Colonel de Lunebourg

Colonel de Lunebourg

 

VIII, 68

 

2080

 

Vieux Cardinal par le jeune deceu,

Hors de sa charge se verra desarmé:

Arles ne monstres double soit aperceu,

Et liqueduct et le Prince embausmé.

 

Quelques vieux cardinaux

 

Le vieux cardinal «italianisant», François de Tournon, qui avait servi de ses conseils l'expĂ©dition de Guise, quittait, Ă  l'automne de 1557, sa retraite de Castel-Durante en Ombrie pour remonter vers le Nord. Il s'arrĂŞta quelque temps Ă  Venise qu'il aimait, puis au cours de l'Ă©tĂ© 1558, il alla s'Ă©tablir Ă  Conegliano, pays de bel air, non loin des montagnes du Frioul. Atteint de griève maladie, il redescendit, au printemps 1559, vers l'Italie centrale et et vint prendre «l'eaue des baings» de Lucques, oĂą il arriva le 25 mai. C'est lĂ  qu'il apprit la mort de Henri II. Pendant ces deux annĂ©es, Tournon se mĂŞla fort peu aux nĂ©gociations ; il ne sortit de sa rĂ©serve que pour conseiller au Roi de faire la paix et de châtier sans pitiĂ© les hĂ©rĂ©tiques. Le conclave qui suivit la mort de Paul IV devait ramener le cardinal dans la Ville Ă©ternelle. Comme Tournon, mais avec une autoritĂ© moindre, Georges d'Armagnac avait participĂ© aux nĂ©gociations qui entourèrent l'expĂ©dition de Guise. Lui aussi malade, il s'Ă©loigna de Rome Ă  la fin de l'Ă©tĂ© 1557 : le 20 aoĂ»t, il partait pour aller s'Ă©tablir Ă  Sutri, non loin du lac de Bracciano, dans un climat plus sain. Il Ă©tait alors Ă  peu près brouillĂ© avec le pape. Henri II lui ayant envoyĂ© son congĂ©, il pensa d'abord Ă  rentrer par la voie de terre, mais en dĂ©finitive, le 9 octobre, il s'embarquait Ă  Civitavecchia. Le 13, il passait par Avignon, et bientĂ´t après arrivait Ă  la Cour. Seul des cardinaux français, Jean du Bellay restait Ă  Rome. Il y fit fonction de «protecteur de France». Mais le pauvre vieillard avait perdu tout crĂ©dit. Depuis l'affaire du dĂ©canat, Henri II lui avait retirĂ© son estime, et mĂŞme, par prudence, Jean ne pouvait songer Ă  rentrer dans le royaume. D'ailleurs, Paul IV, bien que Du Bellay fĂ»t de ses plus anciens amis, le traitait avec une familiaritĂ© voisine du mĂ©pris : loin d'Ă©couter ses remontrances, il ne lui permettait mĂŞme plus de parler pour approuver les actes du Saint-Siège. Dans un consistoire, le 20 septembre 1557, comme le cardinal rĂ©pandait en louanges Ă  l'adresse du pontife, celui-ci lui dit qu'il «fatiguait son monde» et le pria brusquement de se taire. Malade, le caractère aigri, l'esprit troublĂ©, l'ancien protecteur de Rabelais passa tristement les dernières annĂ©es de sa vie. On ne le connaissait plus Ă  Rome que par ses querelles avec les autres membres du SacrĂ©-Collège et par la rĂ©putation qu'il avait de consulter trop souvent «l'oracle de la bouteille». Il put cependant Ă©viter les foudres rĂ©formatrices de Paul IV. La seule force vive qui restât au service de la France Ă  Rome, Ă©tait donc celle de l'ambassadeur ordinaire. Mais, après l'Ă©chec de la guerre de 1557, Odet de Selve ne se trouvait plus en bonne situation pour reprĂ©senter son maĂ®tre. Il demeura quelques mois encore auprès de la Curie. Le dernier acte remarquable de son ambassade fut la fĂŞte qu'il organisa le 1er fĂ©vrier 1558 pour cĂ©lĂ©brer la prise de Calais : RappelĂ© au printemps, il partit le 28 mai. Dix jours auparavant, le 18 mai, Ă©tait arrivĂ© son successeur, dĂ©barquĂ© la veille Ă  Civitavecchia, Philibert Babou de la Bourdaisière, Ă©vĂŞque d'AngoulĂŞme, ami du cardinal de Tournon (Lucien Romier, Les origines politiques des guerres de religion, Tome 2, 1913 - www.google.fr/books/edition).

 

Le duc François de Guise, dirigeant une expédition contre Naples, était entré dans Rome le 2 mars 1557. Il regagna en hâte la France après la défaite de Saint-Quentin (10 août 1557) (Poësies de Joachim Du Bellay, 1954 - www.google.fr/books/edition).

 

Cardinal de Tournon et son expérience des mercenaires

 

François de Tournon, né à Tournon-sur-Rhône en 1489 et mort à Saint-Germain-en-Laye le 22 avril 1562, est un prélat, un diplomate et un homme d'État français. Il fut archevêque d'Auch de 1538 à 1551, puis archevêque de Lyon de 1551 à sa mort. En 1537, il assure l'intendance pendant la huitième guerre d’Italie en Piémont (fr.wikipedia.org - François de Tournon).

 

