Les bons et les méchants

Les bons et les méchants

 

VIII, 95

 

2099-2100

 

Le seducteur sera mis en la fosse,

Et estaché jusques a quelque temps,

Le clerc uny le chef avec sa crosse

Pycante droite attraira les contens.

 

Apocalypse

 

1. Je vis descendre du ciel un Ange qui avoit la clef de l'abîme et une grande chaîne à la main.

2. Il prit le dragon, l'ancien serpent, qui est le diable et satan, et l'enchaîna pour mille ans

3. Et l'ayant jetté dans l'abîme, il le ferma sur lui, et le scella, afin qu'il ne séduisît plus les nations jusqu'à ce que ces mille ans soient accomplis, après quoi il doit être délié pour un peu de tems (H. Torné-Chavigny, Nostradamus, Concordance des prophétiés de Nostradamus avec l'Apocalypse, ou L'Apocalypse interprétée par Nostradamus, 1872 - www.google.fr/books/edition).

 

Les pointes de la crosse des évêques ou des abbés

 

Les significations mystérieuses de sa figure ne sont pas moins bizarres et ridicules,

 

Curva trahit mites.

 

c'est donc pour accrocher et entraîner les brebis qui ont de la douceur et de la docilité, que le bout est fait en forme de croc; mais les brebis dociles ont-elles besoin qu'on les accroche et les entraîne ? Elles suivent volontairement, de bon cœur, avec plaisir. Combien était plus juste le portrait que Dieu fait du bon pasteur; il appelle ses brebis par leur nom, elles entendent sa voix, il marche à leur tête, elles suivent ses pas; jamais de crochet pour les faire marcher, quel besoin en a-t-on si elles sont dociles? Ils sont inutiles, s'ils ne doivent accrocher que la laine, elle est facilement arrachée sans entraîner, ils sout dangereux et meurtriers s'ils entrent dans la peau et pénètrent dans les chairs, ils déchirent, ils blessent, ils tuent: jamais berger a-t-il planté un croc dans les membres de ses brebis pour les traîner au bercail, il ne le fait pas inême pour les mener à la boucherie; c'est au boucher, quand elles sont mortes, à les pendre à des crochets pour les exposer en vente. Jamais le Sauveur n'a porié de bâton crochu pour prendre les 3mes, et les âmes douces et dociles qu'il a gagnées par la douceur de sa grâce, par l'insinuation de sa parole, par l'exemple de ses vertus, par la profusion de ses bienfaits; jamais il n'a pris les gens avec un croc, c'est bien l'idée la plus gothique, mais elle ne peint que trop bien la dureté de plusieurs gouvernements.

 

Cette idée elle-même est très-mal rendue: ce croc, pour saisir les gens, devait être pointu, et laisser une ouverture entre lui et le manche pour faire entrer ce qu'il traine; non, il est toujours si près du manche, que rien n'y peut passer, il est tantôt recourbé en dedans en ligne spirale, et ne peut rien prendre; tantôt recourbé en dehors, repousse plutôt qu'il ne saisit, et laisserait échapper au premier pas ce qu'il aurait malheureusement percé. Ce sont des ornements, des fleurs, des feuilles au gré de l'orfévre qui s'embarrasse aussi peu qu'il en est instruit de toutes ces raisons mystiques, et ceux qui les leur font faire s'en embarrassent aussi peu que lui, et n'ont en vue que l'étalage de l'argenterie, c'est-à-dire de la richesse, de la magnificence par tous ces divers ornements.

 

Le bout pointu de cette houlette qu'on fait servir à piquer les indociles et les rebelles, n'est guère plus heureusement caractérisé,

 

Pungit acuta rebelles.

