Les Brigades rouges

Les Brigades rouges

 

VI, 76

 

1981-1982

 

La cité antique d'antenoree forge,

Plus ne pouuant le Tyran supporter :

Le manche fainct au Temple couper gorge,

Les sienes le peuple Ă  mort viendra bouter.

 

Padoue est, selon la légende, fondée par le troyen Antenor.

 

Anténor, prince troyen, fils d'Aesytès et de Clytemnestre, souvent mentionné dans l'Iliade comme l'un des plus sages vieillards de Troie. Epargné par les Grecs (auxquels il avait voulu rendre Hélène), il vint à la tête des Hénètes (ou Enètes) de Paphlagonie s'établir sur les côtes de Vénétie (voir notamment Virgile, Enéide, I, 242-249, et Tite- Live, I, 1). Les Anciens identifiaient ainsi les Vénètes et les Hénètes paphlagoniens, Anténor est surtout connu comme fondateur de Padoue (« urbem Patavi », Enéide, I, 247 ; cf. Nostradamus, Centuries, VI, 76, «La cité antique d'antenoree forge») (Jean Vignes, Guy Demerson, Oeuvres complètes de Jean-Antoine de Baïf, Volume 1, Partie 1, 2002 - books.google.fr).

 

"manche sainct" : monche saint ou moine saint

 

Monge (Monche, Monacus), cela veut dire moine. Ces Monge s'appelaient ainsi comme tant d'autres Lemoine, Labbé, Leprêtre, Ledoyen, Lévêque ou Larchevêque, peut-être parce que leurs ancêtres, au moyen âge, avaient travaillé les terres d'un couvent (Louis de Launay, Monge, Fondateur de l'École Polytechnique: Un grand Français, 1933 - books.google.fr).

 

Au treizième siècle, l'Italie était désolée par un monstre féroce, Ezzelino de Romano, gendre de Frédéric II, et bien digne d'associer son nom à celui d'un tel prince. Nul ne saurait compter les victimes de sa cruauté, nul ne saurait décrire tous les genres de barbarie inventés par sa rage. Il faisait murer les portes des prisons, et ses victimes, livrées aux horreurs de la faim, répandaient l'effroi par leurs cris; il les faisait mettre à la torture, non pour tirer d'elles des révélations, mais pour leur arracher la vie d'une manière plus douloureuse. Des prisons effroyables avaient été construites par son ordre; on s'était étudié à en rendre le séjour ténébreux, impur et pestilentiel. Des hommes, des femmes, des enfants y étaient entassés les uns sur les autres; et parmi ces enfants, plusieurs, avant d'y être renfermés, avaient été privés de la vue, ou soumis à des traitements cruels. En ce temps, Antoine de Padoue remplissait le monde de ses miracles et de ses prédications apostoliques. Les populations se pressaient sur ses pas et ne se lassaient point de l'entendre. Mais pendant qu'il était dans les provinces soumises au tyran sanguinaire, il apprend qu'il vient d'égorger à Vérone un très-grand nombre d'hommes. Sans crainte de la mort, le saint va trouver Ezzelino afin de lui reprocher ses excès lamentables et dignes de l'enfer. « Ennemi de Dieu, tyran cruel, chien enragé, lui dit-il, quand cesseras-tu de verser le sang innocent des chrétiens? Voilà que la sentence de Dieu plane sur toi, sentence très-dure et effroyable.» (Joseph-Alexis Walsh, Tableau poétique de la foi et de ses oeuvres, Tome 1, 1858 - books.google.fr).

 

Le père d'Ezzelino III partagea en 1215 ses États entre ses enfants, et se retira dans un cloître, ce qui le fit surnommer « le Moine. » Ezzelino II mourut en 1235 (fr.wikipedia.org - Ezzelino II).

 

"manche feinct" : le poignard d'HĂ©likaon

 

La synecdoque est une métonymie qui consiste à désigner le tout par une partie (fr.wikipedia.org - Métonymie).

 

Le quatrain X, 65 parlerait des couteaux qui ont servi Ă  assassiner Jules CĂ©sar "jusqu'au manche".