Tournon dispose de peu de troupes, composĂ©es principalement de mercenaires suisses, de lansquenets allemands et d'une foule de condottieri et d'aventuriers italiens, Ă  la tĂŞte de petites bandes. Aucune autoritĂ©, ni aucune coordination ne sont possibles. Les chefs se jalousent et sont en perpĂ©tuels conflits. Les soldats commettent «larrecins, pilleries, forcements de filles et de femmes, brigandages». Tous cherchent Ă  se battre le moins possible, au plus haut prix possible. Le cardinal suit les opĂ©rations de Lyon. Il ravitaille les armĂ©es, secourt les places assiĂ©gĂ©es, envoie des renforts et dĂ©place les unitĂ©s selon les besoins. NĂ©anmoins le PiĂ©mont est perdu, sauf Turin et quelques villes qui rĂ©sistent aux Espagnols. Mais François Ier arrive Ă  Lyon, fait dĂ©bloquer les places assiĂ©gĂ©es et rĂ©occuper le pays ; la trĂŞve de Nice met fin Ă  la guerre. D'autres tâches difficiles accablent Tournon : la police des armĂ©es, impossibles Ă  discipliner malgrĂ© quelques exĂ©cutions pour l'exemple ; la solde des troupes qui s'Ă©lève Ă  deux millions de livres, dont il doit trouver sur place les moyens de  paiement l'enrichissement des marchands et banquiers. Il obtient de ceux-ci des sommes très importantes : 200000 livres pour le seul Gadagne. Concernant la MunicipalitĂ©, il organise un système de rentes sur l'HĂ´tel de ville. «Il cède Ă  la ville le produit de quatre impositions indirectes pour le prix de 84732 livres. Afin de se procurer ce capital, la ville devra crĂ©er des rentes dont le paiement serait assurĂ© par le produit de ces impositions.» Ces rentes Ă©tant achetĂ©es par les Lyonnais, le roi emprunte ainsi indirectement aux particuliers. La crise terminĂ©e, les difficultĂ©s financières demeurent car les ressources provenant des impĂ´ts ne suffisent pas Ă  combler les Ă©normes  dĂ©penses des guerres ; il faut recourir Ă  l'emprunt et trouver de nouvelles recettes. On fait derechef appel au cardinal de Tournon qui va crĂ©er une nouvelle politique fiscale  D'abord il Ă©tablit un rĂ©gime de douanes. Toutes les Ă©toffes et les fils de soie, provenant d'Espagne et d'Italie, mĂŞme en pĂ©riode de foire, doivent passer par Lyon et y payer une taxe de 5 % de leur valeur marchande. C'est une atteinte grave franchises dont bĂ©nĂ©ficiaient les marchands lors des foires  Ensuite il impose aux villes l'entretien d'une armĂ©e de 20000 hommes, pour lequel la part de Lyon est de 28800 livres ; cette somme, levĂ©e pour un temps limitĂ© au dĂ©but, devient permanente : c'est «la contribution des gens guerre.» Enfin, plus encore que par le passĂ©, la MunicipalitĂ© lyonnaise est appelĂ©e Ă  verser des contributions, rarement remboursĂ©es. Pour trouver l'argent, elle doit faire participer les citadins, soit directement en taxant les habitants selon leur fortune ; c'est le «denier sus,» soit indirectement, en taxant les objets de consommation courante, comme le vin et la viande, ce qui provoque une vive opposition populaire. Tout ceci ne suffit pays ; c'est dans le domaine financier que le cardinal rĂ©vèle toutes ses capacitĂ©s. Pour trouver les fonds nĂ©cessaires, il s'adresse aux banques et Ă  la MunicipalitĂ© lyonnaises. Vis-Ă -vis des banques, la rĂ©ussite et l'habiletĂ© de Tournon reposent sur plusieurs facteurs : d'abord la confiance qu'il inspire par son crĂ©dit personnel ; puis l'exactitude dans le remboursement des emprunts, aux dates fixĂ©es, avec un intĂ©rĂŞt de 12 % qui est celui du marchĂ© (Bernard Demotz, Henri Jeanblanc, Claude Sommervogel, Jean-Pierre Chevrier, Les gouverneurs de Lyon, 1310-2010, le gouvernement militaire territorial, 2011 - www.google.fr/books/edition).

 

En 1557, lors de l’expĂ©dition de François de Guise en Italie, les mercenaires refusaient d'aller se perdre dans les gorges des Abruzzes avant d'avoir touchĂ© la solde des mois passĂ©s. Hercule d'Este ne montrait aucun signe de meilleure volontĂ©. La partie devenait dangereuse. Le 26 avril, du camp  près de Civitella, François de Lorraine adressait Ă  son beau-père une lettre Ă©mouvante : «Monsieur, je vous supplie en l'honneur de bien voulloir incontinant faire dĂ©livrer l'arjant que je vous demande, et considĂ©rer que l'avĂ©s faict autreffois pour personne quy n'avoit le moyen ny la voulontĂ© de vous faire servisse . Sy ne vous plest m'accorder ma requeste, je suis le plus deshonorĂ© prince de la CrestientĂ©.» A cette supplique le cardinal de Tournon, qui rĂ©sidait alors Ă  la villa Imperiale près de Pesaro, joignit ses propres instances. Le siège Ă©tait mis devant Civitella. Guise pensait ne pas user ses forces contre cette rocca sans importance, mais obĂ©issant Ă  l'empire des nĂ©cessitĂ©s, il voulait par lĂ  fournir une occupation, un excitant Ă  ses troupes, en attendant l'arrivĂ©e des sommes demandĂ©es au duc de Ferrare, et attirer le vice-roi de Naples Ă  la lutte rangĂ©e. Les jours passèrent en vain. Hercule d'Este, Ă©branlĂ© autant par les menaces que par les prières des agents royaux, marchandait longuement sur les garanties du prĂŞt qu'il consentait enfin. Un moment, Guise se vit menacĂ© de pĂ©rir : des mutineries Ă©clataient parmi les  soldats non payĂ©s, le dĂ©sespoir gagnait les gentilshommes, la mauvaise volontĂ© des neveux et des officiers du pape exaspĂ©rait l'inquiĂ©tude du gĂ©nĂ©ral, et, pour comble de malchance, on apprit bientĂ´t que les ambassadeurs de Selve et Marillac s'injuriaient mutuellement, Ă  Rome. Guise tendit son Ă©nergie pour arrĂŞter la dĂ©bâcle. A son beau-père il envoya une semonce violente, l'accusant de spĂ©culer sur sa mauvaise situation et de vouloir lui extorquer un contrat usuraire. «Je vous supplie, Ă©crivait-il, considĂ©rer que je ne faictz que languir avec les soldatz que j'ay icy, les ayant entretenuz jusques Ă  ceste heure de parolles, de quoy ilz ne se peuvent plus contenter, et commancent, Ă  mon grand regret, Ă  faire beaucoup de dĂ©sordre, ne vous pouvant celler qu'il me semble, puisque vous estes tant rĂ©solu de ne laisser hyverner ceste armĂ©e, qu'il n'est poinct Ă  propos pour vostre rĂ©putation que faciez tant le long Ă  y pourvoir, et sera donnĂ© subject Ă  ceulx qui ne vous ayment poinct dire Ă  Sa MajestĂ© que vous ne faictes rien pour luy que Ă  regrect» (Lucien Romier, La fin de la magnificence extĂ©rieure. Le roi contre les Protestants (1555-1559), 1974 - www.google.fr/books/edition).

