François Ier : Antechrist
trois VIII, 77 2086-2087 L'antechrist trois
bien tost annichilez, Vingt & sept ans sang durera sa guerre :
Les heretiques
morts, captifs exilez, Sang corps humain eau rougie gresler terre. Greler et guerre de 27 ans Les intérêts de la maison de Crouy
& ceux de la maison de la Marck, fournirent à la haine de Charles-Quint
& de François premier, l'occasion d'une rupture éclatante & entière,
& commencèrent la grande guerre de 1521. Le prince de Chimay, de la maison de Crouy,
& le seigneur d'Emeries, s'étoient
disputé la seigneurie de la petite ville d'Hierges
dans les Ardennes; cette ville dépendoit du duché de Bouillon , & les pairs de ce duché avoient jugé en
faveur du prince de Chimay. Le duché de Bouillon étant souverain, prétendoit que fes jugemens fussent sans appel. Emeries,
pendant plusieurs années, respecta le jugement qui l'avoit
condamné; mais dans la suite ayant prêté à Charles une fomme
considérable pour briguer l'empire, & l'ayant prêtée sous le cautionnement
du marquis d'Arscot, aussi de la maifon
de Crouy, & neveu de Chièvres, lorsque Charles
eut obtenu l'empire, Emeries redemanda son argent que
ni le débiteur ni la caution n'étoient en état de
rendre. Emeries le savoit
bien, & il fit entendre qu'il cesseroit de
poursuivre son paiement, pourvu que le marquis d'Arscot
obtînt, par le crédit de Chièvres, que le procès pour la ville d'Hierges fût revu au conseil de l'empereur, & que son
appel y fût reçu, il l'obtint. Le duché de Bouillon appartenoit
à Robert de la Marck, seigneur de Sedan, qui, sur quelque mécontentement qu'il avoit eu de la France, s'étoit
livré à la maison d'Autriche & avoit très utilement
servi Charles auprès des électeurs dans la concurrence à l'empire. Ce seigneur étoit trop jaloux des droits de sa fouverainete , pour y
laisser porter une telle atteinte. D'ailleurs le prince de Chimay étoit mort, & ses enfans
mineurs étoient sous la tutèle
de Robert de la Marck; ainsi les intérêts des deux branches de la maifon de Crouy se trouvoient en opposition, Robert de la Marck représenta
fortement à la cour impériale les droits de ses pupilles & les siens, on ne
l'écouta point, sa fierté s'irrita, il ne vit plus dans l'empereur qu'un prince
ingrat qui lui devoit la couronne impériale, &
qui payoit de tels services par des affronts ; le
dépit le jetta entre les bras de la France qui les
lui tendit avec joie, il envoya défier l'Empereur, il lui fit la guerre &
fut appuyé par la France. Delà , la Bicoque, & Pavie, et tant de grands événemens, à plusieurs desquels la maison de Crouy eut encore beaucoup de part La mort de l'empereur Maximilien d'Autriche, qui arriva
en 1519, laissa vacant le premier trône de l'Europe, et suivant l'usage, l'élection
d'un nouvel empereur devait se traiter à la diète de Francfort. En 1521,
François Ier, né le 12 novembre 1494, occupait depuis six ans, le trône de
France ; Charles-Quint, né le 25 février 1500, petit-fils de Maximilien
d'Autriche, était souverain des Pays-Bas du chef de Philippe, son père, et roi
de Castille, du chef de Jeanne-la-Folle, sa mère. Ces jeunes souverains que des
intérêts communs tenaient encore en bonne intelligence, accréditèrent à la
diète de Francfort, des négociateurs chargés de solliciter les électeurs.
Charles fut élu, et cette préférence qu'il obtint sur François, amena entre les
deux princes rivaux, un refroidissement qui fut bientôt suivi d'hostilités. Le procès qui s'éleva entre les maisons de Crouy et de Bouillon, pour un petit territoire dans les
Ardennes, servit de prétexte pour commencer une guerre qui dura vingt-sept ans
entre les deux monarques, et laissa encore à leurs successeurs des germes de dissensions Dans un compte rendu des les
actes conservés au château de Chimay en Divers. (1114-XIXe siècle.) on trouve le testament de dame de Greler,
dame de Berlaymont, Hierges,
Beaurain, etc. Copie sur papier [f. 47]. 1539, 12
novembre Hierges était dans la maison de
Peruwelz et passa par mariage de Jeanne à Jean de Berlaymont.
