Mourir d'amour VIII, 100 2103-2104 Pour l'abondance de larmes respandue Du haut en bas par le bas au plus haut, Trop grande foy par jeu vie perdue, De soif mourir par abondant défaut. "Du haut en bas par le bas au plus haut" On pense à un renversement de la hérarchie sociale que les tenants du système inégalitaire, parmi lesquels on compte les Eglises, redoutent. "De soif mourir" En rapport avec l'eau : la pénurie d'eau se profile dans les années à venir et est déjà une réalité dans certaines régions du monde (2022). "Trop grande foy" Cette expression se trouve déjà dans le quatrain I, 70 - Le roi de Perse Abbas Ier - 1608-1609. On pense à une trop grande confiance qui conduit à un jeu trop risqué conduisant à la mort. Leon L'Hebreu Dans les Dialoghi d'amore, le discours philosophique prime et le néoplatonisme reste très présent, cependant Léon l'Hébreu explore les failles du système ficinien, notamment le passage du deuxième discours sur la relation amant/aimé, et réévalue certaines questions comme celle de la hiérarchie des sens. Ainsi propose-t-il une conception plus sensualiste et sensuelle de l'amour. Sans doute aussi que le modèle du couple hétérosexuel lui permettait de procéder plus aisément à cette révision. En retour, son traité accorde à la femme une dignité, à la fois comme interlocutrice et comme objet du désir, dans une conception où l'aimé occupe, face à l'amant, une place inédite dans la philosophie platonicienne. Dans ce jeu d'influence réciproque entre meurs du temps et philosophie d'amour, Léon l'Hébreu offre un traité qui rend compatible la philosophie platonicienne avec les modèles qu'offrent la tradition élégiaque, la lyrique occitane et la poésie de Pétrarque (Cécile Huchard, Marie Roig Miranda, Avant Propos, Platon dans l'Europe des XVIe et XVIIe siècles: transmissions et ruptures, 2014 - www.google.fr/books/edition). Un dialogue fameux de Léon Hébreu, où l'amour est défini à la fois comme manque et comme fusion amoureuse ; c'est-à -dire qu'il s'agit d'amour réciproque. Le manque – Léon Hébreu, dont les dont les Dialogi d'Amore avait paru à Rome en 1535, l'expliquait clairement - existe à l'intérieur même de la fusion amoureuse. Idée très nouvelle par rapport à la tradition pétrarquiste (Jacqueline Risset, Traduction et mémoire poétique: Dante, Scève, Rimbaud, Proust, 2007 - www.google.fr/books/edition). A cet égard donc, la différence entre Ficin et Léon l'Hébreu se situe moins dans une théorie philosophique distincte que dans une perspective générale distincte sous laquelle les différentes catégories métaphysiques sont élaborées et organisées. Une deuxième raison du succès incontestable des Dialogues doit être cherchée dans la forme dans laquelle l'oeuvre st fondue. Dire toutefois que c'est un dialogue ou une diatribe philosophique, où les questions, le doute, et l'interpellation constants font progresser le discours, ne serait pas du tout suffisant pour expliquer l'impact immédiat de l'oeuvre : tandis que les discussions philosophiques sur l'amour universel se déroulent à un niveau, Philon courtise constamment Sophie à un autre niveau. Il y a dans l'ouvre un jeu dramatique habilement tissé entre le discours sérieux d'un côté, et le dialogue charmant, enjoué, débité avec empressement mais souvent humoristique des deux protagonistes, d'un autre côté. L'effet artistique de ce contrepoint complexe est double : tout d'abord, il anime le matériel spéculatif et le rachète d'une grande partie de sa sécheresse formelle, inhérente et inévitable. Deuxièmement, l'effet du contrepoint est avantageux aussi pour le jeu d'amour fortuit, lui donnant un arrière-plan fertile sur lequel se déroulent les raisonnements et les sentiments des protagonistes. Il faut ajouter que, tandis que Philon est un amoureux ingénieux et courageux, Sophie n'en est pas moins une bien-aimée aussi redoutable : à la fin du Troisième Dialogue, quoique la théorie philosophique de l'universalité de l'amour ait été prouvée sans l'ombre d'un doute, Sophie ne tire pas les conséquences des principes énoncés et ne se rend pas aux avances de Philon. Le Quatrième Dialogue sur les effets de l'amour, promis par Léon l'Hébreu et dont il parle dans le Deuxième Dialogue n'a jamais été écrit, autant que nous le sachions. Nous pouvons supposer tout de même, en toute probabilité, que le sujet projeté aurait dû renfermer aussi une discussion de l'amour entre égaux. Un tel arrière-plan théorique aurait été bien à propos pour une fin convenable, peut-être même une fin heureuse, du jeu d'amour entre Philon et Sophie. C'est sur les bases de telles considérations formelles et littéraires que Léon l'Hébreu a été souvent classé dans le passé parmi les «trattatisti d'amore». Les Dialogues, toutefois, ne sont pas à l'aise parmi les œuvres de Castiglione, Bembo, Equicola, Tullia d'Aragona et d'autres, dont l'intérêt principal réside dans le commentaire ordonnateur, et dans leur expression psychologique et sociale. Dans les Dialogues, un tel commentaire est seulement un accessoire par rapport aux considérations métaphysiques (W. Melczer, Platonisme et Aristotélisme dans la pensée de Léon l'Hébreu, De Pétrarque à Descartes, Volumes 