Mummius et Cicéron

Mummius et Cicéron

 

X, 97

 

2248-2249

 

Triremes pleines, tout âge captif,

Tems bon Ă  mal, le doux pour amertume,

Proye à Barbares trop tôt feront hâtifs,

Cupide de voir plaindre au vent la plume.

 

Les statues de Cupidon

 

II. C. Heius est, de tous les Mamertins, le plus riche en raretĂ©s de tout genre; quiconque a vu Messine me l'accordera volontiers. Sa maison est la première de la ville, ou du moins la plus connue, et il n'y en a point qui soit plus gĂ©nĂ©reusement ouverte, plus hospitalière Ă  nos concitoyens. Cette maison, avant l'arrivĂ©e de Verrès, Ă©tait si riche, qu'elle Ă©tait la richesse mĂŞme de la ville; car, si Messine est remarquable par sa situation, par ses remparts et par son port, elle est d'ailleurs absolument pauvre et dĂ©pourvue des objets qui ont tant de charmes pour Verrès. Heius avait dans l'intĂ©rieur de sa maison un oratoire dĂ©corĂ© avec magnificence, d'une très-grande antiquitĂ© ; il lui venait de ses ancĂŞtres. On y remarquait quatre belles statues d'un travail exquis, d'une grande distinction, et vraiment faites pour charmer, je ne dis pas seulement un amateur, un fin connaisseur comme Verrès, mais le premier venu, des ignorants comme nous; car c'est ainsi qu'il nous appelle. L'une reprĂ©sentait un Cupidon de marbre, ouvrage de Praxitèle : car, en faisant mon enquĂŞte, j'ai appris jusqu'aux noms des artistes.

 

C'est le mĂŞme artiste, si je ne me trompe, Ă  qui l'on doit cet autre Cupidon qui attire tant de curieux Ă  Thespies; – la seule chose qui puisse y appeler les Ă©trangers : aussi, lorsque L. Mummius en enleva les Thespiades que nous voyons près du temple de la FĂ©licitĂ©, ainsi que d'autres monuments profanes, ne toucha-t-il point Ă  ce Cupidon de marbre, parce qu'il Ă©tait consacrĂ©.

 

III. Pour revenir Ă  l'oratoire d’Heius, il s'y trouvait donc un Cupidon en marbre. Vis-Ă -vis Ă©tait un Hercule en bronze; d'un travail admirable. On l'attribuait, je crois, Ă  Myron; oui, je ne me trompe pas, Ă  Myron. Deux petits autels dressĂ©s devant ces divinitĂ©s annonçaient assez la saintetĂ© du lieu. Les deux autres statues Ă©taient en airain et d'une grandeur mĂ©diocre, il est vrai, mais d'une beautĂ© parfaite. A leurs traits, Ă  leur costume, on reconnaissait des vierges, portant sur leurs tĂŞtes, les bras relevĂ©s, Ă  la manière des jeunes AthĂ©niennes, des corbeilles sacrĂ©es. On les appelait CanĂ©phores. Mais l'artiste, quel Ă©tait donc son nom ? Son nom ? Ah ! merci, vous avez raison, c'Ă©tait, dit-on, Polyclète. Dès qu'un de nos concitoyens arrivait Ă  Messine, il allait voir ces chefs-d'Ĺ“uvre. L'oratoire Ă©tait en tout temps ouvert aux curieux; et la maison d'Heius ne faisait pas moins d'honneur Ă  la ville qu'au propriĂ©taire.

 

C. Claudius, dont l'édilité fut, comme on sait, marquée par tant de magnificence, emprunta ce Cupidon pour tout le temps que le forum resta décoré par ses soins en l'honneur des dieux immortels et du peuple romain. Hôte des Heius, patron des Mamertins, s'il les trouva disposés à lui prêter ce chef-d’œuvre, il ne se montra pas moins exact à le leur reporter. Naguère, juges, nous avons vu des magistrats également distingués par leur naissance, que dis-je naguère ? tout récemment, hier encore, nous les avons vus décorer le forum et les basiliques, non pas avec les dépouilles des provinces et les vols des concussionnaires, mais avec des ornements confiés par des amis, prêtés par des hôtes; et ces statues, ces ornements précieux, ils les ont rendus fidèlement à leurs propriétaires. Ce n'est pas eux qui, après avoir, sous le prétexte de leur édilité, enlevé ces objets aux villes alliées pour quatre jours, les faisaient transporter dans leurs palais et dans leurs maisons de campagne. Eh bien, Verrès a tout enlevé de l'oratoire d’Heius. Oui, juges, je le répète, il n'a rien laissé, rien qu'une vieille figure en bois, qui représentait, je crois, la Bonne Fortune. Sans doute il dédaigna de l'avoir chez lui.

 

Lucius Mummius

 

Lucius Mummius Achaicus est consul de la République romaine en 146 av. J.-C. Il achève la conquête de la Grèce en soumettant l'Achaïe (fr.wikipedia.org - Lucius Mummius Achaicus).

