L'empire européen VI, 93 1993-1994 Prélat avare d'ambition trompé, Rien ne sera que trop viendra cuider Ses messagers et lui bien attrapé, Tout au rebours voit qui le bois fendrait. Mazarinade Les termes du quatrain sont dignes des mazarinades comme
dans le quatrain II, 30 qui comparerait le cardinal Mazarin à Annibal. Les détracteurs du cardinal ont déployé autant
d'imagination que de mauvaise foi pour prêter à son père des professions peu
reluisantes, telles que vendeur d'huîtres à l'écaille, curé de village, pirate,
fendeur de bois, commerçant en faillite, palefrenier, et bien d'autres métiers
encore Cet homme de qui la
science Est Ă©gale Ă la
conscience : Et pour le dire, en
bon François, Ce cerueau de fendeur de bois N'ayant trouué dans la practique De sa sublime politique. Dequoy se conseruer le
droit, Qu'en cerencontre il pretendoit Sortit, & par
rodomontade Fit vn ris à la saint Medarde, Tandis qu'aiustant son chapeau Son cœur luy creuoit en la peau, Comme depuis il fit
paroistre Quand debout prés d'vne fenestre
Auec ses gestes de fendant Il disoit à son confident; Mondain, i'enrage je deteste, Quoy ce Parlement peu modeste Un thème fréquent des Mazarinades oppose l'avarice de Mazarin au soutien généreux que le Cardinal de Richelieu accordait aux gens de lettres et il était de bonne guerre alors de dauber sur la ladrerie et la cupidité "du Mazarin", telle la Mazarinade de 1651 qui donne du "raquedenaze" au Cardinal ("racle denaze" selon Furetière, 1690) (Yvette Saupé, Les murs de Troye ou l'origine du burlesque des Frères Perrault et de Beaurain, Livre 1, 2001 - books.google.fr). "attrapé" "mazarinade" a été formé comme "trivelinade", "turlupinade" ou "tabarinade", c'est un tour de farceur, une facétie de bateleur, une singerie de bouffon. C'est bien ce sens que l'on retrouve dans plusieurs pièces publiées lors du premier départ en exil de Mazarin en février 1651, et c'est de ce sens de facétie ou d'attrape de farceur qu'on est passé à celui de mauvais tour, de combine, de fourberie du ministre : «Je reviens à ses autres mazarinades», écrit à la fin d'une digression l'auteur du Réveille-matin de la Fronde royale; et celui du Troisième combat donné devant Etampes estime que Mazarin ne réussira jamais à prendre la ville «à moins qu'il n'y pratique quelque intelligence secrette, dont pourtant on se donnera bien de garde, mais il est accoustumé à de semblables Mazarinades». Cet emploi du mot au sens de vilain tour ou de mensonge n'est pas l'apanage des pamphlétaires, on le trouve dans la bouche de tous les contemporains. [...] C'est l'évolution du mot mazarinade du sens d'attrape de farceur vers celui de livret satirique qui semble avoir entraîné par récurrence une évolution analogue de tabarinade. Par exemple dans dans Le Cardinal errant ([634], Mazarine, M 10703, p. 5) : «C'estoit là sa pantalonnade, / Sa dernière Mazarinade»; le sens voisin de vilain tour de passe-passe, de tricherie aux dés s'impose dans ces vers du Carême-prenant du Cardinal Mazarin ([640], Mazarine, M 10705, p. 4) : «Les masques à la promenade / Nomment vne Mazarinade Ce que l'on appelle vn mommon» ; le mommon, d'après Furetière, est le «défi d'un coup de dez, qu'on fait quand on est deguisé en masque» (Hubert Carrier, La presse de la Fronde (1648-1653), Tome 1 : les Mazarinades, 1989 - books.google.fr). Cf. "venuste" du quatrain précédent VI, 92, pourquoi pas un coup de dés (6 6 6 pour 1666) ? "messagers" La Fronde (1648-1653), est une période de troubles graves
