerdotii deponi, deinde ab aecclesia  eliminari, et demum igne cremari jussit. Nam ipsi decepti a quodam rustico, qui se dicebat facere virtutes, et pulverem ex mortuis pueris secum deferebat ; de quo si quem posset communicare, mox Manichæum faciebat. Adorabant Diabolum , qui primò eis in Æthiopis, deinde Angeli lucis figuratione apparebat, et eis multum quotidie argentum deferebat, cuius verbis obedientes penitus Christum latenter respuerant et abominationes et crimina, quae dici etiam flagitium est, in oculto exercebant, et in aperto Christianos veros se fallebant (M. Broëns, Les texerants pseudo-cathares et leurs hypogées, Chthonia, Numéros 1-6, 1963 - www.google.fr/books/edition).

 

1022 - Le confesseur de la reine Constance, épouse de Robert le Pieux, est accusé d'hérésie et d'appartenance à la secte manichéenne. La reine lui crèvera un oeil avec sa canne. Il sera brûlé vif en compagnie de neuf autres chanoines de la cathédrale d'Orléans (Extrait des chroniques d'Adhémar de Chabannes) (Denis Nerincx, Les sept vies du chat 1, 2011 - books.google.fr).

 

Les dissidents sont perçus comme les continuateurs de la pensée de Manès. Certains hérésiologues médiévaux, en adoptant cette hypothèse grâce à l’autorité exercée par le corpus augustinien, estiment que les racines historiques de ces mouvements se trouvent en Orient (en Perse et, en général, au  Moyen-Orient) et que leurs communautés constituent les débris du manichéisme répandu en Occident jusqu’au 5e siècle, sans pourtant jamais expliquer l’hiatus chronologique qui les sépare, au moins six siècles, sur lequel nous constatons un silence absolu des sources polémiques. Néanmoins, cette thèse était très répandue parmi les hérésiologues au début du 11e siècle déjà, à propos des mouvements de l’an  mil. Soulignons qu’à cette époque, l’usage du terme «manichéen» pour désigner les hérétiques est généralisé, sans pourtant être jamais justifié par des accusations précises contre une forme de dualisme manichéen. Une origine manichéenne n’en est pas moins à exclure, du moment qu’il n’y a aucune corrélation doctrinale entre le mouvement des dissidents dualistes du moyen âge et le manichéisme : Cf. l’utilisation du terme «manichéen» pour les hérétiques d’Aquitaine (1018), ADEMAR DE CHABANNES, Chronicon III, 59 (Theofanis Drakopulos, L'unité de Bogomilo-Catharisme d'après quatre textes latins analysés à la lumière des sources byzantines, 2010, p. 24).

 

Adhémar de Chabannes

 

La première légende de saint Martial, dite Vita Antiquior, a été rédigée à l'époque carolingienne : assez brève, elle fait de Martial un contemporain de saint Pierre, envoyé de Rome par ce dernier. La seconde légende de saint Martial, dite Vita Prolixior, remonte à la fin du Xème siècle ou au début du XIe siècle : Martial est devenu parent de Pierre, il participe à la vie publique du Christ, notamment au Lavement des pieds. L'idée de faire de saint Martial un apôtre du Christ émane probablement de l'abbaye, soucieuse de préserver sa prééminence, à l'heure où les églises revendiquent les reliques des saints les plus puissants : c'est à cette époque que l'on découvre à Angély le chef de saint Jean-Baptiste dont le culte risque de faire ombrage à celui du saint limousin et de concurrencer dangereusement l'un des plus fructueux pèlerinages d'Aquitaine. Adémar de Chabannes prend activement part au débat, rédige de nombreux sermons en faveur de l'apostolicité de Martial et engage en 1028 une violente discussion avec Benoît, prieur de Cluse, qui rejette avec véhémence ce qu'il considère comme une falsification grossière de la liturgie. Adémar pousse même son engagement jusqu'à rédiger des faux qui feront illusion jusqu'au XIXe siècle. Ce n'est que par lui que l'on connaît le Concile de 1031 (aujourd'hui remis en question par quelques historiens) qui officialise, en présence d'ecclésiastiques et de princes venus de toute la France, l'apostilicité de saint Martial (www.limousin-medieval.com).

 

En 1031, année de la mort de Robert le Pieux et de sa succession par Henri Ier, a lieu le concile de Limoges au sujet de l'apostolat de saint Martial. Le fait que Henri ne dégénère pas de la lâcheté de son père est présenté comme une calomnie (Recueil des historiens des Gaules et de la France, Tome 10, Par des Religieux Benedictins de la Congregation de S. Maur, 1760  - www.google.fr/books/edition).

