Baudouin et Baudouin

Baudouin et Baudouin

 

VI, 30

 

1947-1948

 

Par l'apparence de faincte saincteté,

Sera trahy aux ennemis le siege.

Nuict qu'on cuidoit dormir en seureté,

Pres de Brabant marcheront ceux de Liege.

 

Le faux Baudoin

 

DANS LES PREMIÈRES ANNÉES du XIIIe siècle, l'histoire du faux Baudouin des Flandres trouble profondément la conscience populaire ; elle constitue il est vrai une sorte d'archétype de l'imposture médiévale, avec ce qu'il faut d'incertitude et de questions sans réponses, de fidélités bafouées et de trahisons incompréhensibles pour lui donner une dimension tragique. En avril 1202, Baudouin, comte des Flandres, part pour la croisade. Deux ans plus tard, alors que les Grecs viennent d'être chassés de Constantinople, on décide de la création d'un empire latin, Baudouin étant alors choisi pour empereur et couronné à Sainte-Sophie le 26 mai 1204. Mais en avril de l'année suivante, il est capturé par Ionnista, roi des Valaques et des Bulgares, qui l'emmène en captivité. On perd alors sa trace, mais il semble qu'il soit mort peu après. Vingt ans plus tard, en 1225, dans une Flandre en proie au désordre où le pouvoir de Jeanne, la fille de Baudouin, est de plus en plus contesté, une rumeur se répand : celle du prochain retour du comte disparu. Tout part du village de Mortagne, près de Tournai, où un mendiant suscite la curiosité de la noblesse locale, laquelle veut savoir si, à l'instar d'autres ermites, il n'aurait pas été le compagnon de Baudouin à la croisade; mais l'homme nie. Les nobles le prenant alors pour Baudouin lui-même, il proteste encore, comparant leur attitude à celle des Anglais attendant le retour du roi Arthur et prêts à reconnaître le grand monarque sous les traits de n'importe qui. Cependant, les questionneurs persistent — en particulier deux d'entre eux, par ailleurs opposants résolus à Jeanne, à qui ils reprochent sa politique profrançaise, Bourchard d'Avenes et Philippe de Courtenay.

 

A force de sollicitations, au cours de la semaine sainte de 1225, l'ermite cède : il admet qu'il est effectivement Baudouin, exhibant à cet effet les mêmes cicatrices que ce dernier. Sans doute est-il plus petit, mais on met cette différence sur le compte de l'âge et des fatigues qu'il a endurées. De même, on note une étrange méconnaissance de la géographie locale et d'inexplicables fautes de français, une langue que Baudouin possédait jadis parfaitement ; mais l'absence, estime-t-on encore, peut expliquer tout cela. Pour faire pièce à la politique de la comtesse Jeanne, ses adversaires sont prêts à tout. Y compris à l'aveuglement. Reconnu, l'ermite fait une entrée triomphale à Valenciennes, qui l'acclame comme son seigneur et maître. De là, réinstallé dans ses meubles, il se comporte en souverain, commençant par envoyer à sa fille un message où il lui annonce son retour, et lui racontant ses aventures, sa captivité, ses tortures, son long emprisonnement chez les Sarrasins. Jeanne n'en croit rien, mais elle envoie tout de même son favori, Arnoul d'Audenarde, pour en avoir le coeur net : celui-ci revient vers elle convaincu qu'il s'agit bien de Baudouin. C'est ce que pensent également beaucoup de nobles, et en particulier les plus grands seigneurs du pays, les ducs de Brabant, de Louvain et de Limbourg. D'autres personnages, en revanche, dont certains proches du comte, ne le reconnaissent pas. Mais le peuple les soupçonne d'avoir été achetés par Jeanne. C'est que cette dernière reste campée sur ses positions : elle ne veut rien entendre et ordonne à Valenciennes de désavouer Baudouin. En résulte un début de guerre civile, mais la plupart des villes restant fidèles au comte, sa fille est contrainte de se réfugier à Paris auprès de son allié le mi Louis VIII. À la Pentecôte 1226, l'ancien ennite est donc au sommet de sa gloire : ceint de la couronne impériale, il arme des chevaliers, distribue des fiefs et des chartes aux bonnes villes, scellant tous ses actes d'un sceau où il se qualifie de comte des Flandres et de Hainaut, empereur de Constantinople et roi de Thessalonique. L'enthousiasme populaire est à son comble, le peuple exulte d'avoir retrouvé son bon seigneur. Quelques jours plus tard, c'est la débandade. Baudouin et le roi de France étant convenus de se rencontrer à Péronne, Louis VIII le reçoit courtoisement, puis l'interroge, mais Baudouin refuse obstinément de répondre à certaines questions. C'est alors que l'évêque d'Orléans, qui fait partie de la suite du roi de France, croit le reconnaître et le dénonce aussitôt : sous les traits du comte, il pense avoir identifié un jongleur originaire de Champagne, Bertrand de Rayns, qui a derrière lui une longue carrière de charlatan et qui jadis avait tenté, quoique avec moins de succès, de se faire passer pour le comte de Blois. Or, plutôt que de se défendre et de démontrer qui il est vraiment, Baudouin perd pied : il profite de la nuit pour s'enfuir et retourne à Valenciennes. Là-bas, cependant, la noblesse et la riche bourgeoisie l'abandonnent, ne comprenant pas son geste. Seul le petit peuple continue de le soutenir et s'empare de la municipalité, la ville étant assiégée par les troupes de la comtesse Jeanne. Mais l'ancien ermite s'enfuit à nouveau, une fois encore à la faveur de la nuit.

