Cahors VIII, 44 2062-2063 Le procrée naturel dogmion, De sept à neuf du chemin destorner A roy de longue & amy aumy hom, Doit à Navarre fort de Pau prosterner. Ogmion Du Bartas, dès 1578, dans ses Sonnets des Neufs Muses Pyrenees, avait fait de Navarre le nouvel
Hercule gaulois, vainqueur des Espagnols, créateur de la frontière des Pyrénées
et fondateur d'une lignée royale nouvelle (Stéphane
Gal, Histoires verticales, Les usages politiques et culturels de la montagne
(XIVe-XVIIIe siècles), 2018 - www.google.fr). Mais le roc de Tarascon désigne également la grotte de
Lombrives, appelée dans certains textes l'Antre de Tarascon, où l'on peut
admirer le tombeau de Pyrène, la fille du roi Brébyx, séduite puis abandonnée
par Hercule qui, saisi de remords (la
jeune fille mourut déchirée par les bêtes sauvages), lui bâtit un tombeau en
entassant des roches, qui devinrent les Monts Pyrénées. Cette légende sur la
naissance des Pyrénées, qui fait d'emblée de la grotte un lieu féminin et
matriciel, protecteur avant même de devenir l'abri des «innocens, paoureux»,
est également le fondement de la généalogie légendaire d'Henri de Navarre,
descendant d'Hercule et du fils (ou neveu) de Pyrène. On sait même que le roi
visita en 1578 ce lieu, témoin de ses origines mythiques. On voit que le souci
de Du Bartas est ici un souci de poète plutôt que de théologien. En 1609, en
revanche, le pasteur Olhagaray condamnera fermement cette origine mythique des
grottes ariégeoises : «L'antre de
Tarascon, mais encore plus celui du Mas d'Asyls, non basty par Hercule, comme
gasouillent les fables, mais par la parole de celui qui fait tout, en disant
qu'il soit fait, magasin inépuisable, digne d'un empire, capable de loger une
armée, sans incommodité quelconque, esclairé de la lumière du ciel, lavé d'un
ruisseau fort agréable & commode, Asyle d'un peuple agité de paniques
terreurs, qui a donné le nom à la ville,
fort peu distante de là .» (Laure
Pineau, Une leçon au Prince: le paysage pyrénéen et ses enjeux dans les
"Sonnets des Neuf Muses Pyrenees" de Du Bartas, Bulletin de la
Société de l'Histoire du Protestantisme Français, Vol. 153, 2007 -
books.google.fr). Cf. quatrain IV, 72 - Les emmurements en AlgĂ©rie - 1831. "De sept Ă
neuf" : de Montauban Ă Cahors Cosa (Cossa) se trouve Ă VII lieues de Fines et Fines Ă
28 milles de Toulouse. C'est le chemin de Toulouse (Tolosa) Ă Cahors (Divona ou
Bibona) selon la Table de Peutinger ou Théodosienne (Jean-Ursule
Devals, MĂ©moire sur la direction, Ă travers le territoire de Montauban, de la
voie romaine de Toulouse a cahors, 1845 - www.google.fr/books/edition, Monsieur
d'Anville, Notice de la l'ancienne Gaule, 1760 - www.google.fr/books/edition). Tandis que Cahors se trouve Ă 9 lieues de Montauban (La
France ecclésiastique, almanach-annuaire du clergé pour l'an de grace 1853,
1852 - www.google.fr/books/edition). Henri de Navarre
s'étant rendu à Montauban en 1580, se détermina à marcher sur Cahors parce que
les habitants de cette ville avaient refusé constamment de se soumettre à son
autorité, bien que le Quercy eût été donné en dot, avec l'Aveyron, à sa femme
Marguerite de Valois. Il partit secrètement pendant la nuit, le 29 mai, Ă
la tĂŞte d'un corps de troupes choisies; il suivit la route royale de Paris Ă
Toulouse, passa à Molières et fit une halte sur le plateau de Lacabrette, situé
à côté de la route, dans une position isolée, près du château d'Eslax, où
campèrent les troupes en vue de Castelnau. La tradition en a conservé le
