Hallucination VIII, 90 2096-2097 Quand des croisez un trouvé de sens trouble, En lieu du sacre verra un bœuf cornu : Par vierge porc son lieu lors sera comble, Par roy plus ordre ne sera soustenu. "sacre" On peut voir dans "sacre" non la cérémonie royale du couronnement mais le saint sacrement tel qu'il est parfois désigné dans certaines régions françaises : cf. quatrain VI, 85 - Actualité de Séville - 1987-1988 ("le jour du sacre Urban" : la Fête Dieu). "boeuf cornu" Il faut donc que les prestres soient purs & nets, pour traicter choses si precieuses. Nos Prestres Sorciers, qui ont les mains sales, & l’ame impure & malade, ces faux Prestres semblent les abeilles, lesquelles nous donnant par fois du miel, ne laissent de porter emprainte dans leurs entrailles l'effigie d'vn boeuf cornu, par ce qu'elles s'engendrent de la ceste d'iceluy : la nature voulant, que dans leurs entrailles soit peint le boeuf, qui leur a baillé l'estre (Pierre de Lancre, Tableau de l'inconstance des mauvais anges et demons, 1613 - www.google.fr/books/edition). Et en ay veu qui nous ont dict qu'on leur feit singulierement renoncer sainct Anthoine, ie ne sçay si c'est parce que particulierement de pauures gens simples, mais pourtant devots, recommandent leurs pourceaux à sainct Anthoine; De maniere que vous diriez, que Satan veut qu'ils renoncent cette recommandation, ou priere d'intercession enuers Dieu qu'ils font à ce bon sainct, pour la conseruacion de leur bestail. Et est à noter que faisant ladicte renonciation, il faut prendre un parrain nouueau & vne marraine, autres que ceux du patrain vray baptesme (Pierre de Lancre, Tableau de l'inconstance des mauvais anges et demons, 1613 - www.google.fr/books/edition). "sens trouble" : Pierre de Lancre Pierre de Rosteguy de Lancre est un magistrat français, né à Bordeaux en 1553, et mort à Loubens en 1631. Il est surtout connu pour avoir participé à un épisode de chasse aux sorcières dans le Labourd, au Pays basque. Le 10 décembre 1608, le roi Henri IV, saisi par des habitants du Labourd, envoie une lettre au parlement de Bordeaux nommant le conseiller Pierre de Rosteguy de Lancre pour aller juger des actes en Béarn. Une seconde lettre signée du roi est envoyée au même parlement de Bordeaux le 17 janvier 1609 et modifie la composition de la commission royale en nommant deux commissaires : messire Jean d'Espagnet, «conseiller au Conseil d'État et président en notre cour du parlement de Bourdeaux», et messire Pierre de Rosteguy de Lancre, «aussi notre conseiller en notre dite cour et parlement». Un échange de lettres intervient entre le parlement et le roi qui émet une lettre de jussion en date du 18 février 1609, et le parlement enregistre les lettres royales des 17 janvier et 18 février, le 5 juin 1609. Cette commission doit «purger le pays de tous les sorciers et sorcières sous l'emprise des démons», faire la lumière, en particulier à Saint-Jean-de-Luz, sur les actes et les mœurs réputés libres des femmes de marins en l'absence de leurs maris, et sur les comportements des guérisseuses et cartomanciennes. Le roi fixe la fin de sa mission au 1er novembre 1609. Cette mission commence le 2 juillet 1609 à Bayonne, mais très vite Pierre de Rosteguy de Lancre se retrouve seul, le roi envoyant Jean d'Espagnet régler un différend entre pêcheurs français et espagnols. Les études publiées en 1938 dans la revue du Musée de Bayonne, lors de la grande exposition de 1938 sur la sorcellerie, ramènent ces chiffres entre soixante et quatre-vingts exécutions, avec l'audition de quatre à cinq cents témoins à Saint-Pée-sur-Nivelle. La commission, contrairement à ce qu'affirme la légende, dura seulement quatre mois : fin septembre, les marins revinrent de Terre-Neuve et s'opposèrent violemment à certaines exécutions. La plus grande émeute eut lieu lors de l'exécution de Marie Bonne. La mission finit le 1er novembre 1609, contrairement aux ordres du roi. Des sorcières du Labourd furent emprisonnées au fort du Hâ jusqu'en 1610 en provenance de nombreuses paroisses et de villes, dont Dax. En 1613, il y en avait encore qui attendaient d'être jugées par le parlement de Bordeaux (fr.wikipedia.org - Pierre de Rosteguy de Lancre). "croisés" : croisade