Fitna

Fitna

 

VI, 89

 

1990-1991

 

Entre deux cymbes pieds & mains estachez,

De miel face oingt, & de laict substanté :

Guespes & mouches fitine amour fachez,

Poccilateur faucer, Cyphe tenté.

 

Garencières, Théophile de, The true prophecies or prognostications of Michel Nostradamus, Londres, 1672. Traduction anglaise des Prophéties de Nostradamus. A repéré dans les deux premiers vers du quatrain VI, 89 une citation d'un passage de Plutarque (Vies parallèles, "Artaxerxès", ch. 16) sur le supplice du «scaphisme» (www.techno-science.net).

 

Mais aussi, le quatrain reprendrait le thème de la Discorde captive avec son supplice du quatrain I, 57, provenant d'un auteur latin Crinitus parodiant Lucain et sa Pharsale (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties: (édition Macé Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

Cymbe : petit bateau, nacelle (Jean Francois, Dictionnaire roman, walon, celtique et tudesque, pour servir a l'intelligence des anciennes loix et contrats etc. Par un religieux benedictin del la congregation de S. Vannes, 1777 - www.google.fr/books/edition).

 

"cymbium" est un forme savante de "cumba", graphie normale, de "kumbion" vase en forme de "kumbè" (coupe et barque). La forme catalane "com" qui en provient signifie "auge" (Frédérique Biville, Les emprunts du latin au grec, Tome 2 : Vocalisme et conclusions, 1995 - books.google.fr).

 

Xénophon nomme les cymbales de leur ressemblance avec un os du pied en forme de bateau "kumbè" synonyme de "skaphè", os naviclare pedis (Mohammad Diab, Lexicon Orthopaedic Etymology, 1999 - www.google.fr/books/edition).

 

D'où le scaphisme, supplice perse. Et le cyphonisme qui en est une forme, où le supplicié était attaché à un poteau et couvert de miel pour attirer les piqûres d'insectes.

 

Le scaphisme, d'origine persane, consistait à enfouir le corps du condamné entre deux auges, ne laissant passer que la tête, les pieds et les mains. «On donne à manger à cet homme ainsi place; s'il refuse la nourriture, on le force de la prendre en lui piquant les yeux avec des alenes; on lui fait boire du miel détrempé dans du lait, qu'on lui verse non seulement dans la bouche, mais encore sur le visage ; on lui tient les yeux toujours tournés vers le soleil, en sorte que son visage est tout couvert de Mouches. Obligé de satisfaire dans cette auge à tous les besoins qui sont les suites de la nourriture et de la boisson, la corruption et la pourriture dans lesquelles il est plongé engendrent une quantité prodigieuse de Vers qui lui rongent tout le corps et pénètrent jusque dans les viscères. Quand on est bien assuré de sa mort, on ote l'auge supérieure et l'on trouve ses chairs mangées par ces Insectes (PLUTARQUE. Vie d'Artarercès. III).» Dans le supplice du Cyphonisme, employé de préférence par les Romains, on attachait à un poteau, pieds et mains liés, le patient. enduit de miel, et on l'exposait au soleil et, par suite, à la voracité des Mouches, des Abeilles, des Guêpes et des Fourmis (L. Mouflé, La parasitologie dans l'Antiquité, Archives de parasitologie, 1911 - books.google.fr).

 

Chez les Juifs, les adultères Ă©taient condamnĂ©s Ă  endurer un cruel supplice : on les exposait aux piqĂ»res des abeilles. A Rome, les voleurs sont attachĂ©s Ă  une colonne, nus jusqu'Ă  la ceinture, et couverts de miel. Les abeilles, les guĂŞpes et autres insectes, attirĂ©s par l'odeur pĂ©nĂ©trante du miel liquĂ©fiĂ© Ă  l'ardeur du soleil, doivent, par une continuelle titillation, tourmenter les patients d'une manière intolĂ©rable mais, ainsi que le fait observer M. Lombard, Ă  qui j'emprunte cette citation, les voleurs sont dĂ©tachĂ©s de la colonne sans avoir ressenti la moindre piqĂ»re. Voici des faits assez curieux que j'ai extraits d'un ouvrage dont le titre est sorti de ma mĂ©moire : «Les Romains tiraient un mauvais prĂ©sage lorsqu'ils voyaient des essaims de mouches s'arrĂŞter quelque part. Ceux qu'on vit s'Ă©tablir sur un autel avant la bataille de Pharsale, et s'arrĂŞter sur les vaisseaux tandis que l'armĂ©e faisait voile, annoncèrent le terrible dĂ©sastre qui menaçait PompĂ©e.» (M. Le Marchand de la Faverie, MĂ©moire sur les abeilles, Bulletin de la SociĂ©tĂ© libre d'Ă©mulation du commerce et de l'industrie de la Seine-InfĂ©rieure, 1829 - www.google.fr/books/edition).

 

Ce supplice des "bateaux", selon Zonaras, scaphisme (d'où "cymbes"), a été employé par Artaxerxès contre Mithridate et par la mère de ce roi, Parysatis, contre l'assassin de son second fils Cyrus révolté contre son frère. Coelius Rhodiginus rappelle que le cyphonisme provient du supplice du cyphon décrit déjà par Aristophane dans sa comédie Plutus. Le nom de "cyphon" fut attribué aux chenapans (Antonio Galliono, Traité des instruments de martyre (1591), 2002 - books.google.fr).

 

Aristophane fait jouer Plutus alors qu'Atarxerxès est roi de Perse, en -390.

 

"fitine"

 

Pour "Sitine" (f pour s) ? Qui signifie Athènes en italien du XVe siècle comme on peut avoir en ancien français Satin (Notes et extraits pour servir Ă  l'histoire des croisades au XVe siècle, Tome 1, 1899 - books.google.fr).

 

Aristophane (-445 - -380) est Athénien.

 

Pour "furtive" : amours furtives ou clandestines ("furtivus amor" dans l'EnĂ©ide Livre IV de Virgile) d'un mari adultère. On retrouve un supplice analogue pour les goujats (Decameron II, 9 de Boccace) (Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus : (Ă©dition MacĂ© Bonhomme de 1555), 1996 - books.google.fr).

 

Fitine : fitna ?

 

Literally meaning sedition, the word has a curious history that is worth dwelling upon. 'Fitna' emerges from the religious vocabulary of early Islam to designate semantically the realm of an extremely trying and difficult experience, rooted in the etymological history of the word. In the literal sense, 'fitna' refers to the process by which the true identity of gold is established by exposing it to the highest possible heat (if the metal dissolves, then it is not gold but some false material presented as such; if it remains intact, it is true gold). In the religious vocabulary, 'fitna', at an individual level, represents the believer's lifelong tribulation as he/she is severely tested by the trying choices and unrelenting seductions of this 'impure' worldly existence (Arabic Language Academy 1991: 461–462). At the collective level, 'fitna' acquires criminal significance in its meaning of breaking the unity of the Muslim community in order to undermine its very existence. In theological terms, 'fitina', seen as a deliberate sowing of disunion in the Muslim community, is considered a cardinal sin that warrants a horrible death for its perpetuators. The Holy Quran specifically warns against this sowing of disunion in the nascent and precarious Muslim community of the sixth century by declaring that 'fitna is worse than murder' (Holy Quran 1977: 30). Taken out of its religious and historical context, this religious prohibition against dissent came to consolidate the despotic grip over power by unjust rulers. Throughout the Arab-Islamic history from the founding years of Islam until the demise of the Ottoman empire following World War I, fitna was the primary delegitimizing tool that rulers used to face down opponents and popular revolts (Akeel Abbas, Deconstructing Despotic Legacies in the Arab Spring, Routledge Handbook of the Arab Spring: Rethinking Democratization, 2014 - books.google.fr).

 

Le terme de fitna, à l'origine «tentation» donc «épreuve» de la foi de quelqu'un, a désigné très tôt, dans l'Islam, les troubles civils de la communauté, et en particulier ceux qui ont conduit à la naissance du chiisme. Dès lors, il revêt le sens de «rupture» de l'ordre communautaire. Bien qu'il perde relativement de sa connotation religieuse pour signifier simplement «révolte», c'est un concept en soi très négatif (Henry Laurens, L'Expédition d'Egypte (1798-1801), 2014 - books.google.fr).

 

C'est la Fitna al-Kubra, le «Grand Trouble» (656-660), qui oppose, à la mort de Mahomet, ses successeurs (L'Histoire, Numéros 311 à 315, 2006 - books.google.fr).

 

Les musulmans ont envahi la Perse à l'époque du calife Omar, en 637, et l'ont conquise après plusieurs grandes batailles. C'est la foi sunnite qui a dominé pendant les neuf premiers siècles de l'islam en Perse. En dépit de cette domination, il a existé des foyers chiites, de même que le chiisme imamite, ou le zaïdisme, qui prévalaient dans certaines parties de l'Iran actuel. Quatre étapes importantes marquent l'histoire de la conservation du chiisme. D'abord, la migration de membres de la tribu des acharites d'Irak vers la ville de Qom vers la fin du VIIe siècle, ce qui est la période d'établissement du chiisme imamite en Perse. Puis, l'influence de la tradition chiite de Bagdad et Nadjaf en Perse pendant les VIIIe siècle et IXe siècle. Ensuite, l'influence de l'école de Hilla sur la Perse au XIVe siècle, et enfin l'influence du chiisme de Jabal Amel et de Bahreïn sur la Perse à l'époque de l'établissement de la dynastie safavide. Les safavides, qui régnèrent sur la Perse de 1501 à 1736, firent du chiisme la religion nationale, formant un élément unificateur fort. Comme dans les premiers temps du califat, le pouvoir safavide était fondé à la fois sur la politique et la religion : le chah était à la fois roi et représentant d'Allah (fr.wikipedia.org - Islam en Iran).

 

"fitine amour fachez"

 

Dans cette succession de mots, si "fitine" est "fitna" - ce qui n'est en rien très sĂ»r -, "amour fachez" en serait la dĂ©finition :

 

Nombre de cultures associent l'amour et la guerre. En arabe, fitna renvoie à la fois à la guerre et à la séduction sexuelle (Dessislav Sabev, Comment draguer un top-modèle, 2014 - www.google.fr/books/edition).

 

Pour le poète cordouan Ibn Hazm, auteur du Collier de la colombe, au XIe siècle, l'amour est par essence une fitna, une «guerre civile» : aimer, c'est choisir envers et contre tous un seul ĂŞtre qui se distingue par l'amour mĂŞme qu'on lui porte (FrĂ©dĂ©ric Ferney, Jean-Jacques Vincensini, Eros, l'encre du dĂ©sir, 2021 - www.google.fr/books/edition).