 

Une partie des cités d'Achaïe est soumise au tribut et placée sous l'autorité du promagistrat de Macédoine, tandis que les cités restées fidèles aux Romains ou neutres conservent leur autonomie interne, mais ne peuvent plus conduire de politique extérieure indépendante (fr.wikipedia.org - Lucius Mummius Achaicus).

 

Cf. la "cage d'or" (cage dorée) du quatrain I, 85.

 

Cupidité

 

Quid enim censes? si L. Mummius aliquem istorum videret, matellionem Corinthium cupidissime tractantem, quum ipse totam Corinthum contemsisset : utrum illum civem excellentem, an atriensem diligentem putaret ? (En effet, dites-moi : si L. Mummius voyait avec quelle passion vous maniez ces vils ustensiles en airain de Corinthe, lui qui dédaigna Corinthe tout entière, vous prendrait-il pour un de nos premiers citoyens, ou pour un esclave soigneux ?) (Paradoxe des stoïciens, V, 2) (Oeuvres complètes de M. T. Ciceron traduites en français avec le texte en regard, Tome 22, 1821 - books.google.fr).

 

"trirèmes"

 

Ce fut à Corinthe que furent construites les premières trirèmes, et la première bataille navale dont l'histoire fasse mention eut lieu entre les Corinthiens et les Corcyréens (William Smith, Dictionnaire de biographie, mythologie, géographie anciennes: pour servir a l'intelligence des auteurs Grecs et Latins en usage dans les établissements d'instruction, traduit par Napoléon Theil, 1865 - books.google.fr).

 

Mummius fit transporter à Rome la plus grande partie des esclaves et des objets précieux, statues, vases et tableaux qui se trouvaient à Corinthe ; mais il connaissait si peu le prix de ces chefs-d'œuvre qu'il dit à ceux qui étaient chargés de les transporter que s'ils les perdaient, ils seraient obligés de les remplacer par des neufs à leurs dépens (fr.wikipedia.org - Lucius Mummius Achaicus).

 

"plume"

 

Ces mouvements Ă©taient très-vifs ; mais ensuite diverses rĂ©flexions les contre-balançaient. CicĂ©ron revenait Ă  considĂ©rer les forces de CĂ©sar et sa redoutable activitĂ© ; et de l'autre cĂ´tĂ© la foiblesse de PompĂ©e, et les fautes continuelles qu'il croyoit remarquer dans sa conduite. S'il Ă©toit peu satisfait du chef, il mĂ©prisoit souverainement presque tous ceux qui le suivoient. A commencer par les Consuls, rien a au monde ne lui paroissoit moins estimable. C'Ă©toient des hommes plus lĂ©gers qu'une plume, ou qu'une feuille que le vent emporte (Consules pluma aut folio facilius moventur, Ad Atticum VIII 15). Il trouvait de la bĂŞtise dans L. Domitius, et de l'inconstance dans Ap. Claudius (Charles Rollin,Jean Baptiste L. Crevier, Histoire romaine, depuis la fondation de Rome, jusqu'Ă  la bataille d'Actium, Tome 13, 1747 - books.google.fr).

 

Cet Appius Claudius, consul en -54, est un membre de la famille de Caius Claudius Pulcher qui fut le gouverneur de Messine et qui emprunta la statue de Cupidon à Heius (Louis Harmand, Le patronat sur les collectivités publiques, des origines au bas-empire: un aspect social et politique du monde romain, Tome 2, 1957 - books.google.fr).

 

L'expression : jeter plume au vent figure dans le Dictionnaire universel, recueilli et compilĂ© par feu Messire Antoine Furetière, AbbĂ© de Chalivoy de l'AcadĂ©mie Françoise, La Haye et Rotterdam, 1690. Egalement dans le Dictionnaire de la langue française du XVIe siècle, tome 6, Edmont Huguet, Paris 1934 : jeter la plume au vent : aller Ă  l'aventure, s'abandonner au hasard (Daniel Giraudon, Penanger et de La Lande, Gwerz tragique au XVIIe siècle en TrĂ©gor, Annales de Bretagne et des pays de l'ouest, Anjou, Maine, Touraine, Volume 112, NumĂ©ros 3 Ă  4, 2005 - books.google.fr).

 

"Barbares"

 

Mummius doit beaucoup de sa célébrité à une tradition dénigrante qui, tournant au cocasse certaines anecdotes, présente ce Romain comme un rustre et un barbare. Mais, s'il détruisit Corinthe après l'avoir pillée, ce fut sur l'ordre du Sénat, et Polybe, qui a vu alors la soldatesque jeter à terre des tableaux célèbres et jouer aux dés sur eux, loue sa modération et son désintéressement personnels. Dès qu'il en apprit la valeur, il se hâta d'annuler la vente au roi pergaménien Attale III d'un tableau dont la beauté était passée en proverbe et il l'apporta à Rome pour le placer dans le temple de Cérès. Lorsqu'il faisait annoncer aux entrepreneurs chargés du transport des tableaux et des statues vers l'Italie qu'ils devraient remplacer ce qu'ils auraient perdu, sa menace s'interprète avec plus de vraisemblance comme une boutade que comme une énormité. Au demeurant, peu importe ici la réhabilitation de l'homme : sa valeur de cas-type est tout autre. Selon Pline l'Ancien, si les généraux vainqueurs en Asie mineure de 190 à 188 avaient introduit à Rome la mode de l'argenterie ciselée, des étoffes précieuses et des lits incrustés de bronze, Mummius introduisit celle des bronzes de Corinthe et des tableaux de chevalet. Un contemporain d'Auguste attribuait à ses prises la plupart et les meilleures des statues qui ornaient Rome. Car, censeur en 142, il en fit dresser un peu partout dans la Ville et, disposant encore d'un surplus, il put gratifier de ses présents des municipes italiens et même, en Espagne, la colonie d'Italica (Histoire générale des civilisations, Tome 2 , 1953 - books.google.fr).