 

"Prince" : Charles Quint

 

Quand Charles Quint, né le 24 février 1500 à Gand en Flandre, est mort le 21 septembre 1558, il avait abdiqué depuis 1555, il n'était donc plus ni roi ni empereur en exercice.

 

Après que Charles-Quint eut rendu le dernier soupir, le docteur Mathys mit la glace d'un miroir au-dessus de sa bouche, appliqua la main, puis l'oreille sur son cĹ“ur, constata enfin le dĂ©cès selon les usages, et dĂ©clara que l'Empereur avait cessĂ© de vivre : «JAM MORTUUS EST.» Le fidèle Quixada s'agenouilla au chevet du lit de son maĂ®tre, lui ferma les yeux et s'abandonna Ă  sa douleur. Quatre religieux dĂ©signĂ©s pour veiller auprès du corps jusqu'Ă  ce qu'il fĂ»t enseveli, entrèrent dans la chambre et commencèrent leurs prières. Le Moine anonyme, dont nous avons plus d'une fois citĂ© la relation, Ă©tait un des quatre. Il raconte encore que, pendant que Quixada Ă©tait sorti pour donner quelques ordres relatifs au service, ses collègues et lui eurent la curiositĂ© de contempler le grand Empereur tel qu'il Ă©tait dans la première heure de son dernier sommeil. Le majordome avait tirĂ© le rideau du lit; ils l'Ă©cartèrent, non sans avoir beaucoup hĂ©sitĂ©. «Le visage du dĂ©funt Ă©tait plutĂ´t vermeil que pâle,» dit le Moine; «il Ă©tait revĂŞtu d'une de ses robes de chambre et portait sur la tĂŞte un bonnet brodĂ© Ă  l'aiguille. Une Ă©toffe de soie noire couvrait toute sa poitrine jusqu'Ă  la ceinture ; sur le cĹ“ur Ă©tait le crucifix de l'ImpĂ©ratrice, et au-dessus de son chevet l'image de la Vierge...» Mais dĂ©jĂ  le bruit des pas du majordome se faisait entendre dans la galerie : les quatre religieux tirèrent le rideau et reprirent leur prière. Avant les vingt-quatre heures Ă©coulĂ©es, le corps Ă©tant lavĂ© et embaumĂ©, on le coucha dans un cercueil de plomb qui fut mis dans un second cercueil de bois de châtaignier. Il fallut les bras de dix personnes pour le transporter au pied du maĂ®tre-autel par la porte de l'appartement qui communiquait avec l'Ă©glise du monastère. L'archevĂŞque de Tolède, le comte d'Oropèse, le grand-commandeur d'Alcantara et Quixada aidèrent les moines dans ce premier acte des obsèques. Le cercueil, dĂ©corĂ© d'un poĂŞle de velours noir, resta exposĂ© pendant huit jours sur un catafalque, et, jusqu'au 23 septembre, on s'occupa Ă  tendre toute l'Ă©glise. Pour cela il fallut envoyer chercher Ă  Plasencia deux cents aunes de drap noir qu’on ajouta aux tentures ordinaires qui faisaient partie de la garde-robe de Charles, et dont il se servait pour les anniversaires mortuaires observĂ©s si exactement par lui de son vivant (AmĂ©dĂ©e Pichot, Charles-Quint: chronique de sa vie intĂ©rieure et de sa vie politique, de son abdication et de sa retraite dans le cloĂ®tre de Yuste, 1854 - books.google.fr).

 

Le Colonel de Lunebourg

 

On ne sait si Lunebourg Ă©tait baron (selon BrantĂ´me), prince ou de la famille de Brunswick-Lunebourg (Friedrich Wilhelm Barthold, Deutschland und die Hugenotten, Tome 1 : 1531-1598, 1848 - books.google.fr).

 

Le comte d'Egmont ayant remporté, le 13 juillet 1558, l'importante victoire de Gravelines sur le maréchal de Termes, Guise se vit obligé de renoncer à ses grands projets et de se diriger à marches forcées vers la frontière de Picardie. Les régiments allemands l'avaient abandonné pour la plupart, et les troupes qui lui restaient n'étaient pas capables de changer la face des affaires. On songea donc à faire la paix. Les plénipotentiaires se donnèrent rendez-vous à l'abbaye de Cercamp, aux portes de Cambrai. […] Philippe II, furieux de l'assistance décisive que les Allemands ont apportée aux vainqueurs de Thionville, intrigue sourdement pour se venger d'eux (Charles Rahlenbeck, Metz et Thionville sous Charles-Quint, 1880 - www.google.fr/books/edition).

 

On peut interpréter le vers 2 selon que c'est le jeune qui est hors de sa charge et désarmé et non le cardinal.

 

Le seigneur Connestable ayant composĂ© de sa rançon vint faire la reuerence au Roy, & consulter sur les conclusions qu’on devoit prendre pour acheminer ceste paix en vne bonne fin, apres le depart duquel s'en retournant Ă  Cercamp, les deux armĂ©es se retirerent, celle du Roy Catholique en Artois, oĂą elle fut rompue, & celle du Roy fut separĂ©e en diuers endroits attendant la fin du parlement tenu entre les deputez: & les Allemans estans payez, & congeez furent conduits par le Duc de Neuers iusques hors les frontieres du Royaume : la reuerence duquel ne les empescha qu'ils n'vsassent de mille extorsions & rançonnement & qu'ils ne pillassent le peuple: autrement en vsans les Suisses, lesquels se contenterent des Estapes qu'on leur establit, & se retirans en leurs pays a iournĂ©es fort raisonnables. Sur le depart de l'armĂ©e s'esmeut quelque debat entre le ieune de Lunebourg, & le Duc de Guise, de sorte que ce folatre fut si audacieux que d'oser mettre la main sur la Pistole contre le Lieutenant general, & estre cause d'un grand tumulte au camp. Ce qui luy causa la honte, car par l'ordonnance de ceux mesmes de la nation il fut constituĂ© prisonnier, & conduit Ă  Paris en la Bastille, d'oĂą il sortit par la courtoise sollicitation de celuy mesme qu'il auoit offensĂ©, qui ne luy eut souffert de le brauer ainsi s'il eut estĂ© hors de sa charge : & estant Lieutenant du Roy, aussi qu’on l'estimast si seuere, que ce ieune Allemant, estant vn peu chastiĂ© de la temerite, fut traitĂ© plus rigoureusement, bien qu'il meritast la mort, suiuant l'ancienne loy de la guerre. Comme on estoit sur le traitĂ© de la paix, mourut en Espaigne ce grand, sage, & puissant Prince Charles cinquiesme du nom, Empereur des Romains & Roy des Espaignes, lequel si ne se fut opiniastrĂ© Ă  faire guerre Ă  la France, estoit accabler la puissance du tyran de Turquie (François de Belleforest, Les grandes annales & histoire generale de France: des la venue des Francs en Gaule, jusques au regne du roy Henry III., Tome 2, 1579 - books.google.fr).