 

Quelque temps plus tard, il est arrêté près de Besançon par la police de Louis VIII et envoyé à Jeanne avec la recommandation expresse de ne pas le mettre à mort. Il est néanmoins condamné au pilori, torturé puis pendu. La population des Flandres demeurant persuadée que le supplicié était bien le véritable Baudouin, Jeanne sera longtemps accusée de parricide. La légende veut d'ailleurs qu'elle se soit persuadée, aussitôt après l'exécution, qu'il s'agissait effectivement de son père, celui-ci ayant évoqué au moment de mourir un secret que lui seul pouvait savoir. C'est en rémission de son péché qu'elle aurait fondé à Lille l'hospice Comtesse, dont les principaux ornements rappelaient, en signe de contrition, les instruments du supplice de Baudouin (Robert L. Wolff, Baldwin of Flanders and Hainaut, First Latin Emperor of Constantinople : his life, death and resurrection, Speculum, 27, 1952, p. 281-322) (Frédéric Rouvillois, Le Collectionneur d'impostures, 2010 - books.google.fr).

 

Brabant, Liège

 

L'attitude que le duc de Brabant Henri Ier avait prise dans l'affaire du faux Baudouin fut l'origine de difficultés avec sa voisine de l'ouest. Il eut avec Jeanne de Constantinople un procès en cour de Rome dont on ne connaît pas l'issue. Tous les renseignements que l'on possède sur ce point sont fournis uniquement par une bulle du 27 mai 1226. Le duc s'était engagé envers la comtesse à payer certaines sommes, avec cette clause que, s'il ne s'exécutait pas dans le délai fixé, il serait frappé d'excommunication et verrait sa terre mise en interdit par l'archevêque de Cologne, qui était alors Englebert, et par les évêques de Liège et de Cambrai. La convention est donc antérieure à la mort d'Englebert et postérieure à l'avènement de l'évêque Godefroid de Cambrai (février 1220). Peut-être fut-elle imposée au duc en 1222 par l'archevêque de Cologne, au moment où Henri I, qui s'était brouillé avec lui à cause du retrait de la condamnation de Jeanne, devait se plier aux volontés du régent tout-puissant. Quant à la dette, elle avait évidemment pour origine la garantie des obligations d'Henri I envers l'évêque de Liège, soutien de la comtesse Jeanne, que Ferrand de Portugal avait assumée en 1212. Le terme échu, sur l'avis de la comtesse, les deux évèques, à des moments différents, menacèrent le duc d'excommunication. Henri I voulut établir devant eux, par l'intermédiaire de ses procureurs, qu'il avait rempli ses engagements, mais il ne fut pas admis à en faire la preuve. L'évêque de Cambrai était particulièrement hostile au duc, qui en appela au légat du pape en France, le cardinal Romain de Saint-Ange, et au pape. Les deux évêques n'en prononcèrent pas moins l'excommunication. Ceci a dû se passer en 1225. La comtesse voulait se venger de l'appui qu'Henri Ier de Brabant faisait espérer au faux Baudouin. Godefroid de Cambrai était du parti de Jeanne. Hugues de Liège venait de s'emparer de Moha, et il est très significatif que Jeanne n'ait pas songé à réclamer l'intervention d'Englebert. Le cardinal Romain avait assisté au parlement de Péronne (Georges Smets, Henri I, duc de Brabant, 1190-1235, 1908 - books.google.fr).