 

Le mot maftoun, dérivé de fitna, désigne à la fois le «fou» et l'«amoureux» (Fouad Laroui, De l'islamisme, Une réfutation personnelle du totalitarisme religieux, 2011 - www.google.fr/books/edition).

 

Comme en attestent les deux versets suivants, dans ses occurrences qurâniques, le terme «fitna» peut renvoyer Ă  son sens Ă©tymologique de test et de mise Ă  l'Ă©preuve par le feu :

 

- «Est-ce que les gens pensent qu'on les laissera dire 'Nous croyons', sans les Ă©prouver ? [youftanoĂ»n]» (29 2).

- «Le jour oĂą ils seront Ă©prouvĂ©s au Feu GoĂ»tez Ă  votre Ă©preuve ['fitnatakoĂ»m'] ! C'est ce que vous cherchiez Ă  hâter !» (51 : 13-14) Le jour oĂą ils seront Ă©prouvĂ©s au Feu !

 

Dans la sourate 29, L'AraignĂ©e, il est dit : «Nous les avons soumis Ă  l'Ă©preuve (fitna) afin de distinguer ceux qui sont sincères des menteurs.» L'Ă©preuve renvoie en ce sens Ă  une situation de trouble, de sĂ©dition ou Ă  des choses comparables. Mais le terme arabe fitna, qui signifie «sĂ©parer le bien de ce qui est mal», dĂ©signe aussi le processus de purification de l'or, de l'argent et des mĂ©taux prĂ©cieux sous l'action d'un feu Ă  haute tempĂ©rature. Si le verset est considĂ©rĂ© dans cette perspective, nous constatons alors qu'il revĂŞt le sens : «Nous avons sĂ©parĂ© le bien du mal, le vrai du faux par le biais de diffĂ©rentes Ă©preuves.» (NĂ»r Artirân, RĂ»mĂ® ou l'Ă©preuve de l'amour, 2020 - www.google.fr/books/edition).

 

Typhée

 

Pour un hellĂ©niste ou un philhellène, l'association d'idĂ©es est quasiment inĂ©vitable ici : Ă©preuve ou châtiment par le feu, tourmente, fumĂ©e, volcan, cyclone, typhon, Enfer (Tartare) ! Il est en effet difficile, autant au plan sĂ©mantique que phonologique, de ne pas cĂ©der Ă  la tentation de rapprocher le terme grec «TuphĂ©on» (i.e. «la FumĂ©e»), qui a donnĂ© le mot «typhon», Ă  la racine arabe «ftn» Ă©voquant la mise Ă  l'Ă©preuve (du feu) et aux termes arabes «tufan» (i.e. «typhon», «inondation», «dĂ©luge»; «tourbillon», «trombe», etc.) et «fitan» (pluriel de «fitna»). Mais, de lĂ  Ă  infĂ©rer que le Prophète de l'Islam Ă©tait imbu de culture grecque et que le texte du Qurân n'est qu'une savante paraphrase des mythes grecs, il y a un pas Ă  ne pas franchir (Papa Cheikh Jimbira Sakho, VIOLENCE TERRORISME ET RELIGION, Deux mille ans : d’histoire De l’Empire romain Ă  nos jours, TOME II PAX ISLAMICA, 2016 - www.google.fr/books/edition).

 

En ce jour la Terre, par un enfantement néfaste, mit au jour Cée, Japet, le farouche Typhée et tous ces Géants conjurés contre le ciel. Trois fois ils tentèrent d'entasser l'Ossa sur le Pélion, de rouler sur l'Ossa le verdoyant (Virgile, Les Géorgiques, Livre I, 1850 - www.google.fr/books/edition).

 

Typhée poursuit Vénus et Eros qui pour lui échapper se jette dans l'Euphrate et se métamorphosent en poissons, dont le signe astrologique éponyme suit le verseau qui est la catastérisation de l'échanson des dieux Ganymède (Les fastes d'Ovide, Traduction en vers, avec des remarques. Tome premier,  1823 - www.google.fr/books/edition).

 

Dernier fils de Terre, nĂ© de l'union de celle-ci avec Tartare, succĂ©dant selon HĂ©siode aux Titans soumis par Zeus, TyphĂ©e reprĂ©sente, pour les autres sources, la dernière tentative de Gaia de vaincre le roi des dieux. Ce monstre qui tient davantage de la bĂŞte sauvage que du dieu n'a plus rien de commun avec les hommes ; il est Ă  la fois, dans la description d'HĂ©siode, violent (hubristĂ©s) et sans loi (ânomos). Comme dans la Titanomachie, le combat de Zeus contre TyphĂ©e, le monstre aux cent tĂŞtes, Ă©branle le cosmos dans ses fondements ; avec le ciel, la terre et la mer, mĂŞme le Tartare et les Titans se ressentent du fracas de la lutte. Le monstre finalement foudroyĂ© par Zeus embrase alors Gaia elle-mĂŞme qui est rĂ©duite Ă  la masse informe d'un mĂ©tal en fusion. On retrouve donc ici l'isotopie mĂ©tallurgique qui constituait l'axe sĂ©mantique de la rĂ©duction des Titans Ă  l'impuissance et de la fondation par cet intermĂ©diaire d'un nouveau cosmos. De manière significative, la rĂ©duction de TyphĂ©e et de sa mère Ă  l'Ă©tat primordial ne dĂ©bouche sur aucun Ă©tat nouveau ; elle n'est l'objet d'aucune transformation. Seuls les vents violents sont, dans la reprĂ©sentation grecque de l'univers, la manifestation de TyphĂ©e. Ce parcours narratif complĂ©mentaire permet Ă  la souverainetĂ© de Zeus de s'Ă©tablir de manière dĂ©finitive sur la nĂ©gation du monstrueux. Avec TyphĂ©e, il n'y a plus de place pour la mĂ©diation ; cette figure conduit Ă  l'assignation d'une place dĂ©finitivement souterraine Ă  la force purement physique et Ă  une Ă©valuation radicalement nĂ©gative du monstrueux (Claude Calame, Les figures grecques du gigantesque. In: Communications, 42, 1985. Le gigantesque - www.persee.fr).

 

Le combat de Zeus et Typhon a lieu aux confins de l'Egypte et de l'Arabie Pétére. Zeus a le dessus et enferme le géant sous le volcan Etna en Sicile (Pierre Grimal, La mythologie grecque, 2018 - books.google.fr).

 

L'identification avec Typhée - ainsi qu'avec Ouragan - avait d'ailleurs été déjà proposée dans Les Cavaliers (511 ; 430-431 et 691-693) ; dans Les Guêpes, Aristophane ajouta au portrait de Cléon-Typhée des traits différents (l'odeur, etc.) - différents car appartenant à d'autres monstres, mais relevant du même univers symbolique (Revue de l'histoire des religions, Volume 209, 1992 - books.google.fr).

 

Fils d'un riche tanneur, ClĂ©ainĂ©tos, ClĂ©on avait hĂ©ritĂ© de l'entreprise familiale, ce qui faisait de lui un personnage vulgaire dont Aristophane a fait une violente caricature dans plusieurs de ses comĂ©dies. Il est considĂ©rĂ© comme le type mĂŞme du dĂ©magogue. Le caractère de ClĂ©on ne nous est connu que par Thucydide, qu'il fit exiler, et qui le prĂ©sente comme «le plus violent des citoyens et fort Ă©coutĂ© du peuple» ; il est surtout raillĂ© par Aristophane, qu'il avait poursuivi en justice et qui lui Ă©tait violemment hostile d'abord parce que ClĂ©on, un des meneurs du parti populaire, Ă©tait un fanatique (fr.wikipedia.org - ClĂ©on).

 

Cyphe

 

Gouneus, éponyme de la cité perrhèbe de Gonnoi, est le nom du chef du contingent qui rassemble deux peuples, Ainianes et Perrhèbes, dans le Catalogue des vaisseaux d'Homère. Chez Homère, comme, plus loin chez Lycophron, Gouneus est dit originaire de Kyphos, cette Kyphos dont B. Helly a montré naguère qu'il s'agissait sans doute de l'une des collines constituant la polis historique de Gonnoi. On a peu de renseignements sur ce héros. On ignore, par exemple, sa généalogie, malgré les tentatives tardives des mythographes, et même son nom est sujet à discussion, mais il est sûrement plus à sa place dans ce passage qu'un hypothétique homonyme oriental. Pour les scholiastes (comme Tzètzès), en effet, Gouneus est un Arabe, un sage, personnification de la justice, consulté par la légendaire reine Sémiramis pour trancher un différent entre Phéniciens et Babyloniens, et dont on ne sait absolument rien d'autre. Les Modernes ont simplement repris l'information, sans s'interroger sur cette présence ni sur les rapports éventuels entre lui et le Gouneus perrhèbe, son apparition n'étant liée qu'à l'allusion à la déesse de la Justice, dont il serait, en quelque sorte, un serviteur, une incarnation parfaite. [...] Gouneus l'Arabe apparaît donc comme un simple doublet oriental du Gouneus perrhèbe. On peut imaginer ici une construction poétique et symbolique par fusion de deux personnages dont l'existence même dans la tradition mythologique, est sujette à caution: un Gouneus arabe, appelé par le thème de la Justice divine - l'Arabe étant alors à mettre sur le même plan, mutatis mutandis, que le Sage oriental dans la littérature française du XVIIIe siècle - et un Gouneus thessalien, appelé par l'existence d'un sanctuaire de Thémis (Jean-Claude Decourt, Les cultes thessaliens dans l'Alexandra de Lycophron, Lycophron : éclat d'obsccurité, 2009 - books.google.fr).

 

Gonnoi était située au pied de l'Olympe, à l'entrée de Tempé, sur la rive gauche du Pénée (indication de position tirée des sources textuelles) (Les Dossiers d'archéologie, Numéros 156 à 161, 1991 - books.google.fr).

 

Gonnus (Gonnoi, Gonni) n'est pas un simple poste, comme les autres forteresses de TempĂ© ; c'est une vraie place de guerre qui peut tenir une bonne garnison. Elle joue un rĂ´le considĂ©rable dans le dernier siècle de l'indĂ©pendance macĂ©donienne; elle est le plus ferme rempart des Antigonides, et le berceau de leur dynastie. Antigone, après la captivitĂ© de son père DĂ©mĂ©trius Poliorcète, y refit lentement sa fortune ; Philippe s'y rĂ©fugia après la bataille des CynoscĂ©phales; Antiochus n'osa pas attaquer Gonnus. En 197, les Romains, craignant encore de la prendre pour eux-mĂŞmes, et ne voulant pas la laisser Ă  Philippe, l'abandonnèrent aux Perrhèbes, ses anciens maĂ®tres. Quand PersĂ©e se rĂ©solut Ă  reprendre les armes, il rouvrit la campagne par la surprise de Gonnus. Depuis la conquĂŞte romaine, Gonnus disparaĂ®t de l'histoire (ThĂ©ophile Alphonse Desdevises du DĂ©zert, GĂ©ographie ancienne de la MacĂ©doine, 1863 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - PersĂ©e de MacĂ©doine, Oeuvres de Tite-Live (Histoire romaine), 1839 - books.google.fr).