Sa descendante Gillette de Berlaymont, veuve, sans
enfants de Louis de Rollin (mort en 1528), seigneur d’Aymeries,
seul fils héritier d'Antoine Rolin, en fit hériter, par donation du 3 juin
1532, à son cousin adopté pour son enfant Charles de Berlaymont
seigneur de Floyon, chevalier de la Toison d'or, qui
mourut le 3 juin 1578 Gillette serait morte le 14 décembre 1545, donc ce serait elle la dame de Grêler Antéchrist "vingt-sept" peut aussi faire référence à 1527,
l'année du sac de Rome par les armées de Charles-Quint, figure d'un troisième
Antéchrist, comme un autre empereur du Saint Empire Germanique (l'Aquilon, le
nord, kabbalistiquement séjour du Mal), le médiéval
Frédéric II Hohenstaufen (possible "second antéchrist" de la Lettre à Henry). Louis Schlosser fait de Calvin
cet Antéchrist, comptant de la parution de l'Institution chrétienne, dédiée par défi à François Ier, en 1536 Ã
la fin de la première guerre de religions en 1563 (Louis Schlosser,
La vie de Nostradamus, Belfond, 1985, p. 248). On se rappelle de l'alliance que conclut François Ier
avec le Sultan Ottoman, décriée par des quatrains des Centuries, et par Calvin.
Du Bellay rassura d'un mot la conscience royale : "Servez- vous des corps
des Turcs, et laissez les âmes aux théologiens" La publication de l’Institution
de la religion chrétienne, écrite par Calvin en français, avec une élégance
peu commune dans ce temps, et répandue dans toute la France, est l'époque des
progrès rapides que le calvinisme fit dans les hautes classes de la société. Ce
fut alors surtout que l'on sévit avec rigueur contre les hérétiques et que la
persécution devint plus générale. Effrayé de l'effet que ce livre produisit,
François Ier publia le sanglant édit de Fontainebleau 1er juin 1540), qui
déclara la doctrine des hérétiques criminelle de lèse-majesté divine et
humaine, séditieuse et rebelle, donna à tous les juges séculiers pouvoir de les
juger et de les condamner sans appel, et étendit la peine du crime d'hérésie Ã
tous les fauteurs, receleurs et aides des hérétiques. Cet édit fut exécuté à la
rigueur et des bûchers s'élevèrent dans plusieurs villes du royaume. Mais ces
cruautés n'étaient rien en comparaison de l'épouvantable exécution qui
déshonora les dernières années du règne de François Ier. Une population de
plusieurs milliers d'hommes, reste des anciens Vaudois, qui avaient trouvé un
asile dans un coin du royaume, au milieu des Alpes qui séparent le Dauphiné du
Piémont, furent condamnés comme hérétiques, par le parlement d'Aix et
abandonnés à la fureur de leurs ennemis, à la tête desquels était le baron d'Oppède, président de ce parlement, et qui voulut exécuter
lui-même la sentence qu'il avait prononcée. La plume se refuse à retracer les
détails horribles de cette épouvantable boucherie. Tout fut impitoyablement
massacré, détruit, brûlé, et, à la place d'un vallon fertile, d'une population nombreuse,
de vingt-deux bourgs ou villages, il ne reste plus qu'un désert de sang et de
ruines L'an mil neuf cens nonante neuf sept mois, Du ciel viendra un grand Roy d'effrayeur: Resusciter le grand Roy d'Angolmois, Avant apres Mars regner par bonheur. Si on se reporte six ans avant ce quatrain, on trouve le
VIII, 70, où "un vilain" tyrannise la Mésopotamie. Avec le quatrain
III, 99 on reconnaît dans cette Mésopotamie ("entre deux fleuves" en grec) les Vaudois (les Pauvres de Lyon),
issus de la prédication de Pierre Valdo de Lyon, ville entre Saône et Rhône, et
installés entre Durance et Pô au XVIème siècle. Le quatrain IX, 14, qui marque
la fin des 27 ans de guerre de l'"Antéchrist trois", est situé Ã
Romans où, à la mort de François Ier, s'introduit le protestantisme. Typologie Dans la première épître de Jean, on trouve cette
