Mithra et Commode

Mithra et Commode

 

X, 76

 

2233

 

Le grand Senat décernera la pompe,

A l'un qu'après sera vaincu, chassé,

Ses adherans seront Ă  son de trompe,

Biens publiez, ennemy dechassé.

 

X, 77

 

2233-2234

 

Trente adhérans de l'ordre des quirites,

Bannis, leurs biens donnez ses adversaires,

Tous leurs bienfaits seront pour démérites,

Classe espargie délivrez aux corsaires.

 

X, 78

 

2234-2235

 

Subite joye en subite tristesse,

Sera Ă  Rome aux graces embrassees :

Dueil, cris, pleurs. larm. sang, excellent liesse

Contraires bandes surprinses & troussees.

 

Corsaires

 

Plutarque assure que ce furent les pirates vaincus et dissipés par Pompée qui firent connaître aux Romains le culte de Mithra. Ces pirates étaient un amas de bandits et d'aventuriers de différentes nations, que l'espoir de s'enrichir par le brigandage avait réunis; assez semblables à ces boucaniers et à ces forbans, qui ont fait du temps de nos pères tant de désordres dans l'une et l'autre Inde. Mais on aurait peine à imaginer qu'il y est parmi eux des Persans, des Parthes ou des Assyriens. Ces pirates étaient des Pisidiens, des Ciliciens, des Cypriens, et peut-être des Syriens, nations chez qui le culte de Mithra n'était point regu: mais ce que dit Plutarque ne doit être pris que pour une conjecture avancée au hasard. Le plus ancien exemple du culte de Mithra chez les Romains se trouve, je crois, sur une inscription datée du troisième consulat de Trajan, ou de l'an 101 de l'ère chrétienne. C'est la dédicace d'un autel au Soleil, sous le nom de Mithra : DEO SOLI MITRAE. Sur une autre inscription qui ne porte point de date, Mithra est l'assesseur ou le compagnon du Soleil: DEO MITRAE ET SOLI SOCIO. Il fallait cependant que ce culte ne se fut pas établi en Syrie et dans les pays voisins de l'Egypte. C'est ce qui résulte de l'ouvrage d'Origène contre Celse.

 

Le culte de Mithra était cependant commun à Rome, où l'on célébrait méme ses mystères. On voit dans les collections de Gruter et de Reynésius plusieurs dédicaces faites à cette divinité; et Lampride, dans la vie de Commode, fait mention des mystères de Mithra, sacra Mithriaca. Commode a régné depuis l'an 180 jusqu'à l'an 192. Porphyre, qui vint à Rome en 265 prendre les leçons de Plotin, parle beaucoup de Mithra dans les ouvrages qui nous restent de lui. C'est Zoroastre qui fut le premier auteur de l'antre mystique où Mithra était, dit-il, représenté assis sur le taureau, et tenant à la main le glaive d'Ariès, signe consacré à Vénus et aux générations, dont Mithra est le principe. J'avoue qu'en examinant de près les circonstances du culte de Mithra chez les Romains, je n'y ai trouvé nulle ressemblance avec la doctrine et les pratiques de la religion persane, contenues dans les livres de Zoroastre, ou du moins dans ce que les critiques mahométans nous apprennent de ces livres (Bibliothèque académique; ou, Choix fait par une Société de Gens-de-Lettres, Tome 3, 1810 - books.google.fr).

 

Le Soleil des Perses ne fait dans l'Histoire Auguste qu'une apparition occasionnelle, presque honteuse, à propos d'une parodie sadique inventée par Commode.

 

Le culte de Mithra était-il plus barbare que celui d'Isis ou de Cérès ; car on lui offrait des victimes humaines sans distinction de sexe ni d'âge : l'empereur Adrien défendit ces sacrifices, mais l'empereur Commode était bien digne de les rétablir, puisque lui-même il immola un homme à cette horrible divinité (Jacques Marquet de Norvins, L'Immortalité de l'âme, ou les quatre âges religieux: Poëme en quatre chants, 1822 - books.google.fr).

