Les Mages et la Voie lactée VIII, 99 2102-2103 Par la puissance de trois Roys temporels : En autre lieu sera mis le Saint Siege, Ou la substance de l'esprit corporel, Sera remis et reçu pour vray
siège. "temporels" Les trois rois font bien sûr penser aux trois rois mages
de la nativité du Christ. QUESTION LXIII. — Comment les Mages de la Chaldée ont-ils
pu apprendre la naissance du Christ, roi des Juifs, sur l'apparition d'une étoile
qui est plus ordinairement le signe qui annonce un roi de la terre ("cum stella indice temporalis rex soleat designari") ? (Matth. II, 2.) Ces Mages de la Chaldée étudiaient le cours
des astres non pour une fin mauvaise, mais par simple curiosité. Comme le récit
de l'Evangéliste le laisse conjecturer, ils suivaient la tradition de Balaam que Balach avait fait
venir pour maudire le peuple de Dieu et qu'une impulsion divine força de le
bénir (Nomb. XXVI, 20.) Ils savaient donc par ce fait
historique que la providence de Dieu devait faire sortir un roi de Jacob; Balaam avait en effet prédit clairement "qu'une étoile
se léverait de Jacob" (Nomb.
XXIV, 17.) Les Mages, fidèles à cette tradition, voyant briller au ciel une
étoile en dehors du cours ordinaire des astres, comprirent qu'elle était celle
que Balaam avait prédite comme le signe futur de la
naissance du roi des Juifs. Ce fait va directement contre les ennemis de la
religion. Elle reçoit ici un témoignage de ceux-là mêmes qui ont coutume de
l'attaquer, car les astrologues sont ennemis de la vérité (Questions sur le
nouveau testament) Ils croient venir adorer un roi de la terre, qui devait
opérer de grandes et de merveilleuses actions ; ils venaient l'adorer, et les
fils d'Abraham sentent, reconnaissent et avouent que c'est à Bethléem que doit
naître ce roi des Juifs ; car les Mages, ayant perdu de vue l'étoile
miraculeuse qui les conduisait depuis les confins les plus reculés de l'Orient
jusqu'en Judée, se rendent à Jérusalem pour s'informer du lieu de la naissance
du nouveau roi. Quelle dût être leur surprise ; ils s'attendaient à voir toute
la ville de Jérusalem, capitale de ce royaume fortuné, où venait de s'opérer
une merveille si ineffable; ils s'attendaient, dis-je, Ã la trouver au milieu
des réjouissances et des fêtes solennelles : qu'y trouvent-ils ? Pas un seul
homme qui leur parle de la naissance du roi qu'ils viennent adorer. C'était
donc dans leurs livres même qu'ils avaient lu cette prédiction qui mettait leur
foi à une si rude épreuve. Le temps marqué par ces
mêmes livres était arrivé, et la première parole qui sort de leur bouche sur ce
roi des Juifs, est une nouvelle qui met dans la plus grande surprise tous ceux
qui l'entendent. O mon Dieu, quel aveuglement ! qui ne
reconnaît ici votre vengeance ? une indifférence, un
étonnement si inouï et si déplorable, ne sont-ils pas évidemment un miracle de
votre justice. Il est vrai, Seigneur, pour leur attirer une dernière ressource
et faire un dernier effort de votre grâce, vous faites disparaître tout à coup cette
étoile miraculeuse, qui dirige la marche de ces Mages heureux et fidèles ; vous
dirigiez leurs pas dans Jérusalem, l'infortunée Jérusalem, pour lui apprendre,
ô mon Dieu, par la bouche de ces hommes venus de si loin, une nouvelle qui
devait, depuis plus d'une semaine, être le sujet de leur joie, de leur
allégresse et de leurs actions de grâces ; mais, mon Dieu, n'aviez-vous pas dit
: Ils auront des yeux, et ne verront point ; ils auront des oreilles, et
n'entendront point. Arrivés à la cour du roi de Jérusalem, ils s'informent ;
les prophéties sont examinées ; et on convient que c'est à Bethléem qu'ils
doivent se rendre. Leurs yeux s'ouvrent et se referment aussitôt : cette
nouvelle est bientôt répandue dans toute la ville, toute Jérusalem est troublée
; et, parmi tant de Juifs qui attendent le Messie, il n'en est point qui soient
plus émus que le tyran étranger : il frémit, il croit sentir son trône ébranlé
sous ses pieds ; et tandis que tous, intéressés si fort à cet événement,
demeurent renfermés dans leurs villes, sans songer à aller voir le nouveau roi,
et lui rendre leurs hommages, lui seul agit, mais de quelle manière ? O Hérode
! roi barbare, entends-tu le sang de ces enfans qui crie vengeance contre toi ? Dans une Saison en Enfer, faisant retour sur sa
faiblesse, comme l'indique la répétition de l'indéfini («même») et de l'adverbe
temporel («toujours») pour qualifier, en termes quasi mystiques, la morne
expansion du «désert» et de la « nuit » intérieurs, le sujet se livre à une
réinterprétation psychique de la fable chrétienne des «Rois mages» : «les Rois
de la vie, les trois mages, le cœur, l'âme, l'esprit» Cf. III, 2 où le terme substance est mentionné ainsi que
"Corps, ame,
esprit ayant toute puissance," (vers 3). "esprit corporel" Le terme "spiritus corporalis" proprement traduit en français
"esprit coporel" se trouve chez le cardinal
Nicolas de Cuse. Quel est le lien de cette union intime de l'âme et du
corps ? D'après le De Conjecturis, il y a entre eux
