Le rêve européen

Le rêve européen

 

VI, 86

 

1988-1989

 

Le grand Prélat un jour après son songe

Interprété au rebours de son sens,

De la Gascogne lui surviendra un monge

Qui fera élire le grand Prélat de Sens.

 

ArchevĂŞque de Sens

 

Dans l'optique du quatrain VI, 93, qui parle d'un "Prelat" qui serait le cardinal Mazarin, "le grand Prelat" serait encore ce dernier.

 

Louis-Henri Pardaillan de Gondrin appartenait à une illustre famille du Midi de la France. Il était né en 1620 au château de Gondrin, diocèse d'Auch, d'Antoine Arnauld, marquis de Montespan et d'Antin, seigneur de Gondrin, vice-roi de Navarre, et de Paule de Bellegarde, sœur d'Octave de Saint-Larry de Bellegarde, archevêque de Sens de 1621 à 1646. Celui-ci, après avoir été moine bénédictin à l'abbaye de Saint-Germain d'Auxerre, puis, puis, en 1614, évêque de Conserans et conseiller d'Etat, avait été muté, en 1621, sur le siège archiépiscopal de Sens. En 1644, fatigué et vieilli, Octave de Bellegarde avait présenté son neveu afin qu'il devînt son coadjuteur. Ce dernier, qui avait fait ses études au collège des Jésuites de Toulouse, puis à celui de La Flèche, et enfin à la Faculté de théologie de Sorbonne. Il fut sacré par son oncle, le 16 mai 1645, dans l'église abbatiale du Lys située près de Melun, et reçut le titre d'évêque d'Héraclée. A la mort d'Octave de Bellegarde, survenue le 26 juillet 1646, Louis-Henri de Gondrin prenait, par procuration, possession de son siège. [...]

 

Le Jansénisme de l'archevêque de Sens était aussi la conséquence d'un gallicanisme déterminé. Ferme défenseur des droits de l'épiscopat, nulle dignité ne lui semblait plus respectable ni plus désirable que la sienne, ce qui l'amena à fronder le Saint-Siège. On en eut la preuve en 1651, quand il intervint pour rappeler à Innocent X que l'usage de l'Eglise gallicane voulait qu'une appréciation des évêques de France précédât, en matière de doctrine, la décision du pouvoir pontifical. Lorsque parut en 1653, la bulle Cum occasione qui condamnait les cinq propositione de Jansénius, Gondrin la publia dans son diocèse avec quelque retard et la fit suivre d'une lettre extrêmement audacieuse, qui constituait un vrai défi à l'autorité du pape qu'il accusait d'empiéter sur les droits des évêques, et blâmait certains d'entre eux pour avoir provoqué la décision pontificale. Le 25 janvier 1654, Gondrin faisait, cependant, sa soumission et déclarait n'avoir jamais voulu manquer de respect ou de soumission à l'égard du Saint-Siège. Cette affaire prend tout son sens, si on se souvient qu'elle se déroula au plus fort de la querelle de Gondrin avec les Capucins et les Jésuites, adversaires déclarés de Port-Royal. Un conflit avec ceux-ci devait normalement éclater, car les Jésuites, dans la lutte contre les Jansénistes, s'étaient appuyés sur la vieille popularité des Capucins et attiraient à eux un public aristocratique (Jean Mauzaize, Le rôle et l'action des capucins de la province de Paris dans la France religieuse du XVIIème siècle, Tome 2, 1978 - books.google.fr).

 

Le moine ("monge" en occitan) gascon serait donc l'oncle, archevêque de Sens, titré de Bellegarde qui est en Gascogne (Gers) bien qu'il soit né à Brouage en Saintonge.

 

Bellegarde possède un château datant de 1296. Fief des Lagossan dès 1300, il passe par alliance des St Lary de 1418 à 1618. Henri IV y vint souvent avec sa favorite Gabrielle d’Estrées, jusqu’en 1610, année de sa mort (www.cc-valdegers.fr).

 

Autre Ă©lection

 

Gondrin est élu parmi les présidents de l'Assemblée du Clergé de 1655.

