Migrations

Migrations

 

VI, 69

 

1976-1977

 

La pitié grande sera sans loing tarder,

Ceux qui donnoyent seront contraints de prendre,

Nuds Affamez de froid, soif, soy bander,

Les monts passer commettant grand esclandre.

 

Grèves de la faim

 

Lors de l'automne 1972, le gouvernement entend durcir sa politique migratoire. La circulaire Marcellin/Fontanet réserve les emplois aux Français et aux travailleurs immigrés munis d'un contrat de travail d'un an et d'un logement pour obtenir un permis de séjour. Ces mesures conduisent à faire de la majorité des travailleurs vivant en France des «clandestins» ou «sans-papiers» susceptibles d'être expulsés dans leur pays. Elles suscitent des grèves de la faim (comme à Valence, Saint-Étienne, Lille, etc.), des arrêts de travail à l'initiative des travailleurs, des comités de soutien et de défense, des manifestations (Michel Kokoreff, Violences policières: Généalogie d'une violence d'État, 2020 - www.google.fr/books/edition).

 

De nombreuses grèves de la faim se produisent en 1972 jusqu'en 1975 (à Montpellier en janvier) (Sadri Khiari, La contre-révolution coloniale en France: De de Gaulle à Sarkozy, 2009 - www.google.fr/books/edition).

 

Afin de faire annuler leur expulsion, Saïd et Faouzia Bouziri (jeunes militants tunisiens connus des services de renseignement) entreprennent, en octobre 1972, une grève de la faim à Paris (18e arr.). La campagne de soutien au couple Bouziri, dont une manifestation à Paris qui réunit plus de 2000 personnes, fait reculer les autorités. Cette victoire donnera des papiers (provisoires) au couple Bouziri et verra naître des organisations qui s’engagent pour l’égalité des droits des immigrés comme le Comité de défense de la vie et des droits des travailleurs immigrés (CDVDTI) (artsandculture.google.com).

 

"monts passer"

 

Les trois pays du Maghreb central (Tunisie, Algérie et Maroc) ont fortement participé aux flux migratoires qui étaient destinés à l'Europe occidentale durant la période de la reconstruction et du boom économique qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale. Durant des années et jusqu'au milieu des années 1970, date du coup d'arrêt donné à l'immigration dans cette partie du continent, des dizaines de milliers de Tunisiens, de Marocains et d'Algériens quittaient leur pays tous les ans pour aller travailler, très souvent seuls, en Europe. Nous pouvons considérer que cette première fermeture des portes de l'Europe aux flux migratoires venant de la rive sud de la Méditerranée a été à l'origine du déclenchement des premières formes de migrations irrégulières, même si les entrées se faisaient de manière légale. Les enquêtes que j'ai conduites en 1999 et 2000 dans deux régions italiennes (La Lombardie et la Ligurie) auprès de migrants en situation irrégulière et auprès de migrants déjà régularisés montrent toutes que le déclenchement des migrations irrégulières massives date de cette époque (Boubakri H., 2002). Les régularisations successives et massives des migrants dans les deux pays durant ces deux dernières décennies (1986-2006) ont fini par en faire les principaux pays d'immigration de l'Union européenne. Les ressortissants des pays du du Maghreb ont en effet continué à migrer en Europe, non plus comme travailleurs solitaires et réguliers (puisqu'ils n'avaient plus le droit d'entrer sous ce statut en France ou en Allemagne par exemple), mais en famille, comme étudiants, ou comme clandestins déguisés en touristes. Dès les années 1980, l'Espagne et l'Italie sont devenues de nouveaux pôles d'attraction pour les migrants. Au début, ces deux pays étaient des zones d'immigration par défaut. C'est parce que la France, l'Allemagne et le Benelux ont formellement mis un coup d'arrêt à l'immigration dès 1974, puis ont fait partie du premier noyau de pays membres de l'espace Schengen dès 1986, que la plupart des migrants des migrants nord-africains ont déplacé leur regard vers l'Espagne et l'Italie lesquelles ne devaient rejoindre le système Schengen que quelques années plus tard (Abdelkhaleq Berramdane, Jean Rossetto, La politique européenne d'immigration, 2009 - www.google.fr/books/edition).