 

A Rome, les couteaux servant aux sacrifices sont appelés seva, cultri, secespita (Pierre Clément Grignon, Bultin des fouilles faites par ordre du Roi d'une ville romaine sur la petite montagne du Châtelet entre St-Dizier et Joinville, en Champagne, découverte en 1772, 1774 - books.google.fr).

 

"fictus" est le participe passé de "fingere" (feindre, simuler, se représenter), on trouve chez Térence "finctus" d'où "feinct". "fictus" peut signifier faux, forgé. A rapprocher de "antenoree forge", forge comme forgerie : construction d'une légende.

 

Il y avait dans le temple d'Apollon Ă  Delphes des reliques dont le poignard d'HĂ©licaon qui serait "feinct".

 

Hélikaon porte un vieux nom en *-awon que l'on peut rattacher au nom du saule ou à un toponyme, notamment à la ville d'Héliké où Poséidon avait un sanctuaire célèbre. Hélikaon ne joue aucun rôle dans l'Iliade, il n'est mentionné que lorsque Iris prend les traits de sa femme Laodiké, qui est elle-même fille de Priam, pour s'adresser à Hélène (F 123). On verra que Laodiké a une forte connotation religieuse. Hélikaon joue un certain rôle dans la tradition posthomérique : on montrait à Delphes un poignard qu'il aurait dédicacé au dieu colonisateur et on racontait que, sauvé du massacre au moment de la prise de Troie, il aurait été fonder Padoue en compagnie de son père. Hélikaon porte un nom archaïque et Homère en parle comme d'un personnage bien connu. Tel son père Anténor de qui il est très proche, il est associé à une entreprise de colonisation. Si le nom d'Hélikaon doit être mis en rapport avec Héliké, sanctuaire de Poséidon, il est possible qu'Hélikaon soit lié au dieu, lui-même vieille divinité de la colonisation (Paul Wathelet, Les troyens de l'Iliade: mythe et histoire, 1985 - books.google.fr).

 

Phanias dit aussi, dans son histoire des Tyrans de Sicile, que les anciennes offrandes [dans le temple de Delphes] étoient des trépieds, des chaudrons et des poignards de cuivre, sur l'un desquels on lisoit même ceci : « Considère-moi : j'étois réellement autrefois dans la grande citadelle d'Ilion, lorsque nous combattîmes pour Hélène aux beaux cheveux. Le prince Helicaon, fils d'Anténor, me portoit; et maintenant c'est le temple du fils de Latone qui me possède. » (Oeuvres d'Athénée ou Banquet des savans, Tome 2, traduit par Lefebvre de Villebrune, 1789 - books.google.fr).

 

Pline l'Ancien (Histoire naturelle, XII, 5) livre le nom du forgeron helvète Hélicon qui fait curieusement écho à celui de Hélicaon [...] Ce Hélicon celte entouré de légende mythologique, autant forgeron que magicien (car la magie n'est pas étrangère aux arts du feu), suggère des personnages arthuriens de fonction « (h) éliaque » avec un nom commençant par Héli- ou Eli- rappelant à la fois Hélios (le feu solaire) et Élie le emporté au ciel dans un char de feu. Le forgeron celte n'est pas qu'artisan : il est aussi juge, guérisseur, médecin, herboriste, devin, conteur et musicien (Philippe Walter, Dictionnaire de mythologie arthurienne, 2015 - books.google.fr).

 

Le tombeau d'Anténor

 

À Padoue, la certitude de la fondation par Anténor (fruit des récits de Tite-Live et de Virgile) aboutit à l'invention d'un tombeau d'Anténor, couronné d'un dais de pierre reposant sur quatre colonnes, orné d'une épitaphe (Histoire, économie et société, 2000 - books.google.fr).