 

Pour les Grecs, les Romains Ă©taient des Barbares.

 

Platon, Euripide, Eratosthène Ă©mettent des rĂ©serves ou des critiques sur une bipartition du monde entre Grecs et barbares, et formulent des jugements soit nĂ©gatifs sur les Grecs, soit positifs sur les barbares. Les Romains reçoivent en hĂ©ritage un concept qu'ils vont enrichir. Peut-ĂŞtre est-ce dĂ» au fait qu'eux-mĂŞmes doivent le relativiser d'emblĂ©e, car ils sont, pour les Grecs, des barbares. Dès lors, il leur faut choisir : ils peuvent, ainsi dans le cas de Plaute, revendiquer cette identitĂ©, ou y Ă©chapper en Ă  l'origine une citĂ© grecque (certes ensuite affectĂ©e par des mĂ©langes avec des barbares), idĂ©e que reprend Denys d'Halicarnasse, ou en posant une tripartition Grecs - Romains - barbares, comme CicĂ©ron qui refuse, en raison de leur valeur morale et intellectuelle, de considĂ©rer les Romains d'autrefois comme barbares (Alain Chauvot, Opinions romaines face aux barbares au IVe siècle ap. J.-C., 1998 - books.google.fr).

 

Bon temps

 

Peu de temps avant la prise de Corinthe par Mummius la statuaire en bronze et en marbre avait repris quelque vigueur Athènes; et quoique les artistes de celte Ă©poque fussent bien loin des anciens mettre, ils produisirent encore des ouvrages remarquables, inspirĂ©, par l'Ă©tude consciencieuse et la nage imitation des chefs-d’œuvre du bon temps (Pline H.N. XXXIV 19). Parmi ceux qui contribuèrent surtout Ă  celle renaissance, il faut citer ClĂ©omène le père, auteur de la VĂ©nus de MĂ©dicis; ClĂ©omène le jeune, fils du prĂ©cĂ©dent; Glycon et Apollonios. Ce fut alors que Rome envoya dans ces contrĂ©es aimĂ©es des Muses ses rudes consuls et ses lĂ©gions ignorantes. Le premier acte des conquĂ©rants fut d'emporter vers cette ville ambitieuse et Ă©goĂŻste, dont la gloire et la grandeur Ă©taient leur pensĂ©e, leur espĂ©rance, leur culte, tout ce qu'ils avaient entendu louer comme digue d'admiration. D'abord ils ne comprirent pas ce culte pour les crĂ©ations de l'art, et bien des chefs-d'Ĺ“uvre furent victimes de cette rude ignorance; mais bientĂ´t, soit que la prĂ©sence de ces prĂ©cieux monuments leur en eĂ»t enfin rĂ©vĂ©lĂ© la valeur rĂ©elle, soit qu'une sorte de mode y eĂ»t attachĂ© une valeur de Convention, ce vol organisĂ© prit des proportions immenses : en Grèce, en Asie, en Sicile, tous les gĂ©nĂ©raux, tous les gouverneurs romains mirent la main sur les Ĺ“uvres d'art, d'abord pour enrichir Rome, ensuite pour s'enrichir eux-mĂŞmes. Auguste, Caligula, NĂ©ron, continuèrent Mummius, Marcellus ou Verrès, et dĂ©pouillèrent le monde au profit de la ville impĂ©riale. NĂ©anmoins, telle avait Ă©tĂ© la fĂ©conditĂ© de l'art pendant les quatre pĂ©riodes que nous venons de parcourir, qu'il resta encore Ă  Rhodes, Ă  Delphes, Ă  Athènes, Ă  Olympie, une quantitĂ© de statues vraiment extraordinaire.