souvenir, et l'on appelle encore en langue vulgaire cette partie du plateau :
lou Pech del Rey, la colline du roi. Henri de Navarre se remit en marche dans
la soirée, accompagné de Jean-Hector de Roquefeuil et de ses hommes d'armes qui
étaient au château de Flaugnac, situé dans le voisinage; il arriva devant
Cahors après minuit et s'en empara de surprise après une terrible résistance
qui dura cinq jours et cinq nuits (LĂ©opold
Limayrac, Études sur le Moyen-Age: histoire d'une commune et d'une baronnie du
Quercy, 1885 - books.google.fr). Pour la prise de Cahors cf. VII, 12 - Septième guerre de
Religions - 2006-2007. En 1576 déjà Cahors avait été menacé. Un complot avait
été tramé par les Protestants de Montauban pour s'emparer de la ville, mais les
autorités parvinrent à saisir les deux chefs, Lavernède et Pierre Sandral (Revue
historique de l'armée: revue trimestrielle de l'état-major de l'armée, service
historique, Volume 19, Numéros 1 à 4, 1963 - books.google.fr). "my hom" «Castulon» du latin «castula», tunique des vierges
romaines, peut faire référence à la fête qu’offrit Catherine de Médicis pour la
réconciliation du roi Henri III et de son frère le duc d’Anjou le 9 juin 1577,
«étonnant banquet de décadence romaine», «festin d’Héliogabale». «Henri III
voulut y paraître changer de sexe. Vêtu d’une robe de damas rose et argent, couvert
de joyaux, il était servi par les dames et filles d’honneur de sa mère, nudités
de nymphes, sous la transparence de leurs voiles» (Jean Héritier, Catherine de
MĂ©dicis, Fayard, 1940). Cf. le "Castulon" du quatrain I, 31 - Poursuite
des guerres de religion après la mort d’Henri III - 1580. La première grande antiutopie française, L'Isle des Hermaphrodites de Artus
Thomas (1605), allégorie satirique de Henry III et de ses «mignons» traités
comme des hermaphrodites, place son action sur une île flottante de
l'Atlantique (Transylvanian
Review, Volume 16,Numéros 1 à 4, 2007 - books.google.fr). Revenons un moment plus en détail à la Description de l'Ile des Hermaphrodites
(1605) de Thomas Artus. Il s'agit d'une satire dans la veine du Journal de
Pierre de L'Estoile et de la Satire Ménippée, qui fustige les hontes de la
Ligue et du règne des mignons. Dans le contexte historique des guerres civiles
de la fin du seizième siècle, ce texte met en scène la décadence du pouvoir
représentée par l'inversion sexuelle, et suggère une corrélation symbolique
entre les désordres de la sexualité et ceux du politique. D'après la notice qui
accompagne sa réédition en 1724, le sujet de ce livre ne peut manquer de
captiver les lecteurs contemporains, aussi curieux d'anecdotes historiques que
friands d'infamie. Ce qui fait son intérêt pour nous, c'est que la Description de l'Ile des Hermaphrodites orchestre
la mise en scène métonymique d'êtres équivoques, qui ne sont pas, comme nous
l'avons déjà signalé, des androgynes au sens platonicien, tiers-genre tenant
des deux autres réunis, comme le dit Aristophane dans son discours du Banquet. Cf. Hubert Méthivier, L'Ancien régime en France XVIe
XVIIe XVIIIe siècles (Paris 1981), p. 149-52, sur l'année 1580 et les excès royaux ; Henri III multiplie déguisements
et fêtes de cour avant de finalement se retirer dans l'abbaye féminine de
Maubuisson, et simultanément les catastrophes naturelles sont interprétées
en termes de signes funestes. Cf. au seuil du dix-huitième siècle, les débats
concernant les comètes (Caroline