 

Le château de Moha est un château fort situé dans la commune belge de Wanze en province de Liège. Il occupe un éperon rocheux au confluent de la Mehaigne et de la Fosseroule, à une centaine de mètres au nord du village de Moha. Par sa situation géographique, Moha est une zone tampon entre trois grandes puissances du Moyen-Âge : le comté de Namur, le comté de Huy intégré dans la principauté de Liège et le duché de Brabant (fr.wikipedia.org - Château de Moha).

 

Le contentieux de Moha entre Henri Ier et l'évêque de Liège Hugues de Pierrepont se complique de la guerre entre les prétendants à l'empire germanique. Hugues soutenait Frédéric II et Henri Othon IV qui le chargea de ramener l'évêque à son parti. Liège fut pillée le 3 mai 1212 (Jean Jacques Altmeyer, Précis de l'histoire du Brabant, 1847 - books.google.fr).

 

Gertrude seule héritière d'Albert II de Dasbourg (ou de Dabo-Moha), lui même oncle d'Henri Ier, mourut en 1225 sans laisser de postérité. Le prince-évêque prit aussitôt possession de l'alleu de Moha et Waleffe et l'incorpora à sa principauté. Le duc de Brabant en appela à l'empereur. Il fut décidé en 1226 que l'église de Liége seule avait droit à ce comté. Le duc de Brabant adhéra à la décision par diplomes datés du 29 août 1227, de Waremme, où il eut une entrevue avec notre prince-évêque (Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, Volumes 11-12, 1872 - books.google.fr).

 

Acrostiche : PSNP

 

PS : pseudo, du grec "faux, trompeur".

 

NP : nephastus (nefastus) (Auctores latinae linguae, in usum redacti corpus, 1602 - books.google.fr).

 

Faste vient originairement du latin fasti, jours de fête; c'est en ce sens qu'Ovide l'entend dans son poëme intitulé les Fastes. Godeau a fait sur ce modèle les Fastes de l'église, mais avec moins de succès : la religion des Romains païens était plus propre à la poésie que celle des chrétiens; à quoi on peut ajouter qu'Ovide était un meilleur poëte que Godeau. Les fastes consulaires n'étaient que la liste des consuls. Les fastes des magistrats étaient les jours où il était permis de plaider; et ceux auxquels on ne plaidait pas s'appelaient néfastes, nefasti, parce qu'alors on ne pouvait parler, fari, en justice. Ce mot nefastus, en ce sens, ne signifiait pas malheureux; au contraire, nefastus et nefandus furent l'attribut des jours infortunés en un autre sens qui signifiait jours dont on ne doit pas parler, jours dignes de l'oubli. Il y avait chez les Romains d'autres fastes encore, fasti urbis, fasti rustici; c'était un calendrier de l'usage de la ville et de la campagne. On a toujours cherché dans ces jours de solennité à étaler quelque appareil dans ses vêtemens, dans sa suite, dans ses festins. Cet appareil, étalé dans d'autres jours, s'est appelé faste. Il n'exprime que la magnificence dans ceux qui, par leur état, doivent représenter; il exprime la vanité dans les autres. Quoique le mot de faste ne soit pas toujours injurieux, fastueux l'est toujours. Un religieux qui fait parade de sa vertu met du faste jusque dans l'humilité même (Voltaire, Oeuvres complètes de Voltaire avec des remarques et des notes historiques, scientifiques et littéraires : Dictionnaire philosophique, 1826 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 1948 sur la date pivot 1225 donne 502.

 

Un tremblement de terre eut lieu en 502 à Tournai (Lodewyk Torfs, Fastes des calamités publiques survenues dans les Pays-Bas et particulièrement en Belgique: Hivers, tremblements de terre, 1862 - books.google.fr).

 

On exécuta aussi quelques-uns des plus coupables, qui avoient fomenté le désordre, entre lesquels fur le Prévôt de Tournai, le corps du faux Baudouin fut porté à trois quarts de lieue de Lille, dans un endroit nommé aujourd'hui dure mort, parce qu'il fit cette exclamation lorsqu'on lui mit le fatal cordeau; mais l'Abbé de Loo le fit enterrer la nuit. Ce miférable s'appelloit Bertrand de Rains, Champenois, il vivoit dans les bois de : Glançon près de Mortagne (André-Joseph Panckoucke, Abrégé chronologique de l'histoire de Flandre, 1762 - books.google.fr).