 

Mais cette centralisation opĂ©rĂ©e par la force avait tuĂ© l'avenir en faisant la guerre au passĂ©. Les Romains, chez qui le sentiment artistique Ă©tait fort peu dĂ©veloppe, et qui n'aimaient que les chefs-d'Ĺ“uvre consacrĂ©e par l'admiration de juges plus compĂ©tents, n'Ă©taient guère portĂ©s Ă  encourager de nouvelles tentatives, dont il leur eĂ»t fallu apprĂ©cier eux-mĂŞmes le mĂ©rite et juger les rĂ©sultats. La sculpture Ă©tait donc irrĂ©vocablement sur la route de la dĂ©cadence : depuis longtemps dĂ©jĂ  elle avait mis le pied sur cette pente dangereuse; mais elle luttait et dĂ©tendait le terrain. Elle marcha dĂ©sormais sans rĂ©sistance, rapidement Ă  Rome, plus lentement Ă  Constantinople, quand celle-ci fut devenue Ă  son tour la capitale du monde (EncyclopĂ©die moderne: dictionnaire abrĂ©gĂ© des sciences, lettres, arts Tome 24, 1858 - books.google.fr).

 

Sensation

 

§ 1. Abordons encore une autre question concernant les sens, celle de savoir si l'on peut ou non sentir deux choses à la fois dans un seul et même moment indivisible. Nous prenons comme démontré que toujours un plus fort mouvement en absorbe un plus faible; et c'est pour cela que l'on a beau avoir les choses sous les yeux, on ne les voit point quand la pensée est fortement occupée de quelque autre objet, ou qu'on a peur, ou qu'on entend un bruit violent. Admettons aussi l'exactitude de cet autre principe, à savoir, que l'on peut toujours beaucoup mieux sentir une chose quand elle est simple que quand elle est mélangée avec d'autres; par exemple, on goûte mieux du vin pur que du vin trempé, du miel pur que du miel mêlé à d'autres saveurs; on voit mieux la couleur quand elle est unique, et l'on entend mieux la tonique, quand elle est seule, que quand elle est mêlée à la quinte, parce que ces sensations s'effacent mutuellement; et c'est ce qui arrive dans les choses qui se réunissent en une seule. Puis donc que le plus grand mouvement absorbe le plus petit, il s'ensuit nécessairement que, quand ils sont simultanés, le plus grand se sent moins que s'il était tout seul, parce que le plus petit en s'y mêlant lui enlève pour cela même quelque chose de sa force, et parce que les choses quand elles sont simples sont toujours plus sensibles. Si donc tout en étant autres, des mouvements sont égaux, on ne sentira aucun des deux, car l'un pourra également annuler l'autre; ou du moins, on ne peut certes pas sentir l'un des deux comme s'il était simple; dans ce cas, ou il n'y aura pas du tout de sensation, ou il y en aura une différente, formée des deux mouvements. C'est aussi ce qui paraît arriver pour les choses mélangées dans la chose à laquelle on les mêle.

 

§ 2. Il y a donc certaines choses qui se combinent en une, et certaines autres qui ne se combinent point; ces dernières sont celles qui tombent sous des sens différents. Ainsi, les choses dont les extrêmes sont des contraires peuvent se combiner. Mais il n'est pas possible que d'une couleur blanche et d'un son aigu, il se forme une unité réelle, si ce n'est indirectement; et alors cette unité ne ressemble pas du tout à l'accord harmonique qui se forme du grave et de l'aigu. On ne saurait donc non plus percevoir les choses de ce genre en même temps; car si les mouvements en sont égaux, ils s'annulent mutuellement, parce que des deux il n'en résulte pas un seul; et s'ils sont inégaux, le plus fort est le seul qui produise une sensation.

 

§ 3. Ajoutez que l'âme sentirait plutôt les deux choses par une seule sensation, quand elles se rapportent à un seul sens, comme le grave et l'aigu, parce que le mouvement d'un seul sens serait simultané à lui-même plutôt que celui de deux sens différents, comme la vue et l'ouïe. Or, il est impossible de sentir deux choses par une seule sensation, à moins que ces deux choses ne soient mêlées; car le mélange tend toujours à l'unité, et il n'y a qu'une seule sensation pour l'unité. Mais une sensation unique est simultanée à elle-même, et par conséquent il faut nécessairement que l'on sente à la fois les choses mêlées, parce qu'on les sent par une seule sensation en acte; car c'est un seul sens en acte qui sent l'objet quand il est un numériquement; de même que si l'objet est spécifiquement un, c'est le sens un en puissance qui le sent. Si donc la sensation en acte est unique, l'âme croira que les choses senties n'en forment qu'une; et nécessairement c'est que ces choses se seront combinées. Si au contraire elles ne sont pas combinées, il y a deux sensations en acte. Mais nécessairement l'acte doit être unique par rapport à une puissance unique, et à un temps indivisible; car l'exercice et le mouvement d'un seul sens dans un moment donné sont uniques, de même qu'il n'y a qu'une seule puissance. Ainsi donc, on ne saurait sentir deux choses à la fois par un sens unique. Mais si deux choses qui tombent sous un même sens ne peuvent être perçues à la fois du moment qu'elles sont deux, à plus forte raison évidemment ne peut-on sentir à la fois les choses qui tombent sous des sens différents; par exemple, la couleur blanche et la saveur douce. C'est qu'en effet l'âme ne semble reconnaître ce qui est numériquement un, que parce qu'elle le sent dans le même temps, tandis que ce qui est un en espèce, elle le reconnaît à la fois, et par le sens qui perçoit, et par la manière dont cet objet agit sur lui : je veux dire, par exemple, que c'est bien toujours le même sens identique à lui-même qui juge le blanc et le noir, tout différents que le blanc et le noir sont en espèce, comme c'est aussi un même sens qui juge le doux et l'amer. Mais dans un des cas, le sens est différent de ce qu'il est dans l'autre cas; il juge autrement de chacun des contraires; et c'est ainsi que chacun de ces sens perçoit de la même façon les objets qui se correspondent, et que par exemple, de même que le goût perçoit le doux, et que la vue perçoit le blanc, de même aussi la vue voit le noir, et le goût sent l'amer.