 

Pierre Mauroy séjourne en Italie Du 28 au 30 juin, le Premier ministre français s'entretient à Rome avec son homologue italien M. Bettino Craxi, puis avec le pape Jean-Paul II. Les discussions entre les deux chefs de gouvernement portent sur l'amélioration du passage de la frontière transalpine pour les véhicules automobiles, sur le renforcement des contrôles des travailleurs clandestins qui se rendent en Italie par la France... (L'Année politique, économique et sociale en France, 1984 - www.google.fr/books/edition).

 

Il faut rappeler que l'Italie est au centre de la MĂ©diterranĂ©e avec ses 8000 km de cĂ´tes. C'est le pays le plus proche des zones de conflit et de misère des Balkans, d'Afrique et du Proche-Orient. C'est pour cela que, depuis 1974, l'Italie est devenue la destination et le chemin de l'espoir pour des millions d'Ă©trangers : après la fermeture Ă  l'immigration rĂ©gulière des travailleurs Ă©trangers dans les autres Ă©tats europĂ©ens, l'Ă©migration des Italiens a diminuĂ© (mĂŞme si depuis 2011 elle a augmentĂ© Ă  cause de la crise Ă©conomique) et une immigration Ă©trangère croissante et massive a changĂ© l'histoire italienne. D'un pays d'Ă©migration, soudain depuis 1974, l'Italie est devenue un pays d'immigration (Caterina Severino, La transposition de la "directive retour": France, Espagne et Italie, 2015 - www.google.fr/books/edition).

 

"esclandre"

 

Les nouvelles arrivĂ©es lĂ©gales se sont faites principalement dans le cadre du regroupement familial et ont concernĂ© surtout les groupes d'origine nord-africaine. Malheureusement, le phĂ©nomène de l'immigration clandestine se dĂ©veloppe; ces immigrants sont de plus en plus souvent impliquĂ©s dans des actes de dĂ©linquance, ce qui s'explique par le fait qu'ils n'ont aucun droit et ne peuvent accĂ©der Ă  aucune aide de la sociĂ©tĂ©. Dans les villes, la prĂ©sence de nombreux immigrants clandestins s'adonnant Ă  des activitĂ©s illicites reprĂ©sente un gros risque : les autochtones ont tendance Ă  considĂ©rer tous les Ă©trangers comme «dangereux» et donc «à Ă©viter» (Anna Del Mugnaio, Bologne, DĂ©mocratie locale : un projet de citoyennetĂ©, 1996 - www.google.fr/books/edition).

 

Acrostiche : LCNL

 

LC : licet (Adriano Cappelli, Dizionario di abbreviature latine ed italiane, 1899 - www.google.fr/books/edition).

 

Francisco de Vitoria1 (Burgos ou Vitoria, 1483-1486 - Salamanque, le 12 août 1546) était un théologien, philosophe et juriste espagnol de l'École de Salamanque. Entré dans l'ordre dominicain en 1504, il exerce une grande influence sur la vie intellectuelle de son époque.

 

Dans De potestate civili, il établit les bases théoriques du droit international moderne, dont il est aujourd'hui considéré comme l'un des fondateurs, avec Hugo Grotius (fr.wikipedia.org - Francisco de Vitoria).

 

Aucun Etat n'a donc le droit de fermer ses frontières aux Ă©trangers lorsque ceux-ci veulent y voyager ou s'y Ă©tablir, sine injuria aut damno (p. 387); l'immigration est un droit de l'homme que Vitoria qualifie de jus communicationis. L'appropriation des territoires par des groupes politiques a laissĂ© certaines choses dans le patrimoine commun de l'humanitĂ© : ce sont notamment la mer et les fleuves, par consĂ©quent, les navires de toutes les nations ont le droit d'y naviguer (Antoine Pillet, Les fondateurs du droit international, 1904 - www.google.fr/books/edition).

 

NL : non licet (Adriano Cappelli, Dizionario di abbreviature latine ed italiane, 1899 - www.google.fr/books/edition).

 

A l'opposé, le remplissage d'un espace naturel a ses limites sachant que plus il y a d'êtres humains sur un territoire moins il y a de biodiversité garante de la survie biologique de la planète Terre (Pierre Luc Ducret).

 

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