deux intermédiaires, l'un plus spirituel, l'autre plus corporel, qu'on peut
appeler, l'un, esprit-corporel, et l'autre, corps-spirituel ; en sorte que la
descente de l'esprit dans le corps et l'ascension du corps dans l'esprit
s'opèrent par trois degrés. «Ainsi, l'expérience prouve qu'il y a dans les
animaux une âme, qui est une nature spirituelle; un esprit corporel (corporalis spiritus), contenu dans les artères, véhicule de la
connexion de l'âme ; et une lumière, ou esprit corporel (spiritus
corporalis), par lequel l'âme opère dans le corps et
dans le sensible» (1, II, X). Pour exercer ses opérations, l'âme est donc unie
au corps par l'esprit artériel qui la véhicule et par la «lumière», qui paraît
bien être, dans la pensée de Cusa, analogue au sens
commun des scolastiques Cela rejoint la composition tripartite de l'âme définie
par Platon. Platon tâche d'expliquer comment la première Cause a
formé le Monde, & en particulier, comment elle a formé l'Ame. Ecoutons-le
parler de cet admirable Phénomène. "Dieu commença, dit-il, par produire
l'Ame, qui a l'avantage d'être plus ancienne, aussi-bien que plus excellente
que le Corps. Elle est faite pour lui commander, comme il est fait pour lui
obéir. Il prit donc de la Substance indivisible,
qui est toujours la même, toujours semblable à elle-même; & de celle qui
est divisible & partagée entre les Corps. De ces deux Substances, il en
composa une, qui est d'une troisième espèce, & qui tient le milieu entre
les deux autres. Il la plaça au milieu de la Substance indivisible, & de la
Substance divisible. De ces trois substances réunies, il en fit l'Ame humaine
qui est composée du Même, du Divers, & de l'Essence. Platon décrit
ensuite les proportions Géométriques, ou Harmoniques, avec lesquelles le
mélange a été fait. On convient que Platon est obscur dans cet endroit-là ,
comme il l'est en général dans le Timée. Laissant aux autres leurs
explications, je vai hazarder
la mienne. Il concevoit donc, ce me semble, dans
l'Ame Humaine 1° L'Entendement pur, "Nous", mens ; C’est lui qui
préside, qui s'élève par la Contemplation à la connoissance
des Etres immatériels. Il tient le premier rang dans l'Ame; Il est appellé LE MEME, parce qu'il n'est point sujet aux
altérations, & l'HEGEMONIKON, parce qu'il tient les rênes: c'est à lui
qu'il appartient de gouverner & de commander. Au-dessous de cet Esprit est
la Substance mixte, qui n'est pas Entendement pur, mais qui tient quelque chose
de l'Entendement : Elle est mêlée & incorporée avec la fleur de la
Substance matérielle: Elle réunit d'un côté la Raison, & de l'autre les
Affections, mais il me semble que ce sont les affections honnêtes & douces,
qui peuvent se concilier avec la Raison. Celle-ci tire ses connoissances
des Sens, qui agissent sur elle par le moyen de la Substance matérielle, dont
elle est composée. C'est cette partie de l'Ame, qui est nommée le "logikon", ou l'Essence. Il y a enfin dans l'Ame
Humaine une Substance purement matérielle, qui n'est autre chose, qu’une
certaine vertu inhérente dans la Matière, & qui en est inséparable.
Celle-ci est le Siège & la source des Affections charnelles, violentes,
auxquelles les Hommes sont sujets aussi-bien que les Bêtes. Elle est appellée l’AUTRE ou le DIVERS, & l'ANIMAL ou le
PSUCHIKON. Ainsi l'Ame Humaine a trois parties, selon Platon, l'Entendement
pur, l'Esprit mélé, la Matière pure. L'Esprit mélé avec la fleur de la Matière tient le milieu. C'est le noeud qui lie les deux extrêmes. L'Entendement pur agit sur
l’Esprit mélé; & l'Esprit mêlé sur la partie
matérielle. Sans cela il n'y auroit point de
communication. Il y a trop de disproportion entre l'Entendement pur & la Matière.
Du côté de l'Entendement pur, l'Homme se trouve allié avec les Substances
célestes: Du côté de l'Ame matérielle avec les Plantes qui végètent, & avec
les Bêtes, qui n'ont que la perception & le sentiment, Ce qui lui est
propre, c’est cette partie composée de la Substance simple, & des parties
les plus pures, & les plus spiritueuses de la Matière, de celles qui ont servi
d'Elément à l'Air le plus pur, & à la Lumière. C'est-là ,
si je ne me trompe, ce que Platon nous a enseigné. On trouve les mêmes Idées
dans la Théologie des valentiniens. Ils distinguoient
trois Hommes, dans l'Homme, sans ; y comprendre le Corps. Ces trois Hommes sont
le Spirituel, l'Animal & le Terrestre. Le Spirituel est l'Entendement pur.
C'est une étincelle sortie du Plérome, un rayon de la Lumière céleste. Il ne
périt jamais. L'Animal peut être sauvé, & peut périr : Cela dépend de
l'usage qu'il fait de fa Liberté. S’il se soumet à l'Homme spirituel, il sera
sauvé. Mais s'il se révolte contre lui, il périra. A l’égard de l'Homme
Terrestre, de cette partie de l'Ame, qui est sortie de la Matière, elle rentre
dans la poussière, dont elle a été prise Platon dit dans son Timée, que pour former l'ame humaine, Dieu commença par produire la substance indivisible;
(peut-être entendoit-il par-là la seconde émanation).