définition : « Qui est menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? Celui-lÃ
est l'antéchrist, qui nie le Père et le Fils » (1 Jn,
2,22) et dans la deuxième épître aux Thessaloniciens : « Il faut que vienne
d'abord l'apostasie et que se révèle l'Homme de l'impiété, le Fils de la perdition,
celui qui se dresse contre tout ce qu'on appelle dieu » (2 Th 2) Au IVe s., Cyrille de Jérusalem
interprète ainsi 2 Thess 2, 4 (l'Antéchrist va «
jusqu'à s'asseoir dans le Temple de Dieu ») : « Si vient aux Juifs comme
Christ, il veut aussi être adoré par les Juifs ; afin de mieux les tromper, il
fera du Temple un objet de grand soin, donnant à entendre qu'il est lui-même descendant
de David, destiné à reconstruire le Temple édifié par Salomon » Jules César est toujours compté par Flavius Josèphe comme
empereur. Auguste est pour lui le second, Tibère le troisième, Caïus le quatrième (Jos., Ant., XVIII,
II, 2; vI, 10). Il en est de même dans le 4° livre
d'Esdras, XI, 12 et suiv. (la deuxième aile, XI, 17,
est notoirement Auguste). Suétone, Aurélius Victor, Julien
(Caes., p. 308 et suiv., Sp.)
comptent de même. Saint Béat (moine espagnol de l'ordre de Saint-Benoît, abbé
du monastère de Val-Gabado, en Asturie,
vIIIe siècle) ne connaît pas d'autre calcul : Usque in tempus quo haec Joanni revelata
sunt, quinque reges ceciderunt; sextus fuit Nero, sub quo haec vidit in exilio
(p. 498 de l'édition rarissime de Florez; cf. Didot,
Des apoc. fig., p. 77). L'empire romain est la plus puissante des incarnations de
Satan, le dragon rouge de l'Apocalypse qui poursuit la femme qui doit enfanter
: le rouge figure la pourpre impériale ; les sept têtes couronnées sont les
sept Césars qui ont régné jusqu'au moment où écrit l'auteur : Jules César,
Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba La guerre de 27 ans qui apparaît ici se terminerait au
quatrain IX, 14. Le règne de Tibère, sous lequel se passerait la vie publique
de Jésus Christ, Transfiguration et Crucifixion comprises, aurait eu cette
durée Mais en fait il s'agit de 23 années. S'il faut ajouter foi au texte de saint Jérôme cité plus
haut, les Histoires et les Annales réunies représentaient un total de trente
livres. Dans ce total, quelle est la part respective de chacun des deux
ouvrages ? On a émis à ce sujet diverses hypothèses. D'après certains, la fin
du règne de Néron, peu féconde, somme toute, en événements, pouvait fort bien
tenir tout entière dans la soixantaine de chapitres qui manquent au livre XVI
des Annales. Les Annales avaient, par conséquent, seize livres, répartis
peut-être en deux groupes égaux : 8 + 8, dont le premier aurait compris les
règnes de Tibère et de Caligula (23 années + 4 = 27) ; le second, les règnes de
Claude et de Néron (13 années + 14 = 27). Les Histoires, en ce cas, auraient
compté quatorze livres, dont on ne nous dit pas, à la vérité, comment ils
pouvaient, ni même s'ils pouvaient former entre eux des groupes analogues Ã
ceux qu'on propose pour les Annales. D'après d'autres, les événements des deux
dernières années du règne de Néron étaient trop nombreux et trop importants
pour qu'on puisse raisonnablement admettre qu'une soixantaine de chapitres
suffisaient à les raconter, et il faut supposer qu'avec la fin du livre XVI des
Annales, deux livres encore étaient consacrés à ce récit. Les Annales, dès
lors, auraient eu dix-huit livres, répartis sans doute en trois groupes de six,
suivant le goût prononcé des écrivains latins pour la division par hexades : a) le règne de Tibère (liv. I-VI) ; b) les règnes
de Caligula et de Claude (liv. VII-XII) ; c) le règne de Néron (liv.