 

Dans l'histoire des Assemblées du Clergé, les décisions de 1656 contre les jansénistes marquent aussi une étape importante. Jusque-là les élus des bénéficiers du Royaume gardaient conscience qu'ils n'étaient envoyés à l'Assemblée que pour traiter des intérêts temporels de leurs commettants. On avait bien parlé du mariage de Monsieur, des procédures de de Louytre, on n'oubliait jamais les entreprises des réguliers. Mais ce n'était que par forme d'avis, ou tout au plus de règlements de discipline. On ne s'était pas aventuré de façon aussi décidée sur le terrain de la doctrine. En 1656 l'Assemblée du Clergé de France mettait à l'ordre du jour la discussion d'une question dogmatique, et osait proclamer ouvertement que le Clergé de France, réuni pour ses affaires temporelles, pouvait encore assumer les fonctions d'un concile national. Le souvenir n'en sera pas perdu, et le jansénisme rendra aux tenants des libertés gallicanes le service que ceux-ci lui assuraient par la protection de Gondrin. En traitant ouvertement de la doctrine des cinq propositions, on préparait, ou tout au moins on rendait aisée, la convocation de l'Assemblée qui proclamera la doctrine des Quatre articles: 1656 préparait 1682 (Pierre Blet, Le Clergé de France et la Monarchie (les assemblées générales du clergé 1615-1666), 1959 - books.google.fr).

 

Avec l'acharnement qu'il apportait à la revendication de tous les droits de son siège, Gondrin reprend la querelle issue de la création de l'archevêché de Paris aux dépends de celui de Sens en 1622 ; arrêts du Parlement et du Conseil en faveur des archevêques de Paris seront lettre morte pour ce  prélat, si procédurier cependant ; il harcela l'archevêque de Paris par de vaines taquineries, par des procédés blessants ; le conflit que bien des fois on croit à jamais terminé recommence sans cesse. A force d'arguties, de réserves en faveur des droits de l'Eglise de Sens, de faux-fuyants de toute sorte, Gondrin réussit à faire durer la querelle jusqu'en 1670. De tant d'efforts espérait-il quelque résultat ou luttait-il seulement pour l'honneur d'une belle défense ? Bien des indices nous permettent de croire que l'archevêque de Sens ne bataillait que pour la forme. S'il a refusé de reconnaître Retz pour archevêque, il soutint cependant sa cause dans l'assemblée de 1656 lorsque Mazarin voulut entreprendre de le dépouiller de son archevêché. Il a protesté contre les bulles d'investiture de Marca, et cependant il s'empresse d'aller trouver ce même Marca et d'implorer sa bienveillance en faveur des religieuses de Port-Royal. Enfin ce conflit a une fin bien mesquine : quand, en dédommagement de la création de l'archevêché de Paris, on a uni une abbaye à la mense archiépiscopale de Sens, l'antique majesté du siège est bien vite oubliée : archevêque, archidiacre, chapitre, trouvant leur compte à l'arrangement, se disent que, puisqu'on n'avait pas l'honneur, du moins fallait-il avoir le profit (Georges Dubois, Henri de Pardaillan de Gondrin, archevêque de Sens, 1646-1674, 1902 - archive.org, fr.wikipedia.org - Jean-François Paul de Gondi).

 

Songe de Mazarin en 1646

 