 

§ 4. De plus, si les mouvements des contraires sont contraires, et que les contraires ne puissent jamais être en même temps dans un seul et même individu, bien qu'ils puissent tomber sous un même sens, comme le doux et l'amer, il s'ensuit que l'on ne peut pas non plus les sentir tous deux à la fois. Il est tout aussi clair qu'on ne peut pas davantage sentir ainsi les choses qui ne sont pas contraires; car (parmi les couleurs] les unes se rapportent au noir et les autres au blanc; et cette remarque s'applique également aux autres sensations; et par exemple aux saveurs, dont les unes se rapportent au doux et les autres à l'amer. Il n'est pas même possible de sentir à la fois les choses mêlées, parce qu'elles appartiennent dans leurs rapports à des opposés, et par exemple, la tonique et la quinte, à moins qu'elles ne soient senties comme une seule et même chose; et c'est ainsi seulement qu'il n'y a qu'une notion unique des extrêmes, mais non pas autrement; car il y aura notion simultanée, tantôt du rapport du grand au petit, ou de l'impair au pair, et tantôt du rapport du petit au grand ou du pair à l'impair. Si donc des choses analogues, mais de genre différent, sont encore plus éloignées les unes des autres, et sont plus dissemblables entre elles que les choses qui sont dans un même genre, par exemple je veux dire le doux et le blanc, que j'appelle analogues, mais qui sont de genre différent, le doux s'éloignant spécifiquement plus encore du noir que du blanc, il est encore moins possible de sentir simultanément ces dernières choses que celles d'un même genre; et il s'ensuit que si les choses d'un genre identique ne sont pas perçues à la fois, les autres ne le sont pas davantage (De la sensation et des choses sensibles, chap. VII) (Aristote, Psychologie, Traité de l'âme, traduit par J. Barthélemy Saint-Hilaire, 1847 - books.google.fr).

 

CicĂ©ron livre quelque chose de la conception de ceux qui formaient une sorte de coterie au sein de l'Ă©lite et se reconnaissaient une Ă©gale compĂ©tence Ă  apprĂ©cier les beaux objets. En fin de discours sur Verrès, CicĂ©ron revient sur ce tour d'esprit caractĂ©ristique :

 

Tu uidelicet solus uasis Corinthiis delectaris, tu illius aeris temperationem, tu operum liniamenta sollertissime perspicis (C'est toi seul, sans doute, que charment les vases de Corinthe, c'est toi qui es très habile à connaître l'alliage de ce métal, à priser les belles lignes de ces œuvres, De signis).

 

Le thème de la prĂ©somption des collectionneurs, jaloux des objets qu'ils sont persuadĂ©s ĂŞtre les seuls Ă  possĂ©der, deviendra, après CicĂ©ron, un vĂ©ritable topos de la diatribe. Ainsi chez Martial Ă  propos de Charinus :

 

Argenti genus omne comparasti et solus ueteres Myronis artes, solus Praxitelis manus Scopaeque, solus Phidiaci toreuma caeli solus Mentoreos habes labores.

 

Comme on peut le voir dans le passage du De signis cité précédemment, la science de Verrès est avant tout technique, c'est une ars. Il reconnaît un alliage au seul aspect du métal. À l'origine, un terme comme liniamenta appartenait  certainement au vocabulaire de l'atelier. Il fait en tout cas partie de celui de la critique d'art. Ce «savoir-faire» artistique passe donc d'abord par les sens (perspicis) : c'est une perception technique de la forme des choses, qui rend le connaisseur apte à iudicare. On peut citer d'autres emplois d'intellegere et d'intelligentia dans ce sens spécifique de capacité à apprécier les oeuvres d'art :

 

ista intellegere (4, 33) ; ut intellegatis in hominem intelligentiam esse, non auaritiam, artifici cupidum, non argenti fuisse (4, 46) ; Ă  propos de lui-mĂŞme : tametsi non tam multum in istis rebus intellego quam multa uidi (4, 94).

 

Or, toute la stratégie de Cicéron consiste à déprécier ce type de compétence pour lui opposer une forme plus haute de culture. À ce titre, la suite du paragraphe combine tous les ressorts de l'argumentation. Après avoir reproché à Verrès ses prétentions à l'intelligentia, Cicéron lui oppose la figure de Scipion Emilien, dont le préteur avait outragé la mémoire en s'emparant de ses de ses monumenta, les œuvres restituées par le vainqueur de Carthage aux cités siciliennes (Renaud Robert, La culture de Verrès, Revue des études latines, 2009 - books.google.fr).

