Les Mages et la Voie lactée

Les Mages et la Voie lactée

 

VIII, 99

 

2102-2103

 

Par la puissance de trois Roys temporels :

En autre lieu sera mis le Saint Siege,

Ou la substance de l'esprit corporel,

Sera remis et reçu pour vray siège.

 

"temporels"

 

Les trois rois font bien sûr penser aux trois rois mages de la nativité du Christ.

 

QUESTION LXIII. — Comment les Mages de la Chaldée ont-ils pu apprendre la naissance du Christ, roi des Juifs, sur l'apparition d'une étoile qui est plus ordinairement le signe qui annonce un roi de la terre ("cum stella indice temporalis rex soleat designari") ? (Matth. II, 2.) Ces Mages de la Chaldée étudiaient le cours des astres non pour une fin mauvaise, mais par simple curiosité. Comme le récit de l'Evangéliste le laisse conjecturer, ils suivaient la tradition de Balaam que Balach avait fait venir pour maudire le peuple de Dieu et qu'une impulsion divine força de le bénir (Nomb. XXVI, 20.) Ils savaient donc par ce fait historique que la providence de Dieu devait faire sortir un roi de Jacob; Balaam avait en effet prédit clairement "qu'une étoile se léverait de Jacob" (Nomb. XXIV, 17.) Les Mages, fidèles à cette tradition, voyant briller au ciel une étoile en dehors du cours ordinaire des astres, comprirent qu'elle était celle que Balaam avait prédite comme le signe futur de la naissance du roi des Juifs. Ce fait va directement contre les ennemis de la religion. Elle reçoit ici un témoignage de ceux-là mêmes qui ont coutume de l'attaquer, car les astrologues sont ennemis de la vérité (Questions sur le nouveau testament) (Oeuvres complètes d'Augustin, Tome XI, 1871 - books.google.fr).

 

Ils croient venir adorer un roi de la terre, qui devait opérer de grandes et de merveilleuses actions ; ils venaient l'adorer, et les fils d'Abraham sentent, reconnaissent et avouent que c'est à Bethléem que doit naître ce roi des Juifs ; car les Mages, ayant perdu de vue l'étoile miraculeuse qui les conduisait depuis les confins les plus reculés de l'Orient jusqu'en Judée, se rendent à Jérusalem pour s'informer du lieu de la naissance du nouveau roi. Quelle dût être leur surprise ; ils s'attendaient à voir toute la ville de Jérusalem, capitale de ce royaume fortuné, où venait de s'opérer une merveille si ineffable; ils s'attendaient, dis-je, à la trouver au milieu des réjouissances et des fêtes solennelles : qu'y trouvent-ils ? Pas un seul homme qui leur parle de la naissance du roi qu'ils viennent adorer. C'était donc dans leurs livres même qu'ils avaient lu cette prédiction qui mettait leur foi à une si rude épreuve. Le temps marqué par ces mêmes livres était arrivé, et la première parole qui sort de leur bouche sur ce roi des Juifs, est une nouvelle qui met dans la plus grande surprise tous ceux qui l'entendent. O mon Dieu, quel aveuglement ! qui ne reconnaît ici votre vengeance ? une indifférence, un étonnement si inouï et si déplorable, ne sont-ils pas évidemment un miracle de votre justice. Il est vrai, Seigneur, pour leur attirer une dernière ressource et faire un dernier effort de votre grâce, vous faites disparaître tout à coup cette étoile miraculeuse, qui dirige la marche de ces Mages heureux et fidèles ; vous dirigiez leurs pas dans Jérusalem, l'infortunée Jérusalem, pour lui apprendre, ô mon Dieu, par la bouche de ces hommes venus de si loin, une nouvelle qui devait, depuis plus d'une semaine, être le sujet de leur joie, de leur allégresse et de leurs actions de grâces ; mais, mon Dieu, n'aviez-vous pas dit : Ils auront des yeux, et ne verront point ; ils auront des oreilles, et n'entendront point. Arrivés à la cour du roi de Jérusalem, ils s'informent ; les prophéties sont examinées ; et on convient que c'est à Bethléem qu'ils doivent se rendre. Leurs yeux s'ouvrent et se referment aussitôt : cette nouvelle est bientôt répandue dans toute la ville, toute Jérusalem est troublée ; et, parmi tant de Juifs qui attendent le Messie, il n'en est point qui soient plus émus que le tyran étranger : il frémit, il croit sentir son trône ébranlé sous ses pieds ; et tandis que tous, intéressés si fort à cet événement, demeurent renfermés dans leurs villes, sans songer à aller voir le nouveau roi, et lui rendre leurs hommages, lui seul agit, mais de quelle manière ? O Hérode ! roi barbare, entends-tu le sang de ces enfans qui crie vengeance contre toi ? (Nicolas Lévêque, Erreurs des Juifs en matière de religion, 1828 - books.google.fr).

 

Dans une Saison en Enfer, faisant retour sur sa faiblesse, comme l'indique la répétition de l'indéfini («même») et de l'adverbe temporel («toujours») pour qualifier, en termes quasi mystiques, la morne expansion du «désert» et de la « nuit » intérieurs, le sujet se livre à une réinterprétation psychique de la fable chrétienne des «Rois mages» : «les Rois de la vie, les trois mages, le cœur, l'âme, l'esprit» (Patrick Labarthe, La poésie entre verbe et matière : Nerval, Baudelaire, Rimbaud, Rimbaud et les sauts d'harmonie inouïs: Actes du colloque international de Zurich, 24-26 février 2005, 2007 - books.google.fr).

 

Cf. III, 2 où le terme substance est mentionné ainsi que "Corps, ame, esprit ayant toute puissance," (vers 3).

 

"esprit corporel"

 

Le terme "spiritus corporalis" proprement traduit en français "esprit coporel" se trouve chez le cardinal Nicolas de Cuse.

 

Quel est le lien de cette union intime de l'âme et du corps ? D'après le De Conjecturis, il y a entre eux deux intermédiaires, l'un plus spirituel, l'autre plus corporel, qu'on peut appeler, l'un, esprit-corporel, et l'autre, corps-spirituel ; en sorte que la descente de l'esprit dans le corps et l'ascension du corps dans l'esprit s'opèrent par trois degrés. «Ainsi, l'expérience prouve qu'il y a dans les animaux une âme, qui est une nature spirituelle; un esprit corporel (corporalis spiritus), contenu dans les artères, véhicule de la connexion de l'âme ; et une lumière, ou esprit corporel (spiritus corporalis), par lequel l'âme opère dans le corps et dans le sensible» (1, II, X). Pour exercer ses opérations, l'âme est donc unie au corps par l'esprit artériel qui la véhicule et par la «lumière», qui paraît bien être, dans la pensée de Cusa, analogue au sens commun des scolastiques (Edmond Vansteenberghe, Le cardinal Nicolas de Cues: (1401 - 1464) ; l'action - la pensée, 1974 - books.google.fr).

