Ekpurosis et Kataklusmos

Ekpurosis et Kataklusmos

 

X, 6

 

2181-2182

 

Gardon, Nyme, eaux si hault déborderont,

Qu'on cuidera Deucalion renaître,

Dans le Colosse la plus-part fuiront,

Vesta, sépulcre, feu éteint vont apparaître.

 

Sardon Nemans si hault dĂ©borderont (Ă©ditions Troyes) ou Gardon Nismes si hault dĂ©borderont (Vrayes Centuries et ProphĂ©ties). Or, dans la Guide des chemins, on peut lire (p.181) :

 

Route de Montélimar à Nymes : A costé de Nymes à trois lieues (...) voy le pont du Gard sous lequel passe la rivière de Gardon (Jacques Halbronn, Le texte prophétique en France, formation et fortune, Tome 3, 1999 - www.google.fr/books/edition).

 

1557

 

Il suffisait d'un tremblement de terre ou d'une inondation pour ouvrir le sol ou ramener Ă  la surface quantitĂ©s d'objets curieux. Écoutons le propre fils de Nostradamus, CĂ©sar de Notredame, dĂ©crire l'inondation survenue Ă  NĂ®mes le 9 septembre 1557 :

 

Ceste si grande inondation aduint par vn esclattement de nuees & ouuertures des portes du Ciel, auec tonnerres, corruscations, esclairs & foudres si horriblement espouuentables, que les hommes pensoient estre au dernier periode de l'vniuers & du siecle : fureur qui dura auec vn mortel esbahissement presques iusques à 8 heures de nuict , tousiours en esgale force & tempeste, tombant vne si merueilleuse abondance d'eau durant quinze heures, que la ville en cuida estre engloutie & abysmee de fond en comble : tellement qu'elle se trouua en plusieurs endroits publics & particuliers difformee & diffamee, le territoire voisin fort gatté & appauury, les Oliuiers tous froissés & rompus,& les vignes desracinées, arrachees & sablees, auec autres domages & calamités lamentables & funestes, par la violéce & iniure desquelles furent descouuertes plusieurs antiquités cachees & enseuelies pour le moins depuis 11. siecles passez que les Gots mirent à sac cette noble & antique ville, anciens sepulchres & monumens deterrés, medailles d'argent, d'or & de bronze de corinthe trouuees, grandes & belles colomnes d'vne seule piece, testamens, Epitaphes, & inscripcions de pierre dure, excellens & riches pauements azarotiques & mouchetés, plans de salles basses, chambres & portigries, donc se peuvent voir encor pour le jourd'huy des entablemens marquetez à la Mosaïque, infinité de fragments & pieces de vazes antiques, dont plusieurs estoyent entiers, formez d'vne terre rouge, vitres fine & delicate, qu'elle luisoit comme verre de cristal, que les anciens faisoient apporter de Samos en Grece, enrichis d'histoires & ramages rustiques fort agreables à l’oeil, insolences d'Architecture à demy-demolie où se contemployent des quartiers de marbre blanc, toutes sortes de colonnes, partie entieres ; partie rompues & diffamees en leurs chapiteaux, Architraues, frises, cornices, & soubassemens de singuliere inuention, & d'ouvrage tres exquis, avec plusieurs pieces de noble sculpture, totalement hors de cognoissance, qu'elles en auoyent esté les mesures, les compartiments & la taille, presques reduits à leur premiere & rude forme, outre infinis fragmens de porphires, jaspes & serpentins, quantité de pieces de bosse & demy-taille, monstrans avec vne grande merueille l'excellence de leur temps, blasmans & accusans aigrement le nostre, auquel la perfection de cet art (que le seul grand & sage HENRY IV. semble tirer des profondes entrailles de l'oubly) est comme toute aneantie: tant la sacrilege & Gottique Barbarie a cruellement assailly la plus noble part du thresor Latin, & couuert d'ignorance maudite la science tant digne & recommandable qui fit jadis florir & triompher la grande ville de Rome. Ce deluge qui aduint le neuf de Septembre fut accompagné de plusieurs signes & prodiges, de colonnes de feu, de chiens clabaudans en l'air, d'hommes armés combattans de l'apparition de deux Soleils de couleur de sang & de braize, truchemens & messagers espouuentables & certains de la colere du Dieu souverain des armees, & par aduanture de la descente de l'exercite Turquesc & Mahometan en ces costes de Prouence (César Nostradamus, L'histoire et chronique de Prouence, 1614 - books.google.fr, François de Rabutin, Commentaires ( & continuation des commentaires) des dernieres guerres en la Gaule Belgique, etc., 1574 - www.google.fr/books/edition).

 

Cette inondation trouve un Ă©cho dans les quatrains suivants : IX , 9 et X, 6.

 

Les eaux des gorges du Gardon dĂ©borderont et inonderont NĂ®mes dont la population cherchera refuge dans les Arènes (le ColisĂ©e, dit Nostradamus). Ce que la dĂ©esse Vesta et son temple, les Vestales et le feu sacrĂ© font dans ce contexte n'est pas clair ; il s'agit peut-ĂŞtre de monuments mis Ă  jour par l'inondation (Hommage Ă  la mĂ©moire de Ernest Pascal, Volume 23, 1990 - www.google.fr/books/edition, Pierre Brind'Amour, Les premières centuries, ou, Propheties de Nostradamus (Ă©dition MacĂ© Bonhomme de 1555), 1996 - www.google.fr/books/edition).

 

Gardon

 

Disons le tout de suite, les Gardons ne coulent pas à Nîmes.

 

En 1829, le Conseil municipal mit au concours le meilleur moyen d'amener à Nimes 300 pouces d'eau (environ 66 litres par seconde), et il vota une somme de 20,000 francs pour couvrir les frais du concours et ceux des recherches ultérieures qui pourraient etre faites. Le programme du concours préférait, avec raison, une dérivation à l'emploi des machines. Cependant, la plupart des concurrents présentèrent des projets fondés sur l'emploi des machines à vapeur: un seul envisageait la question à son véritable poiot de vue. Ce projet consistait à dériver les eaux du Gardon en face de Ners pour les conduire à Nimes par un canal qui franchissait la chaine qui sépare Nimes du Gardon, au moyen d'une galerie souterraine de 13 kilomètres de longueur. Mais après des études nouvelles, cette galerie était réduite à 4 kilomètres; de plus, la Compagnie offrail 150 litres au lieu de 66 que demandait le Conseil (Adolphe Pieyre, Histoire de la ville de Nîmes depuis 1830 jusqu'à nos jours, Tome 1, 1886 - books.google.fr).

 

Le Gardon, encore appelĂ© Gard, est constituĂ© d’un rĂ©seau hydrographique complexe. Sept rivières prennent la dĂ©nomination de Gardon accompagnĂ© du nom d’une des communes traversĂ©es : Gardon de Saint Jean du Gard, Gardon de Sainte Croix VallĂ©e Française, Gardon de Saint Martin de Lansuscle, Gardon de Saint Germain de Calberte, Gardon de Saint Etienne VallĂ©e Française, Gardon de Mialet, Gardon d’Anduze et Gardon d’Alès. C’est pour cela qu’on parle plus souvent des Gardons plutĂ´t que du Gardon (www.les-gardons.fr).

 

Les gardons descendent des contreforts du mont Lozère et s'écoulent vers la plaine : trois des gardons se réunissent à Mialet vers Anduze, le Gardon du Mialet. Plus au nord, le Gardon d'Alès prend sa source sur la montagne du Bougès dans le Mont Lozère. Les deux cours d'eau trouvent leur point de confluence peu avant le pont de Ners aux abords sud d'Alès. Le Gardon «unifié» s'écoule vers le Pont du Gard pour se jeter à Vallabrègues dans le Rhône (Nîmes - Gard, Petit Futé, 2015 - www.google.fr/books/edition).

 

Les inscriptions que l'on a trouvées dans les anciens thermes de Nîmes, établissent que l'aqueduc fut construit par Vipsanius Agrippa, gendre et favori d'Auguste, pendant le séjour qu'il fit à Nîmes, par ordre de cet empereur. L'aqueduc conduisait les eaux des deux sources d'Aire et d'Eure avec un circuit de 7 lieues. Le pont-aqueduc situé à 3 lieues au nord de Nîmes joignait deux collines entre lesquelles passe le Gardon (Louis Figuier, Les merveilles de l'industrie, ou Description des principales industries modernes Tome 3, 1860 - books.google.fr).

 

Crue extraordinaire du Gardon , en 1605, du Rhône , à Avignon (Maurice Champion, Les inondations en France depuis le VIe siècle jusqu'a nos jours, Tome 4, 1862 - books.google.fr).

 

Vesta

 

Le Temple de la Fontaine a appelé l'investigation de mille auteurs. Poldo d'Albenas rapporte que de son temps plusieurs des plus doctes pensaient que c'était un temple de Vesta. Cette opinion n'est fondée que sur la facilité des lustrations par le voisinage de l'eau ; mais la forme ronde était ordinairement celle des Temples de Vesta ; il n'est donc pas probable que celui-ci lui ait été consacré. Palladio pense qu'il fut dédié aux dieux infernaux, quoique, contre l'usage de leurs temples, il soit éclairé par la grande ouverture qu'on remarque au-dessus de la porte d'entrée. Rulman dit qu'il fut dédié aux mêmes dieux en l'honneur de Plotine. Il suppose en conséquence que les entrées étaient latérales et par les galeries, de manière qu'on descendait pour arriver dans le Temple. Le contraire est aujourd'hui démontré par la découverte des restes de la facade d'entrée. Ménard, après avoir démontré que Nemausus, dieu des habitants de Nimes, peut avoir été adoré en ce lieu, penche vers la croyance que c'était un Panthéon. Il réfute avec chaleur ceux qui avancent que Diane y était spécialement adorée. Deiron, s'emparant d'une inscription publiée par Poldo d'Albenas, le rapporte à Isis et à Sérapis (Simon Durant, Henri Durand, Eugène Laval, Album archéologique et description des monuments historiques du Gard, 1853 - books.google.fr, Léon Ménard, Histoire civile, ecclésiastique, et littéraire de la ville de Nismes, avec des notes et les preuves, 1758 - www.google.fr/books/edition, Claude de Vic, Joseph Vaissete, Ernest Roschach, Histoire générale de Languedoc, Tome XV, 1872 - www.google.fr/books/edition).