qui frappent le royaume de France pendant la minorité de Louis XIV (1643-1656),
alors en pleine guerre avec l’Espagne (1635-1659). Cette période de révoltes
marque une brutale réaction face à la montée de l’autorité monarchique en
France commencée sous Henri IV et Louis XIII, renforcée par la fermeté de
Richelieu et qui connaît son apogée sous le règne de Louis XIV. Après la mort
de Richelieu en 1642, puis celle de Louis XIII en 1643, le pouvoir royal est
affaibli par l'organisation d'une période de régence, par une situation
financière et fiscale difficile due aux prélèvements nécessaires pour alimenter
la guerre de Trente Ans, ainsi que par l'esprit de revanche des grands du
royaume subjugués sous la poigne de Richelieu. Cette situation provoque une
conjonction de multiples oppositions aussi bien parlementaires, qu’aristocratiques
et populaires. L'historiographie a pris l'habitude de distinguer
plusieurs phases : la première correspond à l’opposition des cours souveraines
(fronde parlementaire, 1648-1649) ; la seconde à l’opposition des Grands
(fronde des princes, 1651-1653). À ce titre, elle peut être considérée comme la
dernière grande révolte nobiliaire du XVIIe siècle. La politique de rapprochement avec quelques anciens
frondeurs (Gondi, Beaufort, le marquis de Châteauneuf) menée par Mazarin se
fait contre la famille de Bourbon-Condé (Condé qui prétendait à prendre part au
gouvernement, Conti et leur beau-frère Longueville, époux de leur sœur). Ce
retournement ouvre une nouvelle phase d'agitation appelée Fronde des princes. L'arrestation
des princes de Condé et de Conti et de leur beau-frère le duc de Longueville
est un coup de théâtre (18 janvier 1650). Ils sont emprisonnés au château de
Vincennes. L'événement provoque le soulèvement de leurs clientèles et par
conséquent, celui de leurs provinces. Gaston d'Orléans rend publique sa rupture avec Mazarin le
2 février 1651. Les deux frondes s'unissent. Le Parlement réclame la liberté
des princes, ordonne aux maréchaux de n'obéir qu'à Monsieur, lieutenant-général
du royaume (Gaston d'Orléans) Au cours de la nuit du 6 au 7 février 1651, Mazarin
quittait le Palais-Royal, et après l'échec de sa tentative de conciliation avec
les princes, qu'il était allé lui-même libérer dans la citadelle du Havre, il
ne lui restait plus qu'Ă prendre le chemin de l'exil. Une modeste suite de
familiers, de domestiques et de bagages l'escortaient vers les frontières.
Fidèles parmi les fidèles, d'Artagnan et Besmaux
demeuraient à ses côtés. Avaient-ils vraiment le choix, puisque leur sort était
celui du cardinal ? En tout cas, les voici l'un et l'autre, au cours de ce
triste hiver de l'an 1651, Ă©missaires du banni en quĂŞte d'une terre d'accueil. Dans
les premiers jours d'avril, Mazarin, qui se trouve Ă Aix-la-Chapelle, envoie
d'Artagnan à Bonn, auprès de Maximilien de Bavière archevêque-électeur de
Cologne, afin de lui demander «quelque chasteau» pour
sa retraite. Ambassadeur efficace, d'Artagnan pouvait être fier du succès de sa
mission. Quelques jours plus tard, en effet, Mazarin, accueilli comme un
prince, s'installait au château de Brühl, à deux lieues de Cologne. Il y
séjournera d'avril à novembre 1651, restant en relations avec la reine, avec