 

Adémar de Chabannes est l'un des moines les mieux connus du XIe siècle, grâce à la conservation d'une abondante œuvre autographe. Né en 988 près de Châteauponsac (Haute-Vienne), il appartient à une famille de la noblesse moyenne du Limousin, apparentée au vicomte de Limoges, peut-être au comte d'Angoulême. Son père est petit-neveu de l'évêque de Limoges Turpin d'Aubusson. Il a pour oncles le prévôt du Dorat, le prévôt Adalbert et le chantre Roger de Saint-Martial de Limoges, qui jouent, semble-t-il, un rôle important dans sa formation. Dès sa tendre enfance, il entre comme oblat à Saint-Cybard d'Angoulême où il devient moine, mais ses attaches restent limousines puisqu'il fait de fréquents séjours à Saint-Martial de Limoges, écrit d'importants textes en faveur de cette abbaye et lui lèguera tous ses livres. Il meurt lors d'un pèlerinage à Jérusalem en 1034 (www.limousin-medieval.com).

 

On a une lettre de l'évêque de Limoges (avant 1031) au pape Benoit VIII pour s'opposer à ce que l'on mette saint Martial au rang d'apôtre (Analecta juris pontificii, 1869 - www.google.fr/books/edition).

 

Dans sa chronique, Adémar de Chabannes écrit de Gauzlin, abbé de Saint-Benoît-sur-Loire (1004-1030) et archevêque de Bourges (1014-1030), qu’il était le fils bâtard du roi et d’une prostituée. […] La proximité entre le roi de France et le métropolitain de la province ecclésiastique de Bourges, dont dépendait l’Église de Limoges, si elle a pu agacer le moine de Saint-Martial, était largement admise à cette époque. Il est du reste notable que ce dernier ne fait pas, dans sa chronique, une critique systématique de l’interventionnisme encore courant au début du XIe siècle des grands laïcs sur les sièges épiscopaux ; de même qu’il ne s’y montre pas particulièrement virulent envers la politique de Robert le Pieux. L’accusation de bâtardise, si elle touche indirectement le roi, semble donc avant tout personnellement dirigée contre Gauzlin. En faisant de lui un bâtard, Adémar avait aussi peut-être à l’esprit l’idée selon laquelle les fils illégitimes ne pouvaient accéder à l’épiscopat. […]

 

Il ajoute que, pour cette raison, les moines de Fleury ont mal accueilli sa désignation à la tête de l’abbaye et que par la suite, les habitants de Bourges, refusant son élection au siège archiépiscopal, l’ont empêché d’accéder à la ville cinq années durant. Cet extrait a suscité divers commentaires d’où il ressort qu’Adémar nourrissait, sans doute en raison de plusieurs désaccords, une certaine animosité à l’égard de Gauzlin. La vraisemblable partialité du moine de Saint-Martial combinée à une inventivité décomplexée – illustrée vers la fin de sa vie par son activité de faussaire en faveur de la thèse de l’apostolicité de Saint-Martial – a pu, dans une certaine mesure, contaminer son récit historique et justifie les doutes émis par les historiens sur les origines de l’archevêque. […]

 

Adémar évoque, à l’instar de Fulbert de Chartres, un soulèvement populaire ; il va cependant plus loin que celui-ci en y rattachant le motif grave d’une naissance scandaleuse. Sans la nommer, Adémar de Chabannes se sert de la fama pour argumenter l’illégitimité de Gauzlin. Dans son récit, il ne s’attaque pas simplement à la réputation de l’archevêque et met à contribution plusieurs rouages caractéristiques de la rumeur porteuse de fama : il situe notamment, à l’origine de la révolte, une information qui, aux fondements plus qu’incertains, verse dans la diffamation. Celle-ci s’est ensuite propagée d’une façon qu’il ne précise pas ; le bruit aurait toutefois rapidement circulé dans la ville où la population s’est mobilisée avant que le nouvel archevêque n’y arrive. Enfin, la tension découlant de ces révélations aboutit à un mouvement de vindicte populaire que seule l’intervention du roi permet d’enrayer (Delphine Boyer-Gardner, La réputation face à la rumeur. Fama épiscopale et mémoires ecclésiales aux XIe-XIIe siècles In : La rumeur au Moyen Âge : Du mépris à la manipulation, Ve-XVe siècle, 2011 - books.openedition.org).

 

Acrostiche : PQLE, pécule

 

On sait que le moine devait, à son entrée en religion, abandonner tous ses biens personnels et renoncer pour l'avenir à toute espèce d'héritage. Son monastère qui en bénéficiait, devait, en revanche, pourvoir jusqu'à sa mort à tous ses besoins.