 

Cf. pour Belleforest quatrains I, 80 ; IV, 72 ("Artomiques") ; X, 16 (acrostiche "HIPR" pour Ypres) ; etc.

 

Le colonel de Lunebourg, selon Monluc, faisant partie des  mercenaires allemands (reîtres), a participé à la prise de Thionville le 22 juin 1558 (Paul Courteault, Blaise de Monluc Historien, 1940 - books.google.fr).

 

Pour le règne de Henri II de France, nous trouvons un acte intéressant les achats de reitres faits en Allemagne pour le compte du gouvernement français. C'est une capitulation faite, le 6 mars 1557, avec le duc de Lunebourg, «que le Roy a retenu à son service pour l'entretenement de mil chevaux pistoliers.» Ce sont deux autres capitulations, datées du fer mars 1558, conclues, l'une avec Jean-Guillaume, duc de Saxe, l'autre avec Guillaume Gombrach pour des objets analogues. La présence de ces pièces à Pau semble indiquer que le roi de Navarre ne fut pas étranger à ces négociations (H. Hauser, Antoine de Bourbon et l'Allemagne, Revue historique, Volume 46, 1891 - books.google.fr, James B. Wood, The King's Army, Warfare, Soldiers and Society During the Wars of Religion in France, 1562-76, 2002 - www.google.fr/books/edition).

 

"deceu"

 

Peut-être au sujet de démêlés du cardinal de Tournon avec les princes convertis (protestants) dans le financement de la ligue de Smalkalde, quelques années plus tôt (fr.wikipedia.org - Conclave de 1513).

 

Die religionsverwandte, besonders LĂĽneburg, Pommern, bliben damit zurĂĽck ; schicketen keine HĂĽlffe, von Frankreich wollte auch nichts zu hoffen fenn ;zumahl da auch der Cardinal von Tournon das geld unterschlagen Hatte (Johann Andreen Hofmanns, Abhandelung von dem vormaligen und heutigen Krigesstaate, Volume 1, 1769 - books.google.fr).

 

Guise en Italie

 

En 1556-1557, François de Guise prend la tête de l'expédition qui, en Italie, à l'appel du pape Paul IV, essaie vainement de reprendre Naples aux Espagnols. L'expédition de Naples est la dernière guerre d'Italie. À son retour, il est nommé lieutenant général du royaume et reprend Thionville aux Impériaux. En 1558, il reprend Calais aux Anglais à la suite d'une manœuvre audacieuse : les marais autour de la ville étant gelés, il fait passer les canons français sur ceux-ci, et prend ses ennemis par surprise (fr.wikipedia.org - François de Guise).

 

Paul IV demeure presque inexplicable; car tous ses intĂ©rĂŞts le conduisaient Ă  l'alliance de l'Espagne, et ses passions l'auraient entraĂ®nĂ© du mĂŞme cĂ´tĂ© s'il n'eĂ»t puisĂ© dans son origine napolitaine (il Ă©tait de la maison Caraffa), et dans quelques incidents des premiers temps de sa carrière, une de ces haines furieuses qui obscurcissent la raison. Cette haine ne s'arrĂŞtait pas aux souverains de l'Espagne ; elle embrassait toute la race dans laquelle Paul affectait de ne voir que des Marranes et des chrĂ©tiens judaĂŻsant. Quant au gĂ©nĂ©reux prĂ©texte dont, au bord du tombeau, il voulut colorer sa conduite, en dĂ©clarant «que lui, vieillard italien, accablĂ© d'annĂ©es, de maladies et de chagrins, avait conçu pourtant la haute pensĂ©e d'expulser les barbares de son pays,» cet imposant prĂ©texte, dĂ©jĂ  complĂ©tement faux quand Jules II l'allĂ©gua pour lui-mĂŞme, n'offrait plus une ombre d'excuse pour l'antagoniste de Philippe. Il ne s'agissait, en effet, l'an 1557, que de transfĂ©rer d'une maison Ă©trangère Ă  une autre, qui ne l'Ă©tait pas moins, la possession du royaume de Naples; et certes, l'armĂ©e du duc de Guise, avec ses lansquenets, ses reĂ®tres, ses compagnies suisses et ses enseignes gasconnes, n'auraient pas moins justifiĂ© l'Ă©pithète de barbare que les vieilles bandes espagnoles du duc d'Albe, dont l'armĂ©e Ă©tait d'ailleurs, aux quatre cinquièmes, composĂ©e d'Italiens (A. de C., Philippe II, roi d'Espagne, Bibliothèque universelle de Genève, 1857 - books.google.fr).

 

"Liqueduc" : aqueduc

 

Plasencia, petite ville épiscopale, assez bien bâtie, est remarquable par plusieurs antiquités romaines et surtout par son bel aqueduc composé de 80 arcades (Adriano Balbi, Abrégé de Géographie: rédigé sur un nouveau plan d'après les derniers traités de paix et les découvertes les plus récentes, 1833 - books.google.fr).

 

Plasencia n'Ă©tant qu'Ă  quelques lieues de Yuste (William Hickling Prescott, Vie de Charles-Quint Ă  Yuste, traduit par G. Renson, 1861 - books.google.fr).

 

Arles

 

Le roi Charles-Quint, bercé de l'espoir d'enlever à François Ier ses provinces méridionales, passa la journée du 9 août 1536 aux Milles. Là, des hauteurs de Cuques, son œil, plongeant dans les vallées voisines, apercevait la capitale de la Provence, et il songeait que ce riche pays, dont il allait se rendre bientôt maître, ne serait que le prélude d'autres victoires et de faciles conquêtes. Ce ne fut heureusement qu'un rêve; Charles-Quint entra bien en effet à Aix, s'y fit nommer roi d'Arles et comte de Provence, et cassa le Parlement, mais ce fut à cela que se bornèrent ses succès (Félix Vérany, Roquefavour, son ermitage et son aqueduc: Ventabren, 1882 - books.google.fr).