 

"trente" et "quirettes"

 

Des éditions ont "quirites" ce qui permet de rimer normalement avec "démérites" (Henri Torné-Chavigny, L'Histoire prédite et jugée par Nostradamus, 1860 - books.google.fr).

 

L'épreuve de la préfecture était complète pour Commode. Perennis avait voulu le détrôner; Cléandre avait failli le perdre dans une émeute. Commode résolut de gouverner lui-même, en effaçant désormais ses préfets du prétoire. Comment cet homme, à l'intelligence épaisse, aux regards hébétés, semblable, dit l'un de ses historiens, à ceux d'un ivrogne, pouvait-il comprendre, à Rome, le gouvernement ? Il pratiqua brutalement, sans finesse ni détour, le système que d'autres avaient inventé, mais recouvert au moins d'une apparence de politique et de justice. Aux grands qui pouvaient devenir ses rivaux, il fit cruellement peur; au peuple qu'il ne pouvait supprimer, il fit grossièrement la cour. Régnant par la terreur au sénat et par la complaisance à l'amphithéâtre, il versa également le sang pour faire trembler et pour plaire. La mort fut tout le fond de son système. II sacrifia à ses défiances, à ses soupçons, sur la plus mince délation, ses parents, ses officiers, les sénateurs. Il offrit, en quantité inouïe, au peuple les gladiateurs et les animaux de toute contrée et de tout climat. Il saigna l'aristocratie pour l'épuiser; il soûla le peuple de sang pour le gagner. Il commença par imprimer une terreur salutaire à ses préfets du prétoire. L'un, Julianus, qu'il embrassait cependant publiquement en l'appelant son pére, fut, sur une parole, précipité dans un vivier. L'autre, Motyline, fut empoisonné dans un repas. Tous ceux qui l'approchaient n'eurent qu'à se bien tenir. On a remarqué, dans l'histoire des successeurs d'Auguste, que chaque prince, à son avènement, croyait nécessaire à sa sûreté de sacrifier ses parents. Au sixième descendant de César, après cinquante-deux princes morts violemment, la race des Césars était éteinte. Commode suffit pour anéantira lui seul toute la nombreuse famille des Antonins; il n'en resta plus qu'un membre à sa mort. Le sénat fut mis en coupe réglée. Lampride nous parle un jour de huit sénateurs, un autre jour de quinze, massacrés. Commode, pour maintenir les gouverneurs et les généraux éloignés, dans le devoir, donna le premier l'exemple de garder auprès de lui leurs femmes et leurs enfants; et il ne se fit faute non plus de les sacrifier à ses soupçons. « Je rendrais, dit Dion Cassius, cette histoire fâcheuse et déplaisante, si je voulais écrire exactement et par le menu, tous les meurtres que fit Commode, et insérer ici les noms de tous ceux qu'il condamna par calomnie ou par faux soupçon à cause de leurs biens, de leur noblesse, de leurs vertus, ou pour toute autre raison. » Lampride en compte pour sa part, dans un alinéa, jusqu'à trente (Jules Zeller, Les empereurs romains: caractères et portraits historiques, 1862 - books.google.fr).

 

Lampridius est un auteur de l'Histoire Auguste, du IVème siècle.