 

Le chanoine, au contraire, s'il remet sa fortune entière à sa communauté, en conserve l'usufruit. Il peut aussi garder ses honoraires de messe et les aumônes particulières qui lui sont faites. Ces ressources réunies forment un bien propre dont il dispose à son gré. Plus tard, elles ont été désignées sous le nom de «Pécule» ou bien personnel. Cette organisation nouvelle des clercs s'est appelée : «l'ordre canonique» pour se distinguer de la vie monastique, dite : «institution régulière». Dès 789, le Concile d'Aix-la-Chapelle fait la distinction entre les deux formes : Les chanoines peuvent, dit-il, manger de la viande, porter des habits de fil, donner et recevoir, avoir en propre des biens personnels et des biens d'Eglise, ce qui est interdit aux moines qui mènent une vie plus austère, conformément à l'institution régulière. L'ordre canonique fut très vite introduit dans les évêchés de l'Empire carolingien où n'existait pas encore la vie en commun. Les Conciles et l'Empereur, qui appuyait leurs décisions de toute son autorité, s'employèrent à le faire admettre et respecter. Le premier Concile d'Aix-la-Chapelle décrète : Nous voulons que les clercs vivent canoniquement, conformément à leur règle, et que l'évêque régisse leur conduite, comme l'abbé gouverne celle des moines. Quelque douze ans plus tard, un capitulaire de Charlemagne, édicté en 801, prescrit que les chanoines vivent «suivant les canons et les moines suivant la règle de saint Benoît». Dans le courant du IXe siècle, la communauté soumise à l'ordre canonique se nomme «la canonique» (canonica). C'est ce terme que les chartes du cartulaire de saint Etienne, par exemple, emploient uniformément. Il est admis d'ailleurs que le choix reste entièrement libre entre les deux états de vie. Bien plus, ni l'Eglise ni l'Empereur ne considèrent comme prohibé ou illicite le passage de l'institution régulière à l'ordre canonique et vice-versa seulement ils ne laissent à l'ensemble des clercs qu'une des deux alternatives : «ou moines, ou chanoines». [...]

 

Les Conciles tenus simultanément, en 813, à Tours, Reims, Chalon-sur-Saône, Arles et Mayence rappellent aux chanoines l'obligation qui leur incombe d'habiter la même maison, de manger au réfectoire, de coucher dans un dortoir. La raison de cette communauté de vie est qu'elle leur permet d'être mieux instruits, surveillés de plus près et de célébrer plus dignement l'office divin. Cependant, l'Eglise autorise formellement, la cohabitation de deux communautés, observant chacune une règle différente, dans un monastère unique et sous la direction d'un seul supérieur. Ainsi, le canon 21 du Concile de Mayence (813) prescrit aux évêques de : «savoir quel nombre de chanoines chaque abbé a dans son monastère». Il ordonne «de faire en sorte que si tels ou tels préfèrent être moines, ils puissent observer la règle de saint Benoît. Dans le cas contraire, qu'ils s'en tiennent à l'ordre canonique». Après la mort de Charlemagne, sous Louis-le-Pieux, en 817, un second Concile d'Aix-la-Chapelle rédigea une règle canonique, uniforme pour tout l'empire. Destinée à remplacer celle de saint Chrodegang et les statuts particuliers des diocèses, elle était divisée en 145 articles. […]

 

Cette règle d'Aix-la-Chapelle devait avoir une influence considérable sur l'évolution de la vie du clergé. Certains monastères, usant des facilités qu'elle accordait, se transformèrent en chapitres. Ce qui, pour l'entourage épiscopal, représentait une vie plus austère que l'existence isolée, devint, pour les moines un peu tièdes, le moyen d'échanger une règle sévère pour une autre moins rigoureuse. Quelques chapitres fervents préférèrent l'institution régulière à l'ordre canonique et adoptèrent la règle de saint Benoît. L'histoire ecclésiastique du Limousin nous fournit plusieurs exemples de ces choix en sens opposé. En 848, le Chapitre de Saint-Martial qui, jusque-là, suivait, comme celui de la Cathédrale, l'ordre canonique, manifesta en présence de Charles-le-Chauve, des évêques et des grands d'Aquitaine, réunis à l'assemblée de Limoges, l'intention de se soumettre désormais à la règle de saint Benoît. Etait-ce ferveur, était-ce désir d'indépendance ? Comment en décider ? En tout cas, l'évêque du temps, Stodile, n'accepta le changement qu'avec beaucoup de difficulté et quelque aigreur». Le Chapitre de Saint-Etienne, au contraire, continua à suivre l'ordre canonique. Il s'y montra fidèle, non seulement au IXe siècle, où la règle fut maintenue partout avec fermeté grâce à la coopération des pouvoirs ecclésiastique et civil mais pendant tout le dixième. Son cartulaire en donne la preuve répétée et claire. Il montre l'association canonique des «frères» vivant dans son «monastère» sous la conduite de l'évêque. Les autres établissements religieux en usèrent comme les deux principaux du diocèse. Dans les uns, les moines se firent chanoines, dans les autres, les chanoines devinrent moines. Saint-Augustin de Limoges, avant l'invasion normande suivait l'ordre canonique. L'évêque saint Turpin, après avoir restauré l'abbaye, la confia aux bénédictins. Son successeur dans l'épiscopat, Ebles de Poitiers, transforma en Chapitre la communauté monastique de Saint-Hilaire. Des deux évêques qui suivirent Ebles, l'un, Hildegaire, en fondant Uzerche, y mit des moines, tandis que l'autre, Hilduin, les changeait en chanoines... Ce chassé-croisé ne laisse pas que d'étonner un peu. Il est vrai qu'à la distance où nous sommes nous voyons , moins que jamais , le tout des événements (Geoffroy Tenant de la Tour, Saint Yrieix, "Ville d'Eglise", Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, Volume 74, 1932 - www.google.fr/books/edition).