 

Ville double, comme l'appelait Ausone au IVe siècle, duplex Arelas "Pande, duplex Arelas tuos blanda hospita portus, / Gallula Roma Arelas, quam Narbo Martius, & quam / Accolit Alpinis opulenta Vienna colonis", Arles s'étendait sur les deux rives du Rhône, la cité sur la rive gauche, le suburbium sur la rive droite, à Trinquetaille, au sommet du delta de la Camargue (Fernand Benoît, Les cimetières suburbains d'Arles dans l'antiquité chrétienne et au moyen âge, 1935 - books.google.fr).

 

Ville double, Arles l'apparaissait aux hagiographes qui rappelaient le souvenir de Genès, martyrisĂ© Ă  Trinquetaille et enterrĂ© aux Alyscamps. Deux quartiers, deux ports : cette extension de part et d'autre du RhĂ´ne, d'autres villes telles que Vienne et Lyon. A Arles, il est sĂ»r que le faubourg de Trinquetaille Ă©tait encore au IVe s. très vivant, ce qui n'Ă©tait plus le cas Ă  Vienne. Des mosaĂŻques ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es sur le site et, malgrĂ© les conditions dĂ©plorables de dĂ©couvertes, une analyse stylistique apporte quelques prĂ©cisions. Mademoiselle Maryse Dampeine, dans sa thèse de IIIe cycle en cours, souligne les liens entre la mosaĂŻque de l'AĂŻon, du quartier de la Pointe, et des pavements du IVe s.; la mosaĂŻque voisine de la Toison d'Or pourrait appartenir aux premières annĂ©es du IVe s. et contemporaine pourrait ĂŞtre celle d'OrphĂ©e (Paul-Albert VĂ©vrier, Arles aux IVe et Ve siècles ville impĂ©riale et capitale rĂ©gionale, Corso di cultura sull'arte ravennate e bizantina, NumĂ©ro 25, 1978 - books.google.fr).

 

Jacques du Broullat (c.1515 - 1575, Allemagne), dit aussi de Brourlat, fut abbé et archevêque d'Arles (1551-1560). Il n'est même pas ordonné lorsqu'en 1551 le roi Henri II le fait pourvoir de l'archevêché d'Arles. Pour ces raisons ou plus probablement pour son attachement au parti protestant, en particulier au prince de Condé et à Odet de Coligny, il est privé de tous ses bénéfices par un arrêt du parlement de Paris en 1562 ou, d'après Jean-Pierre Papon, dès le 18 juillet 1559. Il s'exile en Allemagne où il se marie. Il y meurt en 1575 (fr.wikipedia.org - Jacques du Broullat).

 

"Liqueduc" 2

 

Liquette : sorte de petit bateau à pointe carrée ; du roman lique, vase, vaisseau (Aimé-Jean Gaudy, Glossaire genevois, ou Recueil étymologique des termes dont se compose le dialecte de Genève, avec les principales locutions défectueuses en usage dans cette ville, 1820 - www.google.fr/books/edition).

 

"liquis" de "obliquis" : oblique ; et "duct" de ducere : conduire (Gaffiot).

 

C'est l'éducation, dit l'Auteur de Discours sur l'Histoire moderne (1769), qui avoit rendu Charles-Quint, fin, oblique & dissimulé (Le journal des sçavans, pour l'année, 1771 - www.google.fr/books/edition).

 

Arles sur Tech

 

L'avènement [...] d'un puissant courant réformé en France agit néanmoins comme un repoussoir et contribua fortement à l'affirmation d'un sentiment national chez les Espagnols. La domination numérique des Français sur les autres étrangers suffit à l'expliquer. On ne dispose d'aucune donnée précise, mais elle est indiscutable. Ces émigrés s'installent surtout en Aragon et en Catalogne, particulièrement en Roussillon et en Cerdagne. S'ils se rendent peu à l'intérieur de la Péninsule, ils constituent de fortes minorités à Madrid et à Tolède. Enfin, les relations commerciales leur faisaient fréquenter les principaux ports. Ainsi, le Français - et le sujet navarrais de Jeanne d'Albret, qui y était assimilé - incarnait généralement l'étranger par excellence.. Son image se modifia considérablement au milieu du XVIe siècle. Il fut, en effet, la principale victime de la découverte, en 1558, de cénacles luthériens. L'événement provoqua un profond traumatisme. Un mal qui avait paru lointain jusqu'alors révélait sa présence au cœur du peuple élu.. L'Inquisition, avec l'entier soutien du pouvoir royal, se concentra alors sur la répression de l'hérésie protestante. Le phénomène toucha toute la Péninsule. Les tribunaux de Calahorra, pour la Navarre, et ceux de Saragosse et de Barcelone furent les plus actifs. Seule l'Andalousie, excepté le district de Séville, y échappa. Ayant peu à faire avec les Espagnols, on s'attaqua dès l'origine aux étrangers, dont la plupart étaient français (Bertrand Haan, L'affirmation d'unn sentiment national espagnol face à la France au début des guerres de religion, Le sentiment national dans l’Europe méridionale aux XVIe et XVIIe siècles, 2020 - books.google.fr).

 

Perpignan et le Roussillon sont suspectĂ©s par l'Inquisition. En 1570, un prĂ©venu, Jean Xiralt, prĂ©tend avoir entendu dire Ă  "un homme de Toulouse” que 200 LuthĂ©riens vivaient Ă  Perpignan et que le Roussillon comptait plus de 1200 Huguenots. En 1575, le vice-roi demande la nomination d'un inquisiteur en rĂ©sidence Ă  Perpignan oĂą «les LuthĂ©riens se promènent la nuit amb llum (avec de la lumière) - ils ne se cachent donc pas ! - en chantant les prières des Huguenots dans les  rues.» En 1585, les syndics de Perpignan enfoncent le clou. La ville est dĂ©crite comme frontera de fransa poblada de molts heretges polluta ab diversitats de heretges, contaminada de varietat de sectes (frontière de France, peuplĂ©e par beaucoup d'hĂ©rĂ©tiques, polluĂ©e avec divers hĂ©rĂ©tiques, contaminĂ©e par une variĂ©tĂ© de sectes) (Raymond Sala, Le regard des roussillonnais sur les protestants, TolĂ©rance et solidaritĂ©s dans les pays pyrĂ©nĂ©ens, 2000 - www.google.fr/books/edition).