 

Cela rejoint la composition tripartite de l'âme définie par Platon.

 

Platon tâche d'expliquer comment la première Cause a formé le Monde, & en particulier, comment elle a formé l'Ame. Ecoutons-le parler de cet admirable Phénomène. "Dieu commença, dit-il, par produire l'Ame, qui a l'avantage d'être plus ancienne, aussi-bien que plus excellente que le Corps. Elle est faite pour lui commander, comme il est fait pour lui obéir. Il prit donc de la Substance indivisible, qui est toujours la même, toujours semblable à elle-même; & de celle qui est divisible & partagée entre les Corps. De ces deux Substances, il en composa une, qui est d'une troisième espèce, & qui tient le milieu entre les deux autres. Il la plaça au milieu de la Substance indivisible, & de la Substance divisible. De ces trois substances réunies, il en fit l'Ame humaine qui est composée du Même, du Divers, & de l'Essence. Platon décrit ensuite les proportions Géométriques, ou Harmoniques, avec lesquelles le mélange a été fait. On convient que Platon est obscur dans cet endroit-là, comme il l'est en général dans le Timée. Laissant aux autres leurs explications, je vai hazarder la mienne. Il concevoit donc, ce me semble, dans l'Ame Humaine 1° L'Entendement pur, "Nous", mens ; C’est lui qui préside, qui s'élève par la Contemplation à la connoissance des Etres immatériels. Il tient le premier rang dans l'Ame; Il est appellé LE MEME, parce qu'il n'est point sujet aux altérations, & l'HEGEMONIKON, parce qu'il tient les rênes: c'est à lui qu'il appartient de gouverner & de commander. Au-dessous de cet Esprit est la Substance mixte, qui n'est pas Entendement pur, mais qui tient quelque chose de l'Entendement : Elle est mêlée & incorporée avec la fleur de la Substance matérielle: Elle réunit d'un côté la Raison, & de l'autre les Affections, mais il me semble que ce sont les affections honnêtes & douces, qui peuvent se concilier avec la Raison. Celle-ci tire ses connoissances des Sens, qui agissent sur elle par le moyen de la Substance matérielle, dont elle est composée. C'est cette partie de l'Ame, qui est nommée le "logikon", ou l'Essence. Il y a enfin dans l'Ame Humaine une Substance purement matérielle, qui n'est autre chose, qu’une certaine vertu inhérente dans la Matière, & qui en est inséparable. Celle-ci est le Siège & la source des Affections charnelles, violentes, auxquelles les Hommes sont sujets aussi-bien que les Bêtes. Elle est appellée l’AUTRE ou le DIVERS, & l'ANIMAL ou le PSUCHIKON. Ainsi l'Ame Humaine a trois parties, selon Platon, l'Entendement pur, l'Esprit mélé, la Matière pure. L'Esprit mélé avec la fleur de la Matière tient le milieu. C'est le noeud qui lie les deux extrêmes. L'Entendement pur agit sur l’Esprit mélé; & l'Esprit mêlé sur la partie matérielle. Sans cela il n'y auroit point de communication. Il y a trop de disproportion entre l'Entendement pur & la Matière. Du côté de l'Entendement pur, l'Homme se trouve allié avec les Substances célestes: Du côté de l'Ame matérielle avec les Plantes qui végètent, & avec les Bêtes, qui n'ont que la perception & le sentiment, Ce qui lui est propre, c’est cette partie composée de la Substance simple, & des parties les plus pures, & les plus spiritueuses de la Matière, de celles qui ont servi d'Elément à l'Air le plus pur, & à la Lumière. C'est-là, si je ne me trompe, ce que Platon nous a enseigné. On trouve les mêmes Idées dans la Théologie des valentiniens. Ils distinguoient trois Hommes, dans l'Homme, sans ; y comprendre le Corps. Ces trois Hommes sont le Spirituel, l'Animal & le Terrestre. Le Spirituel est l'Entendement pur. C'est une étincelle sortie du Plérome, un rayon de la Lumière céleste. Il ne périt jamais. L'Animal peut être sauvé, & peut périr : Cela dépend de l'usage qu'il fait de fa Liberté. S’il se soumet à l'Homme spirituel, il sera sauvé. Mais s'il se révolte contre lui, il périra. A l’égard de l'Homme Terrestre, de cette partie de l'Ame, qui est sortie de la Matière, elle rentre dans la poussière, dont elle a été prise (Isaac de Beausobre, Histoire De Manichée Et Du Manicheisme, Tome 2, 1739 - books.google.fr).

 

Platon dit dans son Timée, que pour former l'ame humaine, Dieu commença par produire la substance indivisible; (peut-être entendoit-il par-là la seconde émanation). Il prit de cette substance, qu'il mêla avec la substance divisible, ou ce qu'il y a de plus pur dans la matière. De-là vient le mélange des passions avec la raison; il arrangeoit par ce système l'inhérence de l'ame au corps. L'esprit pur, qui est la raison, agit sur l'esprit mêlé, & l'esprit mêle agit sur la matière. Cela est expliqué par Macrobe, à la différence que dans le Timée, c'est Dieu lui-même qui forme l'esprit mêlé; & chez Macrobe, c'est l'ame (animus) que Dieu a créée, qui crée à son tour, l'esprit mêlé (anima) (Commentaire sur le songe de Scipion, de Cicéron, ch. 14) (Variétés sérieuses et amusantes, 1769 - books.google.fr).

 

Comparant la doctrine de Platon et celle de Cicéron, Macrobe loue les deux auteurs d'avoir conclu chacun leur ouvrage par un traité sur la destinée de l'âme. «En effet, après avoir donné la première place à la justice, (Platon) a enseigné que l'âme ne disparaît pas après la fin de l'être animé, et par un «mythe» - comme disent certains - il a expliqué, à la fin de son ouvrage, où l'âme s'évade au sortir du corps et d'où elle vient avant son entrée dans le corps, montrant ainsi qu'une récompense, quand elles ont cultivé la justice, ou un châtiment, quand elles l'ont méprisée, est réservé aux âmes immortelles et destinées à subir un jugement. Cette disposition, Tullius se trouve l'avoir conservée avec autant de discernement que de talent : après avoir donné la palme à la justice dans toutes les activités publiques intérieures et extérieures, il a localisé le siège sacré des âmes immortelles et la demeure cachée des créatures célestes à l'extrême fin de son ouvrage, indiquant où doivent parvenir, ou plutôt retourner ceux qui ont servi la république avec prudence, justice, force et tempérance».