 

Les chanoines réguliers ont été institués sous le règlement d'Aix la Chapelle en 816 par Louis le Pieux, sous la règle de St Augustin, les distinguant des moines. Ce dernier n'avait pas laissé de texte normatif à proprement parlé, mais plutôt une série de conseils généraux, qui préconisaient une vie consciencieuse et sans négligence, moins austère que la vie monacale. Ils s'agissaient de communautés créées pour desservir des lieux de culte catholique : cathédrales, collégiales ou plus simplement d'églises paroissiales. Ils vivaient en communauté, ils pouvaient manger de la viande et porter du lin, donc une certaine liberté. Par contre ils s'engageaient à vivre dans une clôture interdite aux femmes. Ils étaient prêtres et desservaient les lieux de culte. Ces chapitres ne relevaient pas directement de l'évêque. Ce système avait l'avantage pour l'évêque de se décharger de la desserte de ces églises, qui étaient très nombreuses dans le diocèse de Limoges. De plus il faut noter que l'évêque à cette époque était également puissance temporelle souvent en conflit avec des seigneurs des alentours, dont les paroisses étaient sous la juridiction épiscopale de l'évêque. A partir du Xe siècle le régime de la prébende s'instaura, c'est à dire que les biens et revenus de la communauté étaient répartis entre chaque chanoine. Ce système se perpétua jusqu'aux guerres de religions, et surtout à l'unification du royaume.

 

Les chanoines séculiers diffèrent des chanoines réguliers car ils sont sous la dépendance directe des évêques, mais suivent à peu près la même règle. La distinction entre les réguliers et séculiers est définitivement établie en 1059 (synode de Rome); les séculiers peuvent posséder des biens personnels, et les réguliers y renoncent pour devenir de véritables religieux. Des collégiales sont passées de l'un à l'autre système, Eymoutiers, Brives, et St Yrieix au départ avaient des chanoines réguliers qui devinrent séculiers au XIIe siècle (grandmont.pagesperso-orange.fr).

 

Il faut le remarquer, la règle d'Aix-la-Chapelle est conforme, dans l'esprit général et les dispositions principales à celle de saint Chrodegand ; celle-là comme celle-ci prescrit la communauté de demeure, de table et de dortoir, mais permet le pécule. Au reste, selon le témoignage d'Adhémar de Chabannes et des anciens historiens, elle fut composée par un homme familier avec la règle de saint Chrodegand, Amalaire, diacre de l'Eglise de Metz (Paul Benoit, La vie des clercs dans les siècles passés: étude sur la vie commune et les autres institutions de la perfection au sein du clergé depuis Jésus-Christ jusqu'à nos jours, 1915 - books.google.fr).

 

Pécule : Boeuf

 

pecus a désigné le petit et gros bétail, surtout ovin et bovin, par opposition à ferae "bêtes sauvages". pecus a surtout représenté la "richesse en bétail" et de pecus a été dérivé pecunia qui signifie "monnaie, argent" en latin (Pierre Avenas, Henriette Walter, L'Étonnante histoire des noms des mammifères, De la musaraigne étrusque à la baleine bleue, 2014 - www.google.fr/books/edition).

 

Dans un parallèle de la généalogie de Pantagruel et de celle des rois de France, Pantagruel est associé à Henri II, Gargantua à François Ier, Henri Ier à Happemousche, Robert II le Pieux à Fracassus. Happemousche est le premier, selon Rabelais, à fumer les langues de boeuf plutôt que de les saler (Elie Johanneau) (Oeuvres de Rabelais, 1823 - www.google.fr/books/edition, Voltaire, Lettre au prince de Brunswick sur François Rabelais (1767), Oeuvres completes, 1875 - www.google.fr/books/edition).

 

Adémar de Chabannes, après avoir consacré le livre premier de ses Chroniques aux Mérovingiens, entame le deuxième en reproduisant intégralement leur généalogie poursuivie jusqu’à Charlemagne grâce à la fameuse, et imaginaire, Blithilde, dont il fait une sœur de Dagobert et une fille de Clotaire II. Dans ce cas, il ne s’agissait donc d’un remploi d’un texte déjà connu mais des généalogies inédites enrichissaient aussi les livres d’histoire (Germain Butaud, Valérie Piétri, Les enjeux de la généalogie (XII e-XVIII e siècles). Pouvoir et identité, Autrement, 2006 - halshs.archives-ouvertes.fr).

 

Le 4 des ides de juillet 1060, pendant un séjour à Melun, le roi Henri Ier déchargea l'abbaye de Saint-Maur de la mauvaise coutume que ses cuisiniers et serviteurs avaient de prendre les chairs de boeuf és villes de Courceaux et de Moisenay, avec défense, sous peine de xx livres d'or, de violer ce privilége (Eugène Grésy, Monument funéraire du XIIIe siècle dans le cimetière de Montereau-sur-le-Jard, Revue de l'art chrétien, Société de Saint-Jean, 1864 - books.google.fr).