 

Peu de temps après la promotion d'Antoine comme patronus Padue, les autorités communales ont été confrontées à un nouveau défi. Lors detravaux publics en 1283-1284 [700 ans avant la datation du quatrain], un sarcophage fut découvert contenant le corps d'un guerrier. Le notaire-poète Lovato Lovati l'identifia comme celui d'Anténor, l'exilé troyen dont Justin (III e siècle), l'abréviateur de Trogue-Pompée, puis toutes les sources ultérieures, faisaient le fondateur de la ville. La découverte du sarcophage eut lieu alors que de fortes tensions opposaient la commune et l'évêque ; les autorités civiles venaient de prendre de dures mesures fiscales contre le clergé et, en rétorsion, le patriarche d'Aquilée avait jeté l'interdit sur la ville en 1283. Dès lors, le culte d'Anténor promu par les autorités fut perçu par les frères et l'évêque comme une alternative à Antoine. Il est frappant qu'à partir de 1300, on organisa des fêtes civiques autour du tombeau du héros troyen, au point qu'un franciscain anonyme affirma dans un sermon au début du XIVe siècle que Padoue devait sa fondation non pas à un héros païen mais à un saint évêque nommé Prodoscimo. Lovato Lovati, lui-même, n'hésita pas à se faire inhumer près du sarcophage d'Anténor (Patrick Gilli, Villes et sociétés urbaines en Italie: milieu XIIe-milieu XIVe siècle, 2005 - books.google.fr).

 

Le tombeau d'Anténor est représenté in L. Pignoria, L'Antenore (1625) et S. Orsato, Monumenta Patavina (1652) où il figure parmi les inscriptions supposées anciennes. Mais Orsato ne nie pas l'historicité d'Anténor ; sa critique ne concerne que le tombeau (Krzysztof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux: Paris, Venise, XVIe-XVIIIe siècle, 1987 - books.google.fr).

 

Le tyran

 

A Padoue en avril 1262 : le chroniqueur padouan Rolandino venait tout juste d'achever sa Cronica , ouvrage historique (en latin, bien sûr) relatant faits et gestes d'Ezzelino, mort depuis trois ans. La ville de Padoue organise aussitôt une lecture publique de toute la Cronica (12 livres, et quelque 300 pages dans l'édition moderne). Cette cérémonie urbaine sans précédent visait la damnatio memoria d'Ezzelino, la condamnation mémorable du tyran; aussi était-elle, en même temps, la consécration officielle du mythe guelfe faisant d'Ezzelino non seulement un héros politiquement négatif en tant que «tyran », mais encore la figure même de l'adversaire : de l'ennemi diabolique tout à la fois du genre humain, de la religion chrétienne, de l'Église, des villes guelfes de l'Italie du Nord, et donc de Padoue. Mais quelque cinquante ans après ce mémorable avril 1262, l'histoire menace de se répéter : en 1313, la mort de l'empereur Henri VII de Luxembourg semble balayer le seul rempart contre les visées expansionnistes du nouveau seigneur de Vérone, Cangrande della Scala (ce sont tous des personnages que Dante a rendus assez familiers), en qui l'on voit aussitôt une réincarnation maléfique d'Ezzelino - assimilation immédiate due à l'efficacité communicative de la très puissante propagande guelfe, qui avait déjà à son actif l'exploit d'avoir réussi à effacer complètement (et durablement) les traits historiques d'Ezzelino au profit exclusif de sa diabolisation. La ville de Padoue réactive alors (en 1315), dans ces circonstances dramatiques pour sa propre survie en tant que commune autonome, le recours à la fonction «patriotique» de la fête urbaine, à laquelle elle confère en outre une valeur symbolique inédite en attribuant la couronne de laurier - la plus prestigieuse des récompenses officielles - à Albertino Mussato ; et ce à un double titre : en tant qu'historiographe de la malencontreuse expédition italienne de l'empereur Henri VII et en tant qu'auteur de l'Ecerinis.

 

L'interprétation de cette tragédie semble aller de soi : c'est une œuvre patriotique et apotropaïque, destinée à raviver la mémoire des dangers passés - et surmontés - pour mieux conjurer les menaces du présent; à travers Ezzelino, c'est Cangrande qui est toujours visé, et l'heureuse issue de la résistance populaire contre le tyran d'alors doit conforter la confiance des Padouans en leur capacité actuelle de résister victorieusement contre la réincarnation de la tyrannie (Anna Fontes Baratto, Le tyran diabolisé dans l'Ecerinis d'Albertino Mussato (1314). In: Arzanà 14, 2012. Le Personnage tragique - www.persee.fr).