 

"Subite joye en subite tristesse" et "son de trompes"

 

Le culte d'Atys, qui envahit peu à peu tout le monde ancien, semble avoir eu pour berceau Pessinonte. ou même en sanglantes orgies. De l'Asie le culte d'Atys passa en Grèce avec celui de Cybèle. Ils avaient des temples à Dyme et à Patras, où Boettiger a supposé qu'on adorait dans leur double nature le dualisme des sexes ramené à l'unité primordiale. Enfin, de la Grèce, ce culte pénétra jusqu'à Rome. C'est là que la fête d'Atys perdu et retrouvé se célébrait tous les ans à l'équinoxe du printemps, c'est-à-dire le 21 mars. On enlevait ce jour-là le pin auquel se trouvait suspendue l'image d'Atys, et on le transplantait dans le temple de la déesse. Le lendemain c'était une harmonie sauvage produite par des cornes en forme de trompes, et destinée par ses sons graves et sourds à marquer la tristesse. Mais le troisième jour Atys était retrouvé, et la joie éclatait en transports sauvages, (Encyclopédie moderne: Dictionnaire abrégé des sciences, des lettres, des arts, de l'industrie, de l'agriculture et du commerce, Tome 1, 1856 - books.google.fr).

 

Dans le culte d'Atys, la joie succède à la tristesse et non l'inverse, mais les quatrains semblent se situer dans la fin des cultes des dieux.

 

Le 24 mars, « jour du sang », les galles, surexcitĂ©es par des jours de macĂ©rations, se mettaient Ă  tournoyer aux accents des trompes et au rythme obsĂ©dant des crotales et des tambours. Parvenus Ă  la transe, ils se flagellaient, s'entaillaient les bras et les Ă©paules, Ă©claboussant les autels de leur sang, avant de s'Ă©masculer avec un tesson de poterie. La musique - une musique dionysiaque - et la danse jouaient dans ces cĂ©rĂ©monies un rĂ´le considĂ©rable. Selon Firmius Maternus, l'initiĂ© - car il s'agissait d'une initiation - devait proclamer : « J'ai mangĂ© au tambourin, j'ai bu Ă  la cymbale, je suis devenu un myste d'Attis. Â» Le culte de la DĂ©esse syrienne, auquel  NĂ©ron adhĂ©ra pour un temps, qui fut associĂ© Ă  celui de Jupiter HĂ©liopolitain, prĂ©sentait des cĂ©rĂ©monies semblables. A HiĂ©rapolis, dĂ©crit Lucien, « lorsqu'on joue de la flĂ»te et qu'on cĂ©lèbre les orgies, la fureur se communique Ă  un grand nombre d'assistants et beaucoup d'hommes, qui Ă©taient venus pour voir, se livrent aux actes que je vais dire. Le jeune homme qui a dĂ©cidĂ© d'ĂŞtre Galle jette bas ses vĂŞtements, s'avance au milieu de l'AssemblĂ©e en poussant de grands cris et saisit un couteau parmi ceux qui sont, je pense, rĂ©servĂ©s pour cet usage depuis de nombreuses annĂ©es. Avec ce coutelas il se châtre brusquement et court par la ville en tenant dans ses mains ce qu'il s'est retranchĂ©. La maison quelle qu'elle soit oĂą il va le jeter lui fournira une robe de femme et tout ce qui sert Ă  la parure du sexe Â». Les cultes d'Isis et de SĂ©rapis Ă©taient rĂ©pandus sur tout le territoire de l'empire. En 69, Ă  Alexandrie, Vespasien opĂ©rera des miracles au nom de SĂ©rapis et Hadrien fera construire un SĂ©rapeum dans sa villa de Tibur. Un culte moins impur et sans doute plus viril fut celui de Mithra, d'origine iranienne, qui fut rĂ©pandu par les lĂ©gions romaines. Le long du RhĂ´ne, du Rhin, du Danube, et, bien entendu en Italie comme en Asie, on construisit des mitraeus. Dans Ostie seule on en comptait plus de quinze. Leur plan Ă©tait simple et toujours identique : un couloir, ou, si l'on veut, une nef, aboutissait Ă  l'image de Mithra gĂ©nĂ©ralement placĂ©e dans une niche. La voĂ»te Ă©tait souvent dĂ©corĂ©e d'Ă©toiles, Ă  la mode asiatique, et les plus riches de ces temples Ă©taient ornĂ©s de peintures et de mosaĂŻques. L'essentiel du culte, dont les femmes Ă©taient exclues, consistait en un repas qui commĂ©morait le banquet de Mithra et du soleil après le sacrifice du  taureau dont le sang devait sauver les adeptes Ă  la fin des temps. Dans l'empire, et tout spĂ©cialement en Égypte, le Christ fut d'abord considĂ©rĂ©, Ă  l'instar de Dionysos, d'Attis, de Mithra, d'Osiris, comme un nouveau dieu sauveur (Edmond Buchet, Des origines a la Renaissance, 1975 - books.google.fr).