 

La doctrine de Cicéron a une saveur essentiellement platonicienne et pythagoricienne (les deux aspects se complètent d'ailleurs plus qu'ils ne s'opposent). Le dualisme de l'âme et du corps, l'immortalité des âmes et leur migration après la mort sur la Voie Lactée, tout cela, comme nous le verrons, prend sa source chez les plus anciens Pythagoriciens (Jacques Flamant, Macrobe et le néo-platonisme latin: à la fin du IVe siècle, 1977 - books.google.fr).

 

Le sacré rejoint le saint ("sacras immortalium animarum sedes" dans le texte de Macrobe).

 

Le sacré s'oppose au profane, comme espace réservé aux dieux, à leurs temples et à leurs prêtres. Le mot «saint» vient du latin sanctus (lui-même apparenté à sacer) et désignant soit quelque chose de sacré et d'invisible, soit un homme pur, vertueux, intègre, irréprochable. Il n'est donc pas facile de distinguer les deux mots et leurs nombreux dérivés : «sacristie», «sacrifice», «sacerdoce», «sacrement», «sacrilège», «serment», «sanction» (à l'origine, une décision de justice inviolable), «Toussaint», etc. Parfois on confond même les deux termes comme dans l'expression « sacro-saint ». On parle d'un texte sacré comme d'un livre saint même si la notion de sacré évoque plus l'intouchable et celle de saint le vénérable. Enfin, le vocabulaire de l'anatomie nomme tantôt sacrées tantôt honteuses les zones du corps humain proches des organes de la génération et de l'excrétion : plexus sacré, plexus honteux, vertèbres sacrées, ligaments utéro-sacrés, grand nerf honteux, etc. Comme le disait le philosophe néoplatonicien Porphyre, repris par saint Augustin, nous sommes nés entre excréments et urine (Odon Vallet, Dieu et les religions: En 101 questions-réponses, 2012 - books.google.fr).

 

"saint siège" et Voie lactée

 

Platon commence par déclarer que l'âme du monde est un mélange de la substance indivisible et de la substance divisible. Ce qui veut dire que l'âme est une synthèse de l'un et du multiple, de l'indivisible et du divisible et, par conséquent, du même et de l'autre. Et nous retrouvons les «genres» de l'être exposés dans Le Sophiste. En définitive, l'âme du monde est un mélange harmonieux de quatre grands contraires : unité et multiplicité, identité et altérité. En référence au caractère mobile et fluent  du cosmos, l'identité devient le permanent et l'altérité le fluent. Il y a contrariété quantitative entre unité et multiplicité, contrariété qualitative entre identité et altérité. L'âme du monde est la synthèse des contraires quantitatifs et qualitatifs. Telle est la pensée de Platon réduite à son schéma abstrait (Abel Jeannière, Platon, 1994 - books.google.fr).

 

On n'était cependant pas d'accord, quand il s'agissait de déterminer la patrie de l'âme avant son séjour sur la terre : d'après Héraclide du Pont, elle serait originaire de la Voie Lactée, alors que d'autres optaient pour l'ensemble des sphères célestes ou la région de la lune. Quant à cette dernière opinion, elle se trouve également dans le mythe final du De fade de Plutarque, où la région lunaire est considérée comme le séjour de l'âme : c'est là que le "nous" se joint à la "psuché" avant de descendre vers la terre et c'est et c'est dans cette même région que les deux se séparent par une purification lente après la première mort. La seconde opinion paraît avoir été la plus répandue, en ce sens du moins que toutes les sphères planétaires contribuent pour une part à la constitution de l'homme: nous l'avons déjà rencontrée dans le Poimandrès, où l'Anthropos, avant de s'unir à la Nature, reçoit de chaque planète une parcelle de sa substance : c'est par là sans doute qu'on expliquait l'influence des planètes sur le cours de la vie humaine (Gérard Verbeke, L'évolution de la doctrine du pneuma du stoïcisme à S. Augustin: étude philosophique, 1945 - books.google.fr).

 

S'inspirant ici encore de croyances orientales, Héraclide faisait « descendre », au sens propre du mot, les âmes ici-bas de la voie lactée.

 

Nous apprenons par le De natura deorum qu'Héraclide divinisait tour à tour le "kosmos" (mundus), le "nous" (mens), les planètes, la terre et le ciel. Qu'entendait-il par "kosmos" ? La sphère des fixes ? ou l'univers ? Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'en divinisant à la fois les corps célestes et le nous, il se rapproche des Stoïciens. D'autre part, parmi les astres, il choisissait surtout les planètes, et en cela il paraît montrer des tendances astrologiques. Nous savons par ailleurs qu'il a subi, plus qu'aucun autre parmi les Platoniciens (peut-être en raison de ses origines), l'influence de l'Orient. Un de ses traités, probablement celui sur les choses célestes, portait le titre significatif de Zoroastre. On sait aussi qu'il voyait dans l'âme un principe lumineux. Cette thèse est bizarre; mais on se l'explique si elle est d'origine iranienne, comme le veut Reitzenstein. Enfin, on n'ignore pas que c'est lui qui a placé dans la voie lactée l'origine des âmes. Nous n'avons pas de témoignage direct qu'il ait  cru à l'astrologie, mais nous en avons qu'il a cru à ce que Pfeiffer appelle l'astrométéorologie, c'est-à-dire à l'influence des astres sur le temps. C'est ce qu'atteste un passage du De divinatione. Mais si nous prenons garde à la manière dont ce texte est utilisé par Cicéron, il nous apprend probablement plus encore (Pierre Boyance, Sur l'"Abaris" d'Héraclide le Pontique, Revue des etudes anciennes, Volume 36, 1967 - books.google.fr).