 

La vallĂ©e du TempĂ© est presqu'Ă  l'embouchure du PĂ©nĂ©e, qui y coule entre le mont Olympe et le mont Ossa ; elle commence Ă  la ville d'Homolis. Ce cĂ©lèbre vallon, couvert de bois, occupe cinq milles de terrein en longueur, et presqu'un arpent et demi en largeur. Les bords du fleuve y sont couverts d'herbes toujours fraĂ®ches, et remplis d'oiseaux dont le gazouillement forme un agrĂ©able concert. Les dieux et les dĂ©esses alloient s'y promener. C'Ă©toit la demeure du berger AristĂ©e. Il aima Eurydice, qui, fuyant ses poursuites, fut piquĂ©e d'un serpent, et mourut le jour mĂŞme de ses noces. Les nymphes, touchĂ©es de ce malheur, tuèrent toutes les abeilles d'AristĂ©e. ProtĂ©e lui conseilla d'appaiser les mânes d'Eurydice, en faisant un sacrifice d'animaux, des entrailles desquels il sortit des essaims d'abeilles (Virgile) (Charles-A.-Louis de Barentin de Montchal, GĂ©ographie ancienne et historique, Tome 1, 1823 - books.google.fr).

 

Elien peint le Tempé avec des couleurs toutes pastorales ; Pline le décrit en naturaliste, et Tite-Live, en historien chargé de transmettre les fastes militaires de Rome à la postérité, quand il fait conmaître ses dimensions et les points fortifiés de cette gorge vers Gonnus, Condylone et Lapathunte. Tels sont les récits des anciens, auxquels l'auteur d'Anacharsis a ajouté le tableau enchanteur des Pélories, célébrées en mémoire de l'événement qui donna la Thessalie aux enfants des Grecs, quand le Pénée se fut frayé un passage vers la mer. Mais au lieu des cortéges couronnés de fleurs qui voguaient sur ses ondes, à peine aperçoit-on maintenant quelques esquifs chargés de ruches d'abeilles, qu'on y fait voyager pour picorer le miel odorant des coteaux de l'Olympe et du mont Ossa. C'est au printemps que ces théories nouvelles descendent des coteaux de la Magnésie, pour naviguer sur le Pénée, tandis qu'on porte dans des chars d'autres ruches, que les pasteurs conduisent au milieu des prairies de Pharsale, qu'ils quittent, lorsqu'elles sont épuisées d'ambroisie, pour suivre le printemps jusque dans la plus haute région des montagnes. Ainsi c'est encore dans la patrie d'Aristée que les industrieuses abeilles reçoivent des soins qu'elles récompensent par des récoltes abondantes de miel et de cire (François Charles Hugues Laurent Pouqueville, Voyage dans la Grèce, 1820 - books.google.fr).

 

L'Afrique du Nord

 

Des rapports existent, dans la littérature mythologique, entre la Cyrénaïque et Gouneus, héros éponyme de Gonnoi (cf. Lycophron. Alexandra, 877-908) ; mais le lion n'apparaît jamais dans les traditions qui se rapportent à Gouneus et les développements qui rattachent le héros à la Libye semblent d'ailleurs assez récents.

 

Apparemment il n'y a aucun rapport entre ces deux types des monnaies de Gonnoi, le lion et le bélier, ni entre le lion et la cité elle-même. Pourquoi donc les habitants de Gonnoi ont-ils,à un moment donné de leur histoire, choisi d'illustrer leurs monnaies d'un fauve de cette espèce ? Le lion est un type fréquent dans le monnayage grec.

 

Les textes d'Hérodote, de Xénophon et d'Aristote sont concordants : l'habitat du lion s'étend en Grèce du Nord depuis le Nestos, à l'Est du Pangée, jusqu'à l'Achélôos, au Sud du Pinde. Devant cet accord des trois auteurs, on pourrait penser que les deux derniers ont simplement copié Hérodote, comme l'ont fait les écrivains plus tardifs qui nous parlent aussi du lion.

 

Les aventures de Thétis, la chasse de Cyrène ont pour théâtre le Pélion : nous sommes loin de l'Olympe, séjour des dieux immortels, et de Gonnoi.

 

Le lion joue un rĂ´le dans les traditions relatives Ă  deux divinitĂ©s proprement thessaliennes : ThĂ©tis et Cyrène. La première, voulant Ă©chapper aux embrassements de PelĂ©e, usa de son pouvoir divin pour se mĂ©tamorphoser : dans l'une de ses transformations, elle prit l'apparence d'un lion. PelĂ©e reprĂ©sente donc le hĂ©ros dompteur de lions, Ă  ce moment de son «combat d'amour». Cette lutte se dĂ©roulait, d'après la lĂ©gende, dans le massif du PĂ©lion, sur les bords du golfe PagasĂ©tique. Sur les pentes de la mĂŞme montagne, une autre divinitĂ©, Cyrène, affronta elle aussi, sans armes, un lion. Apollon l'aperçut au plus fort de sa lutte et tomba amoureux d'elle : il l'enleva et la transporta dans un pays cĂ©lèbre pour ses lions, la Libye (Bruno Helly, Des lions dans l'Olympe !, Revue des Ă©tudes anciennes, Tome LXX, 1968 - www.hisoma.mom.fr).

 

De ce vallon profond (v. 51), Apollon veut emmener la chasseresse dans le «jardin extraordinaire» que Zeus entretient en Libye.

A cette occasion, c'est Aphrodite qui semble y rĂ©gner de mĂŞme que, dans le Banquet de Platon, c'est le jardin de Zeus qui accueille les amours de PauvretĂ© et d'ExpĂ©dient ; et n'oublions pas que dans les Argonautiques, le mĂŞme jardin du père des dieux abrite les jeux d'Eros et de Ganymède (Claude Calame, Mythe et histoire dans l'AntiquitĂ© grecque, la crĂ©ation symbolique d'une colonie, 1996 - www.google.fr/books/edition).

 

Au quatrain I, 11, il est question de "Léon.", abréviation de Leontini de Sicile, patrie de Gorgias, maître de Ménon de Pharsale.

 

MĂ©non de Pharsale

 

Il appartenait Ă  la famille des MĂ©nonides.

 

Ménon III, également connu sous le nom de Ménon de Pharsale (né vers 423 av. J.-C. et mort vers 400 av. J.-C.), est un archonte et militaire thessalien originaire de la ville de Pharsale. Fils d'Alexidamos, il est resté dans la postérité pour sa participation en tant que général à la tête de différents contingents de mercenaires grecs durant la marche des Dix-Mille (relatée dans l'Anabase de Xénophon), ainsi que pour son dialogue avec Platon retranscrit dans l'œuvre Ménon. Le dialogue n'est probablement pas historique, mais doit avoir lieu en 402 av. J.-C., peu avant l'expédition perse de Ménon en 401 av. J.-C. Socrate dit que Ménon est un ancien élève de Gorgias et qu'il effectue de nombreux discours sur la vertu devant un large public (fr.wikipedia.org - Ménon III de Pharsale).

 

En -476/5, un Ménon de Pharsale a mobilisé des Pénestes qui étaient «sa propriété» afin de constituer une troupe de cavaliers qu'il envoya à Cimon et aux Athéniens «pour la guerre contre Éion». Qu'il s'agisse d'une levée de troupes relevant d'une initiative privée, ou d'une mobilisation dans le cadre de l'armée fédérale, il est clair que l'utilisation militaire des Pénestes ne fait de doute pour personne (Bruno Helly, L'État thessalien. Aleuas le Roux, les tétrades et les tagoi 1995 - www.persee.fr).

 

Dans la comédie des Guêpes, Aristophane met en scène Amynias qui fait une ambassade auprès des Thessaliens à Pharsale. Tout en soulignant sa pauvreté, voire sa dépendance, il est le Péneste des Pénestes, Aristophane l'accuse de frayer avec les ennemis puisque les Thessaliens, maîtres des Pénestes, malgré leur ancienne alliance avec Athènes, sont conquis à la cause de Brasidas (Silvia Milanezi, Le suffrage du rire, ou le spectacle politique en Grèce, Le rire des Grecs, anthropologie du rire en Grèce ancienne, 2000 - www.google.fr/books/edition, Comedies d'Aristophane traduit par Nicolas Louis Artaud, 1841 - www.google.fr/books/edition).

 

"Poccilateur" : pocillator ou Ă©chanson

 

Le terme "poccilateur" provient du latin "pocilator" ce qui pourrait induire à considérer l'époque romaine, de la république ou de l'Empire. En grec c'est "oinochoos". "échanson" vient du francique "skankjo" ("scantio" en latin mérovingien) apparenté à l'allemand "schenken". A moins d'induire en erreur.

 

D'autant que le cyphonisme était pratiqué, comme on l'a vu ci-dessus, par les Romains.

 

Jovi quidem suus pocillator ille rusticus pner, cæteris vero Liber ministrabat (A Jupiter c'était le jeune berger, son échanson, qui présentait la coupe; les autres dieux étaient servis par Bacchus) (Apulée, Les Métamorphoses, Oeuvres complètes, 1862 - www.google.fr/books/edition).

 

César fut accusé d'avoir été l'échanson et le giton de Nicodème.

 

Dans sa «Vie du divin Julius», Suétone évoque les relations amoureuses de Nicomède IV et du jeune Jules César et souligne que, pour ce dernier, «sa réputation à l'égard des mœurs ne fut jamais entachée que par son intimité avec Nicomède mais cela lui valut un déshonneur grave et durable, qui l'exposait aux insultes de tous». Il cite ensuite les railleries à ce sujet des ennemis politiques du futur consul, dont Cicéron (fr.wikipedia.org - Nicomède IV).

 

AntinoĂĽs, l'amant d'Hadrien, Ă©tait de Bythinie.

 

La Pharsale

 

La Guerre civile, plus connue sous le nom de Pharsale, est une épopée latine inachevée, écrite en hexamètres dactyliques, et l'œuvre principale du poète stoïcien Lucain. Son titre exact est Marci Annaei Lucani de bello ciuili libri decem (Les Dix Livres de M. A. Lucain sur la guerre civile). C'est du chant IX, v. 985, que la tradition a tiré le titre apocryphe de Pharsale - car c'est là que César a vaincu Pompée -, mais il ne figure pas dans les manuscrits (fr.wikipedia.org - Pharsale (Lucain)).