Il prit de cette substance, qu'il mêla avec la substance divisible, ou ce qu'il
y a de plus pur dans la matière. De-là vient le mélange des passions avec la
raison; il arrangeoit par ce système l'inhérence de
l'ame au corps. L'esprit pur, qui est la raison, agit
sur l'esprit mêlé, & l'esprit mêle agit sur la matière. Cela est expliqué
par Macrobe, à la différence que dans le Timée, c'est Dieu lui-même qui forme
l'esprit mêlé; & chez Macrobe, c'est l'ame
(animus) que Dieu a créée, qui crée à son tour, l'esprit mêlé (anima) (Commentaire
sur le songe de Scipion, de Cicéron, ch. 14) Comparant la doctrine de Platon et celle de Cicéron,
Macrobe loue les deux auteurs d'avoir conclu chacun leur ouvrage par un traité
sur la destinée de l'âme. «En effet, après avoir donné la première place à la
justice, (Platon) a enseigné que l'âme ne disparaît pas après la fin de l'être
animé, et par un «mythe» - comme disent certains - il a expliqué, à la fin de
son ouvrage, où l'âme s'évade au sortir du corps et d'où elle vient avant son
entrée dans le corps, montrant ainsi qu'une récompense, quand elles ont cultivé
la justice, ou un châtiment, quand elles l'ont méprisée, est réservé aux âmes
immortelles et destinées à subir un jugement. Cette disposition, Tullius se trouve l'avoir conservée avec autant de
discernement que de talent : après avoir donné la palme à la justice dans
toutes les activités publiques intérieures et extérieures, il a localisé le siège sacré des âmes immortelles et la
demeure cachée des créatures célestes à l'extrême fin de son ouvrage, indiquant
où doivent parvenir, ou plutôt retourner ceux qui ont servi la république avec
prudence, justice, force et tempérance». La doctrine de Cicéron a une saveur essentiellement
platonicienne et pythagoricienne (les deux aspects se complètent d'ailleurs
plus qu'ils ne s'opposent). Le dualisme de l'âme et du corps, l'immortalité des âmes et leur migration
après la mort sur la Voie Lactée, tout cela, comme nous le verrons, prend
sa source chez les plus anciens Pythagoriciens Le sacré rejoint le saint ("sacras immortalium animarum sedes" dans le texte de Macrobe). Le sacré s'oppose au profane, comme espace réservé aux
dieux, à leurs temples et à leurs prêtres. Le mot «saint» vient du latin
sanctus (lui-même apparenté à sacer) et désignant
soit quelque chose de sacré et d'invisible, soit un homme pur, vertueux,
intègre, irréprochable. Il n'est donc pas facile de distinguer les deux mots et
leurs nombreux dérivés : «sacristie», «sacrifice», «sacerdoce», «sacrement»,
«sacrilège», «serment», «sanction» (à l'origine, une décision de justice
inviolable), «Toussaint», etc. Parfois on confond même les deux termes comme
dans l'expression « sacro-saint ». On parle d'un texte sacré comme d'un livre
saint même si la notion de sacré évoque plus l'intouchable et celle de saint le
vénérable. Enfin, le vocabulaire de l'anatomie nomme tantôt sacrées tantôt
honteuses les zones du corps humain proches des organes de la génération et de
l'excrétion : plexus sacré, plexus honteux, vertèbres sacrées, ligaments utéro-sacrés, grand nerf honteux, etc. Comme le disait le
philosophe néoplatonicien Porphyre, repris par saint Augustin, nous sommes nés
entre excréments et urine "saint siège" et Voie lactée Platon commence par déclarer que l'âme du monde est un
mélange de la substance indivisible et de la substance divisible. Ce qui veut
dire que l'âme est une synthèse de l'un et du multiple, de l'indivisible et du
divisible et, par conséquent, du même et de l'autre. Et nous retrouvons les «genres»
de l'être exposés dans Le Sophiste. En définitive, l'âme du monde est un
mélange harmonieux de quatre grands contraires : unité et multiplicité,
identité et altérité. En référence au caractère mobile et fluent du cosmos, l'identité devient le permanent et
l'altérité le fluent. Il y a contrariété quantitative entre unité et
multiplicité, contrariété qualitative entre identité et altérité. L'âme du
monde est la synthèse des contraires quantitatifs et qualitatifs. Telle est la
pensée de Platon réduite à son schéma abstrait On n'était cependant pas d'accord, quand il s'agissait de déterminer la patrie de l'âme avant son séjour sur la terre : d'après Héraclide du Pont, elle serait originaire de la Voie Lactée, alors que d'autres optaient pour l'ensemble des sphères célestes ou la région de la lune. Quant à cette dernière opinion, elle se trouve également dans le mythe final du De fade de Plutarque, où la région lunaire est considérée comme le séjour de l'âme : c'est là que le "nous" se joint à la "psuché" avant de descendre vers la terre et c'est et c'est dans cette même région que les deux se séparent par une purification lente après la première mort. La seconde opinion paraît avoir été la plus répandue, en ce sens du moins que toutes les sphères planétaires contribuent pour une part à la constitution de l'homme: nous l'avons déjà rencontrée dans le Poimandrès, où l'Anthropos, avant de s'unir à la Nature, reçoit de chaque planète une parcelle de sa substance : c'est par là sans doute qu'on expliquait l'influence des planètes sur le cours de la vie humaine (Gérard Verbeke, L'évolution de la doctrine du pneuma du stoïcisme à S. Augustin: étude philosophique, 1945 - books.google.fr). S'inspirant ici encore de croyances orientales, Héraclide faisait « descendre », au
sens propre du mot, les âmes ici-bas de la voie lactée. Nous apprenons par le De natura
deorum qu'Héraclide divinisait tour à tour le "kosmos" (mundus), le
"nous" (mens), les planètes, la terre et le ciel. Qu'entendait-il par
"kosmos" ? La sphère des fixes ? ou l'univers ? Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'en divinisant Ã
la fois les corps célestes et le nous, il se rapproche des Stoïciens. D'autre
part, parmi les astres, il choisissait surtout les planètes, et en cela il
paraît montrer des tendances astrologiques. Nous savons par ailleurs qu'il a
subi, plus qu'aucun autre parmi les Platoniciens (peut-être en raison de ses
origines), l'influence de l'Orient. Un
de ses traités, probablement celui sur les choses célestes, portait le titre
significatif de Zoroastre. On sait aussi qu'il voyait dans l'âme un principe lumineux.