 

Le peuple

 

La fiscalité imposée par la seigneurie d’Ezzelino finit par devenir trop lourde à supporter. Il perd ainsi ses soutiens parmi les commerçants dont l’activité ralentit. Ezzelino renforce sa politique répressive pour tenter de se maintenir au pouvoir. Mais le pape Alexandre IV prêche en 1256 contre ce tyran une véritable croisade dans laquelle entrent les Guelfes, et à la tête de laquelle se mit le marquis Azzo VII d'Este dit Novello, chef de la maison d'Este qui lui enlève Padoue, Este et d'autres petites cités. En 1257 Ezzelino III se réconcilie avec son frère Alberigo ou Albérico ce qui fait revenir Trévise dans le parti des Gibelins. En 1258 Ezzelino III s'empare de Brescia avec le concours d'Oberto Pallavicini et de Boso de Doaria mais lorsqu'il veut se débarrasser de ses alliés, ces derniers se rangent aux côtés de la maison d'Este et le battent. Ezzelino est grièvement blessé au pont de Cassano en 1259. Capturé et emprisonné dans la forteresse de Soncino, refusant tout soin et sacrement, arrachant même ses pansements, il y meurt le 27 septembre 1259 à l'âge de 62 ans. Après sa chute, Albérico son frère, s'enfuit de Trévise et se réfugie au château de San-Zeno. La place est prise en 1260 et il est mis à mort avec toute sa famille (fr.wikipedia.org - Ezzelino III da Romano).

 

Albéric fut écartelé, après avoir vu ses fils égorgés, sa femme et ses filles brûlées vives (Ernest Lavisse, Alfred Rambaud, Histoiree générale du IVe siècle à nos jours, Tome 3, 1894 - books.google.fr).

 

Typologie

 

À leurs débuts, les Brigades rouges se distinguent d'autres groupes politiques d'extrême gauche (ou encore de la gauche extra-parlementaire), tels que Lotta Continua ou Potere Operaio. Ces groupes, alors représentants de l'opéraïsme qui inspira en France le mouvement autonome, contestaient l'hégémonie du Parti communiste italien (PCI) sur le mouvement ouvrier et prétendaient le dépasser par la gauche. A contrario, les BR prétendent reprendre le combat « insurrectionnel » abandonné par le PCI à la fin de la guerre ; en effet la résistance armée anti-fasciste en Italie a combattu dans le nord les armées allemandes et les fascistes italiens de la république de Salo jusqu'à la « capitulation nazie » en mai 1945. Pour eux ce combat est « suspendu » et doit reprendre. La situation politique italienne des années 1960-1970 est l'occasion de reprendre le combat interrompu et de créer un « Parti communiste combattant ». Le groupe qui compte dès 1970 1 200 militants tuera au total 84 personnes. En 1974, Alberto Franceschini et Renato Curcio, principaux fondateurs du groupe, sont arrêtés par le général Carlo Alberto Dalla Chiesa et condamnés à dix-huit ans de prison. À partir de cette date, on parle des secondes Brigades rouges, dirigées par Mario Moretti, qui se distinguent par l'enlèvement d'Alod Moro en 1978 [cf. quatrain VI, 71]. À partir de 1981, l'organisation se divise, entraînant l'apparition de plusieurs groupes revendiquant l'appellation Brigades rouges. En 1981, 1 523 terroristes proches ou membres des Brigades rouges étaient détenus en Italie. Selon Le Monde diplomatique, les prisons italiennes comptaient 4 000 détenus pour des affaires de « terrorisme » en 1980 (fr.wikipedia.org - Brigades rouges).