 

Dans ce cadre géographique caractérisé par son éloignement, les gestes et les pratiques des fêtes de l’Ours se sont essentiellement transmis par la tradition orale. Leur origine, comme leur déroulement ancien, sont incertains même si elles font l’objet dès le XIXe siècle d’études ethnographiques. En 1835, l’historien Dominique Marie Joseph Henry mentionne leur existence dans son Histoire du Roussillon les tenant déjà pour «un usage d’une grande antiquité». De fait, en 1424, une note rapporte la présence, lors de processions religieuses à Barcelone, d’un homme costumé en ours avec des peaux d’agneau noires. Tandis que dès le IXe siècle, l’archevêque de Reims, Hincmar, dénonce les «turpia joca cum ursis», jeux de masque mettant en scène des femmes et des ours qui semblent avoir été autrefois très répandus, surtout dans les zones montagneuses de l’hémisphère nord. Dans les années 1930, les folkloristes anglais Violet Alford et Basil Collier offrent une vision plus détaillée du déroulement des fêtes préfigurant un intérêt croissant de la part des érudits et des chercheurs remarqué depuis les années 1970. Tous s’entendent pour souligner leur ancienneté et leur lien avec de nombreux récits.

 

La date initiale des fĂŞtes, le 2 fĂ©vrier, correspond en effet Ă  deux Ă©pisodes religieux : celui de la purification de la Vierge et celui de la prĂ©sentation de JĂ©sus au Temple. Selon certains historiens, l’Église catholique aurait introduit ces fĂŞtes cultuelles, qui ont lieu 40 jours après le solstice d’hiver, pour concurrencer et remplacer un ancien culte paĂŻen de l’ours. En tĂ©moignerait la croyance rĂ©pandue en  Europe selon laquelle les ours sortiraient d’hivernation le jour de la Chandeleur ou Ă  une date approchante, encore perceptible dans nombre de dictons mĂ©tĂ©orologiques dont voici une version catalane : El dia de la Mare de DĂ©u Candelera, l’ós sall de la cova ; si plou, si fa dolent temps, s’estĂ  de fora perquĂ© l’hivern Ă©s acabat. Si veu la seua ombra us del sol, torna dedins perquè durant 40 dies farĂ  dolent, l’hivern Ă©s pas acabat. Proche par bien des aspects de l’espèce humaine, l’ours a Ă©tĂ© l’objet de nombreuses lĂ©gendes dont la plus connue est celle de Jean de l’Ours, nĂ© de l’accouplement d’une femme et d’un ours, qui, au terme de  multiples  aventures,  dĂ©livrera  des  princesses prisonnières du monde souterrain. Il existe diverses versions locales de ces rĂ©cits mettant en scène une bergère enlevĂ©e  par un ours qui la garde captive dans une grotte et cherche Ă  s’accoupler avec elle. La jeune fille est sauvĂ©e par des chasseurs ou des bĂ»cherons qui Ă©loignent l’ours par la ruse avant de l’abattre.

 

Plus théâtralisée à Arles-sur-Tech, la fête implique tout un jeu d’interactions entre  les trois personnages principaux que sont l’Ours, le Trappeur et sa femme, la Roseta, un garçon déguisé en fille. L’animal, capturé hors du village, est enchaîné et promené par les rues. Tandis que sur chacune des places, le Trappeur récite en catalan une prédica, une harangue, qui narre la capture, l’Ours amoureux qui «sentia flaira a sota del  davantal», s’échappe pour tenter d’enlever la Roseta ou titiller les personnages qui l’accompagnent.

 

À Saint-Laurent-de-Cerdans, la fête vient clore les festivités du Carnaval et en garde l’empreinte et l’inventivité : l’Ours ne cesse d’échapper à son Meneur qui le tient enchaîné et récite la pèrdica de place en place. Mais ces deux individus sont accompagnés de bien d’autres figures en constant renouvellement. Ainsi, le personnage biface de la Monaca qui gravite à proximité de l’Ours est interprété par des membres de la même famille depuis plusieurs générations. L’Escalfador, autrement dit le Vieux et la Vieille, promènent entre les jambes des participantes leur chaufferette remplie de poils de cochon fumants (Focus, Fêtes de l'ours en Haut-Vallespir - www.valleescatalanes.org).

 

La date de la première mention de la fête de l'Ours en Pyrénées, établie d'abord par A. Van Gennep : 1444, a pu être largement repoussée en amont : IXe - Xe siècles, à condition qu'on étende le concept aux rituels ursins ; mais, malgré cette grande différence, le problème de fond ne s'en trouve pas fondamentalement modifié (Pierre Brulé, De Brauron aux Pyrénées et retour : dans les pattes de l'ours, Dialogues d'histoire ancienne 16/2, Numéro 2, 1990 - www.google.fr/books/edition).

 

Cf. quatrain VII, 2.

 

L'interprétation du quatrain IX, 14 aborde le carnaval de Romans qui met en jeu ces éléments.

 

DĂ©jĂ , en 1579, le carnaval, qui avait commencĂ© le 2 fĂ©vrier Ă  la Chandeleur, pour se poursuivre le lendemain, Ă  la Saint-Blaise, avait Ă©tĂ© très agitĂ©, mais non meurtrier. En 1580, les choses vont prendre un tour beaucoup plus tragique. Un leader populaire, du nom de Paumier, qui s'Ă©tait dĂ©jĂ  opposĂ© Ă  un certain Antoine GuĂ©rin, juge et dĂ©fenseur des privilèges de la noblesse de robe, va prendre la tĂŞte de la rĂ©volte des petits artisans et des villageois. AffublĂ© d'une peau d'ours - d'ours de la Chandeleur -, il commence par se rendre aux dĂ©libĂ©rations du conseil de ville. VĂ©ritable incursion "ursine" interprĂ©tĂ©e comme une exigence violente de prise de pouvoir. Mais derrière cette peau d'ours, certains estiment qu'une conspiration protestante se dissimule. En fait, les chefs ligueurs (dont Paumier faisait partie) pouvaient bien, pour les besoins de la cause, s'entendre tactiquement et provisoirement avec quelques Ă©missaires protestants. Le 2 fĂ©vrier, sortie de l'ours ; le 3, la Saint-Blaise, fĂŞte de l'ours, mais aussi des batteurs en grange et des cardeurs. Ils se retrouvent bientĂ´t 600, chiffre Ă©norme et manifestement exagĂ©rĂ© par GuĂ©rin. Toujours est-il qu'un grand dĂ©filĂ© d'hommes armĂ©s, marchant derrière l'ours, artisans, ouvriers, travailleurs indĂ©pendants et salariĂ©s, cardeurs et autres, se fait de plus en plus menaçant. Entreprise de subversion, dont l'intĂ©rĂŞt - relevĂ© par Le Roy Ladurie, et essentiel Ă  notre propos - est que cette rĂ©volte Ă©pouse point par point les traits du programme folklorique traditionnel. C'est ainsi que les hommes du dĂ©filĂ© de la draperie "courent le mouton" (Jean-Claude Margolin, Quelques figures de l'ours Ă  la Renaissance, Le Monde animal au temps de la Renaissance, 1990 - books.google.fr).