les ministres Hugues de Lionne, Le Tellier, Servien
et Colbert, ainsi qu'avec ses partisans restés en France, cela grâce à ses
messagers qui, bravant tous les dangers, faisaient la navette entre BrĂĽhl et
Paris D'Artagnan Ă©tait un des messagers de Mazarin, lui qui
mourut au siège de Maëstricht en 1673 d'une balle dans la tête (cf. quatrain
précédent VI, 92) D'autres messagers : le rêve impérial déçu (?) L'uniformité du système autrichien ramenait
périodiquement les mêmes scènes. Comme chaque empereur faisait reconnaître de
son vivant un roi des Romains, les vacances de l'empire n'étaient que simulées,
et un redoutable ascendant maîtrisait toujours la diète électorale. Ferdinand
III ne manqua pas de faire pour son fils ce que Ferdinand II avait fait pour
lui. Le fugitif Mazarin, Ă peine revenu de son exil, ne put opposer qu'une
résistance mal concertée. M. de Vautorte arriva en
Allemagne pour être témoin de l'événement qu'il devait prévenir. Mais ce
triomphe eut peu de durée. Le nouveau roi des Romains mourut au bout de
quelques mois, et l'empereur s'efforça de reporter le choix des princes sur
Léopold, son second fils. Mazarin, plus aguerri, dépêcha MM. de Lombres et de Gravel vers ce nouveau champ d'intrigues,
suscita tant d'obstacles, et manœuvra si habilement, que Ferdinand mourut le a
avril 1637, sans avoir accompli son dessein, et laissant son fils LĂ©opold, roi
de Bohême et de Hongrie, âgé de dix-sept ans, c'est-à -dire plus jeune de deux années que Louis XIV. Il y eut réellement alors une vacance
de l'empire, et la lutte entre les candidats devint plus Ă©gale. Le cardinal
Mazarin unissait à des vues hardies, des volontés faibles, et se livrait
d'autant plus à l'audace de son imagination, que ne s'avançant jamais que par
des routes obliques, il faisait facilement retraite devant les obstacles. Il
avait à choisir, dans la circonstance, ou la témérité de François Ier, ou la
prudence de Richelieu; mais son caractère, ennemi des moyens décisifs, aima
mieux onduler entre ces deux partis, masquer son but véritable, et s'y faire
pousser, en affectant de le fuir. Il se plut d'ailleurs Ă multiplier les fils
de sa trame, et il joignit d'abord Ă ses deux premiers agents, quatre autres
négociateurs, MM. Servien, Blondel, de Vagnée, et le prince de Hombourg. [...] On aurait tort de reprocher à la politique française les
moyens vils et tortueux qu'on a vu Mazarin mettre en Ĺ“uvre dans cette
négociation. Cet étranger, régnant en maître absolu, et dédaignant les procédés
plus honorables de notre cabinet, introduisait dans toutes les affaires les
vices de son naturel, et un batelage italien dont il tirait vanité. Je crois
aussi qu'il ne serait pas juste d'apprécier les talents de ce ministre par ses
petitesses d'exécution, parce que ce n'est pas la grandeur des ressorts, mais
celle des résultats, qui constitue la gloire des hommes d'état, et qu'à cet égard
la supériorité de Mazarin, même sur son prédécesseur, est incontestable. Sans
quitter la matière qui nous occupe, ne le vit-on pas rendre les débris de sa
défaite plus utiles qu'un succès, et de cette couche de corruption dont il
avait jonché les cours d'Allemagne, faire sortir la ligue du Rhin ? C'était
l'art de donner la vie aux clauses les plus habiles des traités de Westphalie,