 

Le 16 décembre 1981 se forment les BR - Partito Guerriglia del proletariato metropolitano, c’est-à-dire les BR - Parti Guérilla du prolétariat métropolitain, issus du fronte carceri (front des prisons) romain et napolitain. Leur théoricien Giovanni Senzani considère que le système a intégré la classe ouvrière et qu’il faut s’appuyer sur le proletariato extralegale, prolétariat des travaux illégaux et au noir, pour former la guérilla, seule force libératrice dans les métropoles. Le reste des BR forme les BR-PCC, c’est-à-dire les Brigate Rosse per la costruzione del Partito Comunista Combattente, les Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant. Le 17 décembre la colonne Vénétie enlève le chef de l’OTAN pour l’Europe méditerranéenne, le général US James Lee Dozier. Cette action est dirigée contre le "projet de guerre réalisée par l’OTAN, le plan économico-politico-militaire de la bourgeoisie impérialiste de préparation d’une troisième guerre mondiale". La répression est organisée par l’Etat italien, la CIA, l’armée US et des experts de R.F.A.. Le 3 janvier 1982 la colonne 2 août libère quatre brigadistes de prison. A Rome Ennio di Roco et Stefane Petrella sont arrêtés et parlent sous la torture. Le 9 janvier 1982 Giovanni Senzani est arrêté ; fin janvier tout le centre de l’Italie est contrôlé et les arrestations sont légion. Le 27 janvier 1982 un brigadiste est arrêté, le 28 Dozier est libéré par des unités spéciales, les brigadistes Emanuela Frascella, Antonio Savasta, Cesare Di Leonardo, Emilia Libera et Giovanni Ciucci "arrêtés", torturés, puis officiellement arrêtés au bout de quelques jours. Seul Leonardo ne parle pas sous la torture. Environ 1000 personnes eurent alors maille à partir avec la justice pour "participation aux activités d’un groupe terroriste". Il n’y eut alors en 1982 que quelques actions du parti qui n’existera d’ailleurs bientôt plus. Les BR-PCC forment le dernier groupe, expliquent la défaite par un manque d’unité interne et lancent la "retraite stratégique", qui dure jusqu’à aujourd’hui (Histoire des brigades rouges d’après l’historique paru dans la revue Front Social - apa.online.free.fr).

 

En janvier 1982, la libération du général de l'OTAN Dozier, détenu par les BR-PG (BR-Partito guerriglia), entraîne le deuxième démantèlement des BR après que trois des brigadistes ont parlé sous la torture (pour laquelle cinq policiers seront condamnés) (Isabelle Sommier, La fin d'un cycle, La violence révolutionnaire, 2008 - www.cairn.info).

 

Le 3 mai 1983 un "noyau armé" des BR jambise Gino Giugni, professeur d’université et cadre de l’Etat (il a notamment plaidé le gel des salaire et est très proche de Craxi). Cette action forme selon les BR-PCC "le premier moment de reformation de l’initiative révolutionnaire". Dans ce premier communiqué depuis la débâcle de 1982 la thèse du parti guérilla est vivement critiquée. Pour le parti guérilla l’antagonisme dans les rapports sociaux est spontané, suinte de lui-même, et amène des mouvements de masse toujours plus grands contre la réalité métropolitaine. Les BR-PCC refusent de "suivre" le prolétariat métropolitain, ne se veut ni "expression" de lui ni encore son "représentant", seulement une "composante", un "élément". " Avant-garde dont la direction peut et doit permettre au prolétariat de se former comme classe dominante ". Après cette action, composante de la lutte contre l’Etat, les BR-PCC exécutent le 15 février 84 le général US et commandant en chef des troupes de l’O.N.U. dans le Sinaï, Ray Leamon Hunt. Hunt est " l’un de ces fonctionnaires consciencieux qui, placés dans le monde entier, organise des saloperies innombrables "au service de l’impérialisme US et au dépens des peuples luttant pour le droit à l’autodétermination et l’indépendance" (Histoire des brigades rouges d’après l’historique paru dans la revue Front Social - apa.online.free.fr).

 

Le quatrain suivant VI, 77 parle de "révolte germaine".