Cette thèse est bizarre; mais on se l'explique si elle est d'origine iranienne,
comme le veut Reitzenstein. Enfin, on n'ignore pas
que c'est lui qui a placé dans la voie lactée l'origine des âmes. Nous
n'avons pas de témoignage direct qu'il aitÂ
cru à l'astrologie, mais nous en avons qu'il a cru à ce que Pfeiffer
appelle l'astrométéorologie, c'est-à -dire Ã
l'influence des astres sur le temps. C'est ce qu'atteste un passage du De divinatione. Mais si nous prenons garde à la manière dont
ce texte est utilisé par Cicéron, il nous apprend probablement plus encore L'ame, parfaitement
incorporelle, ne se revêt pas tout de suite du limon grossier du corps; mais
peu à peu, par des altérations successives et insensibles, à mesure qu'elle
s'éloigne de plus en plus de la substance simple et parfaite qu'elle habitait,
pour s'entourer d'un certain corps sidéral, ou de la substance des astres dont
elle se grossit. Car, dans chacune des sphères placées au-dessous du ciel des
fixes, elle se revêt de plusieurs couches de matière éthérée, qui
insensiblement forment le lien intermédiaire par lequel elle s'unit au corps
terrestre ; en sorte qu'elle éprouve autant de dégradations ou de morts qu'elle
traverse de sphères. Voici quel est l'ordre de sa marche. La voie lactée, dit
Macrobe, embrasse tellement le zodiaque, dans la route oblique qu'elle a dans les
cieux, qu'elle le coupe en deux points opposés, au cancer et au capricorne, où
sont les deux termes de la route du soleil, appelés tropiques, et que les
physiciens ont appelés les portes du soleil. Il est certain que du temps de
Macrobe les deux tropiques, qui autrefois répondaient aux étoiles du cancer et
du capricorne, conservaient, comme aujourd'hui, ces noms; quoique les tropiques
correspondissent alors aux constellations des gémeaux et du sagittaire, par
l'extrémité desquelles la voie de lait coupe le zodiaque. Ainsi on pouvait dire
qu'elles passaient par les signes du cancer et du capricorne, mais non pas par
les constellations; ce qu'il ne faut pas confondre à cause du déplacement
produit par la précession des équinoxes. C'est par ces portes, comme nous
l'avons déjà vu plus haut, que les ames étaient
censées descendre vers la terre, et remonter de la terre aux cieux. C'est
pourquoi, continue Macrobe, on appelle l'une, la porte des hommes, et l'autre,
la porte des Dieux. Le cancer était celle des hommes, parce que les ames étaient censées descendre par-là vers la terre; le
capricorne, celle des Dieux, parce que c'était par le capricorne qu'elles
remontaient vers le siège de leur propre immortalité, et qu'elles allaient se
placer au nombre des Dieux; et c'est ce qu'Homère a voulu figurer dans la
description de l'antre d'Ithaque. C'est pourquoi Pythagore pense que c'est de
la voie lactée que part la descente vers l'empire de Pluton, parce que les ames, en tombant de là , paraissent déjà déchues et
rabaissées au-dessous de leur habitation supérieure. C'est de la voie lactée
qu'elles reçoivent la première impulsion, qui les pousse vers les corps
terrestres. Voilà ce qui fait que Scipion l'ancien dit au jeune Scipion, au
sujet des ames des bienheureux, en lui montrant la
voie de lait : « Ces ames sont parties d'ici, et
c'est ici qu'elles retournent. » Ainsi les ames qui
doivent descendre, tant qu'elles sont au cancer, comme elles n'ont point encore
quitté la voie de lait, sont toujours censées être au nombre des Dieux. Mais
lorsqu'elles sont descendues jusqu'au lion, là elles commencent l'apprentissage
de leur condition future. Par la raison contraire, lorsqu'elles sont dans le
verseau, qui est le signe opposée au lion, elles sont dans l'état de la plus
grande opposition à la vie humaine. Aussi est-ce sous ce signe, et dans le mois
où le soleil le parcourt, que l'on fait des sacrifices aux mânes. Ainsi l'ame, descendant des limites célestes, où le zodiaque et la
voie lactée se touchent, quitte aussitôt sa forme sphérique, qui est celle de
la Nature divine, pour s'alonger et s'évaser en cône.
C'est ainsi que du point naît la ligne, qui d'un point individuel s'étend en
longueur; et sortant de la sphéricité de son point, qui est sa monade, elle se
partage et s'avance jusque dans la dyade, qui est son premier prolongement.
C'est là cette essence à qui Platon, dans le Timée, donne les noms
d'indivisible et de divisible, lorsqu'il parle de la formation de l'ame du monde. Car les ames, tant
celle du monde que celle de l'homme, se trouvent n'être point susceptibles de
division, quand on n'envisage que la simplicité de leur nature divine; mais
aussi quelquefois elles en paraissent susceptibles, lorsqu'elles s'étendent et
se partagent, l'une dans le corps du monde, l'autre dans celui de l'homme. Lors
donc que l'ame est entraînée vers le corps, dès le
premier instant où elle se prolonge hors sa sphère originelle, elle commence Ã
éprouver le désordre qui règne dans la matière qui s'unit à sa substance; et
c'est ce qu'a insinué Platon dans son Phédon, lorsqu'il nous peint l'ame chancelante et prise d'une nouvelle ivresse qui la fait
tomber vers le corps : il a désigné par-là un nouveau breuvage de matière plus
grossière dont elle se charge, et qui l'appesantissant, l'entraîne vers le
corps. [...] La partie la plus élevée et la plus pure de cette matière, qui
alimente et constitue les êtres divins, est ce qu'on appelle nectar; c'est le
breuvage des Dieux. La partie inférieure, plus trouble et plus grossière; c'est
le breuvage des ames : et c'est ce que les anciens
ont désigné sous le nom de fleuve Léthé. Entraînée par le poids de cette
liqueur enivrante, l'ame coule le long du zodiaque et
de la voie lactée, jusqu'aux sphères inférieures; et dans sa descente,
non-seulement elle prend, dans chacune de ces sphères, une nouvelle enyeloppe de la matière du corps lumineux, mais elIe reçoit les différentes facultés qu'elle doit exercer
durant son séjour dans le corps Ce qui fait penser que le "fait mystique" du
quatrain III, 2 pourrait un lait mystique et astrologique. La substance de l'esprit corporel, s'il s'agit de
l'esprit mêlé, est soit la substance indivisble soit la