Mazarin, cardinal, ne peut pas cĂ©der trop sur le plan religieux, mais il doit obtenir satisfaction pour les alliĂ©s protestants de la France. Il rĂ©flĂ©chit aussi Ă  une nouvelle carte de l'Europe et commet une faute Ă  ce moment-lĂ . Dans l'hiver 1645, il pense l'Espagne Ă  bout de souffle, incapable de continuer la guerre. L'historien Paul Sonnino Ă©crit : «Il se considère lui-mĂŞme comme un surhomme [a superman] qui est tenu par le devoir d'obtenir l'immortalitĂ© Ă  travers les services qu'il rend Ă  la monarchie française.» DĂ©jĂ , certains diplomates Ă©voquent un gage de paix : le mariage entre Louis XIV et l'infante Marie-ThĂ©rèse, fille de Philippe IV, nĂ©e la mĂŞme annĂ©e que le roi de France. Mais Mazarin a d'autres ambitions qu'il prĂ©sente le 20 janvier 1646 aux plĂ©nipotentiaires Ă  MĂĽnster. Il envisage d'Ă©changer avec l'Espagne les territoires acquis par la France, avant tout la Catalogne en partie occupĂ©e, et mĂŞme sa partie septentrionale, le Roussillon, contre les Pays-Bas espagnols, Ă©ventuellement «en faveur d'un mariage». Lyrique, il rĂŞve d'une mĂ©tamorphose du royaume dont la capitale ne serait plus jamais menacĂ©e : «...l'acquisition des Pays-Bas forme Ă  la ville de Paris un boulevard inexpugnable, et ce seroit alors vĂ©ritablement que l'on pourrait l'appeler le cĹ“ur de la France, et qu'il serait placĂ© dans l'endroit le plus sĂ»r du royaume. L'on en aurait Ă©tendu les frontières jusqu'Ă  la Hollande et du cĂ´tĂ© de l'Allemagne qui est celui d'oĂą on peut aussi beaucoup craindre, jusqu'au Rhin par la rĂ©tention de la Lorraine et de l'Alsace et par la possession du Luxembourg et du comtĂ© de Bourgogne [la Franche-ComtĂ© espagnole].» Nul en France n'oserait plus trouver Ă  redire devant «tout le sang rĂ©pandu et les trĂ©sors consommĂ©s», lorsqu'ils verraient reconstituĂ© l'ancien royaume d'Austrasie. Les Français mĂ©contents ou factieux ne trouveraient plus Ă  Bruxelles un refuge sĂ»r pour continuer leurs cabales. La France serait redoutable, en particulier aux Anglais «qui sont naturellement jaloux de sa grandeur». Ce serait aussi un moyen de rendre les Ă©tats gĂ©nĂ©raux des Provinces-Unies plus «traitables» et de favoriser chez eux le catholicisme et les catholiques. Plus jamais la France n'aurait Ă  craindre la maison d'Autriche qui peut intervenir depuis les Flandres et depuis l'Allemagne, et ainsi unir ses forces, «ces deux pays Ă©tant contigus». Cet Ă©change serait «la vraie sĂ»retĂ© pour la durĂ©e de la paix». Les peuples des Flandres connaĂ®traient le repos, «leur pays Ă©tant le théâtre de la guerre depuis si longtemps». Enfin, l'acquisition des Pays-Bas favoriserait le commerce, dĂ©jĂ  avec Dunkerque, le port «le plus beau et le plus commode qui soit dans la mer OcĂ©ane». Mazarin veut redessiner une Europe nouvelle, il se fourvoie. NĂ©anmoins, son rĂŞve s'inscrit dans une continuitĂ© historique – le retour de la Flandre perdue au XVIe siècle dans l'orbe de la France - et hantera dĂ©sormais toute dĂ©finition d'une politique française en Europe. Mais l'Espagne rĂ©siste bien en 1646, Lerida ne tombant pas et, bien sĂ»r, le gouvernement espagnol utilise la proposition française comme une arme. Servien confesse Ă  la fin de 1646 : «Je n'ai presque pas assurance de ce que vous dire de la paix, tant j'ai eu du dĂ©plaisir qu'elle n'ait pas Ă©tĂ© conclue il y a six semaines comme il Ă©tait en notre pouvoir de la faire.» En revanche, la diplomatie espagnole a beau jeu d'avertir les Hollandais, alliĂ©s de la France, des appĂ©tits territoriaux de cette puissance qui veut devenir un voisin redoutable pour les Provinces-Unies. Des prĂ©liminaires de paix entre l'Espagne et les Provinces-Unies sont ainsi signĂ©s dès le 8 janvier 1647. Amsterdam l'emporte sur Anvers que la fermeture de l'Escaut vise Ă  Ă©touffer. La paix, signĂ©e le 30 janvier 1648, marque le dĂ©but d'un rapprochement entre Espagne et Hollande. Une peinture de GĂ©rard Ter Borch montre les diplomates espagnols en habits brodĂ©s jurant la paix, la main sur l'Évangile, tandis que, rĂ©pugnant Ă  ce geste un peu paĂŻen des catholiques, les graves diplomates hollandais, en simple habit noir, lèvent la main. Par la diplomatie, l'Espagne renverse Ă  son tour une situation qui lui semblait dĂ©favorable. Elle se rapproche de la puissance hollandaise et isole la France qui n'a plus guère d'alliĂ©s, au moment oĂą l'ennemi s'esquive et refuse la paix gĂ©nĂ©rale. Le grand retournement politique voit une monarchie unifiĂ©e, un État-nation Ă©mergent, la France, dĂ©fier avec succès une construction impĂ©riale et une logique dynastique, l'Europe des Habsbourg, mais, par un habile renversement diplomatique, l'Espagne se sauve de 1646 Ă  1648 au moment oĂą le royaume du jeune Louis XIV s'enfonce dans la crise et la guerre civile. Le succès des armĂ©es française et suĂ©doise contraignent l'empereur Ă  signer la paix le 24 octobre 1648. MalgrĂ© la victoire de CondĂ© Ă  Lens, le 20 aoĂ»t, le gouvernement espagnol continue la guerre (Lucien BĂ©ly, L'art de la paix en Europe: Naissance de la diplomatie moderne, XVIe-XVIIIe siècle, 2015 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Si on rabat la date de 1988 para rapport au pivot de 1646 on obtient 1304.