 

L'ame, parfaitement incorporelle, ne se revêt pas tout de suite du limon grossier du corps; mais peu à peu, par des altérations successives et insensibles, à mesure qu'elle s'éloigne de plus en plus de la substance simple et parfaite qu'elle habitait, pour s'entourer d'un certain corps sidéral, ou de la substance des astres dont elle se grossit. Car, dans chacune des sphères placées au-dessous du ciel des fixes, elle se revêt de plusieurs couches de matière éthérée, qui insensiblement forment le lien intermédiaire par lequel elle s'unit au corps terrestre ; en sorte qu'elle éprouve autant de dégradations ou de morts qu'elle traverse de sphères. Voici quel est l'ordre de sa marche. La voie lactée, dit Macrobe, embrasse tellement le zodiaque, dans la route oblique qu'elle a dans les cieux, qu'elle le coupe en deux points opposés, au cancer et au capricorne, où sont les deux termes de la route du soleil, appelés tropiques, et que les physiciens ont appelés les portes du soleil. Il est certain que du temps de Macrobe les deux tropiques, qui autrefois répondaient aux étoiles du cancer et du capricorne, conservaient, comme aujourd'hui, ces noms; quoique les tropiques correspondissent alors aux constellations des gémeaux et du sagittaire, par l'extrémité desquelles la voie de lait coupe le zodiaque. Ainsi on pouvait dire qu'elles passaient par les signes du cancer et du capricorne, mais non pas par les constellations; ce qu'il ne faut pas confondre à cause du déplacement produit par la précession des équinoxes. C'est par ces portes, comme nous l'avons déjà vu plus haut, que les ames étaient censées descendre vers la terre, et remonter de la terre aux cieux. C'est pourquoi, continue Macrobe, on appelle l'une, la porte des hommes, et l'autre, la porte des Dieux. Le cancer était celle des hommes, parce que les ames étaient censées descendre par-là vers la terre; le capricorne, celle des Dieux, parce que c'était par le capricorne qu'elles remontaient vers le siège de leur propre immortalité, et qu'elles allaient se placer au nombre des Dieux; et c'est ce qu'Homère a voulu figurer dans la description de l'antre d'Ithaque. C'est pourquoi Pythagore pense que c'est de la voie lactée que part la descente vers l'empire de Pluton, parce que les ames, en tombant de là, paraissent déjà déchues et rabaissées au-dessous de leur habitation supérieure. C'est de la voie lactée qu'elles reçoivent la première impulsion, qui les pousse vers les corps terrestres. Voilà ce qui fait que Scipion l'ancien dit au jeune Scipion, au sujet des ames des bienheureux, en lui montrant la voie de lait : « Ces ames sont parties d'ici, et c'est ici qu'elles retournent. » Ainsi les ames qui doivent descendre, tant qu'elles sont au cancer, comme elles n'ont point encore quitté la voie de lait, sont toujours censées être au nombre des Dieux. Mais lorsqu'elles sont descendues jusqu'au lion, là elles commencent l'apprentissage de leur condition future. Par la raison contraire, lorsqu'elles sont dans le verseau, qui est le signe opposée au lion, elles sont dans l'état de la plus grande opposition à la vie humaine. Aussi est-ce sous ce signe, et dans le mois où le soleil le parcourt, que l'on fait des sacrifices aux mânes. Ainsi l'ame, descendant des limites célestes, où le zodiaque et la voie lactée se touchent, quitte aussitôt sa forme sphérique, qui est celle de la Nature divine, pour s'alonger et s'évaser en cône. C'est ainsi que du point naît la ligne, qui d'un point individuel s'étend en longueur; et sortant de la sphéricité de son point, qui est sa monade, elle se partage et s'avance jusque dans la dyade, qui est son premier prolongement. C'est là cette essence à qui Platon, dans le Timée, donne les noms d'indivisible et de divisible, lorsqu'il parle de la formation de l'ame du monde. Car les ames, tant celle du monde que celle de l'homme, se trouvent n'être point susceptibles de division, quand on n'envisage que la simplicité de leur nature divine; mais aussi quelquefois elles en paraissent susceptibles, lorsqu'elles s'étendent et se partagent, l'une dans le corps du monde, l'autre dans celui de l'homme. Lors donc que l'ame est entraînée vers le corps, dès le premier instant où elle se prolonge hors sa sphère originelle, elle commence à éprouver le désordre qui règne dans la matière qui s'unit à sa substance; et c'est ce qu'a insinué Platon dans son Phédon, lorsqu'il nous peint l'ame chancelante et prise d'une nouvelle ivresse qui la fait tomber vers le corps : il a désigné par-là un nouveau breuvage de matière plus grossière dont elle se charge, et qui l'appesantissant, l'entraîne vers le corps. [...] La partie la plus élevée et la plus pure de cette matière, qui alimente et constitue les êtres divins, est ce qu'on appelle nectar; c'est le breuvage des Dieux. La partie inférieure, plus trouble et plus grossière; c'est le breuvage des ames : et c'est ce que les anciens ont désigné sous le nom de fleuve Léthé. Entraînée par le poids de cette liqueur enivrante, l'ame coule le long du zodiaque et de la voie lactée, jusqu'aux sphères inférieures; et dans sa descente, non-seulement elle prend, dans chacune de ces sphères, une nouvelle enyeloppe de la matière du corps lumineux, mais elIe reçoit les différentes facultés qu'elle doit exercer durant son séjour dans le corps (Charles François Dupuis, Origine de tous les cultes, ou Religion universelle, Tome V, 1835 - books.google.fr).

 

Ce qui fait penser que le "fait mystique" du quatrain III, 2 pourrait un lait mystique et astrologique.

 

La substance de l'esprit corporel, s'il s'agit de l'esprit mêlé, est soit la substance indivisble soit la substance divisible. Au sens de Cuse, véhicule de la connexion de l'âme, il réside dans les artères.

 

Le court traité sur L'union de l'âme et du corps d'Hugues de Saint Victor a pour objet de maintenir une distinction rigoureuse entre l'âme et le corps tout en cherchant un terme médiateur entre l'une et l'autre ; ce terme est l'imagination qui est « une similitude du sens au sommet de l'esprit corporel et à l'infime de l'esprit rationnel » (p. 220). Les derniers paragraphes de ce texte présentent l'imagination comme un « vêtement » de l'âme, vêtement qui adhère à elle comme une « peau » si l'âme y trouve sa délectation. Cette conception est vraisemblablement d'origine porphyrienne (Compte rendu de "Ugo di S. Vittore, I tre giorni dell'invisibile luce, L'unione del corpo e dello spirito" par Vincenzo Liccaro) (Archives de philosophie, Volume 39, 1976 - books.google.fr).