substance divisible. Au sens de Cuse, véhicule de la
connexion de l'âme, il réside dans les artères. Le court traité sur L'union
de l'âme et du corps d'Hugues de Saint Victor a pour objet de maintenir une
distinction rigoureuse entre l'âme et le corps tout en cherchant un terme
médiateur entre l'une et l'autre ; ce terme est l'imagination qui est « une
similitude du sens au sommet de l'esprit corporel et à l'infime de l'esprit
rationnel » (p. 220). Les derniers paragraphes de ce texte présentent l'imagination
comme un « vêtement » de l'âme, vêtement qui adhère à elle comme une « peau »
si l'âme y trouve sa délectation. Cette conception est vraisemblablement d'origine
porphyrienne (Compte rendu de "Ugo di S. Vittore,
I tre giorni dell'invisibile luce, L'unione del corpo e dello spirito" par Vincenzo Liccaro) L'imagination est
donc une ressemblance du corps, se formant extérieurement, par les sens
corporels, au contact des corps; puis elle rentre à l'intérieur par les mêmes
sens, vers la partie plus pure de l'esprit
corporel ("corporalis spiritus"),
y met son empreinte, et forme le point culminent de la partie corporelle, en
touchant la partie raisonnable par son point inférieur. J'appelle esprit
corporel, l'air ou plutôt le feu, qui, à cause de sa subtilité, est invisible,
[et qui vivifie les corps par une énergie intérieure. Il donne la vie seulement
à certains êtres, comme aux arbres, aux plantes et à toutes les productions de la
terre, mais ils ne sentent pas. Il donne la vie et le sens à d'autres êtres,
comme aux animaux brutes. Certains animaux sentent,
sans avoir l'imagination; d'autres ont le sens et l'imagination. Vivre avec la
faculté de sentir, c'est plus que vivre, sans l'avoir, et par conséquent, cette
faculté est une force plus subtile, et plus elle est subtile, plus elle est
esprit. Elle se rapproche plus de la nature incorporelle avec l'imagination,
qu'avec le sens tout seul. Rien n'est plus élevé dans le corps, ou plus voisin
de la nature spirituelle, que cette force qui vient après le sens et qui lui
est supérieure et qu'on appelle l'imagination; elle est d'autant plus sublime,
qu'il n'y a que la raison qui soit au-dessus d'elle (Hugues de Saint Victor) L'esprit corporel est une partie de l'âme ou peut-être un
de ses états. "vray siège" On voit qu'Alain de Lille se réfère ici au concept d'«esprit»
ou pneuma. La notion d'esprit corporel provient de la théorie de l'âme et de la
physiologie humaine courante au XIIe siècle issue des nouveaux textes
scientifiques que découvre l'Occident à cette époque. Alain adopte la conception traditionnelle en se réclamant
de Platon, des textes hermétiques et du De
Causis. Il tente pourtant de dépasser quelque peu
l'opposition radicale du corps mortel et de l'âme immortelle. Avec Boèce,
Grégoire le Grand et Hugues de St-Victor, il tente de montrer qu'il y a une
double cause d'animation dont l'âme rationnelle est l'unique principe : un
esprit corporel qui anime le corps et un esprit incorporel propre à l'âme
rationnelle. Cinq puissances émanent de l'esprit incorporel qu'est l'âme. Ce
sont, comme chez Hugues, la connaissance sensible (sensus),
la connaissance par mode de construction imaginante (imaginatio),
la connaissance de mode rationnel discursif (ratio), la connaissance proprement
intellective (intellectus) et la connaissance
intuitive (intelligentia). Les deux premières de ces
puissances sont celles de la brute et relèvent de l'esprit (au sens stoïcien
d'esprit animal) qui est corporel, mortel et référé aux choses physiques. C'est
donc au point précis de la jonction de l'esprit corporel avec l'âme esprit
incorporel et incorruptible qu'Alain situerait son esquisse d'une certaine
unité opérative constituant l'homme Si l'esprit corporel est mortel quel est son vrai lieu ? C'est d'une crise des fondements qu'il s'agit, à savoir
du modèle aristotélicien de la nature et du modèle galénique de l'homme. C'est
pourquoi Paracelse répudie le latin, scolastiquement connoté, pour forger en
allemand un vocabulaire neuf, adapté aux concepts nouveaux qu'il circonscrit
par des approximations successives de l'indicible. Car si les médecins errent
dans le labyrinthe d'ignorance, c'est qu'ils c'est qu'ils n'ont pas de base
philosophique et doivent se fonder sur des livres. [...] La seule base possible
pour une nouvelle médecine, c'est une appréhension novatrice des rapports entre
Dieu, l'homme et la nature. La nature est vie, peut tout. Elle est
extériorisation de forces invisibles. L'homme est microcosme de la nature. Il
est aussi créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, et se trouve ainsi entre
Dieu et la nature. Ainsi, l'homme est triple, corps, âme et esprit,
correspondant aux trois étages de l'univers, la matière, les astres et Dieu.
Mais l'univers lui-même est le corps visible de l'esprit invisible,
l'expression tangible de forces immatérielles. Ainsi, corps âme et esprit se trouvent dédoublés. Le corps physique
de l'homme s'accompagne d'esprit corporel qui survit quelque temps après la
mort sous forme de spectres ; l'âme s'accompagne d'un corps astral qui avec
elle constitue l’evestrum, un être puissant dans la
magie ; l'esprit, qui est éternel, s'accompagne d'un corps spirituel Le corps physique se dissout dans la tombe, mais, même
pour le corps physique, il faut encore du temps avant que ses éléments
retournent dans le chaos ; de même, l'esprit
corporel subsiste pendant un certain temps après la mort, et il est tout Ã
fait naturel que cet esprit, qui était en quelque sorte le moteur (subordonné Ã
l'âme) du corps, continue à "marcher" quelque temps encore (par
inertie, par habitude, pour ainsi dire) et que, par conséquent, il hante les
lieux où son corps avait habité, exécute les simulacres de gestes qu'il avait
exécutés pendant sa vie, revient vers le trésor qu'il avait caché. Il ne faut
pas croire, cependant, que cette ombre (Schatten)
possède autre chose que l'ombre de la vie. Les larvae
ne sont que simulacres ; ils ne sont qu'image flottante de la vie passée, habitude