XIII-XVIII), chacune de ces hexades pouvant elle-même
se subdiviser en deux parties égales, d'où, au total, six triades : 1° Tibère
avant la mort de Drusus (liv. I-III) ; 2° Tibère
depuis la mort de Drusus (liv. IV-VI) ; 3° Caligula
(liv. VII-IX) ; 4° Claude (liv. X-XII) ; 5° Néron avant la conjuration de Pison
(liv. XIII-XV) ; 6° Néron depuis la conjuration de Pison (XVI-XVIII). Dans
cette hypothèse, les Histoires n'auraient compté que douze livres. Les quatre
et demi qui subsistent ne comprenant, nous l'avons vu, que les événements d'une
quinzaine de mois, il faudrait admettre que les six livres et demi disparus
suffisaient à raconter les règnes de Vespasien, de Titus et de Domitien, qui, Ã
eux trois, ont duré près de vingt-sept ans. C'est ce qu'il est assez difficile
de croire, on en conviendra. En somme, dans l'incertitude où l'on est sur cette
question, le mieux est de s'abstenir de toute affirmation précise : aussi bien
n'avons-nous rapporté les hypothèses précédentes qu'à titre de simple
curiosité. Le sang humain et l'eau du vers 4, s'ils sont réunis, refèrent à la blessure, faite par la lance de Longin au
côté du Christ, qui rejette sang et eau mélangés. Les quatrains VIII, 96 ("Polaire") et IX, 14
("Romans") ont un rapport avec la Transfiguration. Au Mont des Oliviers, sa douleur est telle que "sa
sueur, nous précise St Luc (22, 44), devint comme des gouttes de sang tombant
sur le sol". Il vit ainsi par avance ce qu'il va endurer tout au long de
sa Passion, depuis la flagellation au prétoire de Pilate accompagnée des
moqueries infâmes du corps de garde jusqu'à sa crucifixion au Calvaire C'est là , dans toute la tradition de l'Antéchrist,
reprise par les Amauriciens, que doit se manifester le Christ triomphant Ã
l'heure de la rédemption universelle, et c'est là aussi que réside le
mystérieux ermite qui donnera Jérusalem aux Croisés Dans l'Apocalypse de jean, au chapitre 8, vers 7, une
grêle mêlée de feu et de sang consumme la troisième
partie de la Terre, se formant au son de la première des sept trompettes L'Apocalypse (2,14-15) de Jean manifeste pleinement qui
sont Nicolaïtes : ils enseignent que la fornication et la manducation des viandes
offertes aux idoles sont choses indifférentes b. Aussi l'Écriture dit-elle Ã
leur propos : « Mais tu as pour toi que
tu hais les Å“uvres des Nicolaïtes, que je hais moi aussi. » (Lettre Ã
l'Eglise de Pergame). Irénée est le premier à faire du diacre Nicolas le maître
des Nicolaïtes. Ce rapprochement est dû à la simple homonymie : l'Apocalypse
condamnait sans ambiguïté les Nicolaïtes; quoi de plus tentant que de faire du
Nicolas des Actes, leur chef dans l'hérésie, malgré les incompatibilités de temps
et de lieu (50 ans de décalage). Les Nicolaïtes de Y Apocalypse représentaient
à l'intérieur des Églises un mouvement d'ouverture sur le monde hellénique, ce
qui expliquerait leur choix de Nicolas, seul diacre païen, comme référent. Dans
ce cas, Irénée serait déjà héritier d'une tradition Saint Hilaire dit que Moise et Elie qui parurent à la
transfiguration de notre Sauveur, sont les deux prophètes qui doivent paroître avant le second avénement
de Jésus-Christ, et qui doivent être mis à mort par l'Antechrist,
selon saint Jean dans l'Apocalypse (Hilaire, in Matthiae 20) Primo, Moyse a esté transfiguré en partie estant
en la montagne : car facies eius cornuta
apparuit, Il y a eu vne
partie de luy qui a esté transfiguree mais Iesus Christa esté transfiguré du tout. [...] Et quant à Elie, il estoit encore viuant, & ne
mourra point encores, iusques
à ce qu'il soit venu prescher l'Antechrist,
& conuertira plusieurs pauures