Jacot Grapa, L'homme dissonant au dix-huitième siècle, 1997 - books.google.fr). Le surhomme Hercule/Henri IV s’oppose au demi-homme Hermaphrodite/Henri III. "prosterner" Le verbe prosterner marque un degré supplémentaire au
fait de se courber ou de fléchir du verbe latin "flecto"
(fréquentatif "flexo"). On pense alors à la Paix de Fleix de novembre 1580. La paix de Fleix, signée entre le duc d'Anjou et Henri de
Navarre, confirme le traité de Bergerac. Les protestants conservent leurs
places de sûreté six ans de plus. Henri de Navarre doit rendre Cahors. Condé
s'y oppose, rejette la paix de Fleix et essaie de soulever les protestants du
Languedoc, de Provence et du Dauphiné. Le fossé entre Henri de Navarre, plus
enclin à la conciliation, et Condé, plus radical, se creuse (chrisagde.free.fr) Acrostiche : LDAD,
Eldad Lorsque le roi de Navarre ordonne le pillage de la ville,
il sait parfaitement qu’il va amasser un véritable trésor pieusement caché par
les autorités ecclésiastiques. Le vicomte de Gourdon, ravi par la victoire
d’Henri de Navarre, voulut faire porter à Cénevières – son château situé dans
la vallée du Lot – les marbres du grand autel de la chapelle dédiée à la
«Sainte Coiffe.» Il les fit placer dans deux barques : mais quand on arriva Ă
Galessie, une des barques chavira, les marbres du grand autel de la cathédrale
se brisèrent au fond de l’eau, les occupants de l’embarcation ne purent sauver
leur vie. L’autel du Saint-Suaire,
rescapé du naufrage, qui avait été consacré en 1119 par le pape Calixte II
parvint à Cénevières ; il fut placé dans un cabinet de verdure, où il servit de
table de jeux (actu.fr). Cf. les quatrains du "roi de Blois" VIII, 38
(acrostiche LUDI : jeux) et quatrain VIII, 52 (acrostiche ELDOD :
Eldod/Eldad) (Eliakim
Carmoly, Eldad et Medad, ou, Le joueur converti de Leone Modena, 1842 -
www.google.fr/books/edition). Typologie Le report de 2063 sur la date pivot 1580 donne 1097. Le mariage de Guillaume IX le Jeune (1086-1126) avec
Philippie, fille unique du dernier comte, Guillaume IV, en 1094 permet au jeune
duc de faire valoir les prétentions de sa femme à la succession paternelle.
Raymond de Saint-Gilles, frère de Guillaume IV, s'était empressé de prendre
possession du comté. Mais Guillaume le jeune le conquiert en 1097 avec Cahors
et Moissac avant de se rendre maĂ®tre de Toulouse ; il le rend dès 1099 Ă
Bertrand de Saint-Gilles pour se procurer Ă la fois les subsides et la
tranquillité nécessaires au passage qu'il entreprend en Terre Sainte. À son
retour et après la mort de Bertrand, il reprend possession du comté (comté de
Toulouse, d'Albi et de Cahors, diocèse de Lodève et suzeraineté du comté de Carcassonne)
en 1113-1114. Le duché d'Aquitaine a, à peu près, atteint les limites de
l'ancien royaume. Il ne les garde pas longtemps : dès 1119, Guillaume IX
abandonne le comté use devant les assauts impétueux d'Alphonse-Jourdain. A
cette date, le comte d'Anjou était depuis longtemps sorti de sa vassalité (Yves
Renouard, Histoire médiévale d'Aquitaine, Tome Ier : les relations
franco-anglaises au Moyen Ă‚ge et leurs influences Ă long terme, 1968 - books.google.fr,
Claire
Taylor, Heresy, Crusade and Inquisition in Medieval Quercy, 2011 -
books.google.fr). En Guyenne les hostilités ne reprirent qu'en avril 1580,
elles opposeront le gouverneur (depuis 1576) Henri de Navarre Ă son lieutenant
général le maréchal de Biron (P.
Hourmat, Henri de Navarre gouverneur de Guyenne et la ville de Bayonne
(1576-1584), Revue de Pau et du BĂ©arn, 1985 - books.google.fr). |