 

Le cardinal du Bellay était abbé de Saint-Maur, près de Paris; l'abbaye de Saint-Maur appartenait à l'ordre de Saint-Benoît, et c'est elle, sans nul doute, que Rabelais avait en vue lorsqu'en 1536 il demandait au pape d'autoriser sa réintégration dans un monastère de bénédictins. Faut-il supposer, avec M. Paul Lacroix, que du Bellay intervint pour mettre un terme aux excursions trop lointaines et trop multipliées de son médecin particulier et pour le rappeler à l'observance de la règle? Les faits ici manquent de précision comme les dates; mais c'est probablement vers 1539 que Rabelais alla s'installer ou, pour mieux dire, faire acte de présence à Saint-Maur. Tout, à ce moment, lui était favorable, les circonstances comme les hommes. L'abbaye de Saint-Maur venait, à la sollicitation du cardinal, son abbé, d'être sécularisée et transformée en collégiale par le souverain pontife; les moines se trouvaient élevés au rang de chanoines. Il y avait bien ici, dans le cas de Rabelais, une petite ou même une grosse difficulté, puisque depuis quinze ans il n'était plus moine et qu'il ne l'était pas redevenu à temps pour profiter de la bonne fortune échue au monastère; mais que n'obtienton pas quand on a pour amis, à Paris et à Rome, des évêques et des cardinaux ? Rabelais en fut quitte pour rédiger une nouvelle supplique au pape, dans laquelle il lui demandait, avec l'absolution de tous ses péchés : 1° l'autorisation de prendre possession de son canonicat et de jouir de tous les droits et bénéfices attachés à la position de chanoine; 2° la permission d'exercer librement la médecine sans aucune des conditions restrictives mentionnées dans la supplique précédente. Tout lui fut accordé sans peine (Paul Stapfer, Rabelais: sa personne, son génie, son oeuvre, 1889 - books.google.fr)

 

Limousin

 

Je reviens à Molière et à Monsieur de Pourceaugnac qui arrive de Limoges pour se faire berner comme on verra. M. de Pourceaugnac est Limousin, je ne sais pourquoi, ou plutôt je le sais fort bien. Les Limousins ont été de tout temps et surtout du temps de Louis XIV en bulle aux plaisanteries des railleurs. Déjà bien avant cela Rabelais s'était diverti devant les balourdises des escholiers limousins. La Fontaine, voyageant en Limousin, écrit à sa femme que le pays qu'il traverse est fort beau et que les hommes y ont autant d'esprit qu'ailleurs, ce qui semble indiquer qu'ils n'en ont point davantage. Voltaire, dans une lettre à Turgot, félicite surtout ceux qu'il appelle les petits-fils de M. de Pourceaugnac, d'être administrés par un homme de sa trempe. Il a l'air d'indiquer qu'ils n'en sont pas très-dignes. Quant à Molière, la tradition veut que pour se venger de l'accueil qu'il reçut comme acteur à Limoges, il ait tourné ses traits contre le Limousin tout entier personnifié dans ce M. de Pourceaugnac dont Sbrigani dira qu'il a l'esprit des plus épais qui se fassent. Molière, en effet, avant de se fixer à Paris, mena à travers les provinces de France la vie errante des comédiens nomades. Il courut les champs et les villes comme les acteurs du Roman Comique, mangeant au hasard, dormant au cahot des chars et couchant à la belle éloile, La chronique nous le montre à Avignon, puis à Narbonne, puis à Pézenas dans la boutique du barbier, assis dans un grand fauteuil de bois qu'on conserve encore et écoutant les samedis, jours de marché, les propos des sots, les histoires de la ville, les comédies de la province. A Limoges, Molière aurait été sissé par le public et il s'en serait vengé quelques années plus tard en écrivant M. de Pourceaugnac. On lui prête ce mot qu'il n'a peut-être jamais dit : «A Limoges, il y a de bons petits pois.» D'autres veulent qu'il ait pris pour type le premier mari de sa belle-sœur, Geneviève Béjart, Léonard de Loménie, fils d'un banquier de Limoges. D'après Grimarest, un gentillâtre limousin s'étant disputé en plein théâtre avec les comédiens de Molière et les ayant insultés grossièrement, Molière répondit à ce scandale par la publication de sa pièce (Jules Claretie, Monsieur de Pourceaugnac, Revue bleue politique et littéraire, Volume 9, 1872 - books.google.fr).