Qu'étaient ces sorcières ? des femmes laides, décrépites, malfaisantes ? Non, mais jeunes et jolies. On les brûlait par centaines dans certaines circonstances : 400 à Toulouse en 1577, plus de 80 en Savoie en 1574, 85 en Suède en 1670, des fournées dans le Jura, dans l'Alsace, dans le Brandebourg. Pierre de Lancre, conseiller au Parlement de Bordeaux, envoyé en croisade contre ces malheureux, en 1610, dans les pays basques, en brûla 60 en quatre mois à lui tout seul. On les brûlait depuis le treizième siècle, et ce fut Colbert qui mit fin à ce feu de joie, en interdisant, non pas les procès de sorcellerie, ce qui aurait été au-dessus de son pouvoir, mais en faisant changer la punition en exil (Saint-Lanne, Henri Ner, La paix pour la vie, 1892 - www.google.fr/books/edition). "ordre" Le Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons est à l'évidence un pamphlet politique et juridique. De Lancre cherche à démontrer que la justice royale est supérieure à la justice locale, que la justice laïque surpasse en mérite la justice ecclésiastique et que la justice française l'emporte sur la justice espagnole. Son texte est une apologie du pouvoir royal. Il a aussi un contenu religieux, le magistrat étant un catholique très rigoriste. Il se sent investi de la mission de sauver la chrétienté. Il a une grande estime de lui-même. Il se considère comme une sorte de champion mystique qui possède l'intelligence, la force, l'ingéniosité, l'érudition et la fermeté nécessaires pour affronter l'ennemi diabolique. La mission confiée à Pierre de Lancre par le conseil du roi n'est pas innocente. Ce choix atteste une volonté politique de faire triompher au Labourd la justice du roi. Pierre de Lancre entreprend sa mission avec deux idées bien arrêtées, ordonnées l'une à l'autre : le pouvoir absolu du roi et de la justice laïque et la conviction qu'une secte diabolique menace l'ordre chrétien et monarchique (Patrick Snyder, Trois figures du diable à la Renaissance, l'enfant, la femme, et le prêtre : lecture du Tableau de l'inconstance des mauvais anges et démons de Pierre de Lancre (1612), 2007 - www.google.fr/books/edition). Les jeux sur le langage n'ont donc pas le caractère purement récréatif que l'on pourrait imaginer à la lecture de certains anagrammes ou de certains jeux de mots prophétiques. C'est, en tout cas, ce que remarque Pierre de Lancre dans L'Incrédulité et mescréance du sortilège, imprimé en 1622. Le célèbre et terrible chasseur de sorcières condamne les anagrammes forgés sur le nom du roi et il rattache l'inversion de l'ordre des lettres à la pratique des sortilèges qui bouleverse l'ordre de la nature et de la connaissance naturellement accessible à l'homme. L'association entre le bouleversement de l'ordre du langage et la pratique de sortilèges contraires à l'ordre naturel n'est pas éloignée du raisonnement tenu par Ronsard dans le Pronostic sur les miseres de nostre temps, imprimé en 1584. Pour Ronsard, le déchaînement des «fléaux de Dieu» est annoncé par la multiplication de prophètes, de sectes, d'almanachs et des «fols» qui «d'un langage obscur / Comme Démons annoncent le futur» (Hervé Drévillon, Lire et écrire l'avenir: L'astrologie dans la France du Grand Siècle (1610-1715), 2017 - www.google.fr/books/edition). Henri IV sera assassiné en 1610 et ne soutiendra plus rien. Typologie Le report de 2096 sur la date pivot 1610 donne 1124. Epoque des Croisades, en cette année Baudouin II de Jérusalem, fait prisonnier à Kharput en 1122, est libéré Sigurd Ier Jórsalafari (c'est-à -dire le Croisé) (1090 - 1130), roi de Norvège de 1103 à 1130. Sigurd Ier de Norvège est le fils de Magnus III Barfotr et de sa concubine Thora. Sigurd décide alors d’effectuer une croisade-pèlerinage en Terre sainte, qui est nommée dans la Saga Jorsalaland (c'est-à -dire Pays de Jérusalem). Cette expédition, qui ne durera pas moins de 3 ans et que Sigurd Ier mène à la tête de 60 bateaux, est longuement décrite dans la Saga consacrée aux règnes des fils de Magnus III. Sigurd y gagnera son surnom de Jórsalafari, le Croisé (textuellement: Celui qui est allé à Jérusalem). À son retour, considéré comme un héros, Sigurd Ier de Norvège épouse Malfrid, une