31 à 32, 1974 - www.google.fr/books/edition). "larmes" : souffrance Ainsi donc, si la fin de haine est s'esloigner de fascherie, comme de chose mauuaise & laide, la fin d'amour fera aussi à s'approcher de delectation, comme de bonne & belles (Philosophie d'amour de M. Leon Hebreu : contenant les grands & hauts poincts desquels elle traite, 1595 - www.google.fr/books/edition). fascherie : souffrance (Patrizia de Capitani, La Tragédie à l'époque d'Henri II et de Charles IX: 1566-1567, Tome 3, 1986 - www.google.fr/books/edition). Dans les Dialogues d'amour, Léon l'Hébreu écrit : «Tu vois que la fin de tout amour est la délectation de l'amant dans la chose aimée, de même que la fin de la haine est d'éviter la souffrance que donnerait la chose haïe : d'ailleurs, que l'on obtient par amour est contraire à celle qu'on évite par la haine, si bien que leurs moyens sont contraires. Les moyens de l'amour sont l'espoir et la recherche du plaisir, et ceux de la haine sont la peur et l'évitement de la douleur : donc, si la fin de la haine est de s'éloigner de la souffrance comme d'une chose mauvaise et laide, alors la fin de l'amour est de s'approcher du plaisir comme d'une chose belle et bonne» (Éthique de Spinoza, 2021 - www.google.fr/books/edition). "haut en bas..." Scachez donc que, tout ainsi comme les inferieurs aiment les superieurs, desirans s'vnir auec eux, pour raison de ce qui leur defaut de leur plus grande perfection, ainsi les superieurs aiment les inferieurs, & desirent les vnir auec eux, afin de les faire plus parfaits, lequel desir presuppose bien defaut en l'inferieur qui a besoing, les spirituels aiment les corporel & materiels, pour supplir, par leur perfection, au defaut d'iceux & pour les vnir auec soy, & les faire excellens. L'vn est pour receuoir, & l'autre pour donner. Le spirituel superieur ayme l'inferieur, celuy de comme vn pere son enfant : & l'inferieur ayme le superieur, comme vn enfant son pere. Or scauez vous assez de combien l'amour du pere est plus parfait que celuy de l'enfant. D'auantage l'amour du monde spirituel enuers le monde corporel, est semblable à celuy que le masle porte à sa femelle, & celuy du corporel enuers le spirituel à celuy de la femelle à son masle (Philosophie d'amour de M. Leon Hebreu : contenant les grands & hauts poincts desquels elle traite, 1595 - www.google.fr/books/edition). "vie perdue" : amour divin Quel amour est plus honnete que l'amour diuin ? & neantmoins s'en trouue-il de plus enflammé ou ardant, & de plus effrené ? veu qu'il ne se gouuerne point par la Raison qui doit regir & contregarder l'Homme ? car plusieurs gens, pour raison de l'amour Diuin, n'estiment point leur personne, & cherchent de perdre leur vie : & aucuns, par beaucoup aymer Dieu, se des-aymer eux-mesmes, ainsi comme le malheureux, par beaucoup aymer soy-mesme des-ayme Dieu : & pour venir à conclusion, combien de gens ont cherché de finir leur vie, & consumer leur personne, estant enflammez de l'amour de Vertu & de glorieuse Renommee ? Ce que ne consent pas la raison ordinaite, ains adresse toute chose pour pouuoir viure honnestement (Philosophie d'amour de M. Leon Hebreu : contenant les grands & hauts poincts desquels elle traite, 1595 - www.google.fr/books/edition). "soif" Car estant sapience beaucoup plus ample & profonde que l'intellect humain, celuy qui nauigue en sa diuine mer, cognoist plus sa largeur & profondité, & tant plus desire d'arriuer à ses parfaicts havres & ports, à luy possibles : & l'eau de telle sapience est comme celle de la mer, qui cause plus de soif à qui plus en boit : car les delectations de sapience ne sont point saoulantes, comme est toute autre delectation : ainçois sont, d'heure en heure, plus desirables & non rassasiantes. Et pourtant Salomon, en ses Prouerbes, faisant comparaison de sapience, dit ainsi : Bische d'amour & cheureule de graces, les affections siennes en abondance te delecteront à toute heure : & croistras tousiours en son amour (Philosophie d'amour de M. Leon Hebreu : contenant les grands & hauts poincts desquels elle traite, 1595 - www.google.fr/books/edition). "abondant defaut" Le defaut est bien premierement que la cognoissance en succession temporelle, ou bien originelle (pource que, comme vous dites, il faut que la chose defaille premierement qu'on cognoisse qu'elle defaille) mais il n'est pas premierement en principalité d'estre cause d'amour : pour ce que le defaut, sans cognoissance, n'ameine aucun amour ou desir de chose bonne ou belle. Dont vous voyez que les hommes, qui sont desgarnis d'entendement & de cognoissance, sont aussi desgarnis de l'amour de sapience, & du desir de doctrine : mais, quand la cognoissance du Bel ou Bon, qui defaut, survient à ce defaut, ceste cognoissance est celle qui principalement ameine l'amour & le desir de la chose belle. Parquoy,là où ceste cognoissance se trouue accompagnee du defaut de quelque degré de beauté, comme au monde angelic, illec l'amour naist, & non pas en l'inferieur, ou le defaut abonde, & la cognoissance defaut (Philosophie d'amour de M. Leon Hebreu : contenant les grands & hauts poincts desquels elle traite, 1595 - www.google.fr/books/edition). |