 

Le Temple de Diane, d'après une tradition que Poldo d'Albenas, notre plus ancien historien, appelle «cabalistique», Ă©tait un «temple de Vesta» (p. 356). Il nous plait, parmi cet autre «dĂ©luge» d'insanitĂ©s, de relever que Nisard, Bourguignon de Châtillon-sur-Seine, avait eu la perspicacitĂ© d'Ă©carter Nostradamus, Ă©crivant, p. 81 de son ouvrage et Ă  propos des faits qui nous occupent : «Ce devint dès lors une superstition populaire que Nimes pĂ©rirait par les eaux. Cela fit dire au comte de Villars, lieutenant du roi en Languedoc , homme violent et dĂ©vouĂ© Ă  la cour, qu'il guĂ©rirait ces entĂŞtĂ©s bourgeois de la peur du dĂ©luge en s'y prenant de telle façon «que la mĂ©moire ne s'en perdrait jamais (Revue des langues romanes, Volumes 57 Ă  58, 1914 - books.google.fr).

 

"fuyront" : fuiron

 

Le mot latin furo onis, appliqué à l'animal que nous appelons «furet» , n'est pas précisément nouveau dans l'histoire de la lexicographie romane, mais on ne l'a relevé jusqu'ici que chez Isidore de Séville. Or Isidore de Séville est mort en 636 : le témoignage de Polemius Silvius est donc antérieur de près de deux siècles, et il mérite d'être retenu comme étant de beaucoup le plus ancien qui nous soit parvenu. Je rappelle que si l'ancien français dit ordinairement fuiron, forme qui postule un type * furionem, l'italien  furone, l'espagnol huron, le portugais furão et le provençal furo (n) remontent directement à furonem (Antoine Thomas, Le Laterculus de Polemius Silvius et le vocabulaire zoologique Roman, 1906 - www.google.fr/books/edition).

 

Nous sommes à une époque où on interprétait quelquefois singulièrement la religion. Il est curieux de voir, en 1480, l'official de l'évêque de Nimes fulminer un monitoire contre les rats, les taupes et autres animaux rongeurs, qui, en dévorant les herbes et les fruits, menaçaient la campagne de stérilité.

 

Item solverunt pro litteris monitoriis a curia domini officialis impetratis, ad instantiam dominorum consulum Nemausi, contra mures, darbos, et talpas, et alia animalia fera dampnum inferencia in fructibus excretis in campis, et sigillo, III solid. ix denar. - (Archiv. de l'HĂ´tel-de-Ville de Nimes, ap. MĂ©nard, iii. Pr. 342.) (Alexandre C. Germain, Histoire de l'eglise de Nimes, Tome 1, 1838 - www.google.fr/books/edition).

 

En tout cas le texte prouve que darbo s'employait alors à Nîmes et qu'il y désignait un animal distinct du ampagnol et de la taupe (Antoine Thomas, Le Laterculus de Polemius Silvius et le vocabulaire zoologique Roman, 1906 - www.google.fr/books/edition).

 

Dans la liste des quadrupèdes, entre talpa (la taupe) et scirus, pour sciurus (l'écureuil), on lit le mot darpus. Ce mot évoque nécessairement les noms variés que porte la taupe dans une région considérable qui embrasse en gros le sud-est de la France et la Suisse romande : darbon, drabon, derbon, darbou, derbou, drebou, enderbou, etc. Parfois, des animaux voisins sont désignés par le même mot ou par ses dérivés, notamment la courtilière ou taupe-grillon, le mulot, la musaraigne, campagnol ; mais c'est un fait exceptionnel. Les étymologistes se sont à l'envi sur l'origine de ces vocables (Antoine Thomas, Le Laterculus de Polemius Silvius et le vocabulaire zoologique Roman, 1906 - www.google.fr/books/edition).

 

Les Musaraignes, les Taupes et les Rats, ont été confondus dans la même réprobation jusqu'aux temps actuels. Redoutables pour le bétail d'après les préjugés populaires, les Musaraignes sont encore considérées comme des Souris par les paysans, qui leur donnent le nom de : (Furo aou moure pountchu) Souris au museau pointu (Albert Hugues, La faune historique des petits mamifères du Gard, Zoologie, anatomie et physiologie, Compte Rendu, Volume 46, Association française pour l'avancement des sciences, 1923 - www.google.fr/books/edition).

 

En effet, à côté de murgo, murdjo «souris» , nos parlers offrent deux autres types furo et rato. Il me paraît qu'il ne fait aucun doute que nous avons affaire ici à deux types déverbaux qui proviennent tous deux de verbes indiquant les activités particulières à la souris, soit : «voler, dérober» d'une part, *furat (pour classique furatur) > furo et «ravir, emporter» raptat > rato d'autre part. Sur le féminin rato nos parlers ont refait le masculin «rat» désignant un rongeur plus gros que la souris (Charles Camproux, Essai de géographie linguistique de Gévaudan, Tome 2, 1962 - www.google.fr/books/edition).

 

Polemius Silvius est un écrivain gallo-romain du Ve siècle, auteur d'un calendrier réalisé en 448 ou début 449, conservé partiellement, et qui contient des listes de mots et de noms propres. L'ouvrage est conçu de la même façon que le Chronographe de 354 (son texte, non ses illustrations), et il est clair que l'auteur s'inspire, soit d'une copie de celui-ci, soit d'un modèle très similaire. Le mot utilisé dans la préface pour désigner l'ouvrage est «laterculus» (litt. «petite brique», et au sens figuré «registre»). Il s'agit formellement d'un calendrier romain (avec les noms des mois athéniens, macédoniens, égyptiens et hébreux indiqués), avec pour chaque jour, en colonnes, l'indication des fêtes (en supprimant beaucoup de références païennes par rapport à son modèle, et les éléments trop complexes à calculer), des anniversaires des empereurs (et également de Cicéron, de Virgile), de la date de prise de fonction des consuls et préteurs, etc., et des conditions météorologiques de chaque saison. L'auteur souligne dans la préface qu'il n'a rien dit du zodiaque, l'astrologie étant illusoire (fr.wikipedia.org - Polemius Silvius).

 

Le quatrain VI, 56 emploie le terme "aveugle darbon" dans un contexte languedocien et du sud de la France (Narbonne, Perpignan). Quatrain à interpréter certainement hors typologie.

 

"colosse" : les pauvres de l'Amphithéâtre

 

L'Amphithéâtre, jusqu'Ă  la RĂ©volution de 1789, est restĂ© l'un des quartiers de NĂ®mes. Le premier, Anne de Rulman a fait remarquer que les habitants du château des arènes et ceux de la ville ont vĂ©cu cĂ´te Ă  cĂ´te , pendant des siècles, comme des populations diffĂ©rentes. D'abord en qualitĂ© : les uns Ă©taient nobles du moins pour le plus grand nombre ; les autres Ă©taient roturiers. Chaque population avait ses armoiries ; celles des chevaliers Ă©tait "un crocodile ou coleuvre sans ailes, Ă  quatre pieds, enchaĂ®nĂ© Ă  une palme et, en icelle, un chapelet en forme de laurier pendant et, au-dessous des deux pieds de devant dudit coleuvre, un petit rameau d'une palme avec ces deux mots escrits : coluber Nemausensis" (Emile EspĂ©randieu, Les Arèbns, L’amphithéâtre de NĂ®mes, 1933 - www.nemausensis.com).

 

La Colonie de Nismes fit bâtir son Amphithéâtre; les secours dont elle eut besoin pour certe grande entreprise, lui furent fournis par l'Empereur Antonin Pie. Ce Prince en Ă©toit originaire : ses AĂŻeux y avoient pris naissance; aulli lui tĂ©moigna-t-il toujours l'affecttion la plus singulière. [...]

 