abusez : & pource l'Antechrist
le fera mourir Oui, ce jour-là , jour de la Transfiguration, des éclairs
illuminèrent le monde : ce n'était point les éclairs de la Gloire du Christ qui
apportent avec eux la santé et la vie [cf. Mal. 3), mais les éclairs, les
rayons de la gloire de l'homme qui apportent avec eux la mort. Ce jour-lÃ
l'Antéchrist n'était plus une éventualité mystérieuse ni supra-humaine
: c'était, historiquement, magnifiant de façon prométhéenne sa propre gloire,
l'homme lui-même. Ce jour-là était l'Anti-Transfiguration, la Doxa de la mort Étrange coïncidence entre la fête de la Transfiguration
du Seigneur et l'explosion de la première bombe atomique sur Hiroshima Nous avons vu à propos du quatrain IV - 48 pourquoi le
mot "planure" fait allusion à l'aviation. Nous
maintenons la même explication. Le mot "chauderons"
exprime la propriété des bombes atomiques de produire une grande chaleur (chaud-feron, de fero, produire, comme
dans "calori-fère"). Le premier vers nous
dit donc que ces bombes seront transportées par aéroplanes (quatrain IX, 14) L'annihilation de l'Antéchrist mais aussi du l'univers,
selon saint Hilaire, précède la transfiguration du monde. Aussitôt après le jugement aura lieu le renouvellement du ciel et de la terre. Il est de foi qu'il y aura à la fin du monde un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car c'est l'enseignement formel de la Sainte Écriture. « Voici que je renouvelle tout Voici que je crée des cieux nouveaux et une terre nouvelle, dit le Seigneur par la bouche d'Isaïe (65) ». Saint Jean (Apo. 21) « a vu un ciel nouveau et une terre nouvelle. » « Nous attendons, dit saint Pierre (2 Epitre), le ciel nouveau et la nouvelle terre qui nous ont été promis.» Sera-ce une simple modification du ciel et de la terre ou bien une création nouvelle ? Les auteurs ne sont pas d'accord sur ce point. Les uns croient (Hilaire) que le monde actuel sera annihilé et remplacé par un monde nouveau que Dieu tirera du néant. Cette opinion s'appuie sur les paroles suivantes du Sauveur: « La ciel et la terre passeront (Matthieu 34). » Saint Jean (Apo. 11) se sert de la même expression que Notre Seigneur quand il dit: « Le ciel et la terre qui existaient antérieurement ont disparu. » « Le ciel et la terre périront » dit le Psalmiste (101). L'Ecclésiaste (17) s'écrie: « Qu'y a-t-il de plus brillant que le soleil ? Cependant il s'éclipsera. » Enfin l'expression d'Isaïe: Voici que je crée... semble indiquer une rénovation substantielle. Les autres enseignent comme certain que le monde ne sera pas détruit substantiellement, mais subira une modification accidentelle et glorieuse comme celle des corps des bienheureux. Cette doctrine est au moins très-probable et plus en harmonie avec l'Écriture et l'analogie de la foi. Souvent l'Écriture applique l'épithète de nouveau, non à un objet différent, mais au même objet accidentellement modifié. Ainsi elle nous exhorte à nous revêtir du nouvel homme, c'est-â-dire à nous unir à Notre-Seigneur Jésus-Christ par la grâce, à surnaturaliser notre être; or il est certain que la transfiguration opérée par la grâce n'apporte aucun changement substantiel dans l'homme, mais n'est qu'un noble et glorieux accident ajouté à sa nature. De plus, l'Écriture comme la philosophie enseignent que Dieu n'annihile rien de ce qu'il a créé: « Je sais, dit l'Ecclésiaste (3), que tout ce qu'a fait Dieu durera éternellement. » Notre raison conçoit la possibilité absolue de l'anéantissement du monde, mais ne peut trouver de motifs qui permettraient à la sagesse divine d'exercer un tel acte. Pour répondre aux arguments des