et de mettre en action tout-à -la-fois l'indépendance des princes allemands, et
le droit de protection réservé à la France sur les libertés germaniques. Une
telle opération, conforme aux idées de paix et d'équilibre, valait mieux sans
doute que le projet perturbateur d'aller chercher au-delĂ du Rhin une couronne
éphémère, et de tenter un alliage de deux pouvoirs incompatibles, qui eût été
probablement aussi funeste à la France qu'à l'Allemagne. Les Bourbons, arrivés au pouvoir à la mort de Henri III, ne furent pas moins sensibles que les derniers
Valois aux miroitements de la couronne impériale. La possibilité de la candidature
d'Henri IV fut envisagée en 1600 face à celle possible de Philippe III, roi
d'Espagne. En 1631, circulait le bruit que Louis XIII était décidé à se faire
élire. L'éventualité pour les princes catholiques d'Allemagne de pousser une
candidature française face à celle, éventuelle, du roi de Suède Gustave-Adolphe
était à l'origine de cette fausse rumeur. Selon Zeller, «l'ambition impériale
paraît avoir sommeillé» sous Louis XIII. «Ni le souverain, un timide et un
paisible, ni son ministre, un grand réaliste, n'étaient hommes à la réveiller»
(Aspect de la politique française sous l'ancien régime, p. 79). Le Roi-Soleil ne fut non plus jamais
candidat officiel Ă l'Empire. Mazarin, en 1654 et en 1658, en avait cependant
avancé l'idée. Louis XIV lui-même y songea en 1662, avec le projet de devenir
membre du collège des électeurs par son accès au marquisat de Nomeny, lequel
faisait partie du Saint Empire. C'est à l'occasion de la candidature évoquée de
Louis XIV au trône impérial en 1658 que Mazarin mit sur pied à Paris une
véritable «campagne de presse» destinée à soutenir les prétentions du jeune roi
à la couronne fermée. Le Manifeste des Français aux Princes Électeurs, rédigé
en 1657 sous les ordres du cardinal, présenta Louis XIV comme le défenseur des
princes allemands face Ă l'ambition dominatrice de la maison d'Autriche. Le
Manifeste se répandait en flatteries en direction des princes électeurs afin de
les rallier au projet. La passion des Allemands pour la liberté et leur
hostilité à toute domination étrangère y étaient célébrées, ainsi que le rôle
éminent des princes-électeurs, contrepoids naturel aux velléités autoritaires
de l'empereur. Le manifeste s'en prenait violemment Ă la candidature de
Philippe IV, roi d'Espagne, qui, une fois Ă©lu, soumettrait l'Empire aux
intérêts de l'Espagne, étoufferait les libertés des princes allemands et
annexerait leur Etat à ses domaines patrimoniaux. Que les Allemands, qui sont indéfectiblement
attachés à la liberté et à l'indépendance, prennent garde de ne pas connaître
un jour le même sort que les indigènes d'Amérique, ou le destin tragique des
Pays-Bas ! L'élection du puissant roi français au trône impérial constituait l'unique gage du
rétablissement des prérogatives des princes et de la sauvegarde des «libertés
germaniques». Cependant les violences de la guerre de la ligue d'Augsbourg
enterrèrent tout projet de candidature. Louis XIV fut le dernier roi Ă
convoiter la dignité impériale. Après lui, on ne parle plus de candidature française
Ă l'Empire. Selon Jacques RidĂ©, «force est de constater qu'il s'est agi lĂ
d'aspirations et de rêves auxquels la réalité n'apporta jamais même un début de
réalisation : aucun roi de France ne parvint à ceindre la couronne impériale.