 

Les Arabes dans la Pharsale

 

Le fleuve qui se partage, et prĂ©cipite dans la mer un double torrent, sans s'apercevoir que l'Hydaspe est entrĂ© dans son vaste lit, l'Indus ne visite plus sur ses rives les peuplades qui boivent la douce liqueur qu'un roseau distille, ni celles qui teignent leur chevelure dans les sucs du safran, et qui agrafent leur flottantes tuniques avec des pierreries colorĂ©es, ni ces hommes qui construisent eux-mĂŞmes leur bĂ»cher, et se jettent vivans au milieu des flammes. O glorieuse nation, qui interpose son bras dans l'ordre du destin, et, rassasiĂ©e de la vie, fait aux dieux l'abandon volontaire des jours qui lui restent ! Viennent les fĂ©roces Cappadociens, viennent les nouveaux hĂ´tes du sauvage Amanus, et l'ArmĂ©nien rĂ©pandu le long du Niphate qui roule des rochers dans son cours : les Coastres quittent leurs forĂŞts dont les tĂŞtes pompeuses se balancent dans les nues. Vous passez dans un hĂ©misphère inconnu, Arabes Ă©tonnĂ©s que les ombres des bois ne se dessinent jamais Ă  gauche (Livre III).

 

La douce liqueur qu'un roseau distille. C'est la canne Ă  sucre, que les anciens ne cuisaient pas au feu comme nous, mais dont ils exprimaient le suc pour le boire Ă©tendu dans de l'eau.

 

Arabes étonnés que les ombres des bois ne se dessinent jamais à gauche. L'auteur parle ici de l'Arabie Heureuse ou Australe. Dans ce pays, le soleil porte l'ombre au midi, ce qui la met à gauche pour ceux qui regardent l'occident. Transportés en deçà du tropique, les Arabes sont naturellement surpris de voir l'ombre se projeter à droite (Pharsale de Lucain, traduit par Chasles et Greslou, 1835 - books.google.fr).

 

J'ai soumis et l'Arabe et le cruel Sarmate,

Le Cappadocien, et le Juif qui se flatte

D'un Dieu partout ailleurs aux mortels inconnu (Livre II) (La Pharsale de Lucain, traduite en vers français sur le texte latin de Grotius comparé avec celui de Burmann, par Lepernay, 1834 - books.google.fr).

 

Heureux les Arabes, les Mèdes et tout l'orient, que le destin garda toujours soumis à des tyrans (Livre VII) (Lucain, La guerre civile, (La Pharsale), 1974 - books.google.fr).

 

Miel et lait

 

Lycidas est un nom donné à un chevrier de Théocrite, chez Virgile (Bucoliques 7, 67), chez Horace (Ode 1, 4, 19), à un poème de John Milton (1637)

 

On trouve étrangement dans l'Idylle VIII de Bion, traduite par Longepierre publiée en 1686, un Lycidas qui ne manque ni de miel ni de lait que ce soit en été ou en hiver (J.F.S. Maizony de Lauréal, Les Bucoliques de Virgile, 1846 - books.google.fr, Les Idylles de Bion et de Moschus, Longepierre, 1688 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Hilaire-Bernard de Longepierre).

 

Appien, historien grec, qui a décrit les guerres civiles de Rome, croit que la défaite de Pompée à la bataille de Pharsale au 1er siècle avant notre ère avait eu pour cause l'envahissement par des abeilles de l'autel des Dieux (L'Abeille de France et l'apiculteur, Numéros 690 à 711, 1985 - books.google.fr).

 

Les abeilles sont exposĂ©es aux attaques de plusieurs animaux : les guĂŞpes et les frĂŞlons, de la mĂŞme race, mais abâtardis, leur font la guerre ("impugnant") (Histoire naturelle de Pline, Tome 1, traduit par Emile LittrĂ©, 1848 - books.google.fr).

 

Pour étayer l'identification d'Horace à Lycidas, on pourrait encore alléguer le retour de Lycidas à la fin de l'ode I, 4, pièce dont l'humour grinçant (à mettre, à notre avis, au compte d'Anti-Ego) s'accommoderait bien d'une identification de ce puer delicatus à l'auteur lui-même (J.-Y. Maleuvre, Violence et ironie dans les Bucoliques de Virgile, 2000 - books.google.fr).

 

Horace a-t-il Ă©tĂ© d'abord un puer delicatus ? Il n'est pas douteux que plus tard il ait aimĂ© ou du moins feint d'aimer des adolescents. Mais il y a un tel contraste entre ses poèmes AnacrĂ©ontiques et la satire I, 6 oĂą il dit que son père le garda pendant toutes ses Ă©tudes indemne de tout acte et mĂŞme de tout soupçon infamant (v. 81-84) ! Faut-il ajouter foi Ă  la dĂ©claration d'Horace ? Dans l'ode I, 4 Ă  Sestius, il est question au v. 19 du «tendre Lycidas», tout comme dans les bucoliques VII et IX de Virgile. Or nous avons reconnu dans les bucoliques Horace sous le masque de Lycidas, parce que celui-ci est un ami de Menalcas (Virgile), comme le Lycidas des Idylles un ami de ThĂ©ocrite, parce que c'est un poète satirique, et enfin parce qu'il craint le jugement de Quintilius Varus (Buc. IX, v. 35 et Art poĂ©tique, v. 438). Dans la VIIe Bucolique Thyrsis, en qui nous avons reconnu Cornificius, chante un couplet amoureux Ă  Lycidas (v. 65-68). Mais rien ne prouve que Lycidas ait Ă©tĂ© sĂ©duit par ce berger-poète. Faut-il croire qu'Horace parlerait de lui-mĂŞme dans l'Ode Ă  Sestius en ayant repris le pseudonyme Virgilien ou que Virgile l'aurait repris Ă  Horace ? Ni l'un ni l'autre : en rĂ©alitĂ© le mot n'est chez Horace que le rĂ©sultat d'une confusion avec Lyciscus. Il faut en effet lire lenerum Lyciscum, comme au dĂ©but de l'Ă©pode XI il faut lire Sesti (et non Pecti), ainsi que le prouve la comparaison des deux pièces. Et dans l'Ă©pode XI Horace se dit Ă©pris de Lyciscus qui se vante de dĂ©passer en mollesse n'importe quelle femmelette, ce qui explique l'Ă©pithète lenerum. Il s'agit dans les deux pièces de Sestius et de Lyciscus, mais non de Lycidas (LĂ©on Hermann, La vie amoureuse d'Horace, Latomus, Volume 14, 1955 - books.google.fr).

 

Bion donne le nom de «Lycidas» à un jeune amoureux, et c'est à Bion que l'aura emprunté Horace (Horace: traduction en vers, Tome 3, traduction de Henry Siméon, 1874 - books.google.fr).

 

William Baxter pose la question de savoir si le Lycidas de l'Ode IV Ă©tait un Ă©chanson ("An Lycidas Sextii erat pocillator ?") (Eclogae, Una Cum Scholiis perpetuis, tam Veteribus quam Novis, restituit Willielmus Baxter, 1701 - books.google.fr, en.wikipedia.org - William Baxter (scholar)).

 

Tempé

 

Pendant la guerre civile, Q. Metellus Pius Scipio, fils de Scipion Nasica entré par adoption dans la famille des Metelli, stationne à Larisa en 48 avec son armée et y fait sa jonction avec Pompée. Ce sont là, ténus assurément, mais sans doute correctement enchaînés, des éléments qui assurent aux formules du décret évoqué ci-dessus une valeur pertinente, plus forte que celle d’une simple phraséologie appliquée à n’importe quel haut personnage (Bruno Helly, Les Italiens en Thessalie au IIe et au Ier s. av. J.-C. In : Les «bourgeoisies» municipales italiennes aux IIe et Ier siècles av. J.-C, 1983  - books.openedition.org).

 

Après la bataille de Pharsale, Pompée, en fuyant, passa par la vallée de Tempé; ayant soif, il se coucha sur le ventre et but dans la rivière. De là il gagna le bord de la mer, où il entra dans une pauvre cabane de pêcheur. Il y demeura, jusqu'à ce qu'il eût monté dans une petite barque pour gagner le vaisseau qui le reçut (Plutarque) (Charles-A.-Louis de Barentin de Montchal, Géographie ancienne et historique, Tome 1, 1823 - books.google.fr).

 

Ecartelé

 

"Cyphe" est mis en rapport avec La Pharsale de l'auteur latin Lucain (cf. quatrain VI, 82 - GĂ©nocides).

 

Le jeune homme entre, en 65, dans la conjuration de Pison, pour se venger de l'empereur aux dires de Tacite (Annales 15, 56-57) et de Suétone. Quand le complot est découvert, Lucain, comme son oncle le philosophe Sénèque, reçoit l’ordre de s’ouvrir les veines (Tacite, Annales 15, 70). Il ne put alors terminer son épopée, le BELLUM CIVILE (La Pharsale), dont les livres 4 à 10 (le 10e est incomplet ou inachevé) furent publiés après sa mort (fr.wikipedia.org - Lucain).

 

Tacite rapporte aussi que Lucain, tandis qu'il perdait son sang, récita un passage de la Pharsale, où étaient décrits les derniers instants d'un soldat de la flotte de Marseille écartelé entre deux navires pendant le combat (La litterature latine, 1994 - books.google.fr,

Tacite, Annales, Livre XV - remacle.org).

 

Dans cette journée, le sort des combats multiplia les trépas les plus bizarres. Le crampon lancé sur un vaisseau saisit Lycidas dans ses ongles de fer, et l’entraînait dans les flots. Ses compagnons le retiennent, et l’arrêtent par ses jambes suspendues. Le buste est arraché: le sang ne sort pas lentement comme d’une blessure; il tombe à la fois de toutes les veines rompues; et le mouvement de l’âme qui circule dans tous les membres s’interrompt au milieu des flots. Jamais la vie ne sortit par une plus large écluse. La partie inférieure du tronc n’étant plus alimentée par les sources de la vie, devient aussitôt la proie du trépas; mais celle où le poumon se gonfle et respire, où le cœur entretient tout son feu, lutte encore long-temps contre l’heure fatale; et après de longs assauts la mort en triomphe à peine (Livre III) (Pharsale de M. A. Lucain, traduit par Philarète Chasles, 1835 - books.google.fr).

 

Dans l’interprétation du quatrain VI, 82, on peut voir la forêt de Marseille ravagée par César pour construire ses vaisseaux.

 

Deux guerres mettent en scène Jules César en Provence. La Guerre des Gaules qui aboutit à la défaite d’Alésia par les Gaulois commandés par Vercingétorix. La Guerre Civile qui oppose notamment César à Pompée pour la suprématie suprême à Rome. C’est dans le contexte de la Guerre Civile que se situent le siège et de la prise de Marseille par Jules César. Les opérations de siège de Marseille s’étendent du Printemps au 25 octobre 49 av. J.-C. Battus sur mer contre toute attente, les Marseillais livrent une résistance terrestre exceptionnelle aux forces romaines. Marseille payera lourd le poids de sa défaite. Marseille perd son leadership à tous les niveaux. Auguste sera à peine plus clément que César. Il faudra attendre Néron, Marc Aurèle et surtout Hadrien pour voir Marseille revenir en grâce (www.provence7.com).