Cet Amphithéâtre servit pendant plusieurs siècles Ă  l'usage auquel il avoit Ă©tĂ© destinĂ© : je veux dire qu'on y donna des chaises de bĂŞtes fĂ©roces & des combats de Gladiateurs, tant que la pratique de ces exercices fut en vigueur dans l'Empire Romain ; & nous avons des preu. ves qu'elle fubfiftoit encore après le milieu du cinquième siècle parmi les peuples des Provinces mĂ©ridionales des Gaules. Ce ne fut que lorsque Nismes eut passĂ© sous la domination des Visigots, c'est-Ă -dire ; après l'an 472 qui en est l'Ă©poque, qu'on ceila de donner ces spectacles dans l'Amphithéâtre, ces peuples en ayant dĂ©fendu l'usage. Sous ces nouveaux Maitres, l'Ă©difice changea donc de destination. La guerre qu'ils eurent Ă  Soutenir contre les Français, sous le règne de Clovis, les obligea d'en faire un lieu d'asile & de dĂ©fense: Ils Ă©levèrent dans l'Amphithéâtre, aux cĂ´tĂ©s de la porte orientale, deux tours carrĂ©es qui subsistent encore ; mais elles sont vides & dĂ©labrĂ©es en dedans. Ils bâtirent des maisons sur l'arène, & firent des portiques & des galeries un amas d'habitations qui servirent Ă  loger les soldats chargĂ©s de la dĂ©fense de cette forteresse. En un mot, l'intĂ©rieur de l'Ă©difice fut presque tout dĂ©figurĂ©. Ce fut pour le fortifier encore mieux, que ce peuple l'entoura d'un large fossĂ© qui subsistoit encore au commeucement du treizième siècle. A cette Ă©poque, on commença de l'appeler le Château des Arènes, Castrum arenarum, nom qu'on n'a cessĂ© de lui donner: depuis dans les monumens des siècles suivans. De la domination des Visigots, ayant passĂ© en 720 sous celle des Sarrasins, cet Amphithéâtre leur servit aussi de forteresse. Quelques annĂ©es après, & en 737, Charles-Martel, Maire du Palais, & Prince des Français, ayant ravagĂ© les Villes de la Seprimanie dont les Sarrafins Ă©toient MaĂ®tres, sur la route de Narbonne, en commença la dĂ©molition ; mais, voyant que ce n'Ă©toit pas un mĂ©diocre travail de dĂ©truire un si solide bâtimient, il abandonna cette entreprise & se borna Ă  y mettre le feu. Cependant les flammes ne lui causerent pas un grand dommage: Ă  peine y en aperçoit-on les traces les plus lĂ©gères. L'Ă©difice se soutint dans cet Ă©tat pendant plusieurs siècles : il devint mĂŞme, sous les Vicomtes de Nismes, l'unique forteresse de cette Ville. La garde en fut confiĂ© Ă  des Chevaliers qui Ă©toient appelĂ©s Milites Castri arenarum, & qui Ă©toient tous logĂ©s dans l'enceinte de ce Château. ils composoient une espèce de communautĂ© particulière qui fut long-temps sĂ©parĂ©e de celle de la CitĂ©, & gouvernĂ©e par des Consuls diffĂ©rents. Les Vicomtes mĂŞme y faisoient leur principale rĂ©sidence, & l'avoient rendue le chef-lieu de tout le VicomtĂ© de Nismes. On y avoit construit une Eglise paroissiale sous l'invocation de St. Martin ; & ce fut pour son usage, qu'on plaça sur l'attique, vis-Ă  vis du Palais, le petit clocher qu'on y voit de nos jours. Cette forteresse subsistoit encore dans le treizième siècle. En 1226, les Chevaliers qui en avoient la garde, la cĂ©dèrent au Roi Louis VIII pour y mettre une garnison, & ramener Ă  leur devoir les Villes du voisinage qui parti. cipoient aux troubles des Albigeois. En 1270, les Chevaliers obtinrent du Roi St. Louis le rĂ©tablissement de leur Consulat ; & en 1278, Philippe le Hardi en fit combler le fossĂ©. L'Ă©difice continua cependant de servir de forteresse, & les Chevaliers conservèrent la garde. Mais on ne tarda pas Ă  le juger peu propre Ă  cette destination : en 1391, Charles VI le remplaça par un nouveau Château qu'il fit construire près la porte des Carines : ce qui obligea les Chevaliers des arènes d'abandonner leurs anciennes habitations pour aller loger dans la Ville. Leurs maisons passèrent alors en d'autres mains, & ne furent plus occupĂ©es que par des personnes d'une mĂ©diocre condition : ce qui n'a pas peu contribuĂ© Ă  la dĂ©gradation de l'Ă©difice. Le Roi François Ier, ce Prince si magnanime, si grand admirateur des anciens monumens, fut touchĂ© de cet Ă©tat de dĂ©tĂ©rioration lorsque, passant Ă  Nismes en 1533, vut & visita tout ce qui reste en cette Ville d'antiquitĂ©s romaines. Il ordonna la dĂ©molition de toutes les maisons bâties dans les deux portiques de l'Amphithéâtre. Ou exĂ©cuta une partie de ses ordres : le portique supĂ©rieur fut dĂ©barrassĂ© des maisons qui le masquoient, & mis dans l'Ă©tat oĂą il est aujourd'hui. Mais on laissa subsister celles qui Ă©toient placĂ©es dans le portique infĂ©rieur & dans le reste de l'Ă©difice. On ne conçoit pas comment les ordres aussi prĂ©cis, & qui auroient procurĂ© de si grands avantages ont restĂ© jusqu'Ă  ce jour sans exĂ©cution (Description abrĂ©gĂ©e des antiquitĂ©s de la ville de Nismes, par mrs. M.B***., 1790 - books.google.fr).

 

Les Arènes, abandonnĂ©es de la cour et des chevaliers, deviennent le repaire de la partie la plus pauvre de la population : vĂ©ritable. Cour-des-Miracles et fourmilière hideuse de vermine et de mendiants. C'est Ă  François Ier que l'on doit le commencement des travaux dirigĂ©s pour le dĂ©blaiement et la conservation des Arènes. En 1726, elles renfermaient encore, soit dans l'arène propre, soit sous les portiques, soixante-dix-huit maisons offrant un abri Ă  une population de mille individus environ venge (Emilien Frossard, Tableau pittoresque, scientifique et moral de Nimes et de ses environs Ă  vingt lieues Ă  la ronde, 1854 - books.google.fr).

 

L'Ă©vocation de ces pratiques de relĂ©gation Ă©voque le conte de Hans le preneur de rats de Hamelin. En remplaçant les rats du conte par les mendiants de l'Histoire ce conte apparaĂ®t comme une reprĂ©sentation symbolique que se donnerait la communautĂ© pour vĂ©hiculer le souvenir de quelques moments dramatiques de son histoire : "la ville est infestĂ©e de rats : le conseil municipal fait appel Ă  un joueur de flĂ»te avec lequel il passe contrat pour qu'il dĂ©barrasse la ville des rongeurs. Le travail fait par le musicien n'est pas payĂ©. Il se venge alors en faisant subir aux enfants le mĂŞme sort qu'aux rats : sĂ©duits, charmĂ©s par la flĂ»te du «preneur d'enfants» jusqu'aux bords de la Weser, ils se noient en entrant dans le fleuve pour suivre l'homme" (Bernard Allemandou, Jean-Jacques Le Pennec, Histoire de l'aide sociale Ă  l'enfance Ă  Bordeaux, tome I: La naissance de l'aide sociale Ă  l'enfance Ă  Bordeaux sous l'Ancien RĂ©gime, 1991 - books.google.fr).

 

1741

 

Dans tous les tĂ©moignages sur l’inondation de 1557 (Rulmann, Jocondus Sincerus), pas la moindre allusion Ă  Nostradamus. A tel point qu'en 1661, quand l'infatigable compilateur allemand M. Z [ EILLER ] publia le 10. Theil de sa colossale Topographie, oĂą sont recueillies toutes les sources du temps, dont de très rares, il resta muet, Ă  la Topographia Galliae et au passage sur Nimes, si prĂ©cieux, bien qu'y mentionnant l'inondation de 1557, p. 56, oĂą il s'en rĂ©fère Ă  une relation allemande de Grasser diffĂ©rente de la Dissertatio : «...welcher Brunn zun Zeiten Königs Francisci I. also ausgeflossen , dass man in der Gassen, wo das Collegium stehet, mit kleinen Schifflein, wie Grasserus bezeuget, gefahren ist. Hernach dess Jahrs 1557. war ein grosses Wetter allhie, dardurch viel alte Sachen ĂĽbel zugerichtet worden seyn...». Pourquoi faut-il que MĂ©nard, que nous venons de voir se taire sur Nostradamus lĂ  oĂą il eĂ»t importĂ© de transcrire Rulman, renvoie ici Ă  son prĂ©dĂ©cesseur et ajoute de son cru, t. IV (Paris, 1753), p. 238, Ă  propos de cette «étrange inondation»,- oubliant de mentionner le quatrain 9 de la Centurie IX, oĂą il est question de la perte de Nimes par les eaux qu'«on crut alors en avoir trouvĂ© la prĂ©diction dans un des quatrains de Nostra-Damus : Gardon, Nyme eaux si hault desborderont, Quon cuidera Deucalion renaistre Dans le colosse la plupart fuiront ; Vesta, sepulcre, feu esteint Ă  paroistre. Centur. 10. quatr. 6.» Rien, dans la littĂ©rature antĂ©rieure, n'autorisait l'historien de Nimes Ă  cette allusion, dans laquelle il commet l'anachronisme de rejeter dans le passĂ© une tradition de son Ă©poque. Mais, ce rapprochement malencontreux opĂ©rĂ©, il va contaminer les successeurs et continuateurs de MĂ©nard, ceux, en particulier, qui, traitant des «eaux de Nimes», seront amenĂ©s Ă  parler aussi de ses «inondations». C'est ainsi, pour nous borner Ă  quelques exemples typiques, que l'infortunĂ© Dr J. Teyssier-Roland cf. sa triste nĂ©crologie dans le Courrier du Gard du mercredi 30 avril 1862 transcrit, sans le citer, son garant du XVIIIe siècle aux pages 418-419 du I, II (Nimes, 1851) de son  Histoire des Eaux de Nimes et de l'Aqueduc Romain du Gard (Camille Pitolet, NĂ®mes et Nostradamus, Revue des langues romanes, Volumes 57 Ă  59, 1914 - books.google.fr).

 

On note un "petit déluge" à Nîmes en septembre 1625, rapporté par Rulmann,  avant l'entrée de Rohan, chef de la révolte protestante, dans la ville en novembre. Il fit déjà un entrée en janvier 1621 et en fera une autre en avril 1626 (Philippe Chareyre, Chronique secrète de Nîmes et du Languedoc au XVIIe siècle de Anne de Rulman, 1990 - books.google.fr).