François Ier mis à part, les chances de nos rois furent toujours plus
théoriques que vraiment sérieuses» (L'image du Germain, t. 1, p. 83). Les
candidatures virtuelles à l'Empire reflétaient les prophéties impériales dans
les domaines politiques et diplomatiques. Les écrits prophétiques et les
panégyriques rédigés aux XVIe-XVIIe siècles témoignent que la perspective d'un
avènement du roi de France à l'Empire gardait toute sa fascination pour les
sujets du royaume, malgré ses faibles chances de voir le jour "voir qui le bois fendroit" : L'Ecclésiaste «Malheur à toi, terre, dont le prince est un enfant, et dont les princes mangent dès le matin», lit-on dans l’Écclésiaste (X, 16). Le constat biblique, teinté de malédiction, n’était pas de nature à surprendre les Français du temps des premiers Bourbon, qui ne connaissaient que trop bien les malheurs engendrés par les minorités royales et par le vide politique qui s’ensuivait. De 1610 à 1723, trois fois de suite, la terre de France eut un enfant-roi. Pendant des années le pays fut ainsi suspendu aux nouvelles de la santé des jeunes Louis (XIII, XIV et XV), les yeux rivés sur les mystérieux jeux de pouvoir qui se tissaient autour d’eux, parfois déchiré par des conflits armés et, en tout cas, saisi d’inquiétude : pourvu qu’il survive, sera-t-il un bon roi ? Sa race royale et la certitude d’une élection divine le laissaient bien présager, mais l’essentiel restait de bien l’éduquer, de lui forger une âme à la fois fière et charitable, de faire qu’il abhorre le despotisme (qu’il «ne mange dès le matin»), et qui puisse se vouer entièrement au bien commun (Diego Venturino, L'éducation de Louis XV, Histoire de l'Education N° 132, 2011 - journals.openedition.org). La phrase biblique tirée de l'Écclésiaste va connaître une fortune particulière tout au long du grand siècle ; la France entière va entonner à l'unisson la vérité divine : Vanité des Vanités, tout est Vanité. Jamais une époque ne fut autant soumise à la tentation du luxe, du pouvoir des apparences et ne l'a autant dénoncée. Partout, la vanité se retrouve, dépassant très rapidement le contexte religieux pour se «séculariser» au détour d'un texte de loi, d'un portait d'une maîtresse royale, de la dénonciation morale sous la forme littéraire du «caractère» ou d'une lettre. Socialement, c'est à l'aristocratie que ce discours de l'angoisse métaphysique et morale s'adresse. Car c'est elle qui est la plus touchée par les valeurs de l'apparence. Tout au long du XVIIe siècle, les aristocrates perdent leurs terres, leur pouvoir politique, leur fortune largement hypothéquée, leur raison d'être. Robert Mandrou le souligne justement : les nobles français doivent faire face à une situation économique sans cesse empirant. Derniers remparts : les mariages avantageux avec des filles de financiers ou l'illusion des apparences que donne le luxe acheté à lourd crédit (Didier Course, D'or et de pierres précieuses: les paradis artificiels de la contre-réforme en France (1580-1685), 2005 - books.google.fr). L'autoritarisme politique d'un Richelieu ou d'un Louis XIV n'avait pas encouragé l'indépendance du discours politique. Pour encore un certain temps, ce dernier fut sous-tendu par le discours religieux. Après l'échec politique de la Réforme en France, les huguenots ne furent plus en état de constituer une opposition politique. Le jansénisme, réformisme resté orthodoxe bien qu'ayant fait siennes les principales critiques disciplinaires des protestants, fut le véhicule des principales critiques contre l'absolutisme. Phénomène purement religieux au départ, il devint, par l'adhésion importante de l'aristocratie éclairée des parlementaires, le moyen de montrer son opposition à une concentration du pouvoir jugée excessive. Il serait faux de parler alors d'un jansénisme politique homogène. Il y eut plusieurs formes de jansénisme politique, autant sans doute que les intérêts ou groupes d'intérêts qui poussaient à se dire janséniste. Mais une des caractéristiques communes, et sans doute la