 

Echanson et fitna

 

The link between the feminine character of wine (and the cupbearer) and “her” transgressive quality is further illuminated by Sander's comment that “Women were presumed to be a major site of social disorder (fitna) by medieval jurists and commentators as well as in popular literature” (Paula Sanders, “Gendering the Ungendered Body: Hermaphrodites in Medieval Islamic Law," in Women in Middle Eastern History: Shifting Boundaries in Sex and Gender, 1993). [...]

 

It is in the “grotesque,” “improbable” seductive, and therefore iconoclastic body (“beyond figuration”) of the hermaphrodite that wine reaches its apotheosis, conjuring in the image of the hermaphroditic wine god Dionysos and along with him the “grotesque,” seductive, hubristic figure of the satyr (The Beloved in Middle Eastern Literatures, The Culture of Love and Languishing, 2017 - www.google.fr/books/edition).

 

Dans le Banquet de Platon, c'est Aristophane qui parle de l'androgyne primordial.

 

Le Banquet a été écrit par Platon au IVe siècle avant Jésus-Christ. Cette œuvre est constituée d’une série de discours portant sur le thème de l’amour, prononcés lors d’un banquet (Ariane Boisset, Brian Séroux, Plan, le Banquet : discours d'Aristophane - www.molon.fr).

 

Selon Platon, il existait trois catĂ©gories : l'androgyne terrestre (double femme), l'androgyne solaire (double homme) et l'androgyne lunaire (homme et femme). L'ĂŞtre lunaire, rĂ©unissant les caractĂ©ristiques du fĂ©minin et du masculin, devient un ĂŞtre de perfection (Arlette BouloumiĂ©, Les mythes de l'ogre et de l'androgyne, Cahier XXVI, 2019 - www.google.fr/books/edition).

 

Fiers de leur double nature, les Androgynes voulurent défier les Dieux, et notamment Zeus, en le provoquant sur l'Olympe. Zeus, pour les en punir les avaient rendus inoffensifs en les séparant en deux (M. Boulnois, La mystique universelle de la fécondité dans ses rapports avec la gynécomastie et la lactation, Mémoires de l'Académie malgache, 1948 - www.google.fr/books/edition).

 

L’Amour permet de retrouver l’unité originelle. Effectivement, lorsque chaque être retrouve sa moitié c’est l’Amour qui les saisit et qui leur donne envie de ne faire plus qu’une seule et même personne. Si c’est donc l’impiété qui est responsable de la séparation, c’est la piété envers le Dieu de l’Amour, Éros, qui permet de retrouver l’unité déchue (Ariane Boisset, Brian Séroux, Plan, le Banquet : discours d'Aristophane - www.molon.fr).

 

Ganymède

 

Le dixième Livre de la Pharsale raconte la conquête de l'Egypte par César.

 

Le vainqueur de Pharsale est reçu dans le palais des rois d’Egypte, où Ptolémée est son ôtage. Cléopâtre s’échappe de la tour du Phare, où. son frère la retenoit captive. Elle vient trouver César, et réussit à l’appaiser autant par ses charmes que par ses prières. César la réconcilie avec son frère. Cléopâtre lui donne un magnifique repas, à la fin duquel Achorée, prêtre d’Isis, satisfait la curiosité de César, en lui découvrant les sources et le cours du Nil. Cependant Pothin conspire avec Achillas contre la vie de César. Les soldats d’Achillas entourent le palais. César, assiégé par terre et par mer, garde auprès de lui le jeune roi Ptolémée, et combat avec valeur. Il fait jetter des torches ardentes dans les vaisseaux des assiégeans, monte sur une barque, gagne le Phare, et fait couper la tête à Pothin. La plus jeune sœur de Ptolémée, Arsinoë, tue Achillas de sa propre main. Ganymède, nouveau général des Egyptiens, presse vivement César (La Pharsale de Lucain, traduit en vers français par Brébeuf, 1796 - books.google.fr).

 

Lassés d'Arsinoé et de Ganymède, les officiers égyptiens souhaitent que leur roi les dirige et une délégation demande à César la remise de Ptolémée XIII, en échange d'Arsinoé et de la paix. Mais César temporise, reçoit des renforts et remporte la bataille du Nil qui s'avère décisive. Ganymède meurt au combat en 47 av. J.-C. (fr.wikipedia.org - Ganymède (eunuque)).

 

Ganymède est le nom de l'échanson de Jupiter.

 

L'histoire de Ganymède, ainsi que la plupart des événemens de l'histoire grecque, qui remontent aux temps dits héroïques, est racontée de deux façons différentes. Selon quelques auteurs, Ganymède, fils de Tros, roi de Troie, fut envoyé en Lydie par son père, pour y offrir un sacrifice à Jupiter, honoré dans ces contrées d'un culte particulier. Tantale, fils de Jupiter et de la nymphe Plota, régnait alors en ce pays. Il conservait le désir de se venger de Tros, qui ne l'avait point invité à la première solennité qu'il avait faite à Troie. Il saisit cette occasion de satisfaire son ressentiment. Feignant de prendre le jeune prince et les personnes de sa suite pour des espions, il donna ordre de les arrêter, et fit de Ganymède son échanson. Telle fut l'origine des longues inimitiés qui divisèrent les descendans de Tros et ceux de Tantale. Elles ne se terminèrent que par la ruine complète de Troie.

 

C'est cet événement qui a donné lieu au trait mythologique. Un jour, dit-on, Ganymède chassait sur le mont Ida; Jupiter, charmé de sa beauté, l'enleva, et lui donna dans le ciel l'emploi de verser le nectar, à la place d'Hébé (Charles Paul Landon, Annales du musée et de l'école moderne des beaux-arts, Tome 6, 1804 - books.google.fr).

 

D'une guerre civile l'autre : la société écartelée

 

La guerre civile entre César et Pompée est suivie de celle entre Octave et Marc-Antoine commencée lorsque Virgile avait 20 ans. Horace était son ami, "la moitié de son âme".

 

C'est sans doute durant la guerre civile (elle éclata quand il avait vingt ans) qu'il entre en relation avec Asinius Pollion, homme de lettres qui apparent au cercle de Catulle et des «poètes néotériques», mais aussi figure politique importante et chef militaire qui prendra par pour Marc Antoine dans la rivalité qui opposera celui-ci à Octave, petit-neveu et héritier de Jules César. Pollion commande plusieurs légions en  Cisalpine lorsque Octave, au lendemain de la victoire de Philippes (-42), entreprend de déposséder en masse les paysans italiens afin de récompenser les légionnaires césariens. La guerre fait rage de nouveau, mais le parti des spoliateurs prend le dessus, et Pollion, en infériorité, doit se replier. Le domaine paternel de Virgile est, semble-t-il, confisqué, et ses légitimes propriétaires manquent même d'y laisser la vie (Virgile, Les Bucoliques: Nouvelle édition augmentée, 2014 - books.google.fr).

 

Et Martial, refaisant en deux mots et Ă  ce point de vue toute l'histoire de Virgile, le montre qui pleurait la perte de son champ et de ses troupeaux : MĂ©cène le voit et sourit, d'une parole il rĂ©pare tout, et chasse la pauvretĂ© qui allait Ă©tendre sur ce beau talent son influence maligne : "Prends ta part de nos richesses, lui dit-il, et sois le plus grand des poĂ«tes !". Et comme surcroit de grâce, comme suprĂŞme motif d'inspiration, Martial n'oublie pas le cadeau d'un jeune esclave, d'un Ă©chanson que Virgile aurait vu en soupant chez MĂ©cène, d'autres disent chez Pollion, et qui lui fut donnĂ© pour serviteur. Et c'est Ă  ces largesses, Ă  ces nouvelles facilitĂ©s d'existence, que Martial attribue aussitĂ´t les hautes conceptions du chantre d'EnĂ©e et toute cette distance d'essor qui sĂ©pare le poĂ«me du Moucheron de la mâle pensĂ©e qui se porta Ă  cĂ©lĂ©brer les origines de Rome. La recette lui paraĂ®t sĂ»re pour crĂ©er des Virgiles Ă  volontĂ© : essayez-en! Et lui-mĂŞme au besoin il se propose (Charles-Augustin Sainte-Beuve, Etude sur Virgile: suivie d'une Etude sur Quintus de Smyrne, 1857 - books.google.fr).

 

Mécène se cache sous le pseudonyme du beau Gygès vient de Chypre (Cnidiusue Gyges, 20), l'île d'Aphrodite (cf. I, 19, 10) dans l'ode III, 7. La chose est sans doute moins évidente ici, étant donné que le garçon arbore une abondante chevelure alors que Mécène était dégarni, mais n'oublions pas qu'en I, 38 le ministre d'Auguste apparaît sous les traits d'un échanson, ou Ganymède, et qu'en plusieurs autres pièces encore il prend l'aspect d'un puer, qu'il faut souvent faire effort pour distinguer de l'autre puer, son ennemi intime (J.-Y. Maleuvre, Petite stereoscopie des Odes et Epodes d'Horace: Les Odes, 1995 - books.google.fr).

 

Au dire d'Appien (De bel. civil. II. 102), il y avait à Rome moitié d'habitants après la guerre civile. Virgile, Tite-Live, Properce se plaignaient du dépeuplement de la banlieue romaine et Lucain en accusait Pharsale (Lucien Bocquet, Le célibat dans l'antiquité envisagé au point de vue civil; les ancétre, l'état, l'Inde, l'Iran, Israël, Grèce, Rome, christianisme, 1895 - books.google.fr).

 

Il est probable que Virgile avait composĂ© un Culex, c'est-Ă -dire une Ă©popĂ©e comique sur le sort d'un moucheron. C'est du moins ce qu'on peut conclure de la cĂ©lèbre plaisanterie de Lucain, qui, fier de ses essais de jeunesse, s'Ă©criait ironiquement : quantum mihi restât ad Culicem ? (combien me reste-t-il encore Ă  faire pour Ă©galer le Culex ?). [...] Le sujet en est la mort d'un moucheron Ă©crasĂ© par un berger, au moment oĂą il le rĂ©veille pour le sauver d'un serpent; le moucheron apparaĂ®t en songe Ă  son meurtrier et lui demande une sĂ©pulture (RenĂ© Pichon, OEuvres complètes de Virgile avec bibliographie, Ă©tudes historiques et littĂ©raires, notes, grammaire, lexique et illustrations documentaires, 1916 - books.google.fr).