 

Depuis le XVIe siècle, tous les visiteurs déploraient l'état d'abandon dans lequel se trouvait l'amphithéâtre. En cette fin de XVIIIe siècle pourtant, les progrès intellectuels, l'assurance nouvelle de la science historique, la redécouverte du patrimoine antique, le statut d'oeuvre d'art conféré à ses édifices et l'évolution de la conception du beau en matière d'urbanisme ont rendu la situation scandaleuse et les consuls étaient bien décidés à faire aboutir le troisième volet du grand plan d'urbanisme de la ville moderne, quitte à délaisser le projet de place royale. Ils y étaient d'autant plus décidés que l'idée avait fait son chemin depuis au moins le milieu du siècle et que dès ce moment ils avaient rendu la monarchie responsable de cet état de fait et en profitaient pour revendiquer leur droit sur les bâtiments publics. En 1741, ils avaient nommé une commission chargée d'examiner un litige entre habitants des Arènes et, à cette occasion, posaient le problème non en termes esthétiques, matériels ou moraux, mais sur le plan juridique. La permission de bâtir dans les Arènes n'a été donnée par le roi qu'en violation du droit romain, selon lequel "les amphithéâtres, cirques, bains publics et autres édifices de cette nature appartiennent aux communautés". L'intervention de Louis XIV en faveur de l'installation des Augustins dans la Maison Carrée procédait pour eux du même abus de pouvoir. Mais l'heure n'était plus aux luttes de pouvoirs et au-delà du capital symbolique qu'ils représentaient pour la ville, les monuments romains étaient désormais perçus comme partie du patrimoine régional et national. Cette invocation du droit romain destinée à dégager leur responsabilité, tout en accusant le roi de France d'avoir outrepassé ses prérogatives, autorisait la municipalité de 1785 à s'en remettre au roi pour réparer l'outrage causé par ses prédécesseurs au monument (Line Teisseyre-Sallmann, Métamorphoses d'une ville, Nîmes de la Renaissance aux Lumières, 2013 - www.google.fr/books/edition).

 

Nous avons relevĂ© dans une intĂ©ressante note de M. Schenk, publiĂ©e par le Bulletin de la SociĂ©tĂ© d'Ă©tudes mĂ©tĂ©orologiques et climatologiques du Gard et des CĂ©vennes, les dates des grandes crues qui ont laissĂ© un souvenir Ă  Alès (Gardon d'Alès) : 21 septembre 1471 (plusieurs morts) ; Septembre 1551 ; 10 septembre 1604 (3 inondations successives, plusieurs dizaines de morts) ; 15 septembre 1741 (plusieurs morts, crue surnommĂ©e «le dĂ©luge») ; 4 octobre 1768 (plusieurs morts) ; 2 octobre 1795 (un mort) ; 29 septembre 1815 ( 5 morts ) ; Septembre et octobre 1834 ; 20 septembre 1846 (2 morts) ; 27-28 septembre, 8-9 octobre, 16-17 octobre 1907 ; 8 octobre 1933 (La Houille blanche, revue internationale de l'eau, Volume 14, 1959 - www.google.fr/books/edition).

 

L'inondation de 1741 à Alès est suivie par celle de Nîmes en octobre (Indemnités accordées pour dommages) (Programme d’Actions de Prévention des Inondations Nîmes Cadereaux - Annexe 1  - www.nimes.fr).

 

Le vendredi 15 septembre 1741, vers une heure de l'après-midi, le ciel étant sombre au nord mais serein à Alais, le Gardon grossit tout-à-coup d'une manière effrayante; bientôt ses eaux furieuses firent irruption dans la ville et s'avancèrent jusqu'à une toise du perron du clocher de l'église Saint-Jean. Tous les bas-quartiers étaient envahis, et les malheureux habitants, privés presque de tout secours et de toute ressource, se virent assiégés à l'improviste dans leurs maisons, que la violence des flots menaçait à chaque instant de renverser. Une partie du mur de ville , le long du Barry, la tour située à l'entrée du Pont-Vieux et la moitié de l'arche sur laquelle elle était bâtie, furent emportées. L'inondation se soutint pendant tout un jour et toute une nuit. Quand les eaux se retirèrent enfin, elles laissèrent dans les rues un limon vaseux de quatre à cinq pieds d'épaisseur, qui fermait l'entrée de la plupart des maisons de la basse ville. Les cadavres d'un grand nombre d'animaux noyés, mêlés à ce foyer d'infection, firent craindre une contagion. «Il faut remercier la divine Providence,» dit une délibération du 17 septembre, d'avoir conservé les habitants, dont il n'a péri que trois ou quatre, dans un accident qui devait en faire périr plus de deux mille, s'il fût arrivé dans la nuit.» Les études des notaires et des procureurs furent envahies : les papiers et minutes furent emportés ou couverts de limon. Les perles furent évaluées à un million et demi de ce temps-là. On sait que, sur les sollicitations de Mgr l'évêque d'Avéjan, le gouvernement accorda, à plusieurs reprises, des secours importants. Cette inondation, à cause de ses proportions inusitées, conserva longtemps dans la tradition le surnom de déluge (Duclaux-Monteil, Mélanges : Faits et documents divers, Recherches historiques sur la ville d'Alais: ouvrage publié sous les auspices de la municipalité, 1860 - books.google.fr).

 

"feu estaint apparoistre"

 

On peut interprĂ©ter cette phrase comme symbolisant la rĂ©novation du temple dit de Vesta :

 

Les progrès et les dĂ©couvertes qu'avaient produits les travaux de la Fontaine de cette ville, mirent bientĂ´t en Ă©tat de fixer un projet, dont l'exĂ©cution fĂ»t capable de procurer avec succès toute l'abondance des eaux qu'on dĂ©sirait depuis si longtemps. Diverses personnes dressèrent pour cela des plans. Les principaux furent celui de Pierre Guiraud, ingĂ©nieur en chef, et celui de l'architecte Dardalhion. Tous ces plans furent envoyĂ©s Ă  l'intendant, qui les fit passer au maire pour les communiquer au conseil de ville. On s'assembla en consĂ©quence le 7 d'octobre de cette annĂ©e 1740, et l'on nomma des commissaires pour les examiner. Ceux-ci, ayant fait cet examen, en rendirent compte au conseil de ville le 24 du mĂŞme mois. Ils dirent que le plan de Dardalhion leur avait paru le plus convenable ; mais que, dans une affaire si importante, soit pour la dĂ©pense. soit pour l'utilitĂ© qu'on espĂ©rait d'en retirer, il Ă©tait Ă  propos de faire examiner tous les plans par une personne entendue que le roi aurait la bontĂ© de nommer Ă  la place de l'ingĂ©nieur ClapiĂ©s, qui Ă©tait mort durant le cours des premières dĂ©couvertes. Ils ajoutèreni qu'on serait indispensablement obligĂ© d'acquĂ©rir divers fonds qui se trouvaient compris dans l'Ă©tendue des travaux projetĂ©s , ce qui ne pouvait manquer de faire naĂ®tre des contestations, dont la dĂ©cision serait très-longue et dispendieuse ; que, pour Ă©viter ces longueurs, il convenait aussi de demander au roi un arrĂŞ: d'attribution Ă  l'intendant pour connaĂ®tre en dernier ressort de toutes ces contestations. L'avis des commissaires fut unanimement souscrit par l'assemblĂ©e. En consĂ©quence, il fut rendu, sur la requĂŞte du maire et des consuls, un arrĂŞt au conseil d'Ă©tat du roi le 20 de dĂ©cembre suivant, qui ordonna qu'il serait procĂ©dĂ© par Jacques-Philippe Mareschal, ingĂ©nieur et directeur des fortifications de la province de Languedoc, tant Ă  la visite des ouvrages nĂ©cessaires pour les rĂ©parations de la Fontaine, qu'Ă  l'examen des diffĂ©rents plans et devis qui en avaient Ă©tĂ© dressĂ©s, avec pouvoir d'y augmenter ou diminuer, mĂŞme d'en dresser de nouveaux, s'il le fallait, après qu'ils auraient Ă©tĂ© approuvĂ©s par l'intendant, devant lequel l'adjudication des ouvrages serait passĂ©e, avec pouvoir aussi de commettre pour la conduite des ouvrages, s'il en Ă©tait besoin, tel inspecteur que bon lui semblerait. Le mĂŞme arrĂŞt permit aux maire, consuls et habitants de Nimes de prendre tous les terrains, moulins et autres bâtiments qui seraient nĂ©cessaires pour ces ouvrages, en dĂ©dommageant les propriĂ©taires, suivant l'estimation des experts, convenus par les parties ou nommĂ©s d'office par l'intendant. Il fut en mĂŞme temps donnĂ© pouvoir Ă  ce magistrat de juger, sauf l'appel au conseil, toutes les contestations nĂ©es et Ă  naĂ®tre, tant au sujet de ces dĂ©dommagements et estimations, que pour ce qui concernait la propriĂ©tĂ© des terrains, moulins et bâtiments, de mĂŞme que toutes celles qui Ă©taient survenues ou pourraient survenir Ă  l'occasion de la propriĂ©tĂ© de la Fontaine et des ouvrages qu'il y avait Ă  faire.

 

Comme tous les environs de la Fontaine oĂą se faisaient les travaux Ă©taient des sources abondantes de morceaux prĂ©cieux d'antiquitĂ©, le roi voulut qu'on lui rĂ©servât les plus curieux pour en orner ses cabinets. En consĂ©quence, le duc de Richelieu Ă©crivit de Paris aux consuls de Nimes, le 6 d'octobre de la mĂŞme annĂ©e 1741, pour leur notifier les ordres du roi, et leur marquer les arrangements qu'il avait pris pour les exĂ©cuter. Il leur manda qu'il avait choisi le mĂ©decin Mathieu, de Nimes mĂŞme, pour veiller aux dĂ©couvertes et lui rendre compte de ce qui se trouverait ; qu'on aurait soin de remettre Ă  ce particulier tous les morceaux curieux qu'on aurait trouvĂ©s, dont il se chargerait sur un registre paraphĂ© des consuls, qui en garderaient un double, et qu'il aurait soin d'en rendre compte.

 

Cependant, la demande incidente qu'avait formée la ville touchant la démolition du moulin de l'abbesse et de celui d'Albenas, se poursuivait de la part des consuls devant l'intendant avec toute la vivacité que demandait l'importance de l'objet. Enfin, ce magistrat rendit deux ordonnances, le 24 de janvier de l'an 1742, entièrement favorables à cette demande. Les deux moulins furent en conséquence démolis, et l'on continua les découvertes avec le plus grand succès (Léon Ménard, Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Nîmes, Tome 6, 1875 - books.google.fr).

