Restitutions territoriales faites par l’Espagne au Maroc

Restitutions territoriales faites par l’Espagne au Maroc

 

VI, 45

 

1958-1959

 

Le gouverneur du regne bien sçavant,

Ne consentir voulant au faict Royal :

Mellile classe par le contraire vent,

Le remettra Ă  son plus desloyal.

 

Ceuta avait été conquise par les Portugais au XVème siècle. La ville passa entre les mains de Philippe II d’Espagne lorsqu’il s’empara du Portugal en 1580. La population se prononça pour rester espagnole en 1663. Mellila fut quant à elle prise en 1497 par Don Pedro de Estopinan, commandeur de la maison ducale hispanique de Medina de Sidonia.

 

Ducs de Medina Sidonia

 

Don Juan de Guzmán, duc de Medina Sidonia et gouverneur de Gibraltar, entreprit la conquête de Melilla décrite par les chroniqueurs de l'époque, comme en ruines et à l'abandon (Alicia Fernandez Garcia, Vivre ensemble: Conflit et cohabitation à Ceuta et Melilla, 2017 - books.google.fr).

 

Sa conduite déloyale envers le comte d'Arcos, dont le fils avait pris la ville de Gibraltar, produisit, entre ces deux familles, une haine mortelle qui dura plusieurs années et coûta beaucoup de sang (Martial Thibaudier, Gibraltar, Annales maritimes et coloniales, 1839 - books.google.fr).

 

Un Alcalde de Tarifa, nommĂ© Alonzo de Arcos, apprend par un Maure transfuge, que Gibraltar est dĂ©pourvu de ses chefs qui se sont tous rendus près du Roi de Grenade pour assister Ă  une cĂ©rĂ©monie, et qu'il ne reste dans la place qu'une faible garnison. Alonzo de Arcos rĂ©unit 120 soldats et 80 cavaliers, et les dĂ©barque heureusement pendant la nuit, vers la pointe du sud de Gibraltar. Il annonce aussitĂ´t son coup de main aux chevaliers les plus puissants du voisinage, et parmi eux au Duc de Medina-Sidonia, Don Juan, fils de Don Henri de Guzman. Sans les attendre cependant, le vaillant Alcalde attaque le château qui capitule. Les Seigneurs mandĂ©s arrivent successivement; mais lĂ  commencent entr'eux les longues dissensions qui affligèrent longtems ces grandes Maisons. Le Duc de Medina-Sidonia veut garder la place pour lui-mĂŞme; mais il intervient un Edit du Roi Henri IV - Henrique IV, el Impotente, - 1454-1474,- qui rĂ©unit Gibraltar Ă  la couronne, et le seigneur Grand-Vassal cède pour le moment Ă  la nĂ©cessitĂ©. De ce jour le Rocher appartient aux ChrĂ©tiens, et la possession n'est plus disputĂ©e par les infidèles. Gibraltar se peuple : il est classĂ© dans l'Administration du Royaume et compose, conjointement avec Algesiras, un district sĂ©parĂ©. Le Roi Henri vient visiter sa nouvelle conquĂŞte, et investit Don Estevan de Villacreces des fonctions de Gouverneur, au grand mĂ©contentement du Duc de Medina-Sidonia. Alors ce Seigneur se jette dans un parti qui prend pour chef le fils du Roi, l'Infant Don Alonzo, âgĂ© seulement de onze ans. L'Infant enlevĂ© de la cour de son père reçoit le titre de Roi et les bonneurs souverains. Il n'est pas difficile au Duc de Medina-Sidonia d'obtenir de ce Monarque Ă©phĂ©mère l'investiture et la propriĂ©tĂ© complète de Gibraltar pour lui et pour ses hĂ©ritiers. Muni de cet Ă©dit, le Duc lève des soldats et attaque rĂ©gulièrement la place. C'est le neuvième siège de Gibraltar.

 

Estevan de Villacreces, le Gouverneur, abandonnĂ© Ă  lui-mĂŞme, et ayant vainement sollicitĂ© du secours de la part du Roi, abandonne la Ville et se rĂ©fugie dans le château qu'il dĂ©fend opiniâtrement pendant six mois. Ceci se passait en 1467. Une brèche livre passage aux assaillans : mais le Gouverneur se retranche dans les derniers ouvrages et y tient encore pendant plusieurs mois. A la fin il dut se rendre comme prisonnier de guerre. Le premier soin du Duc de Medina vainqueur, fut de recueillir le corps de son hĂ©roĂŻque père Henri de Medina qui Ă©tait restĂ© appendu comme un trophĂ©e Ă  la porte du château, et de faire Ă  cette glorieuse dĂ©pouille des obsèques religieuses et solennelles.

 

Le Duc de Medina-Sidonia a donc atteint enfin le but de ses dĂ©sirs. L'Infant Roi, Don Alonzo, informĂ© de sa victoire, donne Ă  la Maison de Medina cette altière devise :

 

Utriusque freti claves tenet

Domus Maxima de Guzman.

 

Au bout de trois années de ce règne factieux, l'Infant Alonzo meurt en 1468. Par suite de cet événement, les troubles qui avaient désolé la Castille semblent s'apaiser. Le premier Duc de Medina étant mort cette même année, son fils Don Henrique, désireux de rétablir la tranquillité dans ses vastes domaines, se trouve heureux de recevoir Gibraltar à titre d'octroi, avec toute réserve des droits souverains de la Couronne sur ce haut fief.