 

Rabelais, qui parloit françois exactement et poliment, ne pouvoit pardonner à quelques écrivains de son tems la liberté qu'ils se donnoient de parler latin en françois dans des ouvrages qu'ils croyoient de vrais chefs-d’œuvre d'éloquence en notre langue. Déja au chapitre VI du livre II, il s'étoit moqué d'eux en la personne d'un écolier limosin qu'il y fait parler un baraguoin ridicule. Ici sa raillerie continue, et il semble que, comme pour faire détester à leurs enfans l'ivrognerie, les Lacédémoniens leur faisoient voir des esclaves bien ivres, l'auteur ait dessein qu'aux dépens d'un pauvre provincial, qui se seroit présomptueusement écarté de la naïve manière d'écrire et de parler, les François apprennent à ne jamais méler dans leurs discours, ni dans leurs écrits, ni termes ni phrases qui en altèrent la pureté. Rabelais cependant a été lui-même repris du vice dont il reprend les autres (Oeuvres de maître François Rabelais, publ. sous le titre de Faits et dits du géant Gargantua et de son fils Pantagruel, Jacob Le Duchat, Bernard de La Monnoye, 1725 - www.google.fr/books/edition).

 

Lors commença le paoyre Limosin a dire: « Vee dicou gentilastre, ho sainct Marsault, adjouda my, hau, hau, laissas a quau au nom de dious, et ne me touquas grou.» (Livre II, chap. VI).

 

Marsault : nom vulgaire de saint Martial, qui passe, mais sans raison, pour l'apôtre du Limosin. Voyez du Tillet en son Histoire de la des Albigeois, imprimée à Paris l'an 1590 (Oeuvres de Rabelais, 1823 - www.google.fr/books/edition).

 

"détracteur"

 

Considérez que l'Ecriture Sainte nous fait assez connoître la grièveté de ce péché lorsqu'elle dit, que celui qui médit en secret, est semblable à un serpent, qui mord sans faire de bruit ! (Eccl. 10. 11.) et que le médisant est l'abomination des hommes. (Prov. 24.) C'est pour cela que l'Apôtre St. Jacques recommandant aux Chrétiens de fuir la distraction, «Mes frères, leur dit-il, ne a parlez point mal les uns des autres : Celui qui parle contre son frère, et qui iuge son frère, parle contre la la loi, et juge la loi.» (Jac. 4. 11.) saint Jérôme dit ces paroles : «De même que le serpent lance son venin sur celui qu'il mord en secret : ainsi le détracteur lance contre son frère le poison de son coeur, qui est la médisance : il est donc semblable au serpent, puisqu'au lieu d'employer sa langue pour la fin à laquelle elle étoit destinée, qui est de bénir Dieu, édifier le prochain, il en abuse en faisant quelquefois passer pour des vices les vertus de son frère». (Hier. in c. 10. Rom.) «Fuyons les discours si pestilentieux et envenimés, dit saint Chrysostome, quand nous ne vivrions que de cendres, si nous n'évitons la médisance ; cette austérité seroit inutile pour notre salut» (Chrys. hom. 3. ad pop, Antioch.) (Pons-Augustin Alletz, L'art d'instruire et de toucher les âmes dans le tribunal de la pénitence, 1828 - books.google.fr).

 

"calomnier à"

 

Mascarille. - Quoi ?

 

Lélie. - Langue de serpent fertile en impostures,

Vous osez sur Célie attacher vos morsures,

Et lui calomnier la plus rare vertu... (Molière, L'Étourdi, III, 4).

 

Bret fait justement remarquer qu'on ne dit pas calomnier à quelqu'un pour calomnier en quelqu'un (Charles-Louis Livet, Lexique de la langue de Molière comparée à celle des écrivains de son temps, avec des commentaires de philologie historique et grammaticale, Tome 1, 1895 - books.google.fr, Antoine Bret, Oeuvres de Molière avec des remarques grammaticales, des avertissemens et des observations sur chaque pièce, Tome 1, 1773 - www.google.fr/books/edition).

 

Le baragouin de Mascarille (L'Etourdi, Acte V, scène IV) déguisé en suisse dans l'Etourdi ou des deux suisses dans Monsieur de Pourceaugnac, est marqué de procédés linguistiques plus ou moins proches de la langue allemande comme la transformation des consonnes sonores en consonnes sourdes d en t (tiable, là-tetans), v en f (trafers, fouloir) ; le remplacement de ce par ste ou sti ; la prononciation systématique de la consonne finale des mots : dans les infinitifs troufair, cherchair, remuair, parlair, dans les adverbes en ment frenchemente, assurémente ; les erreurs sur le genre des noms : "un petit leçon", "quatre petites coups" ; l'emploi de de moi comme pronom sujet ou du pronom inversé avec l'impératif ; l'infinitif utilisé à la place de l'indicatif : "toi faire le trôle" (Hubert de Phalèse, Les mots de Molière, les quatre dernières pièces à travers les nouvelles technologies, 1992 - www.google.fr/books/edition).

 

Ce baragouin suisse semble mieux placé dans des farces telles que Pourceaugnac et les Fourberies de Scapin, que dans une comédie de caractère et d'intrigue. Mascarille ne pouvoit-il pas prendre un autre déguisement qui le rendît méconnoissable aux yeux de Célie même, sans l'obliger à dénaturer ainsi son langage ? (Louis-Simon Auger, Oeuvres de Molière: avec un commentaire, un discours préliminaire, et une vie de Molière, Tome 1, 1819 - books.google.fr).