 

Lettre

 

Protestante d’origine nĂ®moise, Anne-Marguerite Petit, après un aller-retour au Refuge, embrasse la religion catholique en Ă©pousant Ă  Paris Guillaume Du Noyer. Quelques annĂ©es et quelques enfants plus tard, elle quitte mari et pays pour rejoindre dĂ©finitivement le Refuge et retrouver le protestantisme. C’est lĂ  qu’elle devient autrice, en publiant notamment sept volumes de Lettres historiques et galantes de 1707 Ă  1718. Il s’agit d’une correspondance fictive Ă  deux voix entre deux amies françaises et catholiques, une Parisienne et une provinciale Ă©loignĂ©e de la capitale par les charges de son mari. Leur Ă©change se dĂ©ploie en d’amples lettres, 111, s’étendant sur 3200 pages, qui font Ă©tat des affaires du temps, privĂ©es et publiques, avec une grande diversitĂ© : l’esthĂ©tique de l’anecdote s’y dĂ©cline sur un mode souvent enjouĂ©, non sans arrière-pensĂ©e politique et religieuse (Isabelle Trivisani-Moreau , La minoration de la Parisienne dans les Lettres historiques et galantes de Mme Du Noyer, Les Parisiennes : des femmes dans la ville (Moyen Ă‚ge - XVIIIe siècle), 2020 - books.openedition.org, Henriette Goldwyn, L'inscription d'un lectorat fĂ©minin dans une des Lettres historiques et galantes de Mme du Noyer, Lectrices d'Ancien RĂ©gime, 2016 - www.google.fr/books/edition).

 

Comme ces Lettres ont été écrites avant la Paix de Riswic [Ryswick, 1697), le Lecteur ne doit pas être surpris si l'on parle des choses sur le pied qu'elles étoient dans ce tems-là. On ne donne ici qu'un Essai, qui, s'il est gouté du Public, sera suivi d'une continuation de pareilles Lettres, qui étant plus nouvelles, auront encore plus d'agrément, & les unes & les autres ne contiennent que des faits très-veritables, connus pour tels dans les Pays d'où les Lettres sont écrites, Tome I.

 

Revenons donc Ă  nos petites relations ; il faut , pour vous faire celle de Nimes,que je retourne sur mes pas : j'y consens, puisque vous le souhaitez; je conviens que j'ai eu tort de passer sous silence une ville aussi cĂ©lebre & aussi ancienne que celle-lĂ . L'opinion la plus gĂ©nĂ©rale est, que Nemausus, petit-fils de NoĂ© , en fut le fondateur ; & l'on tire de lĂ  l’étimologie de son nom. D'autres prĂ©tendent qu'elle a Ă©tĂ© bâtie par un fils du grand Hercule, & les uns & les autres ne sçauroient disconvenir qu'elle n'ait Ă©tĂ© une des plus fameuses villes des Gaules. Les Romains y ont fait un long sĂ©jour, & ont pris plaisir Ă  l'embellir. L'Empereur Antonin y est nĂ©. Adrien y fit bâtir une Basilique pour servir de tombeau Ă  l'ImpĂ©ratrice Plotine la bienfaitrice, veuve de Trajan. Les connoisseurs disent, que c'est un ouvrage achevĂ©. On y voit des colonnes avec des chapitaux de l'ordre Corinthien, qui sont d'une beautĂ© enchantĂ©e. Enfin on pourroit, pour me servir des termes de Scaron, dire que cette Basilique est le chefd'oeuvre des Romains, & le dernier effort de leur Architecture. Le Roi en a fait prĂ©sent aux Peres Augustins;& c'est Ă  l'heure qu'il est l'Eglise des trois Rois. Outre ce monument, il y a encore Ă  Nimes un Aniphithéâtre des plus entiers qui soit au monde; on l'appelle dans le pays, les Arenes : c'Ă©toit-lĂ  oĂą se faifoit les combats des bĂŞn tes & des gladiateurs. Sur l'Eglise CathĂ©drale on voit des Aigles Romaines ausquelles on a tranchĂ© la tĂŞte. On prĂ©tend que ce fut par l'ordre d’Alaric qui vouloit donner par-lĂ  des preuves de ses victoires Ă  la posteritĂ©. J'ai vĂ» aussi ce qu'on appelle le Temple de Diane: il est hors de la Ville auprès d'une fontaine qui fournit seule de l'eau Ă  tous les habitans, & fait mĂŞme moudre leur blĂ©. Ce Temple, ou plutĂ´t cette masure, fait l'admiration des curieux. Les uns disent que c'Ă©toit un Temple de Vesta ; d'autres assurent qu'il est plus ancien que Rome, & prĂ©tendent qu'il a Ă©tĂ© bâti en l'honneur de Diane. La proximitĂ© de la fontaine semble mĂŞme autoriser cette opinion : car il nous paroĂ®t que Diane aimoit le bain, tĂ©moin l'avanture d'Acteon; quoi qu'il en soit, ce n'est pas la peine de disputer, & je croi que le premier vent achevera de ruĂŻner cette prĂ©cieuse Relique, dont, Ă  vous parler franchement, je ne fais pas grand cas, non-plus que de leur Tour Magne que l'on dit avoir Ă©tĂ© extrĂ©mement haute, & qui l'est encore assez pour ĂŞtre apperçue de loin. VoilĂ , Madame, tout ce que je puis vous dire des Antiquitez de Nimes, si vous en voulez sçavoir d'avantage, vous vous donnerez, s'il vous plaĂ®t, la peine de lire ce que Messieurs Guirand & Deiront ont Ă©crit lĂ -dessus dans les Livres intitulez, les Antiquitez de Nimes y composez par ces deux. Messieurs. J'aime beaucoup mieux vous parler de l'EvĂŞque: il me semble mĂŞme que je puis juger plus finement d'un beau Sermon, que de tous ces vieux bâtimens, & Ă  n'en pas mentir Ă  un mĂ©rite vivants me touche plus que toute l'antiquitĂ© ensemble. Pour en revenir donc Ă  Monsieur FlĂ©chier, je vous dirai qu'il est toĂ»jours le mĂŞme ; c'est-Ă -dire, le plus Ă©loquent de tous les hommes (Anne Marguerite Petit Du Noyer, Lettres Historiques Et Galantes: Contenant DiffĂ©rentes Histoires, Avantures, Anecdotes curieuses et singuliĂ©res, Tome 1, 1741 - books.google.fr).

 

Anne-Marguerite du Noyer, née Petit le 12 juin 1663 à Nîmes et morte en 1719, est une journaliste et une femme de lettres française. Elle était surtout connue au XVIIIe siècle par «sa vie aventureuse et mouvementée, dont ses Mémoires donnent une impression probablement déformée, et par une œuvre vaguement romanesque, les Lettres Historiques et Galantes». Elle est la mère d'Olympe du Noyer, ou «Pimpette», née à Nîmes en 1692, dont François-Marie Arouet tombe amoureux à La Haye (fr.wikipedia.org - Anne-Marguerite Petit du Noyer).

 

Le hĂ©ros Camisard Cavalier, Ă©tant colonel au service d’Angleterre, en 1708, passa dans les Pays-Bas, et vit Mlle Dunoyer, encore très-jeune ; il la demanda en mariage : cette nĂ©gociation fut rompue, et Cavalier alla se marier en Irlande. L’auteur du Siècle, Voltaire, Ă©tait alors au collĂ©ge ; il n’alla en Hollande qu’en 1714, et n’a connu Cavalier qu’en Angleterre, en 1726

 

Mlle Olympe Dunoyer, à qui sont adressées les premières lettres de la Correspondance de Voltaire, en 1713 et 1714, et qu’on appelait Pimpette, épousa le baron de Winterfeld, qui fut tué, en 1757, à la bataille de Kollin (fr.wikisource.org - Supplément au Siècle de Louis XIV).

 

Jean Cavalier, né le 28 novembre 1681 à Ribaute-les-Tavernes et mort le 17 mai 1740 à Chelsea, est le plus célèbre des chefs et des prophètes camisards (fr.wikipedia.org - Jean Cavalier).

 

Cf. quatrain II, 97.

 

Acrostiche : GQ DV

 

Lettres à monsieur D. V. (de Voltaire), par un de ses amis, sur l'ouvrage intitulé : l'Evangile du jour. Amsterdam 1772. 1 v. 8° (Jacques Joseph Ducarne de Blangy) (Catalogue de la bibliothèque de Neuchâtel: Catalogue de la bibliothèque de la ville Neuchâtel, Tome 2, 1861 - books.google.fr, Guerre littéraire, ou choix de quelques pièces de M de V., avec les réponses, pour servir de suite & d'éclaircissement à ses ouvrages, 1759 - books.google.fr).

 

Ce fut Ă  sa sortie de la Bastille qu'Arouet changea son nom. Dans un recueil de lettres de Voltaire, ayant pour titre Juvenilia, on en trouve une qu'il Ă©crivit Ă  mademoiselle Dunoyer, la mĂŞme qu'il avoit connue en Hollande. Cette lettre, signĂ©e VOLTAIRE, porte ce post-scriptum : "Ne t'Ă©tonne pas, ma chère, de ce changement de nom; j'ai Ă©tĂ© si malheureux avec l'autre, que je veux voir si celui-ci m'apportera du bonheur." Depuis, Voltaire a montrĂ© son mĂ©pris pour son nom de famille. Il Ă©crivit de Bruxelles, le 17 mai 1741, Ă  l'abbĂ© Moussinot, chargĂ© de ses affaires Ă  Paris : «Je vous ai envoyĂ© ma signature, dans laquelle j'ai oubliĂ© le nom d'Arouet, que j'oublie assez volontiers. Je vous renvoie d'autres parchemins oĂą se trouve ce nom, malgrĂ© le peu de cas que j'en fais.» (Édouard Marie Joseph Lepan, Vie politique, littĂ©raire et morale de Voltaire, 1824 - books.google.fr).

