Emmanuel Philibert de Savoie et les Anglais
VIII, 97
2101-2102
Aux fins de VAR changer le Pompotans,
Près du rivage les trois beaux enfans naistre,
Ruyne au peuple par aage competans,
Regne au pays changer plus voir croistre.
La commune de Nice est limitée à l'ouest par la vallée du Var, seule plaine de quelque importance de l'agglomération :
1 km de large sur un peu plus de 20 km de la mer aux premières gorges. Frontière pendant près de cinq siècles entre la
Provence et les États de Savoie, le Var reste une limite symbolique. Les points de franchissement y restent rares : à proximité de la côte, un pont ferroviaire et trois ponts routiers voisins mêlent
circulation urbaine et flux de transit ; il faut ensuite remonter le Var sur 12 km pour trouver le prochain pont
(Philippe Graff, L'exception urbaine: Nice, de la Renaissance au Consiglio d'Ornato, 2000 - books.google.fr).
Le terme Pempotan, ici Pompotans, est associé à l'Angleterre (cf. X, 100 et Présage XXX). Il semble que cela soit le cas encore ici. Les Anglais étaient
partie prenante de la politique européenne dans laquelle s'illustre Emmanuel Philibert, duc de Savoie.
Pempotan est donc déjà utilisé dans le Présage XXX d'Août 1558 :
Bruit sera vain. les defaillans troussez :
Les Razes pris : esleu le Pempotan :
Faillir deux Rouges & quatre bien croisez.
Pluye empeschable au Monarque potent.
(Les vrayes centuries et propheties de Mich. Nostradamus, Tome 1, chez Jean Jansson Ă Waesberge et la vefue de fu Elie Weyerstraet, 1668 - books.google.fr).
Il ne restait que le comté de Nice à la Maison de Savoie qui avait été dépossédée de ses terres par la France (Guerres d'Italie).
La victoire de Nice de 1543 [cf. VII, 19] contre les Turcs et les Français marque le redressement de la Maison de Savoie. Le traité
de Cateau-Cambrésis, le 3 avril 1559, rend à Emmanuel-Philibert dit "Tête de fer", ses territoires. Il profite de son voyage de noces à Nice pour commander des
travaux de fortifications de la contrée. A la fin de son règne il agrandit ses possessions dans la région, en achetant le Comté de Tende en 1559 et la principauté d'Oneille en
en 1576. Tout le littoral, du Var Ă GĂŞnes, lui appartient, sauf Monaco et Vintimille
(Marcelle Baby-Pabion, Le Comté de Nice et ses peintres aux XVè et XVIè siècles, 2003 - books.google.fr).
Revenons au Duc de Guise qui reconduit à Henri II toutes les forces disponibles de l'Italie. Il est recu, à Paris, comme le génie
tutélaire de la France, rassemble une belle armée, enlève aux Anglais Calais en huit jours, Guines en six, et Thionville en dix-sept. Le Maréchal de Thermes prend Dunkerque d'assaut.
Averti que le Duc de Guise s'avance pour faire sa jonction avec ce Maréchal, Emmanuel-Philibert dispose tout pour l'empêcher. Tandis qu'il arrête la marche de l'un, il envoie le Comte d'Egmont [...]
livrer bataille à l'autre. Les deux armées se rencontrent à Gravelines. Les Français, renfermés dans une langue de terre, formée par la mer, n'ont d'autre salut que dans la victoire: ils la disputent vivement, et
sont sur le point de la remporter; mais une escadre anglaise survient, fait un feu terrible sur leur droite. Le Maréchal de Thermes est blessé, fait prisonnier, et son armée en déroute. La gloire de cette brillante
journée est en partie rapportée au Duc de Savoie; pour l'obtenir, il a donné toutes les dispositions, arrêté le Duc de Guise qui commandait quarante mille hommes, et paralysé tous les efforts de ce fier Capitaine.
Philippe II mit à la disposition d'Emmanuel-Philibert, pour trophées de la victoire, les prisonniers, le butin, les canons mêmes qui en étaient le résultat. Le généreux Duc accepta les drapeaux, au nombre de
cent-quarante, et les envoya à la Cathédrale de Nice. En les étalant dans cette église, on aurait pu le surnommer le Tapissier de Notre-Dame de Nice, comme l'immortel Turenne fut depuis proclamé le Tapissier de
Notre-Dame de Paris
(Histoire de la Maison de Savoie par Jean Frézet prête de l'ex-congrégation-enseignante de S. Joseph de Lyon, Tome 1, 1827 - books.google.fr).
A Gravelines, les Anglais peuvent revendiquer une large part du succès de la journée, qu'on a généralement attribué à Egmont.
Il est question de pluie qui empêche les armées françaises du roi Henri II (cf. Présage XXX),
qualifié de "très-Puissant [potens en latin] & très-Chrétien" en 1549
(Jacques Le-Long, Bibliotheque historique de la France avec des notes critiques et historiques. Nouv. ed. revue, corrigee et augmentee par Fevret de Fontette, Tome 2, 1769 _ books.google.fr).
En janvier 1558 Calais est repris aux Anglais par le duc de Guise. Le 1er juillet son gouverneur, le maréchal de Thermes, pénètre
en Flandre avec une armée et de l'artillerie en suivant la côte, et passe à gué l'estuaire de l'Aa à son débouché sur l'estran. ll ne s'attarde pas à assiéger Gravelines
qui résiste, et va dévaster Mardyck, Loon et les villages environnants, puis s'empare de Dunkerpue, Bergues, Wormhoudt. Quelques jours plus tard il s'en revient avec butin et prisonniers.
