Le lac LĂ©man et les Albanais

Le lac LĂ©man et les Albanais

 

VIII, 94

 

2099

 

Devant le lac ou plus cher feut getté,

De sept mois, & son host desconfit :

Seront Hyspans par Albannois gastez,

Par delay perte en donnant le conflict.

 

"Hyspans" et "Albannois" : Espagnols (Hispanis : Espagne, cf. hispanique) et chevaux légers albanais

 

Au quatrain V, 91 on voit que les "Albanois" ou Albanais peuvent être les recrues qui constituent les régiments de chevaux légers dans les armées pendant la Renaissance en particulier comme forces d'appoint pour la France de Louis XII.

 

Les Genevois après avoir inutilement attaqué le château de Coudrée situé sur le bord du lac, ne firent point d'entreprise jusqu'au retour de Sanci, lequel ayant attrappé dans la forêt de Rinsfeld cent mille écus appartenans au Roi d'Espagne, ramassa quelques troupes du côte de Bâle, & s'était joint à trois Compagnies de cavalerie Albanaise qu'André Huraut Seig. de Maisse Ambassadeur de France avait envoyées de Venise, & que l'on croyait être soudoyées par les Venitiens, commandées par Pausanias Brachiaduro, par les Comtes Mutio & Leonard Porto Gentilshommes Vicentias, & par Nicolas Nasio Florentin, & à un régiment d'infanterie Suisse, conduit, par Diesbach Bernois, s'en vint à Genève, & aidé de Lurbigny & de Conforgien, fit d'abord attaquer Boringe au mois de janvier 1591. Les Espagnols, & les Savoisiens qui étaient à la Roche, fortirent pour le secourir, commandés par Christophle de Guevara chef de la Cavalerie Espagnole; mais ils tomberent dans une embuscade que leur dresserent les chevaux légers Albanais, où Guevara fut tué: Boringe se rendit ensuite; mais Pierre Charue Gouverneur de Bonne, s'étant mis en chemin pour le reprendre, les Genevois l'abandonnerent. En ce tems-là Guitri, & Anglure-Autricourt par ordre du Roi amenerent aux Genevois trois cent chevaux, & quinze cent hommes de pied, & assiégerent Versoi que les notres avaient pris un peu auparavant; Compois en était Gouverneur, qui fit tout ce que l'on pouvait attendre d'un homme de coeur; à la fin ne pouvant plus tenir, il capitula (Guichenon, Histoire généalogique de la royale maison de Savoie, Tomes 1 à 2, 1778 - www.google.fr/books/edition).

 

Le contexte

 

Charles-Emmanuel succède à son père à l'âge de 18 ans en 1580. L'un de ses premiers actes est de rompre avec Genève en ayant comme but la reconquête du Chablais. Les coups de main effectués depuis Thonon en 1581-1582 sont un échec. Le jeune prince épouse alors Catherine d'Espagne, fille cadette du roi Philippe II. Désormais allié à la puissante Espagne par son mariage, il profite des guerres de Religion qui dévastent la France voisine, prépare sa candidature au trône de France en tant que petit-fils du roi François Ier, s'empare du marquisat de Saluces (1588) et reçoit des Ligueurs Français le titre de comte de Provence (1590). Il envahit de nombreuses fois le Dauphiné et pousse même jusqu’à Fréjus en 1590, s’emparant de Draguignan et d’Aix, mais il est battu le 17 septembre 1591 à Pontcharra par Lesdiguières. Il attaque à nouveau les possessions françaises et prend le fort d'Exilles en 1593. En 1597, pour renforcer ses positions sur la frontière du Dauphiné, il fait construire Fort Barraux, qui est pris par Lesdiguières quelques mois plus tard.

 

Henri IV, après avoir envahi la Savoie et le Piémont, se fait céder le Bugey, le Valromey et le pays de Gex par le traité de Lyon en 1601. Toutefois, le marquisat de Saluces devient définitivement une possession de la Maison de Savoie (fr.wikipedia.org - Charles-Emmanuel Ier).

 

Le duc de Savoie, à son arrivée en Provence (1591), eut l'audace de vouloir battre monnaie à son coin à Martigues (Bouches-du-Rhône). Le Parlement ligueur, siégeant à Aix-en-Provence, comprit cependant l'infamie de cette prétention et s'opposa à la tentative de Charles-Emmanuel Ier (Roger Vallentin, Les monnaies frappées à Montélimar, Revue drômoise: archéologie, histoire, géographie, Volume 28, 1894 - www.google.fr/books/edition).

 

"sept mois" : mois sept, septième mois, juillet ?