 

Madame du Noyer essaya de toutes les manières de sĂ©parer les amoureux, elle rĂ©ussit mĂŞme Ă  persuader le marquis de Châteauneuf de mettre Voltaire aux arrĂŞts Ă  l'ambassade. Ce fut alors le cordonnier qui devint messager d'amour ; il portait les billets doux entre l'amoureuse Pimpette et Voltaire. Le cordonnier Ă©tait en mĂŞme temps le portier de l'hĂ´tel de Paris, oĂą logeait la famille du Noyer. Galamment, il prĂŞte sa loge comme rendez-vous au fougueux attachĂ© qui, devenant de plus en plus Ă©pris, parle mĂŞme d'enlever sa belle, et lui propose de «prendre un carrosse et aller comme le vent Ă  Schevelinge», et de lĂ , Ă©crire au père lointain de Pimpette que celle-ci veut se convertir au catholicisme et retourner auprès de lui. DĂ©guisĂ©e en jeune homme, Pimpette va voir Voltaire Ă  l'hĂ´tel de l'ambassade. A la suite de cette visite, il lui Ă©crit des lettres et des vers enflammĂ©s. Mais cette mère «dĂ©naturĂ©e» est furieuse Ă  l'idĂ©e d'un amoureux pauvre et si peu dĂ©sirable. Elle s'adresse de nouveau Ă  l'ambassadeur qui avait une peur salutaire de l'Ă©diteur des «Quintessences», le journal que madame du Noyer publiait. Monsieur Arouet père, informĂ© de la conduite lĂ©gère de son fils, demande qu'il soit renvoyĂ© sous bonne garde Ă  Paris ; lĂ , il le reçoit fort mal, et menace de l'expatrier au Canada. Pimpette se consola bien vite du dĂ©part de son amoureux ; Voltaire, moins facilement, car il lui Ă©crivait pour se plaindre de sa froideur. Bien plus tard, ils se retrouveront Ă  Paris, mais les annĂ©es auront passĂ©, emportant avec elles les amours exaltĂ©es de la jeunesse. Ils restèrent cependant toujours bons amis jusqu'Ă  la fin de leur vie (E. Melvill van Carnbee, La fière rĂ©sidence: La Haye d'autrefois et pendant la guerre: esquisses historiques, littĂ©raires et autres, 1922 - books.google.fr).

 

Pour GQ, on aurait la Gazette de Québec, fondée en 1764, et qui publia poèmes et compte-rendus sur Voltaire (une vingtaine de mentions de Voltaire en vingt-cinq ans, une épître au cardinal Querini). Ce n'est que sous la domination anglaise que fut installée la première imprimerie et que les premiers journaux parurent à Québec (Julie Roy, Stratégies épistolaires et écritures féminines, Les Canadiennes à la conquête des lettres (1639-1839), Tome II, 2002 - archipel.uqam.ca, Claude Galarneau, La France devant l'opinion canadienne (1760-1815).: Préf. d'André Latreille, 1970 - books.google.fr).

 

M. le président Bouhier, dans sa savante dissertation, de priscis Græcor. et Latin. litteris, imprimée à la suite de la Paleograpbie du P. de Montfaucon, a fait voir que les anciens Romains n'avoient que ces XVI, lettres : A. B. C D, E, F, I, K, L, M, N, O, P, R, S. T. Les cinq autres, ajoutées du tems de Cicéron, étoient G, Q, V, X, Z. Sans compter l'H qui étoit moins une lettre, qu'une marque d'aspiration (Charles Rollin, Histoire ancienne des Egyptiens, des Carthaginois, des Assyriens, des Babyloniens, des Medes et des Perses, des Macedoniens, des Grecs, Comprenant Le Tome XIII. De L'Édition De France, Volume 5, 1758 - books.google.fr).

 

Bouhier suppose que ce sont les Peslages qui apportèrent les 16 lettres du premier alphabet grec en Grèce avant les Phéniciens (Gustave Michaud, Biographie des hommes illustres du département de la Côte-d'Or, Tomes 1-2, 1858 - www.google.fr/books/edition).

 

Jean Bouhier, né le 16 mars 1673 à Dijon où il est mort le 17 mars 1746, est un jurisconsulte et magistrat français, également historien, traducteur, bibliophile et érudit renommé  (fr.wikipedia.org - Jean Bouhier de Savigny).

 

Voltaire écrit une lettre à Bouhier en 1740 en latin où il le compare à De Thou (Alexis Pierron, Voltaire et ses maîtres, Épisode de l'histoire des humanités en France, Volume 9, 1866 - www.google.fr/books/edition).

 

Il prend sa place à l'Académie française après sa mort en 1746 (www.academie-francaise.fr).

 

Deucalion

 

La Grèce nous offre deux traditions du dĂ©luge : celle d'Ogygès et celle de Deucalion et Pyrrha. La première n'est pas très-explicite : «Sous Ogygès, roi de l’Attique, dont l'existence se perd dans la nuit des temps, un dĂ©luge aurait inondĂ© tout le pays. Le roi, pour se sauver, serait montĂ© dans un vaisseau avec ses compagnons.» La version relative Ă  Deucalion est beaucoup plus prĂ©cise. «Sous le règne de ce dernier, Jupiter, irritĂ© contre les hommes de l'âge d'airain, prend le parti de les anĂ©antir sous les eaux et fait tomber des torrents de pluie, qui inondent toute la Grèce. Mais PromĂ©thĂ©e, père de Deucalion, connaissant les desseins du maĂ®tre de l'Olympe, avait averti son fils et lui avait conseillĂ© de construire une arche dans laquelle il entre avec sa femme. Pendant neuf jours et neufs nuits Deucalion flotte sur les eaux et aborde enfin au sommet du Parnasse. EchappĂ© au danger, il sacrifie (comme NoĂ©, Xisuthrus et Manou) Ă  Jupiter et lui demande de repeupler la terre. Celui-ci ordonne Ă  Deucalion et Ă  Pyrrha de jeter les os de leur mère, c'est-Ă -dire des pierres derrière eux; les deux Ă©poux obĂ©issent : les pierres du premier se changent en hommes et celles que jette la seconde en femmes.» (Georges de Dubor, Assyrie et ChaldĂ©e, 1878 - books.google.fr).

 

De Germain-François Poullain de Saint-Foix, on a Deucalion et Pierrha, comĂ©die en un acte et en prose avec prologue et divertissement, Paris, Prault fils, 1741. ReprĂ©sentĂ©e au Théâtre-Français le 20 fĂ©vrier 1741 ; Suivi, avec Pierre de Morand, du ballet en un acte et en vers, musique de Pierre Montant, dit Le Breton et François-Joseph Giraud, Paris, Veuve Delormel et fils, 1755. ReprĂ©sentĂ© au théâtre du Palais Royal le 30 novembre 1755 (classiques-garnier.com).

 

Germain-François Poullain de Saint-Foix, né le 5 février 1698, à Rennes et mort le 25 août 1776 à Paris, est un écrivain et dramaturge français du XVIIIe siècle (fr.wikipedia.org -Germain François Poullain de Saint-Foix).

 

En 1768, le paradoxe s'empara encore du Masque de fer : ce fut FrĂ©ron, qui, tout meurtri des coups terribles que son ennemi lui avait portĂ©s en face dans l'Écossaise, lança contre Voltaire un nouveau champion, plus redoutable que Lagrange-Chancel, dans l'espoir d'amener une grande querelle oĂą l’auteur du Siècle de Louis XIV aurait le dessous : le Masque de fer Ă©tait une sorte d'appât bien capable d'attirer Voltaire dans une embuscade oĂą Poullain de Saint-Foix l'eĂ»t mis Ă  mal, avec ce caractère irascible et provocateur qui faisait l'effroi de la basse littĂ©rature. Saint-Foix, par une lettre insĂ©rĂ©e dans l'AnnĂ©e littĂ©raire (1768, t. 4), essaya de faire valoir une hypothèse qui avait du moins le mĂ©rite de la singularitĂ©, et qui rĂ©ussit Ă  ce titre auprès des amis du merveilleux : il imagina que le prisonnier masquĂ© Ă©tait le duc de Monmouth, fils naturel de Charles Il, condamnĂ© pour crime de rebellion et dĂ©capitĂ© Ă  Londres le 15 juillet 1685. Cette idĂ©e bizarre lui vint d'un passage de l'Histoire d Angleterre, par Hume, d'après lequel on voit en effet que le bruit courut Ă  Londres que le duc de Monmouth Ă©tait sauvĂ©, et qu'un de ses partisans, qui lui ressemblait beaucoup, avait consenti Ă  mourir Ă  sa place , pendant que le vĂ©ritable condamnĂ©, secrètement transfĂ©rĂ© en France, devait y subir une prison perpĂ©tuelle (Pierre Roux-Fazillac, Recherches historiques et critiques sur l'homme au masque de fer, d'ou rĂ©sultent des notions certaines sur ce prisonnier, 1801 - books.google.fr).

 

Fin du monde

 

Dans l'article «De la fin du monde» des Questions sur l'Encyclopédie, Voltaire évoque le traité de Cicéron, De la nature des dieux (De natura deorum) (Alain Sager, Dictionnaire Voltaire, 2021 - books.google.fr).