qui a pris corps, ou pour être plus exact, qui a conservé un simulacre de
corps. L'âme n'y est plus et, par conséquent, ils n'ont ni force, ni volonté,
ni conscience. Tout autre chose, par
contre, est l'evestrum, le corps astral de l'âme, ou
l'âme munie de son corps astral. Cet être-là , étant une force et un centre
d'action et de pensée, peut agir, peut déterminer des actions physiques peut
traverser avec une vitesse extrême les régions les plus éloignées de l'espace,
peut aussi agir directement - c'est-Ã -dire sans passer par le physique - sur
les âmes. Et c'est l'evestrum
qui vous apporte des nouvelles et permet aux vrais mages de communiquer entre
eux (on sait qu'Agrippa de Nettesheim enseignait
quelque chose d'analogue) Selon une conception astrale rapportée par Macrobe,
l'ombre ou le fantôme des pieux défunts remonte au ciel et stationne sur la
Lune. Dans le système des premiers spiritualistes, l'âme
n'était point créée avec le corps, ou en même temps que lui, pour y être insérée
; elle existait antérieurement et de toute éternité. Voici, en peu de mots, la
doctrine qu'expose Macrobe à cet égard. Som. Scip. passim. «Il existe un fluide
lumineux, igné, très-subtil, qui, sous le nom d'ether
et de spiritus, remplit l'univers ; il compose la
substance du soleil et des astres; il est le principe et l'agent essentiel de
tout mouvement, de toute vie; il est la Divinité. Quand un corps doit être
animé sur la terre, une molécule ronde de ce fluide gravite par la voie lactée
vers la sphère lunaire ; et, parvenue là , elle se combine avec un air plus
grossier, et devient propre à s'associer à la matière : alors elle entre dans
le corps qui se forme, le remplit tout entier, l'anime, croît, souffre, grandit
et diminue avec lui : lorsqu'ensuite il périt et que ses élémens
grossiers se dissolvent, cette molécule incorruptible s'en sépare, et elle se
réunirait de suite au grand océan de l'éther, si sa combinaison avec l'air lunaire
ne la retenait : c'est cet air (ou gaz)
qui, conservant les formes du corps, reste dans l'état d'ombre ou de fantôme,
image parfaite du défunt. Les Grecs appelaient cette ombre l'image ou
l'idole de l'âme ; les pythagoriciens la
nommaient son char, son enveloppe, et l'école rabbinique son vaisseau, sa
nacelle. Lorsque l'homme avait bien vécu, cette âme entière, c'est-à -dire son
char et son éther, remontaient à la lune, où il s'en faisait une séparation ; le char vivait dans l'élysée
lunaire, et l'éther retournait aux fixes, c'est-à -dire à Dieu, car, dit
Macrobe, plusieurs appelent Dieu le ciel des fixes
(c. 14)» (Note de La Loi naturelle) "vray
siège" peut se référer à "lieu vrai" astronomique d'un astre. Le lieu optique, ou simplement le lieu d'une étoile ou
d'une planète, est un plan dans la surface de la sphère du monde, auquel un
spectateur placé rapporte le centre de l'étoile ou de la planète. Ce lieu se
divise en vrai ou apparent. Le lieu vrai
est le point de la surface de la sphère, ou un spectateur placé au centre de la
terre voit le centre de l'étoile; ce point se détermine par une ligne droite
tirée du centre de la terre par le centre de l'étoile, & terminée à la sphère
du monde. Le lieu apparent est le point de la surface de la sphère, où un
spectateur placé sur la surface de la terre voit le centre de l'étoile ; ce
point se trouve par le moyen d'une ligne qui va de l'Å“il du spectateur Ã
l'étoile, & se termine dans la sphère des étoiles. La distance entre ces
deux lieux optiques, savoir le vrai & l'apparent, fait ce qu'on appelle la
parallaxe. Le lieu astronomique du soleil, d'une étoile ou d'une planète
signifie simplement le signe & le degré du zodiaque, où se trouve un de ces
astres ; ou bien, c'est le degré de l'écliptique, à compter du commencement d'ariès, qui est rencontré par le cercle de longitude, de
la planète ou de l'étoile, & qui par conséquent indique la longitude du
soleil, de la planète ou de l'étoile, & qui par conséquent indique la
longitude du soleil, de la planète ou de l'étoile. Le lieu de la lune est le
point de son orbite où elle se trouve en un tems quelconque. Le lieu est assez
long à à calculer, à cause des grandes inégalités qui
se rencontrent dans les mouvemens de la lune, ce qui
exige un grand nombre d'équations & de réductions avant de trouver le lieu
vrai. Le lieu excentrique d'une planète dans son orbite est le lieu de l'orbite
où paroitroit cette planète, si on la voyoit du soleil Les Trois Rois du
Baudrier d'Orion L'ouverture et la fermeture de la chasse coïncident avec
l'apparition et la disparition d'Orion dans notre ciel étoilé. Cette magnifique
constellation d'hiver, dont la mythologie grecque a fait son Grand Chasseur,
apparaît au firmament entourée de Sirius, dans la constellation du Grand Chien
et de Procyon, dans celle du Petit Chien. En fait, la
constellation d'Orion marque le lieu d'où la Voie Lactée, « chemin des âmes »,
jaillit, depuis le ciel de l'hémisphère sud, dans le ciel de notre hémisphère
nord, pour tout dire depuis l'Autre-Monde dans notre Monde Dans un passage du de Iside que
nous avons déjà examiné à un autre point de vue, Plutarque nous dit que selon l'enseignement
des prêtres égyptiens, les dieux meurent et leurs corps sont ensevelis dans la
terre, mais leurs âmes brillent au ciel. Ils ajoutent que l'âme d'Isis est
appelée par les Grecs l'Étoile du Chien, et par les Égyptiens Sothis ; que celle d'Horus est dénommée Orion et que celle
de Typhon est la Grande Ourse (de Is., a1, 359 C-D). C'est tout à fait exact.
En ce qui concerne Seth, par exemple, les représentations égyptiennes montrent
la constellation de la Grande Ourse tenue enchaînée par l'hippopotame et les
textes qui les accompagnent expliquent que c'est Isis empêchant Seth d'aller
attaquer Osiris-Orion. L'une des légendes religieuses du nome Cynopolite raconte ainsi l'origine de la Grande Ourse : au
cours du combat qui opposa Seth à Horus, ce dernier détacha le khepesh (patte antérieure) de Seth et le plaça au ciel sous
la garde de génies où il prit le nom de l'Ours. Dans les documents grecs de
Basse-Époque, Typhon continue d'être appelé ainsi Arctos.