 

L'imagination est donc une ressemblance du corps, se formant extérieurement, par les sens corporels, au contact des corps; puis elle rentre à l'intérieur par les mêmes sens, vers la partie plus pure de l'esprit corporel ("corporalis spiritus"), y met son empreinte, et forme le point culminent de la partie corporelle, en touchant la partie raisonnable par son point inférieur. J'appelle esprit corporel, l'air ou plutôt le feu, qui, à cause de sa subtilité, est invisible, [et qui vivifie les corps par une énergie intérieure. Il donne la vie seulement à certains êtres, comme aux arbres, aux plantes et à toutes les productions de la terre, mais ils ne sentent pas. Il donne la vie et le sens à d'autres êtres, comme aux animaux brutes. Certains animaux sentent, sans avoir l'imagination; d'autres ont le sens et l'imagination. Vivre avec la faculté de sentir, c'est plus que vivre, sans l'avoir, et par conséquent, cette faculté est une force plus subtile, et plus elle est subtile, plus elle est esprit. Elle se rapproche plus de la nature incorporelle avec l'imagination, qu'avec le sens tout seul. Rien n'est plus élevé dans le corps, ou plus voisin de la nature spirituelle, que cette force qui vient après le sens et qui lui est supérieure et qu'on appelle l'imagination; elle est d'autant plus sublime, qu'il n'y a que la raison qui soit au-dessus d'elle (Hugues de Saint Victor) (Saint Augustin, Le livre de l'esprit et de l'âme, Œuvres complètes, Volume 22, 1870 - books.google.fr).

 

L'esprit corporel est une partie de l'âme ou peut-être un de ses états.

 

"vray siège"

 

On voit qu'Alain de Lille se réfère ici au concept d'«esprit» ou pneuma. La notion d'esprit corporel provient de la théorie de l'âme et de la physiologie humaine courante au XIIe siècle issue des nouveaux textes scientifiques que découvre l'Occident à cette époque.

 

Alain adopte la conception traditionnelle en se réclamant de Platon, des textes hermétiques et du De Causis. Il tente pourtant de dépasser quelque peu l'opposition radicale du corps mortel et de l'âme immortelle. Avec Boèce, Grégoire le Grand et Hugues de St-Victor, il tente de montrer qu'il y a une double cause d'animation dont l'âme rationnelle est l'unique principe : un esprit corporel qui anime le corps et un esprit incorporel propre à l'âme rationnelle. Cinq puissances émanent de l'esprit incorporel qu'est l'âme. Ce sont, comme chez Hugues, la connaissance sensible (sensus), la connaissance par mode de construction imaginante (imaginatio), la connaissance de mode rationnel discursif (ratio), la connaissance proprement intellective (intellectus) et la connaissance intuitive (intelligentia). Les deux premières de ces puissances sont celles de la brute et relèvent de l'esprit (au sens stoïcien d'esprit animal) qui est corporel, mortel et référé aux choses physiques. C'est donc au point précis de la jonction de l'esprit corporel avec l'âme esprit incorporel et incorruptible qu'Alain situerait son esquisse d'une certaine unité opérative constituant l'homme (Edouard-Henri Wéber, La personne humaine au XIIIe siècle: l'avènement chez les maîtres parisiens de l'acception moderne de l'homme, 1991 - books.google.fr).

 

Si l'esprit corporel est mortel quel est son vrai lieu ?

 

C'est d'une crise des fondements qu'il s'agit, à savoir du modèle aristotélicien de la nature et du modèle galénique de l'homme. C'est pourquoi Paracelse répudie le latin, scolastiquement connoté, pour forger en allemand un vocabulaire neuf, adapté aux concepts nouveaux qu'il circonscrit par des approximations successives de l'indicible. Car si les médecins errent dans le labyrinthe d'ignorance, c'est qu'ils c'est qu'ils n'ont pas de base philosophique et doivent se fonder sur des livres. [...] La seule base possible pour une nouvelle médecine, c'est une appréhension novatrice des rapports entre Dieu, l'homme et la nature. La nature est vie, peut tout. Elle est extériorisation de forces invisibles. L'homme est microcosme de la nature. Il est aussi créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, et se trouve ainsi entre Dieu et la nature. Ainsi, l'homme est triple, corps, âme et esprit, correspondant aux trois étages de l'univers, la matière, les astres et Dieu. Mais l'univers lui-même est le corps visible de l'esprit invisible, l'expression tangible de forces immatérielles. Ainsi, corps âme et esprit se trouvent dédoublés. Le corps physique de l'homme s'accompagne d'esprit corporel qui survit quelque temps après la mort sous forme de spectres ; l'âme s'accompagne d'un corps astral qui avec elle constitue l’evestrum, un être puissant dans la magie ; l'esprit, qui est éternel, s'accompagne d'un corps spirituel (Michel Blay, Robert Halleux, La Science classique XVIe-XVIIIe siècle: dictionnaire critique, 1998 - books.google.fr).

 

Le corps physique se dissout dans la tombe, mais, même pour le corps physique, il faut encore du temps avant que ses éléments retournent dans le chaos ; de même, l'esprit corporel subsiste pendant un certain temps après la mort, et il est tout à fait naturel que cet esprit, qui était en quelque sorte le moteur (subordonné à l'âme) du corps, continue à "marcher" quelque temps encore (par inertie, par habitude, pour ainsi dire) et que, par conséquent, il hante les lieux où son corps avait habité, exécute les simulacres de gestes qu'il avait exécutés pendant sa vie, revient vers le trésor qu'il avait caché. Il ne faut pas croire, cependant, que cette ombre (Schatten) possède autre chose que l'ombre de la vie. Les larvae ne sont que simulacres ; ils ne sont qu'image flottante de la vie passée, habitude qui a pris corps, ou pour être plus exact, qui a conservé un simulacre de corps. L'âme n'y est plus et, par conséquent, ils n'ont ni force, ni volonté, ni conscience. Tout autre chose, par contre, est l'evestrum, le corps astral de l'âme, ou l'âme munie de son corps astral. Cet être-là, étant une force et un centre d'action et de pensée, peut agir, peut déterminer des actions physiques peut traverser avec une vitesse extrême les régions les plus éloignées de l'espace, peut aussi agir directement - c'est-à-dire sans passer par le physique - sur les âmes. Et c'est l'evestrum qui vous apporte des nouvelles et permet aux vrais mages de communiquer entre eux (on sait qu'Agrippa de Nettesheim enseignait quelque chose d'analogue) (Alexandre Koyré, Paracelse : (1493-1541), 1997 - books.google.fr).

 

Selon une conception astrale rapportée par Macrobe, l'ombre ou le fantôme des pieux défunts remonte au ciel et stationne sur la Lune.