 

Consultez CicĂ©ron lui-mĂŞme, le sage CicĂ©ron. Il vous dit dans son livre de la Nature des dieux, le meilleur livre peut-ĂŞtre de toute l'antiquitĂ©, si ce n'est celui des devoirs de l'homme, appelĂ© les Offices; il dit (De Natura deorum, lib. II, S 46) : «Suivant les stoĂŻciens, le monde entier ne sera que du feu ; l'eau Ă©tant consumĂ©e, plus d'aliment pour la terre ; l'air ne pourra plus se former, puisque c'est de l'eau qu'il reçoit son Ă©tre : ainsi le feu restera seul. Ce feu Ă©tant Dieu, et ranimant tout, renouvellera le monde, et lui rendra sa première beautĂ©.» Cette physique des stoĂŻciens est, comme toutes les anciennes physiques, assez absurde; mais elle prouve que l'attente d'un embrasement gĂ©nĂ©ral Ă©tait universelle (Ĺ’uvres complètes de Voltaire: Études et documents biographiques, 1883 - books.google.fr).

 

Le passage de Dion Chrysostome (50-120 ap. J.-C.), Orationes, XXXVI, 39 suiv. (p. 513, ed. Emperius), peut-ĂŞtre le plus remarquable de tous ceux oĂą il est question des croyances des mages, prĂ©sente des obscuritĂ©s nombreuses. Windischmann (Zoroastr. Studien, p. 311) a dĂ©jĂ  supposĂ© que Dion s'y Ă©tait inspirĂ© des doctrines des mystères mithriaques, dont la prodigieuse fortune commençait Ă  son Ă©poque. Si on songe que ce rhĂ©teur Ă©tait nĂ© Ă  Pruse, et qu'il parcourut en tous sens l'Asie Mineure, oĂą les cultes perses Ă©taient pratiquĂ©s beaucoup moins secrètement qu'ils ne le furent en Occident, cette hypothèse paraitra très vraisemblable ; elle est d'ailleurs confirmĂ©e par les ressemblances qu'on peut constater entre les dogmes mithriaques et le rĂ©cit de Dion.

 

Hestia est la terre immobile au centre du monde suivant les stoïciens. Le culte de la terre comme celui des trois autres éléments a passé de l'ancienne religion perse dans les mystères mithriaques. Le symbolisme qui faisait du quadrige du dieu suprême ou du soleil l'image des quatre éléments y était sans doute enseigné aussi, car on le retrouve dans deux écrits certainement influencés par leurs doctrines. Cf. infra Malalas, extr. b, et supra Martianus Capella, v. 12.

 

Le feu détruit donc la végétation qui est l'ornement de la terre. Évidemment, Dion en écrivant ces lignes a songé aux incendies qui, suivant les stoïciens, désolaient périodiquement la surface de notre globe (Bruns, p. 9).

 

Les termes ("katakluzô") sont empruntés aux stoïciens, mais les mazdéens croyaient comme ceux-ci au déluge, cf. Farg., II, 21 suiv. et Darmesteter, t. II, p. 19, et aussi le Bundahish, VII, 5, p. 26, West. La comparaison avec Deucalion est probablement due à Dion (Franz Valery Marie Cumont, Textes et monuments figurés relatifs aux mystères de Mithra, Tome 2, 1896 - books.google.fr).

 

Constance

 

Les premiers ouvrages consacrĂ©s au stoĂŻcisme sont le De Constantia publiĂ© par Juste Lipse Ă  Anvers en 1584, et la Philosophie momie des stoĂŻques publiĂ©e en 1585 Ă  Paris par Guillaume du Vair, avec la mĂŞme motivation : adapter l'enseignement moral des stoĂŻciens au christianisme, et les comparer. Mais ce sont la Manuductio et la Physiologia, qui, vingt ans plus tard, vont jouer un rĂ´le essentiel, parce que Lipse s'y donne pour tâche l'exposĂ© de l'ensemble du système (dont il exclut nĂ©anmoins la logique, qu'il considère dans la tradition pĂ©ripatĂ©ticienne comme un instrument de la philosophie") (Jean-Baptiste Gourinat, La disparition et la reconstitution du stoĂŻcisme, Les stoĂŻciens, 2005 - www.google.fr/books/edition).

 

De la constance, ouvrage philosophique en forme d'entretien sur les maux publics et sur l'usage qu'on doit faire de sa raison dans les temps critiques, traduit des oeuvres latines de Juste Lipse par Mr de L ***, (de la Grange), avocat au Parlement, Paris, 1741 (Jacqueline Lagrée, Juste Lipse et la restauration du stoïcisme, étude et traduction des traités stoïciens De la constance, Manuel de philosophie stoïcienne, Physique des stoïciens (extraits), 1994 - www.google.fr/books/edition).

 

Le point de dĂ©part de la rĂ©flexion lipsienne dans De Constatntia rĂ©side dans la recherche d'un rapport rationnel entre les effets destructeurs de la fortune et les causes divines qui devraient les empĂŞcher. Or, la rĂ©ponse de Lipse s'appuie prĂ©cisĂ©ment sur la notion de Providence : «Qu'un affaissement de terrain engloutisse ici des forteresses, cela vient de la providence, qu'ailleurs la peste moissonne plusieurs milliers d'hommes, cela vient d'elle ; la guerre et le carnage dans les Flandres, c'est encore elle. C'est la divinitĂ©, Lipse, la DivinitĂ© Dieu qui envoie toutes ces catastrophes (...) Si tous ces Ă©vĂ©nements ne sont pas seulement permis mais suscitĂ©s par Dieu, vous qui murmurez, qui rĂ©sistez, que faites-vous d'autre que ravir Ă  Dieu son sceptre (dans la mesure de votre puissance) et la libertĂ© de rĂ©gner ?» (Saverio Ansaldi, Spinoza et le baroque, infini, dĂ©sir, multitude, 2001 - www.google.fr/books/edition, Jacqueline LagrĂ©e, Juste Lipse et la restauration du stoĂŻcisme, Ă©tude et traduction des traitĂ©s stoĂŻciens De la constance, Manuel de philosophie stoĂŻcienne, Physique des stoĂŻciens (extraits), 1994 - www.google.fr/books/edition).

 

On se reportera aussi au déisme de Voltaire.

 

Un aspect très important de la cosmologie du Portique, qui marquait une vĂ©ritable rupture par rapport Ă  la conception plus statique et harmonique propre Ă  l'âge classique, se trouve aussi dans la Physiologia de Lipse et y occupe une place de premier rang il s'agit du thème de l'Ă©volution dynamique, procĂ©dant par catastrophes et reconstitutions successives, qui d'après les StoĂŻciens jalonnaient les Ă©tapes d'une vicissitude cosmique Ă©ternelle. Ainsi leur cosmologie s'ouvrait-elle sur la perspective de l'infinitĂ© des mondes, ne fĂ»t-ce qu'une infinitĂ© temporelle, diachronique et non simultanĂ©e. ÉternitĂ© et corruptibilitĂ© du monde s'opposaient dans la pensĂ©e grecque classique, tandis que pour la Stoa - comme le rappelait Philon soigneusement citĂ© par Lipse - la succession cyclique des mondes, entrecoupĂ©e par ekpurosis e kataklusmos, selon le rythme alterne de anastasis («eversio») et apokatastasis redintegratio »), permettait de rĂ©concilier la constance du système avec la contingence de ses Ă©tats. C'est le feu qui, prĂ©sent partout dans le monde, dans la mesure oĂą il augmente son ardeur, provoque finalement la dĂ©flagration cosmique, qui est aussi un processus de purification Ă  ce propos, Lipse ne manque pas d'enregistrer une certaine convergence entre la perspective des StoĂŻciens et les croyances des chrĂ©tiens sur la fin du monde. Ne lit-on pas dans une Ă©pĂ®tre de Saint Pierre : «Caeli ardentes solventur» Il n'empĂŞche que malgrĂ© ces apparences d'affinitĂ© la cosmologie du Portique ouvre tout grand la voie sur un gouffre temporel qui est trop menaçant pour ĂŞtre acceptĂ© comme tel par les orthodoxes, s'il est vrai que certains Pères de l'Église - remarque avec malice notre auteur - ont pu reprocher par exemple Ă  Origène d'avoir Ă©tĂ© «trop stoĂŻque», en approuvant cette sĂ©rie de mondes innombrables qui se succĂ©deraient sans fin (Olivier Bloch, Philosophies de la nature, 2019 - www.google.fr/books/edition).

 

Après moi le dĂ©luge : l’eau et le feu

 

L'expression est attribuée communément à la marquise Pompadour ou à Louis XV, à la suite de la défaite de Rossbach (1757) durant la guerre de sept Ans.

 

La formule Ă©tait un lieu commun du temps de la marquise de Pompadour. Dans une Ă©dition des Principales avantures de l'admirable Don Quichotte publiĂ©e par Pierre de Hondt en 1746, le hĂ©ros de Cervantes s'exclame : «Fera les vignes qui pourra. Après nous le DĂ©luge.» Une Histoire des empereurs romains depuis Auguste jusqu'Ă  Constantin parue en 1749 assure que Tibère «avait souvent dans la bouche un vers grec, dont le sens rĂ©pond Ă  ce proverbe usitĂ© parmi nous pour exprimer l'indiffĂ©rence par rapport Ă  tout le genre humain : Après moi le dĂ©luge» (Michel Le SĂ©ac'h, La petite phrase, D'oĂą vient-elle ? Comment se propage-t-elle ? Quelle est sa portĂ©e rĂ©elle ? 2015 - www.google.fr/books/edition).

 

...si les Loix s'oublient, si les Hiérarchies se perdent, si tout enfin s'use & s’affoiblit, après moi le déluge (Victor Riquetti de Mirabeau, L'ami des hommes, ou traité de la population. Premiere partie, Volume 2, 1756 - www.google.fr/books/edition).