 

Quant Ă  l'airain de Corinthe, Pline (H.N. III, 2) assure qu'il se prĂ©sentait sous trois aspects. Il avait tantĂ´t l'Ă©clat de l'argent, tantĂ´t celui de l'or et pouvait ĂŞtre le rĂ©sultat d'un alliage en proportions Ă  peu près Ă©quivalentes d'or, d'argent et de cuivre. C'est ce dernier airain que l'on croyait avoir Ă©tĂ© produit fortuitement par la fusion de mĂ©taux prĂ©cieux et de cuivre, lors de l'incendie de Corinthe par Mummius (146 av J.C.) (Fulcanelli, Les demeures philosophales et le symbolisme hermĂ©tique dans ses rapports avec l'art sacrĂ© et l'Ă©sotĂ©risme du Grand-Oeuvre, 1930 - books.google.fr) :

 

De ces airains renommés dans l'antiquité, celui de Corinthe est le plus recherché; le hasard en fit l'alliage dans l'embrasement qui suivit la prise de cette ville. La passion de bien des gens pour cet airain, a été surprenante; car on rapporte que, la seule cause pour laquelle Antoine proscrivit Verrès, que Cicéron avait fait condamner, fut que Verrès avait refusé de lui céder ses bronzes de Corinthe. Pour moi, je pense que la plupart n'affectent de se connaître en airain de Corinthe que pour se distinguer, et qu'au fond ils n'y entendent pas plus que les autres (Pline, Histoire Narturelle, Livre XXXIV traitant du cuivre - remacle.org).

 

Le bien et le mal selon saint CĂ©ron

 

ArrĂŞtons-nous un instant Ă  la question du critère du bien et du mal. Epicure le mettait dans la sensation, source unique des connaissances de l'âme, et donc règle souveraine de ses jugements. CicĂ©ron lui rĂ©pond par un argument dont la majeure repose partie, d'une façon toute romaine, sur un principe du droit. La loi, dans les procès civils, dit-il, ne permet au magistrat de juger que dans la limite de sa compĂ©tence. Or, la compĂ©tence de la sensation s'arrĂŞte aux impressions telles que le doux ou l'amer, le rond ou le carrĂ©. Seule a autoritĂ© et toute autoritĂ© pour juger de la moralitĂ© la facultĂ© de l'âme Ă  qui appartiennent et la science des choses divines et humaines, et la règle suprĂŞme des vertus : la raison (Milton Valente, L'Ă©thique stoĂŻcienne chez CicĂ©ron, 1956 - books.google.fr).

 

Dire que les sens mêmes jugent que la volupté est un bien, et que la douleur est un mal, c'est attribuer aux sens plus d'autorité qu'il ne leur appartient. Quand les lois nous font juges des affaires des particuliers, nous ne pouvons juger que de ce qui est de notre compétence; et c'est inutilement que le juge, en prononçant une sentence, a coutume de dire : s'il m'appartient d'en juger, car, si la cause est hors de sa compétence, rien n'est jugé quand même il ne le dirait pas. Véritablement il appartient aux sens de juger de ce qui est doux ou amer, poli ou rude, proche ou éloigné, mobile ou immobile, carré ou rond. Mais quelle sentence prononcera donc la raison, avec la science des choses divines et humaines qui est la véritable sagesse, et avec les vertus, que la raison regarde comme les maîtresses de tout, et que vous faites les suivantes et les ministres de la volupté? Elle prononcera sans doute, premièrement, qu'il n'est point ici question de la volupté, non-seulement pour être mise sur le trône du souverain bien; mais non pas même pour y avoir aucune place avec l'honnêteté. Elle n'en donnera non plus aucune, ni à l'opinion d'Hiéronyme, ni à celle de Carnéade, et jamais elle n'approuvera qu'on fasse consister le souverain bien, ni dans la volupté, ni dans la privation de la douleur, ni dans quoi que ce soit où l'honnête n'entre pas. Ainsi il ne lui restera plus que deux opinions à examiner; et alors, ou elle prononcera qu'il n'y a rien de bien que ce qui est honnête, rien de mal que ce qui honteux; et que tout le reste n'est pas assez considérable pour devoir être ni recherché ni évité, mais seulement pour être choisi ou rejeté, suivant l'occasion; ou elle préférera l'opinion qui joint à l'honnêteté les avantages d'une vie heureuse et enrichie de tous les dons de la nalture. Et pour pouvoir mieux juger entre ces deux opinions, elle examinera auparavant si c'est dans les choses ou dans les mots qu'elles diffèrent (Chapitre XII) (Cicéron. Des vrais biens et des vrais maux, livres I et II. Traduction Regnier Desmarais, 1875 - books.google.fr).