 

Peut-on voir dans Gonnoi le "gonu" noeud, genou, ce qui fait lien et qui est rompu socialement dans la guerre civile.

 

"faucer" : tromper

 

Dans La Mort de PompĂ©e (1643), Corneille a beaucoup ajoutĂ© ou retranchĂ©, avec une sĂ»retĂ© de goĂ»t qui peut sembler surprenante chez un admirateur de Lucain. C'est ainsi que dans tout le rĂ©cit de la mort de PompĂ©e il a suivi de fort près son modèle; mais il a su Ă©laguer bien des traits invraisemblables ou dĂ©clamatoires : PompĂ©e mourant Ă©prouve, chez Lucain, le besoin de prononcer un discours, auquel correspond un discours de la plaintive CornĂ©lie; dans la tragĂ©die française, PompĂ©e meurt sans phrases, et CornĂ©lie s'Ă©vanouit; c'est ce que tous deux avaient de mieux Ă  faire. Mais CornĂ©lie reprendra ses sens et saura parler haut; la CornĂ©lie de Lucain ne sait que pleurer, dĂ©clamer et fuir, comme son CĂ©sar ne sait pas ĂŞtre gĂ©nĂ©reux. D'un seul trait dĂ©licat et rapide Corneille indique le conflit de sentiments opposĂ©s, Ă©galement humains, qui se partagent l'âme de CĂ©sar; Lucain y insiste et fait de CĂ©sar un Tartufe. Dion Cassius va plus loin que Lucain : après avoir louĂ© CĂ©sar d'avoir rendu les derniers devoirs Ă  son gendre, il ajoute que la comĂ©die des larmes ne prĂŞta qu'Ă  rire. Ces regrets, en effet, il le remarque, ne pouvaient ĂŞtre sincères chez un ambitieux qui avait poursuivi d'une haine constante PompĂ©e vivant, et qui ne venait sans doute en Égypte que pour se dĂ©faire de lui. Ce comĂ©dien consommĂ©, pour qui Lucain n'a pas assez d'amères invectives, serait un pauvre hĂ©ros de tragĂ©die (FĂ©lix HĂ©mon, Cours de littĂ©rature Ă  l'usage des divers examens, Parties 1 Ă  4, 1889 - books.google.fr).

 

Brutus avait eu la faiblesse de croire que la même main qui renverse les lois peut les relever. Il détestait plus encore dans César le trompeur que l'ambitieux, il ne lui pardonnait pas de l'avoir dénaturé aux yeux des Romains (Alphonse De Lamartine, Jules César, Tome 1, 1856 - books.google.fr).

 

Parmi les signes qui marquent la guerre entre Octave et Marc-Antoine, un essaim d'abeilles se pose Ă  l'intĂ©rieur du retranchement de Brutus. Les devins font clore cette partie du camps. Le fantĂ´me de CĂ©sar apparaĂ®t Ă  Brutus ; l'aigle de la première lĂ©gion est couverte d'abeilles (Blandine Cuny-Le Callet, Rome et ses monstres: Naissance d'un concept philosophique et rhĂ©torique, Tome 1, 2005 - books.google.fr).

 

Rien ne sert de courir

 

C'est dans les Essais de Montaigne que l'on trouve à la suite deux réflexions sur la bataille de Pharsale entre César et Pompée et celle de Cunaxa entre Cyrus et son frère Artaxerxès II.

 

16. Parmi les reproches faits Ă  PompĂ©e Ă  propos de la bataille de Pharsale, il y a celui d'avoir arrĂŞtĂ© son armĂ©e pour attendre l'ennemi de pied ferme. Et je reprends ici les mots de Plutarque lui-mĂŞme, qui valent mieux que les miens: parce que cela affaiblit la violence que la course donne aux premiers coups, et en mĂŞme temps enlève l'Ă©lan qui jette les combattants les uns contre les autres, et qui d'ordinaire les remplit d'impĂ©tuositĂ© et de fureur plus que toute autre chose, quand ils viennent Ă  s'entrechoquer brutalement, et que leur courage s'accroĂ®t sous l'effet de la course et des cris ; au contraire cette immobilitĂ© fait que leur ardeur est en quelque sorte refroidie et figĂ©e. 17. VoilĂ  donc ce que dit Plutarque Ă  propos de cette attitude. Mais si CĂ©sar avait perdu ? N'aurait-on pas pu dire aussi bien, au contraire, que la plus forte et solide position est celle dans laquelle on se tient plantĂ© sans bouger, et que celui qui est immobile, rassemblant sa force en lui-mĂŞme et l'Ă©conomisant, possède un grand avantage sur celui qui est en mouvement, et qui a dĂ©jĂ  gaspillĂ© Ă  la course la moitiĂ© de son souffle ? Outre qu'il est impossible h une armĂ©e, qui est un corps fait de tant de pièces diverses, de se mettre en branle avec cette furie, en un mouvement bien ordonnĂ©, sans altĂ©rer ai rompre son ordonnance, et que le plus agile ne soit dĂ©jĂ  au contact de l'ennemi avant mĂŞme que son compagnon ne puisse le secourir. 18. Lors de cette mauvaise bataille des deux frères perses, Cyrus et Artaxerxès, le LacĂ©dĂ©monien ClĂ©arque qui commandait les grecs ralliĂ©s Ă  Cyrus les mena tranquillement Ă  l'attaque, sans se hâter. Mais Ă  cinquante pas du choc, il les fit courir, espĂ©rant, par la brièvetĂ© de la distance, prĂ©server leur bon ordre et leur souffle, tout en leur donnant l'avantage de l'impĂ©tuositĂ©, Ă  la fois pour eux-mĂŞmes, et pour leurs armes de trait. D'autres chefs ont rĂ©glĂ© ce dilemme de cette manière si les ennemis vous foncent dessus, attendez-les de pied ferme. S'ils vous attendent de pied ferme, foncez-leur dessus (MONTAIGNE : Les Essais - I, Traduction en français moderne, Tome 1, Guy de Pernon, 2008 - books.google.fr).

 

Lecteur de la Guerre civile, Montaigne relève le passage oĂą CĂ©sar reproche Ă  PompĂ©e d’avoir bridĂ© l’ardeur naturelle de ses soldats Ă  la bataille de Pharsale. Pourtant, dans les Essais, il donne raison Ă  PompĂ©e, suggĂ©rant que la Fortune aurait très bien pu faire de lui le vainqueur et affirmant que « la plus forte et rude assiette, est celle en laquelle on se tient plantĂ© sans bouger» (I, 47, p. 305). Alain Legros met en relation cet Ă©loge de la retenue et l’"epechĂ´" pyrrhonien : que l’on soit gĂ©nĂ©ral ou philosophe, il est bon de se mĂ©fier des passions et de savoir rester coi (Bruno MĂ©niel, «L’ardeur guerrière chez Montaigne», Cahiers de recherches mĂ©diĂ©vales et humanistes n° 34, 2017 - journals.openedition.org).

 

L'eschatologie du Qoran est assez connue. Ce qui en constitue le trait principal, c'est l'expectation prochaine de la Sa'a de „l'heure" du jugement dernier, que Mohammed emprunta aux ChrĂ©tiens. Il n'est pas encore question dans le Qoran des pronostics ordinaires de cette heure, du temps des troubles, du retour du Christ, de l'arrivĂ©e du Mahdi et du pseudo-Messie (Daddjal). Mais ils se trouvent dans les recueils de traditions et nous pouvons prouver que sous les Omayades dĂ©jĂ  ils faisaient partie des croyances musulmanes, qui plus est, que leur expectation prochaine n'a pas moins vivement occupĂ© les esprits que celle de „l'heure” n'occupa les contemporains du prophète. Le temps de troubles que la thĂ©ologie rabbinique dĂ©signe par les mots „kheble ham-machiakh” (douleurs de l'enfantement du Messie), est nommĂ© hardj par les Arabes. Ce mot signifie ordinairement un tumulte, une Ă©meute, mais il est curieux que dans la tradition on lui ait attribuĂ© le sens (qu'il a en hĂ©breu) de tuerie (cf. hereg) le prophète ayant dit al-hardj c'est al-qatl chez les Ethiopiens. Il est clair qu'on se rappela l'origine Ă©trangère de hardj, qui doit avoir Ă©tĂ© empruntĂ© Ă  l'hĂ©breu et non pas Ă  l'Ethiopien car la langue Ă©thiopienne ne possède pas la racine h.r. dj. On pourrait constater des traces de cette expectation du „hardj” dans les mots de ZobaĂŻr (quand Ă  Basra on refuse de se joindre Ă  lui contre Ali): Ceci est bien la sĂ©dition (fitna) dont on nous a parlĂ©". Mais nous en possĂ©dons des preuves plus claires. Parmi les traditions recueillies par Bokhari, Abou Daoud et autres qui se rapportent au sujet qui nous occupe, il y en a oĂą Mohammed est l'interprète de ceux qui gardaient la neutralitĂ© dans les guerres civiles. P. e. le prophète aurait dit : „ Il Ă©clatera des troubles dans lesquels il vaudra mieux ĂŞtre assis que debout, ĂŞtre debout que marcher, marcher que courir. S'y mĂŞler sera courir Ă  sa perte. Que celui qui possède une retraite s'y retire” (Gerlof van Vloten, Recherches sur la domination arabe, le chiitisme et les croyances messianiques sous le khalifat des Omayades, 1894 - books.google.fr).

 

Xénophon rapporte brièvement que le cadavre de Cyrus eut “la tête coupée et la main droite” (Francesco Mari,  La main infidèle. Le Grand Roi et la mutilation de Cyrus le Jeune, Corps au supplice et violences de guerre dans l’Antiquité, 2014 - www.academia.edu).

 

César faisait rogner d'un coup de hache les poignets aux Gaulois révoltés (Camille Flammarion, La Fin du Monde (1894), 2018 - books.google.fr).

 

Cyrus se met en marche pour renverser Artaxerxes II. La bataille décisive a lieu à Cunaxa (3 sept. -401), à vingt-cinq kilomètres de Babylone, et la mort de Cyrus met fin à la guerre civile (Pierre Salmon, La politique égyptienne d'Athènes (VIe et Ve siècles avant J.-C.), 1981 - www.google.fr).

 

On a vu plus haut que la mère de Cyrus, Parysatis, fit subir le supplice du scaphisme au meurtrier de son fils (R. Tourlet, Oeuvres complètes de l'empereur Julien, Tome 1, 1821 - books.google.fr).