 

Le choix de D. Della Porta en faveur d'une confrontation Italie/ex-RFA est celui d'une comparaison par ressemblances. Comme elle le souligne en introduction, «la violence politique [y] a été l'un des phénomènes politiques les plus importants des années 70» (p. 16). Constat évident qui ne doit cependant pas cacher les différences d'amplitude, en termes notamment de victimes comme de personnes impliquées. Les actions d'extrême gauche firent en Italie 164 morts entre 1969 et 1982, contre 57 en Allemagne, tandis que quelque 6000 individus y furent inculpés pour association subversive et appartenance à un groupe armé, 1 427 pour avoir été membres d'une organisation clandestine, contre quelques centaines outre- Rhin (p. 16-17). De fait, l'« exception» italienne se confirme au fil des pages et en constitue l'une des interrogations récurrentes. Pourtant, le phénomène d'opposition extra-parlementaire puis la progressive radicalisation de certains de ses groupes apparaît, dans sa genèse comme dans son «timing», assez semblable (p. 23 et suiv.). Cela autorise d'ailleurs l'auteur à dégager un terrain d'observation et une périodisation homologues : il s'agit pour elle d'étudier la «famille de gauche libertaire» de la fin des années 1960 aux années 1990, ces dernières marquant, selon elle, «la fin d'un cycle de protestation commencé dans les années 60», alors même qu'elle souligne qu'à compter des années 1983-1984, plus rien de significatif ne survient (Isabelle Sommier, Donatella Della Porta, Social movements, political violence and the state. In: Revue française de science politique, 46e année, n°5, 1996 - www.persee.fr).

 

Malgré leur isolement sur la scène politique, les différentes BR continuent leurs campagnes d'attentats et d'assassinats. En 1981, les Brigades rouges assassinent Roberto Peci, frère de Patrizio Peci, ccollaboratore di giustizia (accusé passé aux aveux qui collabore avec la justice en échange d'une réduction de peine). Cette vengeance « transversale », qui rappelle les crimes de la Mafia, aura aussi des conséquences très graves pour les Brigades (fr.wikipedia.org - Brigades rouges).

 

Au début des années 1980, conscients de leur incapacité à renverser les régimes en place, confrontés à une répression accrue de la part des autorités désormais décidées à les écraser, les Allemands de la RAF, les Brigades rouges italiennes et Action directe cherchent à élaborer des méthodes de lutte efficaces. À partir de 1984, ils se retrouvent sur un front commun, celui de l'antiimpérialisme, et conviennent de lutter ensemble (Jean-Louis Bruguière, Les voies de la terreur, 2016 - books.google.fr).

 

Au cours des années 1980, de nombreux membres des Brigades rouges et d'autres groupes terroristes ont pu se réfugier en France en vertu de ce qu'il est convenu d'appeler la « doctrine Mitterrand » : sous réserve de ne pas se servir de leur refuge en France comme base arrière pour des actions violentes, ils avaient la garantie de ne pas être extradés. Cette doctrine ne concernait pas néanmoins les personnes coupables de crimes de sang (fr.wikipedia.org - Brigades rouges).

 

Après le suicide, le 18 octobre 1978, des chefs historiques de la RAF, Gudrun Ensslin, Andreas Baader et Jan Carl Raspe, la « troisième génération » se retrouva abandonnée à elle-même et affaiblie par de nombreuses arrestations. Mais, par l'attentat manqué contre Alexander Haig, commandant suprême de l'OTAN, le 25 juin 1979, et surtout à partir de 1981, dès qu'elle eut à nouveau rassemblé suffisamment de moyens financiers et humains, elle fit la preuve de sa vitalité retrouvée en exécutant toute une série d'attentats graves, en particulier contre des officiers et des installations américains. Nombreux furent ceux qui pensèrent qu'un coup décisif venait d'être porté à la RAF lorsque, le 16 novembre 1982, ses meneurs - Brigitte Mohnhaupt, Aldelheid Schulz et, cinq jours plus tard, Christian Klar - furent arrêtés. La découverte de nombreuses caches d'armes, où l'on trouva également de l'argent et des faux papiers, pouvait en effet laisser penser que toute l'infrastructure avait été démantelée. Mais le meurtre du diplomate allemand, Gerold von Braunmühl, le 10 octobre 1986, montre que l'hydre a redressé la tête (Tilmann Chladek, Le terrorisme en Allemagne fédérale. In: Politique étrangère, n°4 - 1986 - www.persee.fr).

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