 

L'intĂ©rĂŞt de cette discussion rĂ©side dans ce fait que CicĂ©ron ajoute que, par ce raisonnement, «CarnĂ©ade aussi est dĂ©boutĂ© !». Curieusement, le nom de CarnĂ©ade se trouve plusieurs fois mentionnĂ© dans la suite Ă  cĂ´tĂ© de celui d'Epicure, et enveloppĂ© dans une mĂŞme rĂ©probation, jusqu'Ă  ce que nous soyons renvoyĂ©s, pour une rĂ©futation plus complète de ce philosophe, au traitĂ© de la RĂ©publique. Lorsque nous l'aborderons, nous verrons, en effet, que CarnĂ©ade argumentait d'une manière fort semblable Ă  celle d'Epicure, pour aboutir Ă  cette conclusion que le droit politique repose sur l'intĂ©rĂŞt et non sur la loi naturelle. Ceci est d'autres, un jalon de plus, qui nous indique que CicĂ©ron, Ă  travers les mĂ©andres des rĂ©flexions philosophiques, ne perd jamais de vue le but dernier de son Ă©thique : affermir la citĂ© politique sur des bases inĂ©branlables.

 

Du reste, la condamnation du plaisir abonde, Ă  cĂ´tĂ© de plus gĂ©nĂ©rales, en considĂ©rations politiques et sociales. L'homme est fait pour la pensĂ©e et l'action, comme le cheval pour la course ou le boeuf pour le labour : asservir l'homme au plaisir des sens, c'est en faire une bĂŞte, et «c'est le comble de l'absurdité» (Milton Valente, L'Ă©thique stoĂŻcienne chez CicĂ©ron, 1956 - books.google.fr).

 

Cf. quatrain précédent X, 96, la différence de la rationalité qui fait l'homme être un homme autrement qu'un animal irrationel.

 

"temps" : Saturne et saturnien

 

Horace et Virgile nous transportent au cœur même de notre sujet, au sein du culte patriarcal de Tellus, de Sylvanus, de Génius, au milieu des sacrifices de Fescennies, la ville étrusque, et de Saturnia, la ville aborigène, d'où vint le vers saturnien, horridus ille numerus saturnius. Le vers fescennin ou saturnien, au dire de Servius, n'avait d'autre mesure que celle du chant. Dans le principe, selon Quintilien, les vers ne sont que des espaces réglés par l'oreille, sans égard à la valeur prosodique des syllabes. A ce genre appartenaient les oracles chantés par Faune aux premiers habitants de l'Italie. Nævius, dans son poème de la guerre punique, était resté fidèle aux lignes rhythmées du vers saturnien. Cicéron nous apprend qu’Ennius se vantait d'avoir substitué, dans son épopée, le vers hexamètre au vers agreste de son devancier. C'était, selon Festus, sous la forme du vers saturnien que les hymnes saliens célébraient Saturne, le dieu des semailles, sata. Ce fut sans doute aussi le rhythme des chants arvales, des tables Eugubines et des lois primitives. Celle qui réprimait les chansons diffamatoires, fut reproduite par les XII Tables. Cicéron, Horace, son commentateur Acron, Arnobe, le jurisconsulte Paul rappellent ce mémorable article, et en citent diversement les termes. Saint Augustin nous a conservé le précieux passage du IVe livre de la République, dans lequel Cicéron blâme les outrages proférés sur le théâtre d'Athènes contre Péricles. «Nos XII Tables, ajoute-t-il, qui prononcent en si peu de cas la peine capitale, ont voulu qu'elle fût infligée à celui qui aurait récité publiquement ou composé des vers injurieux ou diffamatoires.» (Delcasso, Droit italique antérieur à la fondation de Rome, Revue catholique d'Alsace, 1869 - books.google.fr).

 

Vers italique et exclusivement latin, le saturnien (versus saturnius) ne nous est connu que par quelques inscriptions funĂ©raires et votives et par les fragments qui nous sont parvenus de quelques oeuvres (Sententiae d'Ap. Claudius Caecus, traduction de l'OdyssĂ©e par Livius Andronicus, Bellum Punicum de Naevius). Ce vers fut primitivement chez les Romains le vers de l'Ă©popĂ©e. Les tentatives de Livius Andronicus et de Naevius n'ont pas eu de lendemain ; le saturnien n'est pas devenu le vers Ă©pique des Romains. Ce vers est un asynartete, composĂ© de deux membres ; le premier membre compte sept, le deuxième, six syllabes ; ils sont sĂ©parĂ©s par une diĂ©rèse distincte. Le plus souvent on scande le premier membre comme des iambes, le deuxième comme des trochĂ©es (Willem John Wolff Koster, TraitĂ© de mĂ©trique grecque, suivi d'un prĂ©cis de mĂ©trique latine, 1953 - books.google.fr).