Le convoi tente de passer la rivière comme à l'aller, mais la marée encore trop haute et la pluie l'en empêchent. Hommes et chariots se retranchent au milieu des dunes,
cependant que le comte d'Egmont, gouverneur de Flandre, accouru à l'annonce de cette expédition, procède à leur encerclement. Thermes fait tirer ses canons pour maintenir les
assaillants à distance pendant que ses troupes tentent le passage de l'Aa. La bataille commence alors sur les deux rives et ne se termine qu'avec la capitulation des Français le 13 juillet
(Gravelines et son patrimoine, 1983 _ books.google.fr).
Emmanuel-Philibert sera récompensé de ses victoires à Saint Quentin (1557) et à Gravelines (1558) : le duché de Savoie lui sera
restitué et il épousera la sœur de Henri II, Marguerite de France. Après transfert de sa capitale à Turin, la future Maison Royale de Savoie est alors confortée. Pour l'Angleterre : Marie Tudor
(qui s'était engagée par écrit lors de son mariage avec Philippe II à observer une position de neutralité, puis avait rompu son engagement en aidant les Habsbourg) meurt quinze mois après la
bataille de Saint-Quentin, laissant le trône à sa demi sœur, Élisabeth Ire, élevée en protestante, chef de l'Église anglicane : l'Espagne perd ainsi en la personne de la reine un allié capital
(fr.wikipedia.org - Bataille de Saint-Quentin (1557)).
Le roi d'Espagne Phillipe II Ă©tait prĂŞt Ă tout pour Ă©viter que la France ne s'empare du trĂ´ne d'Angleterre
Londres, 6 juillet 1557 Philippe a finalement entendu les appels déséspérés lancés par son épouse, Marie. Il revient à Londres afin de tenter de régler la
crise de la succession à la couronne d'Angleterre. Bien qu'elle ait 41 ans,la reine reste convaincue qu'elle peut encore donner un enfant à Philippe. Mais, malgré la joie de la reine de savoir son époux
à ses côtés, le séjour de Phillipe à Londres n'a rien de romantique. Sa première tâche est de persuader l'Angleterre de s'unir à l'Espagne dans le but de combattre la France. La seconde est de
convaincre la princesse Elizabeth d'épouserle duc Emmanuel Philibert de Savoie. Il estime que cette union évitera à la couronne anglaise de tomber aux mains des Français. Elizabeth s'oppose à ce projet : elle vient de rejeter
une demande en mariage du prince Erik de Suède, soulignant qu'elle n'est pas prête à se marier, même si on lui offre « le prince le plus grand de toute l'Europe ». Philippe a menacé et veut contraindre
Elizabeth Ă le suivre en Europe. Mais Marie s'oppose avec force Ă un tel voyage
(Chronique de l'Angleterre, Éditions Chronique, 2013 - books.google.fr).
Nous avons vu le jeune duc de Savoie Emmanuel-Philibert, venir en 1557, en voyage de noces passer l'hiver Ă Nice, avec sa jeune
femme Marguerite de Valois, fille de François Ier, La guerre entre François Ier et Charles Quint venait de se terminer, Nice avait été menacée par une armée et une flotte franco-turque :
au cours de la guerre, la Savoie et le Piémont avaient été occupés par François Ier et le duc de Savoie Charles III avait dû envoyer à Nice sa femme Béatrice et son fils Emmanuel-Philibert, avec leurs
joyaux les plus précieux (1536), Nice avait été le dernier lambeau de terre qui restait aux Savoyards. Aussi, après la paix de Cateau-Cambrésis, le jeune duc vint passer à Nice Dans l'hiver. Il y vint encore pour fortifier la ville, construire la forteresse de Villefranche, les forts de Mont-Alban,
qu'il garnit des canons de Saint Quentin, et de Saint-Hospice
(Vincent Paschetta, Nice et sa région: Guide du Syndicat d'initiative, Office de tourisme de Nice, Tome 1, 2010 - books.google.fr,
E. Tisserand, Histoire civile et religieuse de la cité de Nice et du département des Alpes-Maritimes: second volume, 1862 - books.google.fr).
En décembre 1561, le duc de Savoie, pendant la grossesse de sa femme, députa à Salon Philibert Maréchal,
seigneur de Mont-Simon en Bresse, son contrôleur général des guerres de deçà les monts, afin qu'il priât Nostradamus de venir visiter la duchesse et tirer l'horoscope de l'enfant.
Le mage, s'étant rendu à Nice, prophétisa, après avoir vu la jeune femme, qu'elle accoucherait d'un prince qui s'appellerait Charles-Emmanuel et serait un jour le plus grand capitaine de son siècle
(Simone LĂ©vĂŞque Louvet, Paul Louvet, La vie de Nostradamus, 1930 - books.google.fr).
Peut-on reconnaître dans ces trois forts, les "trois beaux enfans" ?
Marguerite de Valois tombera enceinte d'une manière inespérée de l'enfant unique du couple Charles Emmanuel qui naît en 1562
(L. Marlet, Florimond Robertet, Revue des questions historiques, 1890 - books.google.fr).