fille du prince de Kiev Mstislav Ier Harald et de Christina, une fille du roi de Suède Inge Ier l'Ancien. Un seul enfant, la princesse Christina de Norvège, naîtra de cette union. Vers 1115, le roi Sigurd Ier de Norvège a par ailleurs de sa liaison avec une concubine Borghild, fille du noble Olaf de Dal, un fils Magnus qu’il considèrera comme son héritier. Vers 1125, Sigurd Ier reçoit en Norvège un dénommé Gille Christ, le futur Harald IV de Norvège, originaire d’Irlande, ramené par Halkel Huk de More. Après avoir subi une ordalie consistant à marcher sur des socs de charrues chauffés à blanc, Harald réussit à convaincre Sigurd qu’il est un fils illégitime du roi Magnus III et d’une Irlandaise. Sigurd accepte de reconnaître Harald, sous réserve que celui-ci s’engage à ne pas revendiquer le trône de son vivant ni de celui de son héritier, le futur Magnus IV de Norvège. Un serment solennel est prêté par le peuple à cette occasion. Les relations entre Magnus et Harald commenceront toutefois à se dégrader rapidement. En 1128, le roi Sigurd Ier, saisi semble-t-il de sénilité précoce, décide de divorcer d’avec la reine Malfrid pour épouser la jeune Cécilia, fille d’un homme important selon la Saga. Malgré l’opposition de l’évêque Magnus de Bergen et de Sigurd son futur successeur à l’évêché, le roi parvient à réaliser son projet, grâce à la complaisance de Reinald, un anglais qu’il avait fait nommer premier évêque de Stavanger. Le roi Sigurd Ier de Norvège meurt peu après de maladie à Oslo à l'âge de 40 ans le 26 mars 1130. Il est inhumé en l'église Hallvardskirken d'Oslo (fr.wikipedia.org - Sigurd Ier de Norvège). Le roi Sigurd Jorsalfar devint fou; sa première crise se manifesta par une hallucination visuelle : il crut voir un poisson dans sa baignoire. Dans une autre crise, il jeta au feu un précieux manuscrit, imprimé en lettres d'or, donna quelques soufflets à la reine et lui assura qu'elle avait des cornes de chèvre en train de lui pousser sur le front. Les anciens Scandinaves (Bersaerker, couverts de peaux d'ours) étaient assez enclins à des crises de folie furieuse; ils jetaient alors de l'écume par la bouche et massacraient tout ce qu'ils rencontraient, hommes ou bêtes. On attribuait cette folie au fait d'avoir mangé certains champignons. Rappelons qu'en Russie, on attribue les folies subites au fait de manger les baies de la belladone (La Chronique médicale: revue de médecine historique, littéraire et anecdotique, 1914 - www.google.fr/books/edition). Acrostiche : OEPP, öpp "öpp" : cf. suédois öppen (ouvert) (en.wiktionary.org - öppen). "vierge porc" : port vierge ? Quand le Solide du capitaine Marchand découvrit l'ile Baux, en 1792, il vit un port vierge, auquel la nature avait tout donné, excepté des vaisseaux. La nature ne travaille jamais pour elle, dit le célèbre marin; les vaisseaux viendront. Et ils sont venus là plus nombreux que les alcyons, un soir de tempête (Joseph Méry, Les journées de Titus, 1866 - www.google.fr/books/edition). Lors de sa croisade, la flotte de Sigurd arriva au port d'Ascalon, au mois d'avril 1110. Sigurd se réunit aux troupes de Baudouin Ier, roi de Jérusalem, pour faire des incursions dans les terres des infidèles. La plus importante de ces expéditions fut le siége et la prise de Sidon; Sigurd s'y distingua par son habileté et sa valeur. Baudouin lui céda la moitié du butin, et lui donna un morceau du bois de la vraie croix (Biographie universelle, Tome 41, 1825 - www.google.fr/books/edition). A son retour de croisade, Sigurd distribua au peuple une partie de ses trésors en signe de bienvenue; son frère Eysteinn, accouru à sa rencontre, lui remit les pouvoirs royaux, qu'il avait exercés pendant la croisade; sous son habile administration, les affaires avaient prospéré, le commerce s'était accru, d'utiles fondations avaient été faites : des ports et des phares pour les navigateurs, des palais, des hôpitaux, des monastères, des églises avaient été élevés. Pieux et savant, Eysteinn fut pour Sigurd ce que Suger fut pour Louis le Jeune et la reine Blanche pour S. Louis (Charles Ozanam, Croisades et pélerinages des Scandinaves en Terre sainte, Contemporain, 1866 - www.google.fr/books/edition). |