 

Artaxerxès récompensa tous ceux qui avaient eu une part quelconque à la mort de Cyrus. Mais, le calme rétabli, Parysatis, outrée de douleur, n'eut plus d'autre pensée que de sacrifier à la mémoire de son fils non pas tout ce qu'elle aurait voulu saisir de victimes, mais ce qu'elle en pourrait prendre. Mithridate, arrêté, fut condamné au supplice des auges. Mosabatès, qui avait coupé la tête et la main, fut écorché vif avant qu'Artaxerxes ait eu le temps de se douter de ce que Parysatis allait faire (Arthur de Gobineau, Histoire des Perses d'après les auteurs orientaux, grecs et latins, et particulièrement d'après les manuscrits orientaux inédits, Tome 2, 1869 - books.google.fr).

 

Acrostiche : ED PG

 

ED : Aedes (temple, sanctuaire) ; PG : Primigenia (Fortuna) (Abréviations tirées du «Dictionnaire des Abréviations latines et italiennes» de A.Capelli - www.arretetonchar.fr).

 

À partir du IVe siècle, la littérature abonde en références sur la nature et les effets de Tycha Dans les discours et plaidoyers de Démosthène, la Fortune tient un rôle de premier plan en tant que force qui intervient aussi bien dans les affaires publiques que dans les affaires privées. La Fortune est d'un grand poids ou, pour mieux dire, elle intervient en tout dans les choses humaines, souligne-t-il à plusieurs reprises. Contre elle, la sagesse et la prudence humaine ne peuvent rien. Un passage de son Discours sur la Couronne résume les idées qui avaient cours sur Tyché. La Fortune se distingue en Fortune commune à tous les hommes, en celle qui préside au sort des différents peuples, en celle des individu et aussi en celle des cités. La Fortune d'Athènes, la Fortune de Philippe, la Fortune de Démosthène sont toutes pourtant des manifestations de la même divinité, mais aussi distinctes entre elles. Démosthène explique aussi la défaite des Athéniens à la bataille de Chéronée par la volonté conjointe de la Fortune, du daimon et de la divinité. Isocrate décrit l'autochtonie des Athéniens comme un cadeau de la Fortune. Xénophon mentionne le rôle que la Fortune a joué en tant que «général» afin de déterminer le plan stratégique des Dix Mille. En ce qui concerne les affaires privées, Lysias attribue à la Bonne Fortune le sauvetage d'une mort certaine, et lui-même, Eschine. et Dinarque. soulignent que certains criminels sont conduits devant la justice grâce â la Fortune (Athina Dimopoulou-Piliouni, La bonne fortune et son rôle civique dans les cités grecques et romaines, Transferts culturels et droits dans le monde grec et hellénistique, 2019 - www.google.fr/books/edition).

 

Le conflit des deux Fortunes, celle de PompĂ©e et celle de CĂ©sar, est l'un des ressorts du poème de Lucain. Dès l'ouverture de la Pharsale, l'ambitieuse Fortune de CĂ©sar, impatiensque loci fortuna secundi, se dresse contre celle de PompĂ©e, qui vit de sa gloire passĂ©e, multum- que priori / credere fortunae, tous deux Ă©gaux aux yeux de la postĂ©ritĂ© :

 

o summos hominum, quorum fortuna per orbem signa dédit, quorum fatis caelum omne uacauit!

 

Confiant dans sa Fortune au point de la soumettre Ă  l'Ă©preuve des plus grands pĂ©rils, fortunamque suam per summa pericula gaudens / exercere, CĂ©sar, sans autre escorte que celle de sa protectrice, sola placet Fortuna cornes, brave la tempĂŞte dans la barque du pauvre Amyclas et l'Ă©norme lame qui, au lieu de l'engloutir, le rejette Ă  terre, le rend Ă  la splendeur de son destin :

 

pariter tot regna, tot urbes fortunamque suam tacta tellure recepit.

 

Et quand Appien s'interroge sur l'étrange panique qui s'empara du Pompéien L. Cassius lorsque, après Pharsale, sa puissante escadre rencontra la flottille de César, et qu'il se rendit à lui en suppliant, l'historien n'y voit d'autre raison que l'effroi où l'avait plongé la Fortune qui exaltait César. Mais la Fortune de César, qui s'éleva à une si fabuleuse grandeur dans l'imagination des Grecs et des Romains de l'Empire, n'est pas seulement une figure mythique du culte césarien : avant de soutenir la légende posthume du Diuus Iulius, qui fit du dictateur défunt un autre Alexandre, elle fut une réalité politique contemporaine de ses exploits et elle joua son rôle dans la guerre psychologique qui doublait le conflit des armes. Si, dans ses écrits, César n'a jamais prononcé - du moins explicitement - le nom de sa Fortune, ses adversaires et ses amis s'en sont chargés à sa place et lui-même, mais en dehors des Commentaires, a invoqué le patronage de lane en des termes dont la clarté ne laisse prise à aucun doute. Dès le passage du Rubicon, la Fortune de César est au cœur de la guerre civile, de son enjeu politique et des débats idéologiques qu'elle soulève (Jacqueline Champeaux, Fortuna. Le culte de la Fortune à Rome et dans le monde romain. II - Les transformations de Fortuna sous la République. Rome : École Française de Rome, 1987 - www.persee.fr).

 

Cf. quatrain I, 33 - La fortune de François de Valois - 1581-1582.

 

Cependant, en se proclamant miles fortunae, le chevalier de Dumphlun, auteur du Liber fortunae (1568), ne souhaite pas se poser, bien entendu, en soldat du Vice. S'il invite le jeune frère de Charles IX à être un nouvel Hercule, c'est dans un combat que Galiot de Genouillac voyait comme un combat amoureux («J'aime Fortune»), où la fortune tend à se rapprocher de la vertu. On l'a dit, Anlézy partage une conception positive de la fortune, la Fortune-Occasion, qui propose une épreuve où va se révéler la qualité de celui qui l'affronte. Se dire miles fortunae, c'est, puisque la fortune est la volonté de Dieu (souvenons-nous des vers de la page de titre du Liber), être prêt à affronter toutes les épreuves qu'il propose (Florence Buttay, Miles fortunae. Remarques sur le Livre de Fortune de la Bibliothèque de l'Institut (ms. 1910),. In: Histoire, économie et société, 2002, 21e année, n° 4 - www.persee.fr).

 

"combat amoureux" cf. fitna.

 

Pour Ibn Khaldun, les ruses telles que l’espionnage, la dĂ©stabilisation de l’ennemi par les rumeurs, les stratagèmes, les tromperies, la dissimulation, etc., font partie des causes invisibles relevant d’une sorte de hasard et d’arbitraire. Cette dĂ©finition du statut de la ruse en guerre est assez particulière, surtout que la tradition de la science militaire chez les Arabes, ainsi que la tradition politique des Miroirs, montrent que les ruses ont un statut Ă©pistĂ©mologique qui les intègre totalement dans l’art de la guerre et qui permet, de la sorte, de les Ă©tudier, de les connaĂ®tre et de les mettre en Ĺ“uvre. Plus mĂŞme, dans bien des traitĂ©s, la guerre s’identifie Ă  l’emploi des ruses, et ces dernières reprĂ©sentent un sujet d’éloge par rapport Ă  l’usage de la force brute ou aveugle qui ne peut pas toujours assurer la victoire. Il est donc Ă©trange que la vĂ©ritable science de la guerre dont le cĹ“ur est la ruse, comme l’affirment les auteurs des adab sultaniyya ou encore un propos du Prophète disant que «la guerre, n’est qu’un jeu de tromperie», tradition citĂ©e par ailleurs par Ibn Khaldun dans un chapitre du Livre des Exemples, soit classĂ©e parmi les choses cachĂ©es, invisibles et insaisissables. Cela rend ce savoir Ă©pistĂ©mologiquement inaccessible, puisqu’il relève du pur hasard et des alĂ©as de la Fortune. Ce point nous conduit Ă  nous interroger sur le fait de savoir si Ibn Khaldun cherche Ă  montrer les limites de la rationalitĂ© politique, c’est-Ă -dire l’incapacitĂ© de gagner la guerre malgrĂ© une planification extrĂŞmement rigoureuse (tadbir), ou bien s’il veut dire par lĂ  qu’on a beau ĂŞtre un excellent stratège ou un bon tacticien, l’issue du combat restera toujours imprĂ©visible et ces qualitĂ©s ne garantiront pas l’atteinte des objectifs militaires. Les remarques d’Ibn Khaldun rejoignent les enseignements universels de la science politique : l’art doit composer avec le hasard comme le rappelle la cĂ©lèbre maxime d’Aristote, et l’homme politique dotĂ© de la plus grande virtĂą, pour reprendre l’une des notions-clĂ©s de Machiavel, doit toujours s’en remettre Ă  la Fortune, qui peut favoriser ses desseins ou bien faire Ă©chouer ses entreprises. On ne peut ĂŞtre sĂ»r de la victoire parce qu’on peut toujours s’attendre Ă  l’émergence de certains Ă©lĂ©ments contingents lors de la mise en Ĺ“uvre des plans militaires prĂ©alablement conçus et prĂ©parĂ©s. Nombreux sont, en effet, les exemples historiques qui illustrent cette règle, comme c’est le cas de la guerre des Arabes contre les Perses lors de la bataille d’al-Qadisiyya – exemple qui est citĂ© par Ibn Khaldun – oĂą les premiers Ă©taient Ă  la fois infĂ©rieurs en nombre, et ne bĂ©nĂ©ficiaient pas de toute la tradition de l’art militaire par laquelle les souverains perses se sont rendus maĂ®tres de l’Orient pendant plusieurs siècles (Makram Abbès, La guerre chez Ibn Khaldun, Lecture du chapitre 35 du livre III de la Muqaddima, AnIsl 43 (2009), p. 87-106 - www.ifao.egnet.net).

 

Idrisi dit vers 1147-1157 dans on Nuzha : «À l'Ă©poque oĂą nous Ă©crivons cet ouvrage, la ville de Cordoue a Ă©tĂ© Ă©crasĂ©e par la meule du moulin de la discorde (fitna) ; les rigueurs de la fortune ont changĂ© sa situation, et ses habitants ont subi de très grands malheurs, en sorte que sa population actuelle est peu nombreuse» (Jean-Pierre MolĂ©nat, Campagnes et monts de Tolède du XIIe au XVe siècle, 1997 - www.google.fr/books/edition).

 

Abeilles et fitna : sourate 16 du Coran

 

Le verset 110 de la sourate Al-Nahl (Les Abeilles) est un verset médinois comportant une allusion à la deuxième fitna, au moment de l'Hégire (Hichem Djaït, La vie de Muhammad, Tome 2 : La prédication prophétique à La Mecque, 2008 - www.google.fr/books/edition).