 

Dans le système des premiers spiritualistes, l'âme n'était point créée avec le corps, ou en même temps que lui, pour y être insérée ; elle existait antérieurement et de toute éternité. Voici, en peu de mots, la doctrine qu'expose Macrobe à cet égard. Som. Scip. passim. «Il existe un fluide lumineux, igné, très-subtil, qui, sous le nom d'ether et de spiritus, remplit l'univers ; il compose la substance du soleil et des astres; il est le principe et l'agent essentiel de tout mouvement, de toute vie; il est la Divinité. Quand un corps doit être animé sur la terre, une molécule ronde de ce fluide gravite par la voie lactée vers la sphère lunaire ; et, parvenue là, elle se combine avec un air plus grossier, et devient propre à s'associer à la matière : alors elle entre dans le corps qui se forme, le remplit tout entier, l'anime, croît, souffre, grandit et diminue avec lui : lorsqu'ensuite il périt et que ses élémens grossiers se dissolvent, cette molécule incorruptible s'en sépare, et elle se réunirait de suite au grand océan de l'éther, si sa combinaison avec l'air lunaire ne la retenait : c'est cet air (ou gaz) qui, conservant les formes du corps, reste dans l'état d'ombre ou de fantôme, image parfaite du défunt. Les Grecs appelaient cette ombre l'image ou l'idole de l'âme ; les pythagoriciens la nommaient son char, son enveloppe, et l'école rabbinique son vaisseau, sa nacelle. Lorsque l'homme avait bien vécu, cette âme entière, c'est-à-dire son char et son éther, remontaient à la lune, où il s'en faisait une séparation ; le char vivait dans l'élysée lunaire, et l'éther retournait aux fixes, c'est-à-dire à Dieu, car, dit Macrobe, plusieurs appelent Dieu le ciel des fixes (c. 14)» (Note de La Loi naturelle) (Oeuvres complètes de C.-F. Volney, comte et pair de France, Tome 1, 1821 - books.google.fr).

 

"vray siège" peut se référer à "lieu vrai" astronomique d'un astre.

 

Le lieu optique, ou simplement le lieu d'une étoile ou d'une planète, est un plan dans la surface de la sphère du monde, auquel un spectateur placé rapporte le centre de l'étoile ou de la planète. Ce lieu se divise en vrai ou apparent. Le lieu vrai est le point de la surface de la sphère, ou un spectateur placé au centre de la terre voit le centre de l'étoile; ce point se détermine par une ligne droite tirée du centre de la terre par le centre de l'étoile, & terminée à la sphère du monde. Le lieu apparent est le point de la surface de la sphère, où un spectateur placé sur la surface de la terre voit le centre de l'étoile ; ce point se trouve par le moyen d'une ligne qui va de l'œil du spectateur à l'étoile, & se termine dans la sphère des étoiles. La distance entre ces deux lieux optiques, savoir le vrai & l'apparent, fait ce qu'on appelle la parallaxe. Le lieu astronomique du soleil, d'une étoile ou d'une planète signifie simplement le signe & le degré du zodiaque, où se trouve un de ces astres ; ou bien, c'est le degré de l'écliptique, à compter du commencement d'ariès, qui est rencontré par le cercle de longitude, de la planète ou de l'étoile, & qui par conséquent indique la longitude du soleil, de la planète ou de l'étoile, & qui par conséquent indique la longitude du soleil, de la planète ou de l'étoile. Le lieu de la lune est le point de son orbite où elle se trouve en un tems quelconque. Le lieu est assez long à à calculer, à cause des grandes inégalités qui se rencontrent dans les mouvemens de la lune, ce qui exige un grand nombre d'équations & de réductions avant de trouver le lieu vrai. Le lieu excentrique d'une planète dans son orbite est le lieu de l'orbite où paroitroit cette planète, si on la voyoit du soleil (Julien Taitbout, Abrégé élémentaire d'astronomie, de physique, d'histoire naturelle, de chymie, d'anatomie, de géométrie et de méchanique, 1777 - books.google.fr).

 

Les Trois Rois du Baudrier d'Orion

 

L'ouverture et la fermeture de la chasse coïncident avec l'apparition et la disparition d'Orion dans notre ciel étoilé. Cette magnifique constellation d'hiver, dont la mythologie grecque a fait son Grand Chasseur, apparaît au firmament entourée de Sirius, dans la constellation du Grand Chien et de Procyon, dans celle du Petit Chien. En fait, la constellation d'Orion marque le lieu d'où la Voie Lactée, « chemin des âmes », jaillit, depuis le ciel de l'hémisphère sud, dans le ciel de notre hémisphère nord, pour tout dire depuis l'Autre-Monde dans notre Monde (Jean-Claude Cappelli, Brocéliande Au-delà des apparences Tome II, 2017 - books.google.fr).

 