 

Les Mithriaques, ou fêtes et mystères de Mithra, se célébraient avec pompe à Rome le 25 décembre, jour de la naissance prétendue de Mithra.

 

"sénat decernera la pompe"

 

A propos de Commode la découverte de nombreuses dédicaces pour le salut de ce prince ou datant de son règne nous fait entrevoir quel élan cette conversion impériale donna à la propagande mithriaque. Sous le règne d'Aurélien (270-275) le mithraïsme fut proclamé religion officielle de l'Empire et l'empereur l'incarnation terrestre du Soleil.

 

"A l'un qu'apres sera vaincu et chassé"

 

Il est possible que celui qui est vaincu et qui a été honoré par le Sénat est ce dieu concurrent au dieu des juifs et des chrétiens, intégré au panthéon romain.

 

La mithraïsme était un culte monothéiste antérieur de plus de 1 500 ans au christianisme primitif, mais qui connut son apogée à Rome au moment de la naissance de ce dernier. Il a fait l'objet de persécutions systématiques dans l'Empire romain à la fin du IVe siècle parce qu'il concurrençait le christianisme, avec lequel il présente certaines similitudes (le monothéisme, et certains rites comme l'eucharistie) (fr.wikipedia.org - Mithra).

 

"biens publiés"

 

Cette expression répond au latin "boni publicati" employée par Cicéron : biens confisqués (Lettre XIX, à Brutus) (Marcus Tullius Cicero, Œuvres Complètes, traduit par MM. Andrieux, Agnant, Tome 26, 1835 - books.google.fr).

 

Quand le paganisme fut proscrit, les biens des temples furent attribués au fisc; Gratien décréta la confiscation, Théodose l'exécuta. Nous savons, par les lois des empereurs, qu'une partie de ces biens furent donnés à l'Église chrétienne, et les auteurs de l'Histoire ecclésiastique disent la même chose (L. 20 C. Theod., XVI, 10) (François Laurent, L'Église et L'état, Tomes 1 à 2, 1865 - books.google.fr).

 

ProsphuĂ´s : les passions

 

Les mots latins "aptus", "adhaerens" (cf. "adhérans") et "commodus" traduisent le terme grec "prosphuôs" qui peut s'insérer dans un contexte animique (Lexicon siue dictionarium graecolatinum, Tome 2, Ioannem Crispinum, 1562 - books.google.fr).

 