On peut s'étonner que Plutarque prétende qu'Orion est l'âme d'Horus, car c'est
uniformément Osiris que les documents égyptiens appellent Orion, et cela
jusqu'à l'époque romaine. «C'est donc simplement une erreur de Plutarque»,
conclut Bonnet. C'est possible ; en effet, Horus fut identifié, non à Orion,
mais à l'étoile du matin ; toutefois, on peut se demander, étant donné que
visiblement le rapprochement est dû à l'assonance des deux noms «Ôros-Ôriôn», si
l'erreur est imputable à Plutarque ou si, à l'époque romaine, il n'y a pas eu
une tradition à ce sujet. En effet, on a remarqué que sur la Tasse Farnèse
Horus, représenté sous les traits de Triptolème entre le Nil, Isis et les Vents
(étésiens), se présente dans une attitude qui rappelle Orion. Certains
documents égyptiens tendaient à confirmer la chose et à prouver que
l'assimilation d'Orion à Horus n'était pas inconnue des Égyptiens, au moins Ã
Basse-Époque. Ainsi sur le Zodiaque d'Athribis, on voit Horus sous la forme
d'Orion, armé d'une épée, près de la vache d'Isis-Sothis.
S'il a existé réellement un Horus Orion en Égypte, il faudrait en chercher
l'origine à Edfou, où l'on fêtait la Naissance d'Horus le 30 mesoré, veille du 1er épagomène, le jour de la naissance
d'Osiris (= Orion), et dans la croyance qu'Horus était la cause de la crue
comme Orion, ainsi qu'on va le voir bientôt. Les textes d'Edf ou d'époque ptolémaïque,
sont à cet égard assez convaincants : «Je te donne l'inondation», affirme Horus
à plusieurs reprises. Cela dit, il est certain que c'est normalement Osiris qui
est assimilé à Orion. Cette étoile appelée en égyptien Sab,
la principale du ciel Sud, fut parfois nommée « père des dieux » et elle fut
très anciennement, dans les croyances funéraires, considérée comme une divinité
qui procurait au mort une force de résurrection ou le protégeait contre les
puissances mauvaises. L'assimilation à Osiris est très ancienne également :
puisqu'on croyait qu'habitaient dans les étoiles les âmes des morts, il était
normal qu'on vît dans la plus brillante celle du roi des morts. Mais surtout,
comme nous le disions au début de ce chapitre, Orion était le symbole de la
résurrection : «Voilà qu'Osiris est revenu sous les traits d'Orion», dit un
Texte des Pyramides (Pyr., 819) Le grand secteur signal,
Taureau-Orion-Sirius-Gémeaux-Voie Lactée, comme on sait, ne reste pas fixe dans
la saison. Il obéit au lent pivotement de l'axe terrestre qui cause, en 26.000
ans environ, la «précession des équinoxes». S'il est pour nous maître du ciel
d'Hiver (les Trois Étoiles des «Rois Mages» de la constellation d'Orion annoncent
le «Natale», le «Noël») comme il avait été, pour les Égyptiens, trois mille ans
avant notre ère, maître du plein Été (la «Canicule»), lors des fastueuses célébrations
de «l'Ouverture de l'An» qui coïncidaient avec les crues du Nil, il fut, entre
temps, maître de l'Automne et des vendanges pour l'Asie Mineure, les Cyclades
et la Grèce, mille cinq cents ans avant notre ère, lors des exaltations
dionysiaques Dans Hermès Trismégiste (traduction de Ménard, 1925,
201), Isis à Horus : «Il y a dans
l'Univers quatre régions que gouverne une loi fixe et immuable, le ciel,
l'éther, l'air, et la terre très sainte. Dans le ciel habitent les dieux, dans
l'éther, les astres, gouvernés par le soleil, dans l'air, les âmes des démons
gouvernés par la lune, sur la terre, les hommes et les animaux, gouvernés par
le roi» Vergiliae est le nom latin le
plus courant pour désigner le groupe d'étoiles appelé Pléiades par les Grecs. Les
Pléiades, leurs voisines les Hyades et Orion sont unis dans un mythe commun,
qui atteste leur proximité céleste (Hygin, Astron. II, 21, 1-4). Pourquoi Macrobe prend-il comme
exemple ces constellations ? Les Pléiades « jouissent d'un honneur sans égal »,
dit Hygin, Astron. II, 21,
4. Et en effet leur rôle dans le calendrier était prépondérant, leur lever, au
début de mai, annonçant la belle saison et la reprise de la navigation (cf. A.
Le Bœuffle, (1987), p. 217). Notons aussi qu’Homère,
Il., XVIII, 486 et Od. V, 270, associe pareillement
les Pléiades, les Hyades, les Ourses et Orion, comme repères du navigateur ;
cf. aussi Virgile, Aen. III, 516 (chez qui manquent
néanmoins les Pléiades). Or les deux poètes sont cités et commentés par Macrobe
dans les Saturnales V, 11, 10-13. L'autruche assimilée à la Synagogue par le pape Grégoire
le Grand est liée à la constellation des Pléiades. Comme la Grande Ourse
symbolise, selon le même auteur sacré, l'Eglise on peut en déduire que les
Pléiades représentent la Synagogue (cf. quatrain VIII, 96 - Polaire, daté de
2100-2101). Les Pléiades étaient sept filles d'Atlas et de Pléioné, l'Océanide fille d'Océan et de Téthys. Elles
étaient les compagnes d'Artémis. Un jour, les virginales Pléiades pourchassées
ainsi que leur mère pendant sept ans par le chasseur Orion en Boétie,
implorèrent les dieux de les sauver. Elles furent changées en colombes puis
furent placées dans le ciel comme constellations. En fait on ne voit que six
étoiles dans le ciel car l'une d'elles se cache: Méropé,
disent certains car c'est la seule qui eut un mortel comme amant et toutes les
autres eurent un dieu comme amant. D'autres auteurs prétendent que c'est
Électre depuis la mort de Dardanos et la chute de Troie. Pour d'autres, elles
se suicidèrent après la mort de leurs sœurs, les Hyades Puissance des
Mages C'est dans le culte du soleil, des astres et du feu que
consistait l'extérieur de la religion chez les Perses et les Chaldéens. Dans
leur système, le soleil et les astres étaient les plus pures émanations de la
substance divine. Dans le système des mages, ces objets n'étaient pas la simple
production du premier être, mais un mélange de sa substance avec la matière qui
rendait cette substance divine propre à faire impression sur nos sens. Les
mages, comme les chaldéens, reconnaissaient dans chaque astre une âme ou une
intelligence qui lui était unie. Les Grecs et les Romains adoptèrent cette