 

Les affaires de Flandre ont eu un rôle considérable dans le règne (1285-1314) de Philippe IV le Bel. Entre le comté et le royaume les relations furent souvent conflictuelles. D'une part le roi de France continuait l'œuvre de Philippe Auguste et de Louis IX, en forgeant un état dont l'autorité ne souffrait aucune contestation de ses vassaux ; d'autre part, le riche comté de Flandre caressait l'espoir de desserrer l'étau que représentait le pouvoir royal. Guy de Dampierre, comte de Flandre, envisagea de s'allier à Edouard Ier d'Angleterre. Philippe le Bel comprit que cette alliance, qui rappelait celle qui avait prévalu au temps de Bouvines (1214), comportait un danger mortel pour le royaume. Alors le conflits politique et militaires se succédèrent. D'abord avec l'Angleterre, en Guyenne, ensuite en Flandre, à partir de 1297. Le comté fut envahi, occupé, puis des révoltes mirent en difficulté le roi de France jusqu'à la bataille des Eperons d'Or (Courtrai, 1302) qui fut pour l'armée royale un véritable désastre. Philippe le Bel décida d'en finir. L'année 1304 marqua celle de la revanche : sur mer, à Zierikzée, les 10 et 11 août, puis à Mons-en-Pévèle, le 18 août. Sa victoire, complétée par la chute de Lille en septembre suivant, aboutit à un traité en 1305, plusieurs fois amendé par la suite. En 1320, Robert de Béthune, nouveau comte de Flandre, abandonna au roi de France les châtellenies de Lille, Douai et Orchies. Fruit de la bataille de Mons-en-Pévèle, elles resteront sous la suzeraineté royale jusque sous le règne de François Ier, en 1544 (Gérard Hugot, La bataille de Mons-en-Pévèle - 18 août 1304, 2015 - www.decitre.fr).

 

En 1526 le traité de Madrid abolit la vassalité de la Flandre vis-à-vis de la France, qui abandonne également Tournai, conquise en 1520. Le dernier lien, vassalique, du comté à la France est brisé mais comme le traité n'est pas ratifié par la France, il faut attendre 1529 (traité de Cambrai) pour que cela devienne officiel. Le comté est intégré aux Dix-Sept Provinces du Cercle de Bourgogne par Charles Quint en 1548. Le comté est ainsi formellement rattaché au Saint-Empire (en 1529 officiellement, donc), mais, comme les autres provinces, avec une vassalité réduite à l'extrême. La Pragmatique Sanction de 1549 règle et simplifie la procédure de succession dans les provinces.

 

La Flandre reste dévastée par les campagnes de l'armée française (1642-1658, 1661-1668, 1673-1678, 1689-1697, 1700-1705). Les Pays-Bas méridionaux deviennent après le traité des Pyrénées en 1659 un État tampon entre les ambitions françaises et les Provinces Unies, qui ont oublié toute idée de réunification. La Flandre subit les guerres quasi incessantes entre les puissances européennes. Louis XIV s'empare graduellement du sud du comté (Tournai, Douai, Armentières, Lille, Bergues, Furnes en 1668 à la Paix d'Aix-la-Chapelle, Courtrai, Audenarde entre 1668 et 1678, Cassel, Ypres en 1678 au traité de Nimègue), avant de refluer partiellement (fr.wikipedia.org - Comté de Flandre).

 

En ce qui concerne 1988-1989 :

 

Dans les années 1960 et 1970, François Mitterrand a forgé sa conception du rôle de la France dans la construction de l'Europe, à mi-chemin entre le rêve romantique du fédéraliste Jean Monnet et le nationalisme ombrageux de l'homme du du 18-Juin, entre les États-Unis du premier et l'Europe des États unis du second (L'Histoire, Numéros 250 à 255, 2001 - books.google.fr).

 

A la fin de son premier septennat, Mitterrand annonce qu'il se représente aux élections présidentielles de 1988... et commande un buste en bronze au sculpteur Daniel Druet qui e également réalisé ceux du président Sedate, du roi Hassan II et du pape Jean Paul II. […]

 

Pour hâter la réalisation de son rêve européen, il s'est constamment employé à consolider l'axe franco-allemand qu'il a très vite identifié comme l'élément moteur de la construction européenne - et cela quoiqu'il lui en coûtât, au moins initialement, de faire alliance avec quelqu'un d'aussi conservateur que le chancelier Helmut Kohl. La réunification allemande a sensiblement modifié le climat des relations entre les deux hommes Tout se passe comme si le président français avait pris conscience que l'Allemagne était désormais trop accaparée par ses problèmes internes pour que l'on puisse vraiment compter sur elle pour faire avancer la cause européenne. De plus, il est à craindre qu'elle ne soit tentée d'exercer une influence politique internationale à la mesure de son poids économique, une fois qu'elle aura digéré l'ancienne Allemagne de l'Est. D'où, sans doute, la volonté solennellement réaffirmée de maintenir le «rang» de la France, de s'accrocher à sa position de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, de participer à la gestion des affaires du monde aux côtés de la nation la plus puissante (Jeune Afrique plus: Le temps de l'Afrique, Numéros 12 à 13, 1991 - books.google.fr).

 

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