 

On aiguillonne les paresseux, on frappe les indociles et les rebelles; mais est-ce bien là l'esprit de celui qui n'est venu que pour donner sa vie et la donner abondamment; jamais il n'a blessé personne, il a guéri au contraire Malchus qu'on avait blessé pour le défendre, et il ordonne à Pierre de mettre son épée dans le fourreau; il n'en use pas même à l'égard de la brebis égarée, il va la chercher dans le désert, sans crochet ni pointe, et bien loin de la blesser pour la ramener, il la prend au contraire, la met sur les épaules et la porte dans le bercail sans la percer ni l'accrocher; la houlette devient ainsi une espèce d'épée ou de javelot; mais c'est alors un renversement de situation, a-t-on jamais porté contre terre la pointe d'une épée ? Jamais personne ne s'est appuyé sur la pointe de l'épée, ce serait l'émousser et la rendre inutile; aussi cette pointe est-elle fort émoussée? Ce seraient plutôt des contusions que des blessures ccs piqûres au reste ne peuvent produire aucun bon effet, elles ne convertissent nine renversent; elles ne font qu'aigrir le coupable et le chasser devant soi. Un rebelle ne se rend pas pour une piqûre, il faut quelque chose de plus pour l'attirer, ou du moins pour l'adoucir; c'est même une façon maladroite de piquer les gens; voyez comme il porte cet aiguillon, il s'appuie dessus et tient la crosse par le milieu, il faut donc qu'il s'efforce pour lever le bout, et en le levant pour piquer la brebis, il doit se donner un coup à lui-même par l'autre bout de la crosse. Toutes ces allusions qu'un auteur avec raison appelle nugas, sont abandonnées par d'autres qui gardent la pointe pour les paresseux qu'il faut aiguillonner, non pour les rebelles qu'il faut réduire, ils ont fait ces jolis vers:

 

Corrige, sustenta, stimula, vaga, morbida, lenta.

 

Chacun des trois premiers mots répond aux trois dons des trois mages,

 

Aurum, thus, mirrham, regique, hominique, Deoque Dona ferunt

 

Ne voit-on que par ces deux pointes si mal imaginées, l'une au fond, l'autre au crochet, on pique les bons comme les méchants, et plus, car le crochet qui entraine est plus dangereux que la pointe d'en bas (Traité de la crosse) (Bertrand de La Tour, Œuvres ascétiques, 1855 - www.google.fr/books/edition).

 

Bertrand de Latour (Toulouse, 1701 - Montauban, 1780) fut sulpicien, missionnaire au Canada, chanoine de Montauban, secrétaire perpétuel de l'Académie de Montauban (data.bnf.fr).

 

"les contens"

 

"contens" du latin "contendo" qui signifie aussi disputer et rivaliser (Gaffiot).

 

Peut désigner non pas ceux qui sont contens (latin "contentus") mais les rebelles qu'il s'agit de ramener sur le bon chemin en les aiguillonnant.

 

"pycante droite" et "poignant poison" du quatrain VIII, 82

 

"poignant" vient du latin "pungere" piquer (Dictionnaire étymologiquee Larousse, 1969). A mettre en relation avec le serpent opposé traditionnellement au cerf (quatrain VIII, 82).

 

Certaines crosses de religieux ont pour extrémité une tête de dragon (serpent) (Auguste de Bastard, La crosse de Tiron, Bulletin du Comité de la langue de l'histoire et des arts de la France, Volume 4, 1860 - www.google.fr/books/edition).

 

Ce dragon renvoie à l'Apocalypse et à celui du pape Grégoire Ier (cf. quatrain VIII, 93) dont on a une crosse.

 

«Au mois de décembre 589, dit Grégoire de Tours, le fleuve du Tibre couvrit Rome d'une telle inondation que les édifices antiques furent renversés, ainsi que les greniers de l'Eglise où étaient serrés plusieurs milliers de boisseaux de blé qui se perdirent. Une multitude de serpents et un grand dragon, aussi haut que les plus grands arbres, furent entraînés à la mer par le fleuve. Ces animaux bientôt étouffés par l'eau salée et rejetés sur le rivage par la tempête occasionnèrent une épidémie.»

 

L'inondation et l'Ă©pidĂ©mie de 589 sont des faits historiques attestĂ©s par GrĂ©goire le Grand. Le pape, tĂ©moin oculaire, ne parle aucunement du dragon. Est-ce Ă  dire que l'historien gaulois ait menti, ou seulement ornĂ© son rĂ©cit de dĂ©tails fantastiques ? (H. Gaidoz, Taranis et Thor, Revue celtique, Volume 6, 1885 - www.google.fr/books/edition).

 

nostradamus-centuries@laposte.net