doctrine religieuse. C'était le sentiment de tous les Juifs; et cette question
n'a pas été décidée par l'antiquité elle-même. De l'opinion que les astres sont
animés est née l'astrologie judiciaire L'influence d'une planète - ce que Pietro d'Abano appelle «chose mue» (mota)
-, constitue un relais propice au pouvoir de l'incantation : Soit en effet [l'incantation] a un effet : la chose mue (mota) est altérée par l'incantation de la manière dont il a
été question, parce qu'elle est orientée en fonction de notre préoccupation (ordinetur ad nostram sollicitudinem) et qu'elle est une substance intellective (intelligens), de telle sorte que cette substance
intellective rend l'action inefficace ou qu'elle s'y oppose par son orbe ou par
son astre, selon les diverses modalités par lesquelles celle-ci aura été
enchantée (incantata). C'est en utilisant le mouvement des sphères célestes que
l'incantation agirait sur le monde terrestre. Les intelligences motrices des
corps célestes peuvent être réceptives à l'influence d'une formule puisque ce
sont des substances intellectives. L'incantation les dispose et les oriente de
manière à obtenir des astres un certain effet. Le mouvement décrit a pour point
de départ la formule incantatoire ; il passe par les substances intellectives
qui meuvent les corps célestes, puis par les astres eux-mêmes, pour atteindre le
monde terrestre. L'exemple des mages (magi), que nous
avons déjà évoqué, illustre la relation de la praecantatio
avec les planètes. Le terme magi désigne les astrologues qui observent les planètes et décrivent
leur influence sur les hommes. Ils adressent aux astres des requêtes afin de
diriger, en quelque sorte, l'influx céleste Suivant une tradition très ancienne, la plupart des
humanistes ont cru que les nombres véhiculent des significations cachées. Alberti
l'a justifié parce que la création est organisée d'après des rapports
mathématiques, si bien que les nombres livrent les clefs de la structure de
chaque être et des relations que les êtres entretiennent entre eux. Ficin a
développé la théorie en «démontrant» que toutes les parties de la réalité sont
unies entre elles par le même rapport mathématique, preuve que l'univers est
une manifestation de l'intelligence divine et que l'homme qui possède la
science des nombres peut connaître les réalités purement intelligibles sur
lesquelles les sens n'ont pas prise et dominer aussi la nature. Il n'est donc
pas étonnant que les mathématiques symboliques aient eu un grand succès auprès des lettrés et des
néoplatoniciens ni qu'elles aient été un des chapitres de la poetica theologia. Le
Quattrocento ne s'est pas distingué des siècles précédents en pratiquant la
magie, qui est une technique grâce à laquelle la parole ou une autre activité
humaine peut transformer un corps en un autre; malgré les condamnations de
l'Eglise les pratiques magiques étaient courantes. Par contre, la justification
théorique de l'ars magica par Ficin (qui y fut
conduit par ses travaux sur les Ennéades de Plotin), qu'il a rangée parmi les arts libéraux, est intéressante, encore
que ce soit moins à cause de son originalité que de ce qu'elle révèle de la
cosmologie ficinienne. Selon cette conception, la
magie n'est ni un don de la grâce ni une activité satanique; c'est un art
naturel, dans l'exercice duquel l'âme intellective, qui participe de la nature
angélique, peut demander aux «démons» (les anges qui régissent des corps
particuliers du monde terrestre parce qu'ils en produisent la forme) d'agir sur
les réalités inférieures qui dépendent d'eux et de transformer un corps en un
autre par un changement de forme. Ficin explique aussi que dans tout être formé
par l'union d'une substance intellectuelle et d'une substance matérielle, comme
c'est le cas de l'homme et des astres, l'union de ces substances est réalisée
par un troisième terme, le spiritus, qui est un lien mi-corporel et mi-spirituel.
C'est par leur spiritus que les astres émettent des
influx naturels qui, en vertu de la distribution hiérarchique de l'être,
exercent une influence sur les spiritus humains. L'action du mage consiste à aboutir aux
transformations de formes auxquelles elle vise en captant, accélérant,
retardant empêchant l'activité des daimones associés
aux corps célestes qui par les influx de leurs «correspondante» appartenant Ã
un ordre différent de la réalité; enfin les Stoïciens ont vu dans le
nombre, qui existe en soi antérieurement à toute activité de la pensée, le
modèle, l'idéal et la source de toutes choses Nul doute que, parmi toutes les
«voies» de libération de l'âme énumérées par Porphyre, ne figurât la «voie» des Mages : car la plupart des
fragments conservés ont trait à l'emploi des procédés théurgiques. La purification théurgique, selon Porphyre,
concerne l'âme «pneumatique» et elle seule, sans, toutefois, suffire à lui
conférer l'immortalité et l'éternité; cette «voie» permet de se concilier
l'amitié d'un démon, en sorte qu'il aide l'âme défunte à se soulever de terre,
loin de chercher à lui nuire. A cette fin, l'on emploie des formules de
prière et d'adjuration ; mais ces formules réussissent tout aussi bien en sens
inverse, si le théurge est malveillant et contrarie le retour de l'âme en
excitant le démon au lieu de l'apaiser. En réalité, - Augustin ne parvient
guère à le cacher, - Porphyre tient en médiocre estime cette purification
théurgique ; car elle ne permet que le retour au ciel, non le retour au Père. Selon
lui, ce qui importe, c'est la purification de l'âme «intellectuelle» ; pour cela, une
purification théurgique préalable de l'âme «pneumatique» n'est même pas
requise. La purification de l'âme «pneumatique» peut, en effet, s'obtenir
procédés théurgiques, par la seule force de la continence. Le petit nombre de
ceux qui, durant le laps de temps qui leur a été concédé, vivent selon l'Intelligence
sont capables de parvenir après leur mort, par la seule force de l’Intelligence,
à la sagesse parfaite, à la purification parfaite, à Dieu |