 

Le saturnien est encore utilisĂ© dans les inscriptions officielles au milieu du IIe siècle. Lorsque, pour cĂ©lĂ©brer la victoire navale remportĂ©e en 190 au Cap Myonnèse par Lucius Aemilius Regillus sur Antiochus, les Romains consacrèrent au Champ de Mars, en 179, le temple des Lares Permarins, ils firent graver une  inscription dont le texte nous a Ă©tĂ© transmis, quelque peu adaptĂ© ; par Tite-Live, mais dont le dĂ©but est confirmĂ© par Caesius Bassus, qui le cite dans son traitĂ© De metris comme un exemple de saturnien. On connaĂ®t une dĂ©dicace en saturniens de Lucius Mummius, le vainqueur de Corinthe, qui dĂ©dia en 142 un temple Ă  Hercule Vainqueur. Vers la mĂŞme Ă©poque, Marcus et Publius Vertuleius remercient Hercule en saturniens, au nom du votum de leur père Gaius, par l'offrande d'une decuma et d'un banquet sacrĂ© (Charles Guittard, Carmen et prophĂ©ties Ă  Rome, 2007 - books.google.fr).

 

La parenté entre l'inscription de Mummius et celle de L. Aemilius Regillus a également été relevée par Leena Pietilä-Castrén (Magnificentia Publica, p. 141) (Michel Aberson, Temples votifs et butin de guerre dans la Rome republicaine, 1994 - books.google.fr, Franz Bücheler, Précis de la déclinaison latine, traduit par L. Havet, Bibliothèque de l'Ecole des hautes études: Sciences historiques et philologiques. IVe section, Numéro 24, 1875 - books.google.fr).

 

Dans l'oratoire d'Heius il y avait vis-Ă -vis de la statue de Cupidon celle en bronze d'Hercule.

 

Il y a des images d'Hercule, maîtrisé par Cupidon, qui donne ses armes à Omphale et à Iole, et qui prend la quenouille pour filer (Bernard de Montfaucon, L'antiquité expliquée et représentée en figures : Les dieux des Grecs & des Romains, 1719 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 2249 sur la date pivot -146 donne -2541.

 

Date de la mort de Sem (Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l'hist. univers., sacrée et proph., ecclésiast. et civile, depuis la création du monde, jusqu'à l'an 1762, 1763 - books.google.fr).

 

Si j'ose pousser la conjecture plus avant, je dirai que ces Theraphims de Laban Ă©toient les images de NoĂ© & de Sem : de NoĂ©, parce que c'Ă©toit le pere commun du monde, & de Sem, parce que c'Ă©toit le Patriarche de la famille de Laban. Qu'il y eĂ»t plusieurs images, dans l'oratoire de Laban cela est clair par le nom de Theraphims, qui est un nom pluriel, & parce que Laban les appelloit ses Dieux, & non pas son Dieu. D'autre part, qu'il n'y en eĂ»t pas plus de deux, cela me paroĂ®t vraisemblable, parce que Rachel trouva moyen de les cacher sous le bât d'un chameau. Il eĂ»t Ă©tĂ© difficile qu'un grand nombre de statues eĂ»t Ă©tĂ© contenu dans un si petit espace. Et c'est dans cette conjecture que je trouve la raison, pourquoi Ovide parle des Dieux Lares, comme n'Ă©tant que deux fils de la Nymphe Larunda, que Mercure viola, en la menant aux enfers, deux Dieux oĂą elle fut relĂ©guĂ©e par l'ordre de Jupiter, dont elle avoit rĂ©vĂ©lĂ© les amours.

 

Encore que depuis on ait multiplié les Lares, & qu'on ait adoré dans le Lararium, tous les illustres morts de la famille, & même les Patrons vivans, cependant un passage d'Ovide (Fastes II) nous apprend, qu’originellement il n'y avoit que deux Lares. Ce qui vient apparemment, de ce qu’originellement il n'y avoit pas plus de deux Theraphims dans la maison. Tout à l'heure, quand nous parlerons des Theraphims de Mica, nous verrons une nouvelle preuve de cela même, savoir qu'il n'y avoit que deux Theraphims. Or si Laban n'avoit que deux Theraphims, & que les Theraphims fussent les Dieux Manes, & les Ancêtres de la maison, il n'y a pas lieu de douter que ce ne fussent Noé & Sem ; car il n'y en avoit point qui dût emporter cet honneur sur eux. Je crois même que l'un de ces Theraphims, Dieux Tutelaires de la maison, fut établi pour le conservateur des jardins & des fruits des champs. Ce fut Noé le premier des Theraphims, à qui l'on donna cet office, & depuis on l'a appellé Priape, & on a mis sa statuë dans les jardins, car dans le chapitre de Bahal-Pehor, nous ferons voir que le Priape des Romains & des Grecs, étoit Noé.

 

Voilà ce qu'étoient les Theraphims dans leur origine, c'étoient les statues des principaux Ancêtres de la famille qu'on adoroit, & ausquels on recommandoit le salut de la maison (Pierre Jurieu, Histoire critique des dogmes et des cultes, bons & mauvais, qui ont été dans l'Église depuis Adam jusqu'à Jesus-Christ, 1704 - books.google.fr).

 

L'oratoire d'Heius où se trouvait une statue de Cupidon de Praxitèle à Messine est appelé dans le texte de Cicéron sacrarium. Il s'agit du domesticum ou Lararium dans lequel étaient rangés les Lares et les dieux domestiques (M. Tullii Ciceronis Opera ex recensione Christ. Godofr. Schützii additis commentariis, Tome 5, 1826 - books.google.fr).

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