 

Il y avait une rue des Suisses à Limoges (D. Industrie, commerce et villes. In: Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, Tome 93, N°155, 1981 - www.persee.fr).

 

Des contigents Suisses avaient été appelés à Limoges par le roi Charles IX, selon un traité auquel l'évêque de Limoges de Sébastien de L'Aubespine prit part comme ambassadeur (Vincent Carloix, Mémoires de François de Scepeaux, sire de Vieilleville; et comte de Duretal, maréchal de France, 1787 - www.google.fr/books/edition).

 

Sébastien de l'Aubépine a pour neveu Jean qui lui succède comme évêque de Limoges et qui sera ensuite évêque d'Orléans (fr.wikipedia.org - Jean de L'Aubespine).

 

Cf. VIII, 57 - Histoire d'Orléans.

 

La vicomtesse de Limoges, la protestante Jeanne d'Albret, reine de Navarre, avait les siens qui transportèrent la chaire de saint Martial au palais du Breuil en 1564.

 

Les religieux de Saint-Martial firent peindre sur les vitraux de leur église une femme en chaire, prêchant devant quelques auditeurs, artisans et moines débraillés, avec ces deux vers :

 

Mal sont les gens endoctrinés,

Quand par femme sont sermonnés.

 

L'arbre que représentait le fond du tableau tenait lieu du nom de la reine. Arbre se dit encore en patois Albré (François Marvaud, Histoire des Vicomtes et de la Vicomté de Limoges, Tome 2, 1873 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 1995 sur la date pivot 1034 (Adémar écrivit ses chroniques entre 1027 et 1031, date de son départ en terre sainte où il meurt) donne 73.

 

En 1031, un concile fut tenu à Limoges, dans lequel l'abbé de Savigny, voulant montrer qu'on devait donner le titre d'apôtre à saint Martial, parce que ce saint avait ressuscité l'un de ses compagnons, apporte en preuve l'existence publique et constante de ces monuments : «On montre toujours à Elze,» dit-il, «le lieu où saint Martial ressuscita saint Austriclinien.» La liturgie et l'ancienne tradition de l'Eglise de Limoges attestent qu'il convertit à la foi sainte Valérie, fille du sénateur Léocadius, que nous présenterons bientôt comme le premier bienfaiteur de l'Eglise de Bourges. A Limoges, il travailla avec tant de succès, qu'il vit, avant sa mort, l'an 73, les idoles abattues et la ville presque toute chrétienne. Les saints Alpinien et Austriclinien, qu'on lui donne pour compagnons de son apostolat, furent déposés avec lui dans le même tombeau, mais dans des cercueils séparés. Ayant été envoyé pour évangéliser la province d'Aquitaine, il dut y être considéré comme le premier apôtre de cette contrée. Le monument de l'Eglise d'Arles, en énumérant les sept prédicateurs, ajoute que le Vicaire de Jésus-Christ leur avait adjoint des compagnons comme ministres inférieurs; et il était naturel que, dans les Aquitaines, l'estime des peuples élevât saint Martial beaucoup au-dessus de ceux qui lui avaient été associés pour seconder son zèle, et au nombre desquels se trouvait saint Ursin, premier évêque de Bourges. Ce fut certainement ce motif qui fit donner à saint Martial la qualité d'apôtre qui, en ce sens, lui était légitimement due. Mais, comme dans la suite plusieurs Eglises attribuaient aussi à leurs fondateurs particuliers le titre d'apôtre, les évêques d'Aquitaine se réunirent pour conserver à saint Martial sa prééminence. Les raisons que l'on allégua, dans le concile tenu l'an 1031 à Limoges, attestent au moins la persuasion générale où l'on était qu'il avait été du nombre des soixante-douze disciples. Aymon de Bourbon, archevêque de Bourges, soutint qu'on ne devait qualifier d'apôtres que ceux qui avaient reçu de Jésus-Christ lui-même le pouvoir de prêcher la foi; que saint Martial était seul de ce nombre, au moins parmi les premiers propagateurs de l'Evangile en Aquitaine; qu'à la vérité les disciples du Sauveur, c'est-à-dire ceux qui crurent en lui, avaient été nombreux, mais que, parmi eux, Jésus-Christ n'en avait choisi que soixante-douze, auxquels il avait donné le pouvoir de prêcher dans l'univers, leur disant : «Allez, je vous envoie comme des agneaux parmi les loups.» La prétention de l'archevêque de Bourges, en restreignant au seul saint Martial l'honneur d'avoir été du nombre des soixante-douze disciples, n'était pas fondée, s'il entendait parler de tous les prédicateurs venus dans les Gaules au Ier siècle; mais sa distinction se justifiait sous un autre rapport, puisque, sans aucun doute, parmi les missionnaires venus en Gaule dans ce siècle, plusieurs n'étaient point du nombre des soixante-douze disciples du Sauveur. Sur ce fondement qui, à l'égard des prédicateurs arrivés en Aquitaine, avait une valeur réelle, le concile de Limoges, conformément à une décision du Pape Jean XIX, déclara que saint Martial avait reçu immédiatement de Jésus-Christ sa mission, et reconnut qu'il pouvait être qualifié du titre d'apôtre (Mathieu Richard Auguste Henrion, Histoire ecclésiastique depuis la création jusqu'au pontificat de Pie IX, Tome 9, 1859 - books.google.fr).