Les Basilidiens considéraient les passions comme des éléments étrangers à l'âme, des pièces rapportées (prosartêmata), des sortes de poids qui s'accrochent à l'âme et en recouvrent la nature proprement humaine sous des apparences animales, végétales et même minérales (Cyrille d'Alexandrie, Strom. II, 112,1-113,1). Isidore, fils ou principal disciple de Basilide, exprimait la même idée en parlant d'une âme « adventice » ou «parasite» (ibid., 113,3), qui serait comme une seconde âme (114, 2). Langerbeck fait remarquer que cette expression, « parasite » (prosphuês), vient de Platon. L'âme, pour Platon, est complexe, elle est un mélange. On le voit dans le Phédon, dans la République et encore dans le Timée. Le corps n'est pas extérieur à l'âme, il est en elle. Il en est l'un des éléments, un élément qui peut dominer les autres ou être dominé par eux. L'esclavage de l'âme, quoiqu'il vienne du corps, n'est pas analogue à l'effet d'une contrainte extérieure; car ce que veut le corps, l'âme dominée par lui croit le vouloir. Les passions accrochées à l'âme, dont parlent les Basilidiens, rappellent la comparaison platonicienne de l'âme avec Glaucus le Marin, ce dieu marin rongé par les eaux et tellement recouvert d'algues et de coquillages qu'il en a perdu la forme humaine (République, 611c-d). Mais cette conception platonicienne ne  signifie pas que l'homme ne soit pas responsable de ce qu'il fait. Isidore enseignait que l'homme a le devoir de maîtriser ses passions et par conséquent est responsable de ses actes (Strom. II, 1 14, 1) (Simone Pétrement, Le Dieu séparé: les origines du gnosticisme, 1984 - books.google.fr).

 

Basilide est un gnostique paléochrétien qui enseignait à Alexandrie au début du IIe siècle. Élève à Antioche de Ménandre, un disciple de Simon le Magicien, il aurait écrit sa propre version des Évangiles, des commentaires sur ceux-ci en vingt-quatre volumes, l'Exegetica, et aurait enseigné un syncrétisme reprenant entre autres l'enseignement de saint Pierre et saint Matthias ainsi qu'un dualisme influencé par le zoroastrisme. Il eut un grand nombre d'adeptes, les Basilidiens, jusqu'au IVe siècle. Il eut pour fils et disciple Isidore, Isidore le Gnostique. Historiquement, on ne le connait que par les écrits de ses détracteurs chrétiens, Agrippa Castor, Irénée, Clément d'Alexandrie et Hippolyte de Rome, aux témoignages desquels on ne sait précisément quel crédit accorder (fr.wikipedia.org - Basilide).

 