 

Cardeur qui carde (peigne) avec les cardes (cardus - gond, pointe, pivot - : tête épineuse de la cardère ou chardon à foulon) : cf. cardinal (Adolphe Hatzfeld, Dictionnaire général de la langue française du commencement du XVIIe siècle jusqu'à nos jours, Tome 1, 1890 - books.google.fr).

 

"Liqueduct"et "desarmé"

 

"liquis" de "obliquis" : oblique ; et "duct" de ducere : conduire (Gaffiot).

 

Au savant Palémon, au docte Encéladus,

Pour les pénibles soins qu’exige la grammaire,

Du rhéteur seulement accorde le salaire ?

Et pourtant, sur ce fruit de leur triste labeur,

Il leur faut, sans compter le droit du gouverneur,

Mettre encor de côté la port de l’économe.

Que faire, Palémon ? céder, et sur ta somme

Souffrir, comme un marchand, cet insolent rabais :

Trop heureux si, touchant le reste sans délais,

Tu n’as pas vu périr tout le fruit de ta peine !

Si, quand le forgeron et le cardeur de laine (Qui docet obliquo lanam deducere ferro)

Goûtaient tranquillement un paisible sommeil

Toi, devançant de loin le lever du soleil,

Au milieu des grimauds qui gâtaient, dans ta classe,

Les chefs d’œuvre enfumés de Virgile et d’Horace,

Tu n’as pas, sans profit, en ton grenier obscur,

D’un fétide lambris respiré l’air impur ! (Juvénal, Satire VII) (Oeuvres Complètes d'Horace, de Juvénal, de Perse, de Sulpicia, de Turnus, de Catulle, de Properce, de Gallus et Maximien, de Tibulle, de Phèdre, de Syrus, avec la traduction en français, publiées sous la direction de M. Nisard, 1843 - www.google.fr/books/edition).

 

Dès la fin du XIIe siècle, on voit des marchands et drapiers languedociens – ceux de Limoux, par exemple – aller acheter directement de la laine dans les hautes vallées, toutes proches, des Pyrénées catalanes ; ils fréquentent à cette époque les foires de Puigcerdà, où ils acquièrent notamment de la laine déjà battue à l'arc ou filée. Deux ordonnances de Toulouse mentionnent d'ailleurs un type de filé de laine «vocatum de Arle», apporté d'Arles-sur-Tech, même si c'est pour l'interdire dans la fabrication des draps de laine et sarges. À la fin du XIVe siècle, le marchand et drapier narbonnais Jacme Olivier importe aussi, à l'occasion, «de la laine d'Aragon moyenne» qui arrive par Perpignan. Sont également importées régulièrement en Languedoc des laines de Barcelone et de Majorque (Dominique Cardon, La draperie au Moyen Age, essor d'une grande industrie européenne, 1999 - www.google.fr/books/edition).

 

A Luz, dans les Pyrénées, lors de la fête de l'ours, l'Ours n'apparaît que le Jeudi Gras ; son conducteur porte un masque peint et un collier de laine rouge et verte (Pierre Brulé, De Brauron aux Pyrénées et retour : dans les pattes de l'ours, Dialogues d'histoire ancienne 16/2, Numéro 2, 1990 - www.google.fr/books/edition).

 

Janvier 1539, prohibition pour les draps du Roussillon, de la Catalogne, de l'Aragon et de la Castille. 1540, les marchandises espagnoles n'obtiennent le transit par la France qu'à la condition de payer les droits de la douane de Lyon (Antoine Élisabeth Cléophas Dareste de La Chavanne, Histoire de l'administration en France et des progrès du pouvoir royal, depuis le règne de Philippe-Auguste jusqu'à la mort de Louis XIV, etc, Tome 2, 1848 - books.google.fr).

 

La laine est la seconde marchandise après le fer à figurer dans les exportations. Les Comtés, la Cerdagne et le Capcir en particulier, sont d'excellentes terres d'élevage. Les Roussillonnais doivent déclarer la laine qu'ils obtiennent après la tonte auprès des comptoirs fiscaux. Il s'agit d'une mesure pour évaluer les quantités de laine afin de limiter la fraude. Ainsi, dans la visite de 1629, on trouve cette remarque : «les éleveurs et autres gens qui ont des bestiaux de laine dans les 8 lieues autour de la frontière de France, sont tenus et obligés de déclarer intégralement toutes fraudes cessantes dans le comptoir fiscal le plus proche, deux jours après avoir extrait la laine de leurs bestiaux conformément au chapitre 26 des nouvelles ordonnances des députés publiées dans la présente ville le 1er février 1627... » (Gilbert Larguier, Douanes, États et Frontières dans l’Est des Pyrénées de l’Antiquité à nos jours, 2019 - books.google.fr).

 

Compte très largement tenu de la hausse des prix, le rapport entre le règne de Charles Quint et celui de Philippe II se situe bien dans la relation de 1 à 4. En un mot, le miracle de la monnaie dure [qui garde sa valeur] tient de 1520 à 1540 presque exclusivement à la laine, de 1540 à 1560, à la laine et à l'or, de 1560 à 1600, à la laine et à l'or de moins en moins et presque exclusivement, à partir de 1580-1590, à l'argent des mines du Potosi et de la Nouvelle-Espagne (Pierre Chaunu, L'Espagne de Charles Quint, Tomes 1, 1973 - books.google.fr).