 

Dom Amédée bâtard de Savoie était entré dans le pays de Gex avec une armée que l'historien De Thou évalue à 2500 fantassins et 500 cavaliers; aux premiers jours de juillet 1590, il se rapprocha de Genève et vint le 7 juillet se mettre en embuscade vers le Bouchet et Châtelaine, dans le projet d'attirer le plus d'ennemis. La défaite des Genevois à la Châtelaine répandit une si grande consternation parmi les vaincus que l'on pensait que les Savoyards allaient entrer dans Genève (Joseph Brossard, Histoire politique et religieuse du pays de Gex et lieux circonvoisins: depuis César jusqu'à nos jours, 1831 - www.google.fr/books/edition).

 

"délai" et "perte"

 

L'objet principal des débats entre la France et la Savoie, la succession dans le marquisat de Saluzzo, fut remise à la décision arbitrale du pape. Mais quand le pape vint à s'en occuper, le duc manifesta de la défiance, répandit même des bruits injurieux contre l'impartialité du souverain pontife, et l'arbitrage n'eut pas lieu. Charles-Emmanuel se décida à venir lui-même traiter l'affaire à Paris. Presque tout allait à son gré, tant il avait mis d'adresse à cette négociation; mais le roi lui ayant assigné un délai pour qu'il eût à se prononcer définitivement (J.-L. Vincent, Abrégé de l'histoire de Savoie, de Piémont et de Sardaigne, 1842 - www.google.fr/books/edition).

 

Charles-Emmanuel devait choisir, dans un dĂ©lai de trois mois, entre deux solutions : ou bien il restituait Saluces, dont le sort serait Ă  nouveau soumis Ă  l'arbitrage du pape, qui aurait trois ans pour rendre son verdict (art. 16), ou bien il cĂ©dait, en contrepartie du marquisat, la Bresse, la vallĂ©e de Barcelonnette, celle de la Stura (dont les trois forteresses de Centallo, Roccasparviera et Demonte) et la place forte de Pignerols (Bertrand Haan, Correspondance du nonce en France : Gasparo Silingardi Ă©vĂŞque de Modène (1599-1601), 2002 - www.google.fr/books/edition).

 

Le duc laissa expirer ce dĂ©lai, et une nouvelle irruption de la France en Savoie fut dĂ©cidĂ©e. Le duc dut ĂŞtre effrayĂ© de la dĂ©saffection de ses sujets. ChambĂ©ry accueillit les Français au bruit des acclamations de joie. En gĂ©nĂ©ral, les villes de Savoie opposèrent peu de rĂ©sistance. D'un autre cĂ´tĂ©, les Espagnols vinrent au secours du duc; mais ils traitèrent le PiĂ©mont plutĂ´t en maitres qu'en alliĂ©s : force fut au duc de revenir Ă  la mĂ©diation du pape comme Ă  une ancre de salut. Le cardinal Aldobrandini, lĂ©gat du pape, concilia les deux princes Ă  Lyon en 1601 (J.-L. Vincent, AbrĂ©gĂ© de l'histoire de Savoie, de PiĂ©mont et de Sardaigne, 1842 - www.google.fr/books/edition).

 

Le traité de paix signé à Lyon en 1601, conserva au Duc le marquisat de Saluces et la Savoie céda à la France la Bresse, le Bugey, le Val Romey et le pays de Gex, et sept villages le long du Rhône. Charles-Emmanuel chercha une compensation à cette perte, par une entreprise sur Genève. Ses ancêtres avaient dès longtemps exercé sur cette ville des droits très véritables; Genève les avait indignement méconnus à l'époque de son apostasie; d'ailleurs cette ville était l'asile des mécontents et des conspirateurs, un foyer de révolte; il tenta de s'en emparer par surprise. La nuit (22 décembre 1602) 300 hommes escaladèrent les remparts; mais les mesures échouérent. Après un combat inégal, ils furent massacrés. Cette conduite fut une faute politique, mais non une violation du droit des gens, ainsi que l'ont avancé quelques auteurs; car Genève n'avait pas été comprise dans le traité de Lyon, entre la Savoie et la France, et la guerre existait encore entre le Duc et cette république. Après cet évènement, les Genevois firent des excursions sur notre territoire. Tout fut pacifié par le traité de Saint-Julien (21 juillet 1603) (Piccard, Histoire de Thonon & du Chablais dès les temps les plus reculés jusqu'à la Révolution française, Tome 5, 1882 - www.google.fr/books/edition).

 

Cf. quatrain I, 61 Le contrat de Sancy et l'Escalade de Genève - 1602-1603.

 

Typologie

 

Le report de 2099 sur la date pivot 1591 donne 1083.

 

En 1083 et 1084 le roi de Croatie Dmitar Zvonimir, allié du duc normand Robert Guiscard, bat complètement près de Durazzo (Albanie) et dans les eaux de Corfou les flottes byzantine et vénitienne (Vuk Primorac, La question yougo-slave: étude historique, économique et sociale, 1918 - www.google.fr/books/edition, Pierre-Antoine-Noël-Bruno Daru, Histoire de Venise, Tome 1, 1838 - www.google.fr/books/edition).

 

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