principale, fut le mépris élitiste de toutes les satisfactions que procure le monde. Chez les écrivains jansénistes, et bien sûr chez Blaise Pascal (1623-1662) qui, pour être le principal, ne fut pas le seul, l'Ecclésiaste était toujours en filigrane. Le plus extrême d'entre eux, Martin de Barcos (1600-1678), professa une étonnante misanthropie et le refus de tout lien avec les pouvoirs. Le jansénisme, comme d'ailleurs le baroque, percevait les vanités de la déréliction humaine à travers la réalité luxueuse du monde qui était le sien. En cela, il fut l'expression d'un mépris aristocratique, car pour être revenu de tout, il faut au moins y être allé. Ceux qui dénonçaient l'inanité des honneurs et des pouvoirs étaient ceux-là mêmes qui étaient issus d'un milieu qui les détenait ou les avait détenus. Ils dénonçaient donc aussi bien les prétentions nobiliaires (Pascal se moque de ce que le commun croit que les nobles sont d'une essence différente) que la théâtralisation du pouvoir politique ou des cérémonies religieuses. Mais leur discours n'était pas révolutionnaire pour autant. Leurs critiques étaient destinées à la catégorie des gens suffisamment favorisés intellectuellement et socialement pour être capables de tenir un discours dénué d'envie comme d'utopie idéaliste. Ainsi, le monde n'était que vanité, théâtre dérisoire des ambitions humaines, et tout ce qu'elles suscitaient (royautés, noblesses, lois...) n'était que des miroirs les renvoyant à leur propre vacuité. Dès 1636, Pedro Calderón de la Barca (1600-1681) avait écrit La vie est un songe, mais cette lucidité sur le rêve éveillé de l'humanité devait rester celui d'une élite à la fois suffisamment intelligente pour ne pas sombrer dans la révolte et suffisamment chrétienne pour accepter les desseins de Dieu. Pascal est très explicite à cet égard : «Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n'y obéit qu'à cause qu'il les croit justes» ou bien : «La coutume ne doit être suivie que parce qu'elle est coutume, et non parce qu'elle soit raisonnable ou juste.» Les jansénistes n'attendaient donc rien de la politique, car ils n'attendaient rien de la nature humaine (Alain Blondy, Nouvelle histoire des idées, 2018 - books.google.fr). Des Mémoires politiques sur l'Estat présent de la France, sans date, ni indication d'origine montrent que la pensée de la révocation de l'Edit de Nantes était plus ancienne qu'on ne le croit communément, déjà débattue dans les conseils dé la monarchie sous le ministère de Mazarin, entre les deux Frondes (1649-1651). C'est la date approximative qui ressort du passage sur la conduite à tenir à l'égard des protestants: «Il faut les faire escrire contre le parricide des Anglois, et respondre à Milton. On vous en donnera le moyen : une petite subvention.» L'Estat a présentement deux maux à craindre. L'un est la guerre ouverte, et l'autre la rébellion et le soulèvement du peuple qui se trame secrètement. Sur l'un et sur l'autre il faut observer les axiomes et maximes de Salomon au chapitre X de l'Ecclésiaste, qui est le livre de la divine politique. Sur le premier (Ecc. X,10) il dit : Si le fer est rebouché et si son tranchant n'est bien afilé, il faut beaucoup plus de force pour couper, et l'adresse de la sapience donne un grand avantage. C'est-à -dire que pour bien faire la guerre, il faut joindre la prudence avec la force et qu'on fait autant ou plus par stratagèmes que par le fer et par le feu. Sur l'autre (Ecc. X,11-12) il prononce que si le serpent mord c'est qu'il n'a point été enchanté, et l'homme de la langue n'a pas fait son devoir. C'est-à -dire que, pour empêcher les rébellions et soulèvements du peuple, il se faut servir de ceux qui luy parlent, qui par leur instruction, leur remontrance et leur persuasion le charment, le ramènent dans le devoir et l'y font contenir. En France, le peuple est divisé en deux par le scisme que ceux de la religion prétendue y ont fait d'avec les catholiques. Pour contenir le peuple catholique dans son devoir et dans une parfaite obéissance et