 

Evrard IV de Mortagne, châtelain de Tournai, fut l'un des premiers à reconnaître en l'ermite Baudouin de Constantinople. Il l'abandonne bientôt (Armand Auguste d'Herbomez, Histoire des châtelains de Tournai de la maison de Mortagne, Tome 1, 1895 - books.google.fr).

 

Sainteté/Saleté

 

Baudouin, né le 7 septembre 1930 au château du Stuyvenberg et mort le 31 juillet 1993 à Motril, est le cinquième roi des Belges. Il règne du 17 juillet 1951 jusqu’à sa mort. Deuxième enfant et premier fils de Léopold III et de la reine Astrid, il porte le titre de comte de Hainaut alors que son père est encore duc de Brabant puis devient duc de Brabant à l'avènement de Léopold III au trône de Belgique. Il est le frère aîné et prédécesseur du roi Albert II et le frère cadet de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte de Luxembourg.

 

Juste après le débarquement, la famille royale, qui s’est agrandie avec la naissance d’Alexandre de Belgique, est emmenée par les nazis en Allemagne dans la forteresse de Hirschstein, puis en Autriche, à Strobl, où elle est libérée le 7 mai 1945 par les troupes américaines. Commence alors la «question royale». Confrontée à l'impopularité du roi Léopold III, la famille royale ne rentre pas en Belgique mais s'installe en Suisse, à Pregny, jusqu'en juillet 1950, attendant que le peuple belge débatte sur l'attitude du roi face à l'Allemagne nazie : le roi Léopold devait-il quitter la Belgique après la défaite du 28 mai 1940 ou a-t-il eu raison de rester au pays au nom de son statut monarchique pour s'y dresser comme un rempart contre l'éventuelle division du pays que les Allemands pouvaient sans doute vouloir comme ils l'avaient fait en 1914-1918. Baudouin fréquente le Collège de Genève (aujourd'hui connu sous le nom de Collège Calvin); il accompagne son père et sa belle-mère dans un grand voyage aux États-Unis en 1948. En attendant la fin des débats, le prince Charles-Théodore, frère de Léopold III, est nommé Régent du royaume jusqu’à nouvel ordre. En 1950, après la consultation populaire qui donne des résultats fort différents en Flandre et en Wallonie ou, plus exactement, entre les arrondissements électoraux urbains ou ruraux. Devant la violence opposant «léopoldistes» et «anti-léopoldistes» et à la suite de la fusillade de Grâce-Berleur, le roi, rentré au pays avec ses deux fils aînés, fait nommer Baudouin, le 11 août 1950, «Prince royal», ce qui correspond à une délégation de pouvoirs. En effet, une régence et le titre de régent étaient impossibles puisque la loi sur la fin de l'impossibilité de régner du roi Léopold III avait été votée par les Chambres. Le prince prête serment de respecter la Constitution et les lois du peuple belge devant les Chambres réunies. C’est lors de cette cérémonie que fuse le cri «Vive la République !» attribué à Julien Lahaut qui est assassiné sept jours plus tard.

 

L'avènement au trône de Baudouin se produit dans une période de crise politique et son long règne est marqué par bien d’autres, dont l’une a été le résultat de l’expression publique de sa foi catholique.

 

En 1959, quatre ans après ce voyage qui n’apporte pas de changement fondamental dans la politique belgo-congolaise, il doit annoncer l'intention du Gouvernement d'accorder l'indépendance au Congo. Le 30 juin 1960, le monarque assiste à la transmission des pouvoirs à Léopoldville et prononce un discours ressenti sur le plan international comme ignorant des atrocités commises durant la période de la gestion belge et comme glorifiant l'œuvre coloniale belge. Le Premier ministre Patrice Lumumba réplique par un discours, très critique vis-à-vis de la colonisation. Le premier ministre Patrice Lumumba est assassiné, probablement avec l'aide de services secrets belges et américains. Certains ont vu, dans l’attitude du roi Baudouin dans cette affaire d’assassinat politique, une non-assistance à personne en danger.

 

Proche du président du Zaïre Mobutu Sese Seko (il fut le parrain d'une de ses filles et a passé des vacances chez lui), il manifesta aussi de la complaisance pour le régime de Francisco Franco, aux funérailles duquel il fut empêché d’assister par l’intervention du gouvernement belge (fr.wikipedia.org - Baudouin (roi des Belges)).

 

Aimé Césaire le croque sous le nom de Basilio dans une Saison au Congo (Antoine Tshtungu Kongolo, Une approche critique des variantes dans une Saison au Congo, Aimé Césaire à l'oeuvre, 2010 - books.google.fr).

 

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