Dans un passage du de Iside que nous avons déjà examiné à un autre point de vue, Plutarque nous dit que selon l'enseignement des prêtres égyptiens, les dieux meurent et leurs corps sont ensevelis dans la terre, mais leurs âmes brillent au ciel. Ils ajoutent que l'âme d'Isis est appelée par les Grecs l'Étoile du Chien, et par les Égyptiens Sothis ; que celle d'Horus est dénommée Orion et que celle de Typhon est la Grande Ourse (de Is., a1, 359 C-D). C'est tout à fait exact. En ce qui concerne Seth, par exemple, les représentations égyptiennes montrent la constellation de la Grande Ourse tenue enchaînée par l'hippopotame et les textes qui les accompagnent expliquent que c'est Isis empêchant Seth d'aller attaquer Osiris-Orion. L'une des légendes religieuses du nome Cynopolite raconte ainsi l'origine de la Grande Ourse : au cours du combat qui opposa Seth à Horus, ce dernier détacha le khepesh (patte antérieure) de Seth et le plaça au ciel sous la garde de génies où il prit le nom de l'Ours. Dans les documents grecs de Basse-Époque, Typhon continue d'être appelé ainsi Arctos. On peut s'étonner que Plutarque prétende qu'Orion est l'âme d'Horus, car c'est uniformément Osiris que les documents égyptiens appellent Orion, et cela jusqu'à l'époque romaine. «C'est donc simplement une erreur de Plutarque», conclut Bonnet. C'est possible ; en effet, Horus fut identifié, non à Orion, mais à l'étoile du matin ; toutefois, on peut se demander, étant donné que visiblement le rapprochement est dû à l'assonance des deux noms «Ôros-Ôriôn»,  si l'erreur est imputable à Plutarque ou si, à l'époque romaine, il n'y a pas eu une tradition à ce sujet. En effet, on a remarqué que sur la Tasse Farnèse Horus, représenté sous les traits de Triptolème entre le Nil, Isis et les Vents (étésiens), se présente dans une attitude qui rappelle Orion. Certains documents égyptiens tendaient à confirmer la chose et à prouver que l'assimilation d'Orion à Horus n'était pas inconnue des Égyptiens, au moins à Basse-Époque. Ainsi sur le Zodiaque d'Athribis, on voit Horus sous la forme d'Orion, armé d'une épée, près de la vache d'Isis-Sothis. S'il a existé réellement un Horus Orion en Égypte, il faudrait en chercher l'origine à Edfou, où l'on fêtait la Naissance d'Horus le 30 mesoré, veille du 1er épagomène, le jour de la naissance d'Osiris (= Orion), et dans la croyance qu'Horus était la cause de la crue comme Orion, ainsi qu'on va le voir bientôt. Les textes d'Edf ou d'époque ptolémaïque, sont à cet égard assez convaincants : «Je te donne l'inondation», affirme Horus à plusieurs reprises. Cela dit, il est certain que c'est normalement Osiris qui est assimilé à Orion. Cette étoile appelée en égyptien Sab, la principale du ciel Sud, fut parfois nommée « père des dieux » et elle fut très anciennement, dans les croyances funéraires, considérée comme une divinité qui procurait au mort une force de résurrection ou le protégeait contre les puissances mauvaises. L'assimilation à Osiris est très ancienne également : puisqu'on croyait qu'habitaient dans les étoiles les âmes des morts, il était normal qu'on vît dans la plus brillante celle du roi des morts. Mais surtout, comme nous le disions au début de ce chapitre, Orion était le symbole de la résurrection : «Voilà qu'Osiris est revenu sous les traits d'Orion», dit un Texte des Pyramides (Pyr., 819) (Jean Hani, La religion égyptienne dans la pensée de Plutarque, 1976 - books.google.fr).

 

Le grand secteur signal, Taureau-Orion-Sirius-Gémeaux-Voie Lactée, comme on sait, ne reste pas fixe dans la saison. Il obéit au lent pivotement de l'axe terrestre qui cause, en 26.000 ans environ, la «précession des équinoxes». S'il est pour nous maître du ciel d'Hiver (les Trois Étoiles des «Rois Mages» de la constellation d'Orion annoncent le «Natale», le «Noël») comme il avait été, pour les Égyptiens, trois mille ans avant notre ère, maître du plein Été (la «Canicule»), lors des fastueuses célébrations de «l'Ouverture de l'An» qui coïncidaient avec les crues du Nil, il fut, entre temps, maître de l'Automne et des vendanges pour l'Asie Mineure, les Cyclades et la Grèce, mille cinq cents ans avant notre ère, lors des exaltations dionysiaques (Jean-Jacques Wunenburger, La quête: territoires imaginaires de l'aventure, 1998 - books.google.fr, Dictionnaire universel françois et latin, Tome 1, 1771 - books.google.fr).

 

Dans Hermès Trismégiste (traduction de Ménard, 1925, 201), Isis à Horus : «Il y a dans l'Univers quatre régions que gouverne une loi fixe et immuable, le ciel, l'éther, l'air, et la terre très sainte. Dans le ciel habitent les dieux, dans l'éther, les astres, gouvernés par le soleil, dans l'air, les âmes des démons gouvernés par la lune, sur la terre, les hommes et les animaux, gouvernés par le roi» (Waldemar Deonna, La Nike de Paeonios de Mende Et Le Triangle Sacre Des Monuments Figures, Latomus, Revue d'études latines, 1968 - books.google.fr).

 

Vergiliae est le nom latin le plus courant pour désigner le groupe d'étoiles appelé Pléiades par les Grecs. Les Pléiades, leurs voisines les Hyades et Orion sont unis dans un mythe commun, qui atteste leur proximité céleste (Hygin, Astron. II, 21, 1-4). Pourquoi Macrobe prend-il comme exemple ces constellations ? Les Pléiades « jouissent d'un honneur sans égal », dit Hygin, Astron. II, 21, 4. Et en effet leur rôle dans le calendrier était prépondérant, leur lever, au début de mai, annonçant la belle saison et la reprise de la navigation (cf. A. Le Bœuffle, (1987), p. 217). Notons aussi qu’Homère, Il., XVIII, 486 et Od. V, 270, associe pareillement les Pléiades, les Hyades, les Ourses et Orion, comme repères du navigateur ; cf. aussi Virgile, Aen. III, 516 (chez qui manquent néanmoins les Pléiades). Or les deux poètes sont cités et commentés par Macrobe dans les Saturnales V, 11, 10-13. (Macrobe, Commentaire sur le songe de Scipion, Livres I, Les Belles Lettres, 2002 - books.google.fr).

 

L'autruche assimilée à la Synagogue par le pape Grégoire le Grand est liée à la constellation des Pléiades. Comme la Grande Ourse symbolise, selon le même auteur sacré, l'Eglise on peut en déduire que les Pléiades représentent la Synagogue (cf. quatrain VIII, 96 - Polaire, daté de 2100-2101).

 

Les Pléiades étaient sept filles d'Atlas et de Pléioné, l'Océanide fille d'Océan et de Téthys. Elles étaient les compagnes d'Artémis. Un jour, les virginales Pléiades pourchassées ainsi que leur mère pendant sept ans par le chasseur Orion en Boétie, implorèrent les dieux de les sauver. Elles furent changées en colombes puis furent placées dans le ciel comme constellations. En fait on ne voit que six étoiles dans le ciel car l'une d'elles se cache: Méropé, disent certains car c'est la seule qui eut un mortel comme amant et toutes les autres eurent un dieu comme amant. D'autres auteurs prétendent que c'est Électre depuis la mort de Dardanos et la chute de Troie. Pour d'autres, elles se suicidèrent après la mort de leurs sœurs, les Hyades (Les Pléiades - mythologica.fr).