partisans de l'autre opinion, rappelons-nous que souvent l'Écriture emploie le mot périr, pour indiquer une simple modification, dit saint Epiphane. Saint Paul indique dans quel sens on doit entendre les autres paroles de l'Écriture, qui semblent favoriser la première opinion, quand il dit: « La figure de ce monde passe (1 Cor. 6): «Prœterit figura hujus mundi. » Ainsi donc ce qui périra, ce qui passera, ce qui disparaîtra, ce n'est pas la substance, mais la figure, c'est-à -dire les phénomènes extérieurs, l'aspect actuel du monde. Les mêmes éléments resteront avec leurs propriétés essentielles, mais les lois positives et accidentelles de la nature seront changées et adaptées au nouvel état des hommes. Car le monde visible a été fait pour l'homme et pour les élus: « Omnia vestra sunt (1 Cor. 5). » La condition de l'homme changeant, le monde doit aussi changer. Dieu ne se contentera pas de modifier les lois de la nature, mais il ajoutera aux éléments des propriétés nouvelles et meilleures, par un acte positif de sa toute-puissance. C'est ce qui explique l'emploi du verbe créer, dans Isaïe: « Ecce ego creo eœlos novos et terram novam (Is. 65). » Quelle sera la nature de cette rénovation du mande ? La vicissitude des
changements qui ont lieu dans l'univers visible ne pouvant convenir à l'état
immuable des bienheureux, les théologiens enseignent que le monde sera alors
dans un état stable et que les formes ne se succéderont plus dans la matière,
comme aujourd'hui. Pour expliquer ce phénomène, les Scholastiques supposent que
le mouvement du ciel s'arrêtera, parce que, d'après leur système, il est la
cause première de toutes les altérations corporelles. Cette explication
s'appuie sur une base trop problématique pour être acceptée comme certaine. Il
se fera un grand changement dans les lois qui régissent les astres. Cela n'est
pas douteux, « puisque les étoiles doivent tomber du ciel, » c'est-à -dire
perdre leur fixité et changer de place dans le ciel; puisque le soleil et la
lune présenteront les phénomènes étranges prédits dans l'Écriture. Mais n'y aurait-il
plus de mouvement céleste ? C’est ce qu'il est difficile de déterminer. Il faut
avouer cependant que les paroles suivantes d'Isaïe semblent donner raison aux
Scholastiques: « Votre soleil ne se couchera plus, et votre lune ne décroîtra
plus (Is. 60). » Dans un autre endroit l'Écriture affirme qu'il n'y aura plus
de temps (Apo. 10). Or, c'est dans la succession des mouvements matériels que
consiste la durée qu'on appelle le temps, et c'est le mouvement des corps
supérieurs qui engendre et règle celui des corps inférieurs; donc le ciel
cessera de se mouvoir. Cette conclusion serait inattaquable si les prémisses
étaient certaines. Mais on peut expliquer différemment les paroles de l'ange de
l'Apocalypse et contester la théorie physique adoptée par l'École: dès lors
l'argumentation chancelle. D'après les partisans de cette opinion,
non-seulement les astres seront immobiles, mais la terre participera Ã
l'immutabilité glorieuse des élus. Les plantes et les animaux soumis, par
nature, à l'altération des formes matérielles, disparaîtront à jamais, et la
terre renouvelée ne sera plus habitée que par Jésus-Christ, les anges et les
élus (S. Thomas Contra Gentes, lib. IV). Cette assertion, quoique enseignée par
la plupart des Scholastiques et, Ã cause de cela, digne du plus grand respect,
peut cependant être contestée au point de vue scriptural, traditionnel et
philosophique. L'Écriture enseigne positivement « que toutes les œuvres de Dieu
dureront éternellement : Omnia opera,
quœ fecit Deus, perseverant in œternum (Eccles.