subjection, il faut employer les prélats et les curez qui, par les prônes, sermons, confessions, excommunications, catéchismes, processions, prières, jubilez, livres de dévotion recommandez par eux, et par autres actes religieux, peuvent tout sur l'esprit du peuple. C'est pourquoy. il faut bien penser et aviser aux personnes à qui on commet telles charges. Ceux de la R. P. R. sont beaucoup plus à redouter parce qu'ils sont ennemis de l'Estat monarchique tant ecclésiastique que temporel, enclins à l'ochlocratie et à l'égalité républicaine. Vous avez devant vos yeux l'exemple d'Angleterre ; et on se doibt ressouvenir des assemblées du Languedoc qu'ils nommoient cercles de l'année 1622 et de plusieurs autres. troubles qu'ils ont causés en France. Il ne les faut point irriter, mais les gouverner doucement par leurs ministres et par les chambres mi-parties; et fascher à les ramener dans la communion de l'Eglise avec les catholiques pour le bien de l'Estat et de l'Eglise ; ce qui réussira dans peu de temps si on y veut fere ce que l'on doibt et qu'on vous dira. Pour les chambres mi-parties on vous en entretiendra de vive voix quand vous voudrez. Quant à leurs ministres, il les faut manier avec méthode et les considérer en général et en particulier (Les préliminaires de la Révocation de l'Edit de Nantes, Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français, Volumes 19 à 20, 1871 - books.google.fr). Ecclesiaste X,7. J'ai vû les esclaves à cheval, & les Princes marcher à pied comme des esclaves. 8. Qui creuse la fosse, y tombera; & qui rompt la haye, sera mordu du serpent. 9. Qui transporte les pierres, en sera meurtri; & qui coupe le bois, en sera blessé. 10. Si le fer s'émousse, & qu'après avoir été émoussé, il se rebrousse encore, on aura bien de la peine à l'éguiser : ainsi la sagesse ne s'acquiert que par un long travail. QUI SCINDIT LIGNA, VULNERABITUR AB EIS. Qui coupe le bois, en fera blessé. Celui qui met la coignée dans une forêt, où il n'a pas droit de couper, se blessera par la chûte de quelque arbre, ou par son propre fer. La précipitation, & la crainte d'être surpris lui feront faire quelque coup d'étourdi; ou Dieu permettra qu'il se blesse, pour le punir de son vol. Chacun doit éviter le vol, & l'usurpation du bien d'autrui. On doit demeurer dans les bornes de son état, & de sa jurisdiction; ne point porter sa faulx dans la moisson d'un autre, ni sa coignée dans une forêt étrangére. D'autres l'expliquent de ceux qui font des entreprises téméraires, & périlleuses, ou qui se soulévent contre leur Prince, ou qui excitent des brouilleries dans l'Etat (Augustin Calmet, Commentaire litteral sur tous les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Tome 5, 1726 - books.google.fr). CELUI QUI FEND DU BOIS, S'EXPOSE A EN ÊTRE BLESSÉ : Fendre, couper du bois, c'est CHERCHER à renverser la fortune d'autrui ou à exciter des brouilleries dans l'Etat (Jérôme d'Arras, Louis de Poix, Séraphin, L'Ecclésiaste de Salomon, traduit de l'Hebreu en latin et en françois, 1771 - books.google.fr). "rebours" Antoine Rebours, né à Paris en 1592, prêtre en 1642, avait été chargé par Saint-Cyran de la direction des religieuses de Port-Royal, qu’il confessa jusqu’en 1661 ; il résida chez le président de Blancmesnil, où il mourut le 16 août 1661 (Jean Lesaulnier, Nicolas Choart de Buzenval, évêque de beauvais (1611-1679), - www.amisdeportroyal.org). Le président de Novion et le président de Blancmeny étoient de la paroisse de Retz, coadjuteur de Paris ; il avoit par là de l'accès auprès d'eux, et c'étoit par luy qu'on les gouvernoit. Ils avoient l'un et l'autre de l'animosité contre le cardinal. Blancmeny, fils du secrétaire d'État d'Oncaire, qui avoit eu pour précepteur un nommé Rebours, grand janséniste, et dont le cadet étoit élevé par Herman, plus entêté encore que Rebours, se mit à la tête de tous les frondeurs de la robe pour aigrir les esprits contre le ministre (Mémoires du P. René Rapin de la Compagnie de Jésus sur l'église et la société, la cour, la ville et le jansénisme: 