 

La Sourate an-Nahl est la 16e sourate du Coran et l’une des sourates mecquoises, située dans le chapitre (Juz’). Elle est traduite en français : sourate l’Abeille. Cette sourate est nommée an-Nahl, parce qu’elle parle de l’abeille et de l'inspiration de Dieu à elle :

 

(67) Ton Seigneur a rĂ©vĂ©lĂ© aux Abeilles : «Prenez des demeures dans les montagnes, les arbres et ce qu'Ă©lèvent les Hommes. (68) Mangez en outre de tous les fruits et, dociles, empruntez les chemins de votre Seigneur !» Du ventre [des Abeilles] sort une liqueur de diffĂ©rents aspects oĂą se trouve une guĂ©rison pour les Hommes. En vĂ©ritĂ©, en cela est certes un signe pour un peuple qui rĂ©flĂ©chit. (69) Allah vous a crĂ©Ă©s puis Il vous rappellera [tawaffä]. Il en est cependant parmi vous qui sont renvoyĂ©s jusqu'Ă  la dĂ©crĂ©pitude, afin qu'après avoir su ils ne sachent rien. Allah est omniscient et omnipotent. [...]

 

(107) Ceux dont Allah a scellé le cœur, l'ouïe et la vue, ceux-là sont les Insouciants. (108) Nul doute qu'en la [Vie] Dernière, ils ne soient les Perdants. (109) Toutefois, ceux qui ont émigré après avoir subi une épreuve (fitna), [qui] ensuite ont mené combat (jâhada) et ont été constants, en vérité, ton Seigneur, après tout cela, sera certes [envers eux] absoluteur et miséricordieux, (110) au jour où chaque âme viendra, plaidant pour elle-même, [où] chaque âme sera exactement payée de ce qu'elle aura fait et [où les Hommes] ne seront point lésés (fr.wikishia.net - Sourate an-Nahl).

 

Typologie

 

Le report de 1990 sur les dates pivot -401 et -48 donne -2792 et -2086.

 

Selon Ps-MĂ©thode 3, 6, Nemrod a fondĂ© Babylone en l'an 2890 (2790 selon la version syriaque = l'annĂ©e de la construction de la tour de Babel) après la crĂ©ation du monde ; en l'an 3370 l'Égypte s'est sĂ©parĂ©e de Nemrod (Su-Min Ri, Commentaire de la Caverne Des TrĂ©sors: Étude Sur L'histoire Du Texte Et de Ses Sources, 2000 - books.google.fr).

 

Ce qui caractérise les Titans, c'est précisément le besoin de gigantisme : s'efforçant d'investir la citadelle des dieux, ils arrachent du sol deux montagnes et les posent l'une sur l'autre pour atteindre la cime de l'Olympe. Labeur souvent mis en parallèle avec la construction de la tour de Babel symbolisant le désir de défier les puissances divines.» Paul-Georges Sansonetti, «Les Buildings des Titans» (Les magiciens du nouveau siècle, La clé de la civilisation perdue, 2018 - books.google.fr).

 

Selon le comput samaritain, -2086 est du temps d'Abraham (naissance en 2101), après la naissance de Sara (2091) (Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l'hist. univers., sacrée et proph., ecclésiast. et civile, depuis la création du monde, jusqu'à l'an 1762, 1763 - books.google.fr).

 

La sourate Ibrahim est la 14e sourate du Coran. Elle comporte 52 versets. Bien que le titre ne fasse pas directement partie du texte coranique, la tradition musulmane a donné comme nom à cette sourate Abraham, du fait que la sourate parle du prophète Abraham (fr.wikipedia.org - Ibrahim (sourate)).

 

L'Ă©preuve (fitna) signifie l'examen, ou l'interrogatoire auquel le mort est soumis au sujet de Dieu, de la religion et du prophète. Dieu (ExaltĂ© soit-il) dit : (Dieu affermit les croyants par une parole ferme, dans la vie prĂ©sente et dans l'au-delĂ . Tandis qu'Il Ă©gare les injustes.) [Coran, Abraham, XIV/27]. Le Prophète (s) dit "Quand le musulman est soumis Ă  l'interrogatoire dans sa tombe, il atteste qu'il n'y a point de divinitĂ© en dehors de Dieu et que Muhammad est le Messager de Dieu. Aussi, Dieu (ExaltĂ© soit-Il) (Dieu affermit les croyants par une parole ferme, dans la vie prĂ©sente et dans l'au-delĂ . Tandis qu'Il Ă©gare les injustes.) [Coran, Abraham, XIV/27]". [al-Buhfiri et Muslim]. L'interrogatoire est exĂ©cutĂ© par deux anges d'après le hadith du Prophète (s) disant : "Quand l'homme est dĂ©posĂ© dans sa tombe et que ses compagnons rentrent et le laissent, il entend le bruit de leurs chaussures. (...) Deux anges se prĂ©sentent alors Ă  lui et le font s'asseoir..." [Muslim]. Les deux anges chargĂ©s de l'interrogatoire des morts sont Munkar et Nâkir, selon le hadith rapportĂ© par al-Tirmidi (1071) d'après Abd Hurayra qui le fait remonter au Prophète (s). (n.C.) (Leon Bercher et Mohammed Zawi, La Risala ou eplire sur les elements du dogme et de la loi de l'islam selon le rite malikite d'Ibn Abi zayd al-qayrawani, 2010 - books.google.fr).

 

De nos jours

 

Si la fitna (terme que l'on pourrait traduire par désordre, guerre civile, déréliction) forme l'horizon du monde islamique, alors le djihad a de beaux jours devant lui. Le frottement entre la modernité et la culture arabo-musulmane n'a pas fini de provoquer des étincelles. Et le mauvais génie de l'islamisme ne rentrera pas de sitôt dans sa lampe à pétrole. Demain, les djihadistes français trouveront de nouvelles zones de conflit où s'entraîner, d'autres mécènes pour les financer et d'autres exemples à imiter (Guillaume Bigot, Stéphane Berthomet, Le jour où la France tremblera: Terrorisme islamiste : les vrais risques pour l'Hexagone, 2005 - books.google.fr).

 

Le Djihad dĂ©fensif constitue l'obligation individuelle, pour chaque musulman, de dĂ©fendre la terre d'islam lorsqu'elle est attaquĂ©e par des non musulmans. Ce type de Djihad reste exceptionnel puisqu'il suspend tous les autres devoirs, mĂŞme religieux, au profit de la mobilisation pour la dĂ©fense de la communautĂ©, et que sa mise en Ĺ“uvre sans le discernement nĂ©cessaire pourrait se traduire par la dissension ou la guerre civile («fitna») des musulmans entre eux, au plus grand bĂ©nĂ©fice de l'ennemi commun (Mohamed Benhammou, Le Djihadisme international : l'ennemi invisible: Mutations idĂ©ologiques et stratĂ©gies opĂ©rationnelles, L'Harmattan, 2017).

 

Regroupant des motivations similaires dans toutle monde arabe et fondĂ© au dĂ©but des annĂ©es 1990 par des vĂ©tĂ©rans des organisations du djihad antisoviĂ©tique (comme le Groupe islamique armĂ© (GIA) en AlgĂ©rie et l'ArmĂ©e islamique d'Aden-Abyane au YĂ©men), Al-Tawhid,le groupe dont Abou Moussab Al-Zarkaoui a d'abord fait partie, est une organisation salafiste radicale quasiment identique aux autres. Tous ces groupes armĂ©s partagent le mĂŞme objectif : embraser un djihad rĂ©volutionnaire Ă  travers le monde islamique et en chasser les gouvernements pro-occidentaux. Cette guerre civile, ou fitna, Ă©vincerait les rĂ©gimes arabes en place, que tiennent pour taghoĂ»t (idolâtres). Ayant rejoint le groupe Al-Tawhid en prison, Al-Zarkaouien est devenu ensuite l'Ă©mir. Ainsi, quand il a formĂ© son organisation armĂ©e en Irak, il a choisi le nom d'Al-Tawhid WalJihad. Qu'Al-Zarkaoui et Al-Baghdadi partagent tous deux le credo salafiste - Al-Baghdadi Ă©tant lui-mĂŞme issu d'une famille religieuse salafiste - explique la compatibilitĂ© de leurs visions du djihad (Loretta Napoleoni, L'Etat islamique: Multinationale de la violence, 2015 - books.google.fr).

 

C'est avec le début de la fitna, de la guerre civile algérienne en 1992, que s'ouvre une lutte idéologique entre les terroristes voulant établir le pouvoir islamique en Algérie dans un cadre national et ceux situant la lutte armée dans le cadre plus vaste de la radicalisation de l'Oumma, de la communauté mondiale des croyants. Les premiers, dits djezaïristes, auront plutôt le dessus sur leurs rivaux internationalistes pendant la guerre civile  qui fera de l'ordre de 100000 morts pendant les années 1990. En 2007, les restes des groupes terroristes algériens, issus du Groupe islamique armé (GIA) et du Groupe salafiste de prédication et decombat (GSPC) feront allégeance à Al Qaida, en établissant une «franchise» maghrébine, l'AQMI («Al Qaida au pays du Maghreb islamique»), signalant la victoire idéologique des jihadistes avec leurs partenaires dans les États voisins, dont le Groupe islamique de combat marocain (GICM), actif dans l'attentat de Madrid du 11 mars 2004 (François Heisbourg, Après Al Qaida: La nouvelle génération du terrorisme, 2009 - books.google.fr).

 

Il faut dire que le chantier algérien est titanesque: trente ans de « socialisme scientifique », dix ans de guerre civile, une société écartelée entre une jeunesse désorientée et la génération de l'indépendance encore aux affaires, des mentalités qui peinent à évoluer... La société est traversée par des courants contradictoires, tantôt conservateurs, tantôt réformistes. Une partie de la population regarde vers l'Europe, l'autre lorgne le monde arabe. «Faire évoluer le cours des choses, surtout l'état d'esprit des citoyens et des politiques, c'est pire que les douze travaux d'Hercule, explique Farouk, chauffeur de taxi parisien de retour au bercail pour un long mois de vacances» (Jeune Afrique, Numéros 2441 à 2449, 2007 - books.google.fr).

 

En mobilisant comme principales clĂ©s d'explication le jihâd et la fitna, deux concepts religieux qui serviront de titres pour ses ouvrages ultĂ©rieurs, Gilles Kepel pose ni plus ni moins que la matrice qui va s'imposer au traitement mĂ©diatique des  avatars politiques de la religion musulmane au cours des annĂ©es 1990 : substituer - ou plus souvent combiner - au «choc des civilisations» une «guerre au cĹ“ur de l'islam» ; et effacer, ce faisant, le rĂ´le bien plus dĂ©terminant de tous les autres facteurs, Ă©conomiques et sociaux, de la violence politique dans les sociĂ©tĂ©s de culture musulmane (Thomas Deltombe, L'islam imaginaire: La construction mĂ©diatique de l'islamophobie en France, 1975-2005, 2013 - books.google.fr).

 

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