 

1995

 

Les ostensions limousines sont une tradition religieuse et populaire remontant à la fin du Xe siècle. Elles ont lieu dans vingt communes comprenant Limoges et d'autres localités, dont quinze dans la Haute-Vienne, mais aussi en Charente, en Creuse et dans la Vienne. Elles se déroulent tous les sept ans, la dernière édition datant de 2016. La légende fixe l’origine de cette fête religieuse à l’an 994, alors que le Limousin, comme une grande partie de l’Aquitaine, se trouvait aux prises avec le mal des ardents, ou ergotisme, épidémie qui se déclenche à la fin des moissons. Au début du XIe siècle, le souvenir du miracle des Ardents, donne lieu à un récit, élaboré au sein de l’abbaye Saint-Martial, et reproduit ensuite dans une multitude de manuscrits. La pratique des ostensions est dans un premier temps reprise ponctuellement, sans date fixe, lors de la venue à Limoges d’un personnage important (saint Louis et Blanche de Castille en 1244, le pape Clément V en 1307, Louis XI en 1462, Henri IV en 1605) ou en cas de grandes catastrophes, guerres, épidémies. En 1518, l'usage s'établit de les rendre septennales (ostensions régulières tous les sept ans). C'est à partir de l'an 1519, que le retour septennal des ostensions a eu lieu régulièrement. Elles sont interrompues seulement en 1547 à cause de la peste puis durant la Révolution en 1799. Elles reprennent en 1806 et depuis, cette périodicité septennale s'est maintenue à travers crises politiques et bouleversements (fr.wikipedia.org - Ostensions limousines).

 

Les ostensions ont lieu tous les sept ans et, en 1995, les soixante-neuvièmes se dérouleront dans une quinzaine de paroisses de la Haute-Vienne de mars à début juillet. Les reliques des saints limousins sont exposées dans les églises à la vénération des fidèles. Des cortèges à la fois religieux et historiques portent solennellement châsses et reliquaires, oeuvres d'art souvent très anciennes, au long des rues pavoisées des cités ostensionnaires. A Limoges, les ostensions se déroulent du 5 mars au 9 juillet, en l'honneur des trois grands saints de la capitale limousine, saint Martial, saint Aurélien, saint Loup, et de sainte Valérie, premier martyr de l'Eglise d'Aquitaine (L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, Numéros 519 à 529, 1995 - books.google.fr).

 

A la veille des municipales de 1995, Limoges est comme un gros village gaulois qui résiste au milieu de la Chiraquie. La vague législative RPR a déjà submergé les départements limousins de la Creuse et de la Corrèze en 1993. Collant à la gauche envers et contre tout, la Haute-Vienne et sa capitale sont un «pôle de résistance et de démocratie», caricature le secrétaire fédéral du Parti communiste français. Limoges est, en fait, une cité qui «périclite et vieillit après quatre-vingts ans de socialisme», explique avec un même sens de la nuance le responsable de la communication de la liste Marsaud. Le 7 mai, Jacques Chirac s'y est encore fait battre face à Lionel Jospin. Mais avec 48,5% des suffrages cette fois, soit neuf points de mieux que son précédent score présidentiel de 1988. Deux mille petites voix de retard à peine pour Jacques-le-RPR. Le sentiment que la droite tenait enfin le bon bout a gagné l'équipe d'Alain Marsaud.

 

Limoges, 136.000 habitants, reste pour l'heure comme une grosse tache rouge au milieu de la France. La question de savoir si la ville, ses trolleybus et ses municipalités socialistes successives, est «dynamique» ou «périclite» passe un tantinet au-dessus du sac à dos de cette surveillante du lycée Renoir qui rêve d'un TGV pour rentrer à Toulouse et de magasins ouverts en ville entre midi et deux: «Ça, ce serait le changement!» Elle a voté Jospin à la présidentielle, alors que beaucoup de lycéens, s'étonne-t-elle, «n'ont que le nom de Chirac à la bouche». Mais les Gaulois socialistes de Limoges attendent de pied ferme les légionnaires du centurion Marsaud (Gilbert Laval, La campagne pour les municipales dans les grandes villes. Limoges, le bastion rose dont rêve Marsaud, 1995 - www.liberation.fr, fr.wikipedia.org - Elections municipales de 1995 à Limoges).

 

C'est en 2014 que la droite ravira la mairie de Limoges à Alain Rodet, premier édile depuis 1990 (fr.wikipedia.org - Elections municipales à Limoges).

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