 

Ferdinand et Isabelle, en 1478, confèrent au Duc de Medina le titre de Marquis de Gibraltar pour lui et sa descendance. Ils ajoutent à cet apanage la possession d'Algesiras et de son territoire. Cependant la grande Reine Isabelle, malgré ces actes de Royale faveur, ne voyait qu'avec peine Gibraltar séparé de son Royaume. En 1492 Don Henrique Duc de Medina vint mourir dans sa ville de San Lucar, après avoir pris une part héroïque au siège de Grenade. Son fils Don Juan, le troisième Duc, en annonçant cet événement aux Rois Catholiques, leur demanda, selon la coutume en pareil cas, la confirmation de tous les biens, fiefs et privilèges dont jouissaient ses pères. Isabelle saisissant cette occasion, fit répondre au Duc qu'il obtiendrait cette confirmation générale à la condition de restituer Gibraltar à la couronne.

 

Le Duc refusa péremptoirement de se soumettre à cette injonction, et tel était alors l'état précaire de la Monarchie Espagnole, que ce refus n'eut pas d'autre suite: Gibraltar demeura dans l'apanage de la famille de Medina, qui du reste se rendit utile à la Couronne en facilitant les embarquements des expéditions qui s'emparèrent de plusieurs points de l'Afrique el notamment de Melilla en 1497.

 

A la fin cependant, et après de mûres réflexions de la part des Monarques Espagnols qui altachaient une juste importance à recouvrer le fameux rocher, l'annexion fut résolue. S'appuyant sur les droits Royaux que s'était réservés Henri IV dans son Acte de Donation, les Rois Catholiques, par un Edit publié à Tolède le 23 Décembre 1501, nommèrent au Gouvernement de Gibraltar Don Garrilaso de la Vega, chevalier de Castille, qui reçut l'ordre de prendre possession de la place au nom de la Couronne. Cet ordre eut son exécution en Janvier 1502 avec des cérémonies particulières.

 

Gibraltar soumis, sollicite des armoiries: on lui donne pour écusson une clef d'or pendante, avec la devise «Sceau de la noble cité de Gibraltar, clé de l'Espagne.» Cette faveur est suivie de beaucoup d'autres concessions qui contribuent à embellir la cité et à relever ses moyens de défense. Isabelle meurt en 1504, et recommande expressément à ses successeurs, par son testament, de ne jamais se dessaisir de Gibraltar ni d'aucune place de sa juridiction. Cet événement est suivi de troubles, à la suite desquels Ferdinand, l'époux survivant, de concert avec les Etats de Castille, appelle au Trône d'Espagne Philippe d'Autriche fils de l'Empereur Maximilien. Ferdinand lui-même se retire à Naples.

 

Pendant le règne de courte durée de Philippe I d'Autriche, Don Juan de Guzman, l'héritier de Medina, avait de nouveau revendiqué Gibraltar. Profitant de la mort du Roi, qui arriva en 1506, Don Juan se fait des partisans, et met le siège devant la forteresse pendant quelques mois. Persuadé cependant par les avis de ses amis, il renonce à cette tentative, et se retire en indemnisant les communes qui avaient souffert de l'établissement du siège.

 

Ferdinand, mort en 1516, a pour successeur Charles V d'Autriche. Cet illustre Monarque ajoute aux Armes de Gibraltar les deux colonnes avec la devise «plus ultra» en opposition avec l'ancien dicton «nec plus ultra.» Le nouveau monde était découvert (Anatole de Démidoff, Étapes maritimes sur les côtes d ?Espagne de la Catalogne à l'Andalousie, Tomes 1 à 2, 1858 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Ceuta et Melilla – Sebta et Mlilia pour les Marocains –, sont deux villes-enclaves espagnoles en terre africaine, sur le littoral méditerranéen marocain. Elles représentent le double cas particulier de villes espagnoles enclavées dans le continent africain d’une part et de villes marocaines occupées par l’Espagne depuis le XVe siècle et toujours revendiquées par le Maroc d’autre part. Cette situation est le prolongement de la Reconquista achevée par les Rois catholiques au XVe siècle et de l’expansion coloniale espagnole du XIXe siècle.

 

Avec l’établissement du Protectorat espagnol sur le nord du Maroc entre 1912 et 1956, les deux villes de Ceuta et Melilla jouent le rôle de véritables têtes de pont de la pénétration coloniale espagnole qui débute par une guerre meurtrière contre la résistance d’Abd-el-Krim, entre 1921 et 1926 (Mohamed Berriane, Ceuta et Melilla, espace frontière sous tension, Le Nord du Maroc. Intégration, inégalités et résistances, Cahier d'EMAM N° 34, 2022 - journals.openedition.org).

 

Le protectorat franco-espagnol sur le Maroc prend fin en 1956. Les dernières Présides espagnoles, Ceuta et Mellila, sont déclarées ports francs par Franco pour faire concurrence à Tanger qui avait été rendu au Maroc. L’année suivante Mohammed V devient roi.

 

À l’avènement de l’Indépendance en 1956, le Maroc récupère la zone nord puis, entre 1958 et 1975, les territoires des Aït Baamrane autour d’Ifni (1969), la zone sud du Protectorat de Tarfaya (1958), la seguia el-Hamra et Oued Dahab. L’Espagne conserve néanmoins le contrôle de Ceuta et Melilla et des peñones que revendique depuis le Maroc (Mohamed Berriane, Ceuta et Melilla, espace frontière sous tension, Le Nord du Maroc. Intégration, inégalités et résistances, Cahier d'EMAM N° 34, 2022 - journals.openedition.org).

 

L'annexion de facto du Sahara Occidental (ex-espagnol) fait suite à la «Marche Verte» orchestrée par le roi Hassan II (1975, après contrôle espagnol depuis 1885 et décolonisation ratée en 1975; la partie du territoire contrôlé par la Mauritanie fut cédée au Maroc en 1979) (Frank Jablonka, Processus et différence en communication postcoloniale: analyses de communication médiatique d'expression espagnole au Maroc, 2014 - books.google.fr).

 

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