1644 - 1669, Tome 1, 1865 - books.google.fr). René Potier de Blancmesnil était fils de Nicolas IV Potier de Novion, Président de la Chambre des comptes du Parlement, neveu d'Augustin Potier de Blanc-Mesnil (évêque de Beauvais et Premier ministre en 1643) et cousin de Nicolas Potier de Novion. Il est conseiller au Parlement de Paris à partir de 1636, il devient premier président de la Chambre d'appel de ce Parlement le 16 février 1645. Opposé aux nouvelles taxes proposées par Mazarin, son arrestation, le 26 août 1648, ainsi que celle de Pierre Broussel provoque une émeute rue de l'Arbre-Sec et le soulèvement de la Journée des barricades qui marque le début de la Fronde. Il est rétabli en 1652. Il décède le 17 novembre 1680 (fr.wikipedia.org - René Potier de Blancmesnil, fr.wikipedia.org - Famille Potier). Typologie Le report de 1994 sur la date pivot 1651 donne 1308. Gabriel Naudé écrit un Mémoire vers 1642 à destination de Mazarin où il fait un parallèle entre l'époque de Philippe le Bel et celle de Louis XIII au sujet de l'appel de conseillers étrangers auprès du prince. Mais pour moy qui ay faict plus d'une fois réflection sur ceste difficulté je suis d'un advis tout contraire; non pour doubter que V. E. ne se puisse establir icy avec toute la facilité & tous les advantages qu'elle pourroit souhaiter, car pour ce qui est de sa qualité d'estranger qui semble la pouvoir avec le temps esloigner des affaires, je n'estime pas que ce soit une opposition bien pressante, puisque nos Roys ont souvent passé par dessus, & que Philippe le Bel a eu autresfois pour principal conseillier Estienne Colomne, & Charles VI Juvénal des Ursins, tous deux des premières famillies de Rome. Le père de Mazarin était originaire de la Sicile. Mazarin naquit, soit à Rome, soit à Piscina, dans les Abruzzes. M. Cousin le fait naître dans la seconde de ces deux villes & baptiser dans la première. C'est de Sciarra Colonna que veut ici parler Naudé, mais l'expression qu'il emploie est très-exagérée; S. Colonna ne fut jamais le principal conseiller de Philippe le Bel, il le servit surtout dans sa lutte contre Boniface VIII, & prit part à la déplorable scène d'Anagni. Naudé aurait pu ajouter que Philippe le Bel avait eu pour précepteur un membre de la même famille, Egidio Colonna, dit Gilles de Rome (Egidius Romanus), le célèbre auteur du De regimine principum (Alfred Franklin, Memoire confidentiel adresse a Mazarin de Gabriel Naude, 1870 - books.google.fr). Mitterrand Cette typologie fait suite à celle du quatrain précédent
VI, 92 qui évoque le traité de Maëstricht. L'homme d'État le plus admiré par Mitterrand était
Mazarin, le cardinal du XVIIe siècle, précepteur puis Premier ministre de Louis
XIV. Il lui rendit d'ailleurs hommage dans le choix du prénom de sa fille
Mazarine Ce qui est le plus «mazarinien»
peut-être dans l'histoire de Mitterrand, c'est moins les procédures, ruses,
cabrioles, recours et ripostes au fond de l'adversité que l'altérité originelle
mise au service d'une cause ardemment servie.
C'est l'art du «service» externe. Point n'est besoin d'être né français pour
faire prévaloir la France ; ni d'être né à gauche, et moins encore socialiste,
pour installer au pouvoir certaine forme de socialisme. Paix des Pyrénées pour
l'un; congrès d'Épinay pour l'autre. Et comme Jules, cardinal laïc, épigone
d'un plus altier prince de l'Église, invente les traités de Westphalie qui
dessinent pour près d'un siècle une
Europe française, François, républicain féru de religion, héritier revêche d'un
plus majestueux prince de l'État, modèle de touche en touche une France
européenne. Destin second, pour le fils de Siciliens serviteur des Bourbons,
comme pour le socialiste héritier des Valois ? Après tout, disait le cardinal -
à moins que ce ne fût le président de Jarnac ? -, «le pouvoir n'use que celui
qui ne l'a pas». [...] Interrogés en 1994 par une chaîne de télévision qui nous
demandait Ă quel personnage historique nous faisait penser Mitterrand, nous
fûmes au moins trois à répondre «Mazarin» |