 

On a exagéré la volonté protectionniste de Charles Quint. Ainsi le Traité de Madrid du 14 janvier 1526 entre Charles Quint et François Ier stipule que les draps de France pourront entrer librement en Espagne, mais que les draps fabriqués en Roussillon, Cerdane, Catalogne, et autres lieux de la Couronne d'Aragon ne pourront être introduits en France, si ce n'est pour y transiter. En réalité, Charles Quint étant né aux Pays-Bas, y ayant été élevé, a toujours voulu garder des relations privilégiées avec les Pays-Bas, pays pauvre, dépendant de l'étranger, et qui connaissait un régime de liberté commerciale. En outre, son autorité s'exerçait sur des nombreux territoires, et il ne pouvait donc pas leur imposer un régime trop protectionniste, car cela aurait nuit à l'ensemble des relations entre ces pays (Gabriel Poulalion, Histoire de la pensée économique des origines à nos jours, 1994 - www.google.fr/books/edition).

 

On dit armer ou monter un métier, pour indiquer les dispositions des éléments, du nombre de lames nécessaires et de leur mode d'assemblage avec les leviers destinés à les faire mouvoir (M. Alcan, Traité du travail des laines notions historiques, Tome 2, 1866 - books.google.fr).

 

Une valeur technique autonome est, d'après l'armure de la navette et celle des lisses du métier à tisser (où armure équivaut à «structure des pièces de renfort»), le sens de «contexture (d'un tissu)» (1751), d'où «mode d'entrelacement des fils de chaîne (longitudinaux) et des fils de trame (transversaux, perpendiculaires aux lisières) qui constituent la structure d'un tissu.

 

Le mot «armure» vient du verbe «armer», avec le sens «d'Ă©quiper» ; s'appliquant au mĂ©tier Ă  tisser, il Ă©voque la ligature des divers organes de commande (Jean-Pierre Jelmini, Caroline Junier Clerc, Roland Kaehr, La Soie: recueil d'articles sur l'art et l'histoire de la soie, 1986 - books.google.fr).

 

"monstre(s), double"

 

Adam de Craponne avait construit, de 1554 Ă  1558, le canal d'irrigation qui porte son nom. Parti de Cadenet, il se divisait au Sud en deux branches : l'une rejoignant le RhĂ´ne Ă  Arles, l'autre atteignant l'Ă©tang de Berre. Cet ouvrage permit d'irriguer une partie de la Crau grâce aux eaux de la Durance (Les OisivetĂ©s de Monsieur de Vauban: Ou ramas de plusieurs mĂ©moires de sa façon sur diffĂ©rents sujets, 2013 - books.google.fr).

 

Or c'est tout près de lĂ  qu'en 1598 (?), lors du percement du canal de Craponne, on dĂ©couvrit, dans les fondations du moulin Ă  eau du canal, l'effigie en marbre d'une curieuse idole : nous n'en connaissons que le torse, marquĂ© des signes du zodiaque et enlacĂ© dans les plis d'un Ă©norme serpent. C'est un Chronos lĂ©ontocephale dĂ©capitĂ©, divinitĂ© associĂ©e au culte de Mithra, culte très rĂ©pandu parmi les lĂ©gionnaires romains, et qui comportait l'aspersion des fidèles avec le sang des victimes. Mais ces victimes n'Ă©taient que de jeunes taureaux . Il n'est donc pas absurde d'imaginer que la lĂ©gende des sacrifices humains a pu naĂ®tre de la confusion entre les mots juvenes (jeunes gens) et juvenci (jeunes taureaux). Il n'en reste pas moins que la tradition de sacrifices humains est très vivace. Certaines «variantes» la situent d'ailleurs en d'autres endroits : Ă  l'emplacement de la Major et aux pieds des Deux Veuves. On peut donc Ă©galement penser que cette tradition est antĂ©rieure Ă  l'occupation romaine (Guide de la Provence mystĂ©rieuse, 1965 - www.google.fr/books/edition).

 

La statue Ă©tait entreposĂ©e dans la cuisine de l'hĂ´tel Delhoste, près de Sainte-Croix. Elle fut vendue par Mme Bougarel, veuve Delhoste, Ă  un tailleur puis Ă  Ignace Amat de Graveson (1653-1714) en 1690 qui fit graver vers 1710, sur le socle, Esculape Egyptien. Il rĂ©unit Ă©galement mĂ©dailles et objets archĂ©ologiques de provenance locale, dont l'urne "Tibi vita", urne de verre avec lettres d'or qui selon lui s'adressait au spectateur par ces mots : "Ta vie est fragile comme moi". Sa collection fut dispersĂ©e après son dĂ©cès des suites de la peste. La ville racheta "l'Esculape" (Le GoĂ»t de l'antiguitĂ©, quatre siecles d'archeologie arlĂ©sienne, 1990 - www.google.fr/books/edition).

 

Typologie

 

Le report de 2080 sur la date pivot 1558 donne 1036.

 

Acquisition du royaume d'Arles (1033). Les troubles de l'Allemagne le rappelèrent dans ses États. Rodolphe III, roi d'Arles, avait renouvelé, en 1026, en faveur de Conrad II l'acte par lequel il avait promis son royaume à Henri II en 1016. Ernest de Souabe, proche parent de Rodolphe, protesta contre cet acte et prit les armes (1027). Conrad triompha de cette révolte et, à la mort de Rodolphe, se mit en possession du royaume d'Arles (1033), dont les nombreux fiefs relevèrent désormais directement des empereurs. Deux ans après cette acquisition, Conrad restitua au roi de Danemark la marche de Sleswig; l'Eyder redevint de ce côté la limite de l'empire.

 

Seconde expédition d'Italie. Édit de Pavie (1037). L'Italie continuait de s'agiter. Conrad II y reparut en 1036. L'autorité impériale étant sans cesse ébranlée dans la péninsule, il chercha à la fortifier en assurant aux vavasseurs, opprimés par leurs suzerains, l'hérédité de leurs fiefs (édit de Pavie, 1037). Cette ordonnance fut fatale à la puissance des grands feudataires; ceux-ci ne purent plus dépouiller la petite noblesse que l'empereur espéra par là s'attacher. C'est dans le même but que les Othons avaient encouragé les villes italiennes à se donner des constitutions municipales et protégé leur indépendance (Félix Oger, Cours d'histoire générale à l'usage des lycées, des candidats à l'école militaire de Saint-Cyr et des aspirants aux baccalauréats ès lettres et ès sciences, 1863 - books.google.fr).

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