3). » Saint Paul entend « les gémissements douloureux de toutes les créatures
qui appellent leur délivrance: Omnis creatura ingemiscit et parturit usque adhuc (Rom. 8). » Or, les plantes et les animaux font
partie des œuvres de Dieu et sont des créatures; si ces êtres n'existent plus,
comment se vérifieront les paroles du texte sacré ? Les paroles suivantes du
Psalmiste semblent aussi favoriser cette opinion: Que toute la terre soit
troublée à son aspect ! Dites aux nations : le Seigneur a régné! Il a fixé
d'une manière immuable l'axe de la terre : il vient juger les peuples avec
équité. Que les cieux sourient et que la terre tressaille; que la mur s'agite dans toute son étendue; que les campagnes et
tout ce qu'elles renferment, que les arbres des forêts se réjouissent à la vue
du Seigneur qui vient juger la terre (Ps. LXXXV.). » Quelques Pères et quelques
théologiens admettent positivement que le monde nouveau possédera des
représentants du règne végétal. Ainsi s'exprime saint Anselme (Elucid.): La terre, qui a gardé dans son sein le corps du
Sauveur ressemblera à un paradis, et parce qu'elle a été arrosée du sang des
martyrs, elle sera perpétuellement ornée de fleurs odoriférantes, de roses, de
violettes qui ne se flétriront jamais. » Le témoignage de Guillaume de Paris
est aussi explicite (apud Carthus.):
« Quant à la terre, dit-il, d'après l'avis de docteurs très-éclairés, elle sera
toujours ornée d'un gazon verdoyant, de fleurs qui ne se faneront point, et
d'agréments sans nombre. » Il n'est pas question, il est vrai, dans ces textes
de l'existence des animaux; mais l'analogie nous conduit évidemment à les
admettre, s'il existe des végétaux. Enfin l'harmonie du monde visible et le
bonheur des sens de l'homme semblent réclamer l'existence de cet ordre de
créatures auxquelles, d'ailleurs, Dieu pourra communiquer une sorte
d'incorruptibilité, pour les mettre en rapport avec l'état des enfants de Dieu.
Cette dernière explication paraît propre à concilier les deux opinions. Non-seulement
les lois de la nature seront modifiées, mais les éléments recevront
d'admirables qualités pour concourir à la félicité des élus, et pour satisfaire
les sens dans leurs nobles opérations. Sauf les délectations du toucher et du
goût, qui n'auront plus alors d'objet ou, du moins, le même objet, je ne doute
pas que nos oreilles ne soient réjouies par de délicieuses mélodies et nos yeux
charmés par de ravissants spectacles sensibles. L'Écriture nous parle souvent
des concerts célestes : rien n'empêche d'interpréter ces paroles à la lettre.
Elle nous entretient aussi souvent de la lumière qui doit briller à nos yeux
dans l'état de gloire. Quand toutes les immondices du monde auront été jetées â
l'enfer, comme aux gémonies de l'univers, le feu divisera ses propriétés: « Vox
Domini intercidentis flammam ignis (Psal. 28.); il réservera son ardeur pour tourmenter les
damnés, et sa lumière pour réjouir les bienheureux. Au centre de la terre, endroit
où très-probablement se trouve l'enfer, il sera ténébreux et dévorant. Mais
partout ailleurs il prodiguera le bienfait de sa clarté. Car alors tous les
éléments matériels seront illuminés d'une manière admirable. « La lumière de la
lune égalera celle du soleil, et la clarté du soleil sera sept fois plus forte (Is.
50). Sur la terre, il n'y aura plus de corps opaque; mais « le sol sera
translucide comme le verre : Platea civitatis... tanquam vitrum perlucidum (Apo. 21). »
Or, la terre est ce qu'il y a de plus grossier dans le monde visible; les
autres éléments recevront donc une dose de clarté, proportionnée à leur plus ou
moins grande diaphanéité naturelle (S. Thom.). Aussi cette nouvelle Jérusalem
terrestre, bâtie de la main de Dieu, « n'a-t-elle plus besoin de soleil (Apo.
21) : car elle est tout inondée des clartés de Dieu; l'Agneau lui sert de
flambeau, et des peuples sans nombre marchent à sa lumière. Il n'y a jamais de
nuit dans cette cité merveilleuse: Nox enim non erit illic.
» C'est ainsi que se consommera le mystère de Dieu. Désormais tout est dans
l'ordre: les méchants sont punis, les bons récompensés. Jésus-Christ règne sur
le monde visible et invisible pendant les siècles des siècles |