 

Victor Riquetti de Mirabeau, marquis de Mirabeau, dit «l'ami des hommes», né à Pertuis le 5 octobre 1715, et mort à Argenteuil le 13 juillet 1789, est un économiste et philosophe français. Il est le cofondateur du mouvement physiocratique et le père de Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau, l'une des grandes figures de la Révolution française. Dès 1735, le marquis de Mirabeau s’intéresse à l'économie politique. Quand il est en garnison à Bordeaux, Mirabeau père fait la connaissance de Montesquieu. Dans ses premiers écrits, Mirabeau préconise pour la prospérité de la France un retour aux valeurs de la noblesse française médiévale. En 1756, a lieu la parution de L’Ami des hommes ou Traité sur la population. Le succès considérable de l'ouvrage va contribuer à la renommée de son auteur à travers toute l'Europe. D’après l’auteur, la vraie richesse ne consiste que dans la population. Or, la population dépend de sa subsistance, et la subsistance ne se tire que de l’agriculture. Fort du succès de L'Ami des hommes, Mirabeau rencontre le docteur François Quesnay (1694-1774), médecin de Madame de Pompadour, en juillet 1757 à Versailles. Cette rencontre est à l'origine du mouvement physiocratique (fr.wikipedia.org - Victor Riquetti de Mirabeau).

 

Il publie Voyage de Languedoc et de Provence en 1745 où il parle des vestiges de Nîmes (Victor Riquetti Marquis de Mirabeau, Voyage de Languedoc et de Provence, 1745 - www.google.fr/books/edition).

 

"L'ami des hommes, ce M. de Mirabeau, qui parle, qui parle, qui parle, qui dĂ©cide, qui tranche, qui aime tant le gouvernement fĂ©odal, qui fait tant d'Ă©carts, qui se blouse si souvent, ce prĂ©tendu ami du genre humain n'est mon fait que quand il dit : Aimez l'agriculture. Je rends grâces Ă  Dieu, et non Ă  ce Mirabeau, qui m'a donnĂ© cette dernière passion." (Voltaire, Lettre Ă  Cideville 25 novembre 1758) (Ĺ’uvres complètes de Voltaire: Études et documents biographiques, 1883 - books.google.fr).

 

Je songe de plus qu’il s’est introduit dans la conduite de la vie, des maximes altières, mais détestables, qui se transmettent de bouche en bouche; telle est celle du Tyran qui a dit; qu’ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent, elle est conforme à un vers grec, dont le sens est, qu'après ma mort la terre soit réduite en cendres, et d'autres pensées de cette nature.

 

Cette pensĂ©e tirĂ©e du grec, et que Tibère avoit perpĂ©tuellement Ă  la bouche, prouve elle-mĂŞme Ă  quel point NĂ©ron se pervertit par la suite. En effet quelqu'un lui ayant citĂ© ce mot, qu'après ma mort la terre soit rĂ©duite en cendres; le Tyran rĂ©pondit et mĂŞme de mon vivant. Voyez la note de Juste-Lipse, et Dion Cassius, liv. 57. La pensĂ©e grecque rĂ©pond Ă  celle de notre langue, que bien des gens expriment, en disant : après moi, le dĂ©luge. PensĂ©e trop commune dans une nation corrompue, et dĂ©testable sur-tout dans un Prince, qui doit s'occuper du bonheur prĂ©sent et futur de ses sujets (Oeuvres de SĂ©nèque le philosophe, traduit par Lagrange, Tome 4, 1795 - www.google.fr/books/edition).

 

Lagrange est mort en 1775 Ă  37 ans. Il ne s'agit pas de l'auteur de la traduction de Lipse. A moins que la date de la Constance (1741) soit fausse.

 

On doit à Lagrange un Lucrèce et un Sénèque. La première de ces deux versions est supérieure à la seconde. Le succès en fut des plus brillants. On remarquera que, avant Lagrange, Lucrèce n'avait jamais été mis en français (Revue des études historiques, Volumes 57-58, 1891 - www.google.fr/books/edition).

 

Typologie

 

Le report de 2182 sur la date pivot 1741 donne 1300.

 

A partir de 1300, Arnaud parcourt la Catalogne, le Languedoc et la Provence, diffusant sa pensĂ©e et s'attachant de nombreux disciples. Il devient alors le familier de FrĂ©dĂ©ric III de Sicile (1296-1337) et de Robert Ier (1309-1345) de Naples auxquels il expose ses projets de croisade ; avec FrĂ©dĂ©ric III, il rĂ©dige un code lĂ©gislatif en vue de la rĂ©forme morale et spirituelle de ses sujets siciliens. Il sert Ă©galement BenoĂ®t XI et ClĂ©ment V qui apprĂ©cient autant le mĂ©decin qu'ils se mĂ©fient du thĂ©ologien, comme le prouve sa courte incarcĂ©ration Ă  PĂ©rouse en 1304. Il meurt en septembre 1311 au cours d'un voyage par mer entre Naples et Avignon et est enterrĂ© Ă  GĂŞnes. Son oeuvre eschatologique est abondante. Dans le De tempore adventus Antichristi (1288-1290), il annonce pour 1368 l'avènement de l'AntĂ©christ Ă  la lumière de Daniel 12, Matthieu 24 et saint Augustin. Sa dĂ©marche, dĂ©veloppĂ©e en 1292 dans l'Introductio in librum Joachim de semine Scripturarum et dans l'Allocutio super significatione nominis Tetragrammaton, est celle de l'abbĂ© de San Giovanni in Fiore : l'homme ne saurait dĂ©couvrir ni le jour ni l'heure par ses propres moyens, mais il peut les dĂ©duire par le biais de la rĂ©vĂ©lation divine et des concordances de l'Ă©criture interprĂ©tĂ©es Ă  l'aide de l'exĂ©gèse hĂ©braĂŻque et de la numĂ©rologie ; il ne fait dès lors que suivre le conseil de saint Jean : Scrutamini scripturas. Les consĂ©quences ascĂ©tiques de l'imminence de la fin du monde sont tirĂ©es dans le De mysterio cymbalorum Ecclesie, Ă©crit Ă  Scurcola, près d'Anagni oĂą Boniface VIII l'avait installĂ© en 1301 ; Arnaud s'y prĂ©sente comme prophète, sonnant les cloches de la vĂ©ritĂ© Ă©vangĂ©lique et prĂ©conisant la pauvretĂ© absolue (F. Santi, La vision de la fin des temps chez arnaud de villeneuve. Contenu thĂ©ologique et expĂ©rience mystique, Fin du monde et signes des temps: visionnaires et prophètes en France mĂ©ridionale, fin XIIIe-dĂ©but XVe siècle, Cahiers de Fanjeaux 27, 1992 - books.google.fr).

 

Sur le plan politique Nimes fournit au roi le champion de la politique anti-pontificale, son ancien juge mage, Guillaume de Nogaret ; cependant l'Ă©vĂŞque courait au concile de Rome pour rĂ©pondre Ă  l'appel de Boniface VIII et se voyait chassĂ© de son siège. Nogaret Ă©tait rĂ©compensĂ© de sa victoire par la constitution en sa faveur, d'un apanage taillĂ© en partie dans le domaine des anciens vicomtes de Nimes : Massillargues, Saint-Julien, les Ports, Calvisson et la Vaunage, puis Tamerlet, Manduel, LĂ©signan, Redessan, Bouillargues, Caissargues... CoĂŻncidence curieuse : la papautĂ© qui avait tant souffert des coups du lĂ©giste nimois, vient s'installer Ă  40 kilomètres de notre ville, Ă  Avignon en 1309, (le cĂ©lèbre mĂ©decin Arnaud de Villeneuve n'y fut pas Ă©tranger), et apporte prospĂ©ritĂ© Ă  notre commerce ; dĂ©sormais les cardinaux achètent leurs vins et leurs blĂ©s Ă  Nimes, oĂą des mĂ©tiers de luxe s'Ă©tablissent, oĂą une foire de huit jours est crĂ©Ă©e en 1322. L'Ă©vĂŞque de Nimes lui-mĂŞme, Guillaume de Deaux, trĂ©sorier du Pape, est promu Cardinal et sa famille est la première de la ville (Comptes rendus des confĂ©rences, École antique de NĂ®mes, 1933 - books.google.fr).

 

L'installation de Clément V dans le Comtat et coïncide avec l'apogée de la faveur d'Arnaud (1309) (René Verrier, Etudes sur Arnaud de Villeneuve 1240 (?) - 1311: Le breviarium practicae. L'étudiant de Naples, 1947 - www.google.fr/books/edition).

 

Le Moyen Âge chrétien, à la suite de la médecine arabe et de Galien, dont l'influence est toujours considérable, renoue tant bien que mal le dialogue entre médecine et philosophie. Une caractériologie est fondée sur la notion du tempérament humoral. Amaud de Villeneuve (1250-1313), médecin du roi d'Aragon et du pape et lui aussi traducteur de l'arabe, soutient que le tempérament est l'élément corporel le plus apte à "préparer la génération des accidents de l'âme". Platon et Galien ne disent pas autre chose, mais il est ajouté que les accidents de l'âme peuvent à leur tour altérer le tempérament. Le Moyen Âge attache une grande importance aux "esprits", émanations légères et subtiles, héritières du pneuma stoïcien, constituant le principe de la vie et du sentiment (ils agissent comme intermédiaires entre l'âme et le corps), et au véhicule qui les répartit dans le corps. Les théologiens toutefois mettent le holà à ce type de réflexion. "Les diverses vertus naturelles, vitale ou animale, ne sont pas l'âme", tranche Guillaume de Saint-Thierry, cistercien et auteur mystique de la première moitié du XIIe siècle. Il n'y a plus de maladie de l'âme (par référence à l'Antiquité), puisque l'âme est incorporelle et incorruptible. Si l'âme paraît atteinte dans ses facultés, c'est qu'elle est empêchée de disposer du corps, lequel est l'instrument par lequel elle exerce lesdites facultés. Peu désireux de s'attirer les foudres de l'Église, les médecins évitent donc de se poser le problème de l'âme en termes médicaux (Claude Quétel, Histoire de la folie, de l'antiquité à nos jours, 2014 - www.google.fr/books/edition).

 

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