 

Puissance des Mages

 

C'est dans le culte du soleil, des astres et du feu que consistait l'extérieur de la religion chez les Perses et les Chaldéens. Dans leur système, le soleil et les astres étaient les plus pures émanations de la substance divine. Dans le système des mages, ces objets n'étaient pas la simple production du premier être, mais un mélange de sa substance avec la matière qui rendait cette substance divine propre à faire impression sur nos sens. Les mages, comme les chaldéens, reconnaissaient dans chaque astre une âme ou une intelligence qui lui était unie. Les Grecs et les Romains adoptèrent cette doctrine religieuse. C'était le sentiment de tous les Juifs; et cette question n'a pas été décidée par l'antiquité elle-même. De l'opinion que les astres sont animés est née l'astrologie judiciaire (Pierre Nicolas Rolle,, Religions de la Grèce, ou Recherches sur l'origine, les attributs et le culte des principales divinités Helléniques, 1828 - books.google.fr).

 

L'influence d'une planète - ce que Pietro d'Abano appelle «chose mue» (mota) -, constitue un relais propice au pouvoir de l'incantation :

 

Soit en effet [l'incantation] a un effet : la chose mue (mota) est altérée par l'incantation de la manière dont il a été question, parce qu'elle est orientée en fonction de notre préoccupation (ordinetur ad nostram sollicitudinem) et qu'elle est une substance intellective (intelligens), de telle sorte que cette substance intellective rend l'action inefficace ou qu'elle s'y oppose par son orbe ou par son astre, selon les diverses modalités par lesquelles celle-ci aura été enchantée (incantata).

 

C'est en utilisant le mouvement des sphères célestes que l'incantation agirait sur le monde terrestre. Les intelligences motrices des corps célestes peuvent être réceptives à l'influence d'une formule puisque ce sont des substances intellectives. L'incantation les dispose et les oriente de manière à obtenir des astres un certain effet. Le mouvement décrit a pour point de départ la formule incantatoire ; il passe par les substances intellectives qui meuvent les corps célestes, puis par les astres eux-mêmes, pour atteindre le monde terrestre. L'exemple des mages (magi), que nous avons déjà évoqué, illustre la relation de la praecantatio avec les planètes. Le terme magi désigne les astrologues qui observent les planètes et décrivent leur influence sur les hommes. Ils adressent aux astres des requêtes afin de diriger, en quelque sorte, l'influx céleste (Béatrice Delaurenti, La puissance des mots, 2007 - books.google.fr).

 

Suivant une tradition très ancienne, la plupart des humanistes ont cru que les nombres véhiculent des significations cachées. Alberti l'a justifié parce que la création est organisée d'après des rapports mathématiques, si bien que les nombres livrent les clefs de la structure de chaque être et des relations que les êtres entretiennent entre eux. Ficin a développé la théorie en «démontrant» que toutes les parties de la réalité sont unies entre elles par le même rapport mathématique, preuve que l'univers est une manifestation de l'intelligence divine et que l'homme qui possède la science des nombres peut connaître les réalités purement intelligibles sur lesquelles les sens n'ont pas prise et dominer aussi la nature. Il n'est donc pas étonnant que les mathématiques symboliques aient eu un  grand succès auprès des lettrés et des néoplatoniciens ni qu'elles aient été un des chapitres de la poetica theologia. Le Quattrocento ne s'est pas distingué des siècles précédents en pratiquant la magie, qui est une technique grâce à laquelle la parole ou une autre activité humaine peut transformer un corps en un autre; malgré les condamnations de l'Eglise les pratiques magiques étaient courantes. Par contre, la justification théorique de l'ars magica par Ficin (qui y fut conduit par ses travaux sur les Ennéades de Plotin), qu'il a rangée parmi les arts libéraux, est intéressante, encore que ce soit moins à cause de son originalité que de ce qu'elle révèle de la cosmologie ficinienne. Selon cette conception, la magie n'est ni un don de la grâce ni une activité satanique; c'est un art naturel, dans l'exercice duquel l'âme intellective, qui participe de la nature angélique, peut demander aux «démons» (les anges qui régissent des corps particuliers du monde terrestre parce qu'ils en produisent la forme) d'agir sur les réalités inférieures qui dépendent d'eux et de transformer un corps en un autre par un changement de forme. Ficin explique aussi que dans tout être formé par l'union d'une substance intellectuelle et d'une substance matérielle, comme c'est le cas de l'homme et des astres, l'union de ces substances est réalisée par un troisième terme, le spiritus, qui est un lien mi-corporel et mi-spirituel. C'est par leur spiritus que les astres émettent des influx naturels qui, en vertu de la distribution hiérarchique de l'être, exercent une influence sur les spiritus humains. L'action du mage consiste à aboutir aux transformations de formes auxquelles elle vise en captant, accélérant, retardant empêchant l'activité des daimones associés aux corps célestes qui par les influx de leurs «correspondante» appartenant à un ordre différent de la réalité; enfin les Stoïciens ont vu dans le nombre, qui existe en soi antérieurement à toute activité de la pensée, le modèle, l'idéal et la source de toutes choses (Fernand Roulier, Jean Pic de la Mirandole (1463-1494): humaniste, philosophe et théologien, 1989 - books.google.fr).

 

Nul doute que, parmi toutes les «voies» de libération de l'âme énumérées par Porphyre, ne figurât la «voie» des Mages : car la plupart des fragments conservés ont trait à l'emploi des procédés théurgiques. La purification théurgique, selon Porphyre, concerne l'âme «pneumatique» et elle seule, sans, toutefois, suffire à lui conférer l'immortalité et l'éternité; cette «voie» permet de se concilier l'amitié d'un démon, en sorte qu'il aide l'âme défunte à se soulever de terre, loin de chercher à lui nuire. A cette fin, l'on emploie des formules de prière et d'adjuration ; mais ces formules réussissent tout aussi bien en sens inverse, si le théurge est malveillant et contrarie le retour de l'âme en excitant le démon au lieu de l'apaiser. En réalité, - Augustin ne parvient guère à le cacher, - Porphyre tient en médiocre estime cette purification théurgique ; car elle ne permet que le retour au ciel, non le retour au Père. Selon lui, ce qui importe, c'est la purification de l'âme  «intellectuelle» ; pour cela, une purification théurgique préalable de l'âme «pneumatique» n'est même pas requise. La purification de l'âme «pneumatique» peut, en effet, s'obtenir procédés théurgiques, par la seule force de la continence. Le petit nombre de ceux qui, durant le laps de temps qui leur a été concédé, vivent selon l'Intelligence sont capables de parvenir après leur mort, par la seule force de l’Intelligence, à la sagesse parfaite, à la purification parfaite, à Dieu (Pierre Courcelle, Les sages de Porphyre et les "viri novi" d'Arnobe, Revue des études latines, Volumes 31 à 32, 1954 - books.google.fr).

 

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