Pallas [Ă©poque des Antoniens], dans son ouvrage sur Mithra, dit qu'il pense que l'Ă©lan commun tend comme vers celui du cercle du zodiaque. Mais c'est une vĂ©ritable et exacte opinion sur les âmes humaines qui est ainsi exprimĂ©e obscurĂ©ment, car ces âmes, dit-on, sont entourĂ©es par toute sorte de corps. «Dans les Mystères de Cybèle, l'initiĂ©, couchĂ© dans une fosse, recevait sur le corps le sang d'un taureau ou d'un bĂ©lier; dès ce moment, il devenait taurobolio criobolioque in aelernum renatus». Les Gnostiques, hĂ©ritiers des antiques Mystères, reprĂ©sentent l'âme comme descendant et remontant, comme passant de la de la simplicitĂ© Ă  la multiplicitĂ© et revenant de la multiplicitĂ© Ă  la simplicitĂ©. Ils ont des initiations assimilĂ©es Ă  la mort et Ă  la rĂ©ascension. Philon, l'un des prĂ©parateurs du gnosticisme, professe la division de l'âme en trois : Nous, thumos, Ă©pithumia; il enseigne que l'homme doit se dĂ©gager du corps; il croit que les âmes purifiĂ©es s'Ă©lèvent vers les rĂ©gions supĂ©rieures. La thĂ©orie antique de l'âme demeure celle des Gnostiques et de divers hĂ©rĂ©tiques : Basilide admet deux âmes, comme les Pythagoriciens (ClĂ©ment d'Alexandrie, Stromates, II, 20, dans la Patr. gr. t. 8, p. 1057). Apollinarius a pris chez les philosophes Ă©trangers la distinction du Nous et de la PsychĂ©, c'est-Ă -dire de l'Intellect et de l'Ame (ThĂ©odoret, Épitre 145, Patr. gr., t. 83, p. 1380). Valentin admet « la trinitĂ© de l'homme : il avait Ă©tĂ© platonicien » (Tertullien, Livre sur les Prescriptions, 6). Isidore, fils de Basilide le Gnostique, admet deux espèces d'âmes (ClĂ©ment d'Alex., Stromates, dans la Patr. gr., t. 8, p. 1057). Les Gnostiques comprennent comme les anciens Grecs la destinĂ©e de l'âme, prĂ©existante Ă  la vie qu'elle a dans le corps humain, et devant lui survivre : Suivant Bardesane, « l'âme a transgressĂ© la loi de Dieu, et elle a Ă©tĂ© relĂ©guĂ©e pour l'expiation de ses fautes dans un corps, empruntĂ© Ă  ce monde matĂ©riel qui est la source du mal, et qui la tient captive dans une prison, dans un sĂ©pulcre Â» (Matter, op. cit., I, p. 381). Les Bardesanites croient que l'âme revĂŞtira un jour une sorte de corps, mais un corps pneumatique - C'est-Ă -dire un corps de souffle - (ibid., p. 391). Les Carpocratiens croient Ă  la prĂ©existence des âmes, et considèrent les idĂ©es comme une rĂ©miniscence d'une primitive et cĂ©leste condition » (ibid., 11, p. 190). Pour Marcion, l'âme du vĂ©ritable chrĂ©tien « se dĂ©gagera un jour de son enveloppe matĂ©rielle, comme le grain mĂ»r se dĂ©tache de la paille, comme le poussin s'Ă©chappe de sa cage. Semblable aux anges, elle prendra sa part aux fĂ©licitĂ©s du père bon et parfait, revĂŞtue d'un corps ou d'un organe aĂ©rien, et devenue semblable aux gĂ©nies des cieux. Â» (ibid., II, p. 283). Les NaassĂ©niens parlent de la « rĂ©ascension de l'homme, c'est- Ă -dire de sa renaissance, afin qu'il devienne pneumatique, non charnel Â». Les Ophites admettent les sept portes, comme les sectateurs de Mithra... Dans une ode gnostique en copte, conservĂ©e sous le nom de Salomon, nous lisons : « Ă” toi qui m'as fait sortir du lieu supĂ©rieur, qui m'as conduit au lieu de la vallĂ©e infĂ©rieure, et qui as amenĂ© ici ceux qui se trouvaient au milieu. Â» Les Cathares, dont la doctrine est issue de la thĂ©orie manichĂ©enne, croient que les anges tombĂ©s sur la terre sont revĂŞtus de tuniques qui sont les corps, ou bien ils disent que les âmes sont enfermĂ©es dans des corps comme dans une prison (Victor Magnien, Les mystères d'Éleusis, 1950 - books.google.fr).

 

Commode Antonin que son pere avoit associé à l'empire, & qu'il laissa en mourant pour son successeur, souilla par ses désordres le sang, qu'il avoit reçu de ses ancêtres, & la gloire de leur nom. Il porta le surnom d'Auguste, mais il fut en effet l'esclave des passions les plus brutales, & il se livra à tous les vices les plus abominables (Jean de Mariana (1536 - 1624), Histoire generale d'Espagne (1592 - 1605), traduit par Joseph-Nicolas Charenton, 1725 - books.google.fr).

 

Pour l'empereur Julien, l'excision du pin sacré symbolise « l'hommage à la Déesse de ce qu'il y a de plus beau, en l'occurrence la vertu accompagnée de la piété ». Et son compagnon Saloustios écrira : « La Mère des dieux est la créatrice de vie, d'où son nom de Mère ; Attis, l'artisan de ce qui se fait et se détruit, d'où le récit de sa découverte au bord du fleuve Gallos, car le Gallos fait allusion au cercle lacté, d'où procède le corps soumis aux passions. » (Saloustios, de Diis, IV, p. 8, 1. 6-7 et Or. V, 165 C). L'évolution, sous Commode, est déjà assez avancée, pour que, dans les possessions des fêtes de la Déesse, « dans ces mutilations volontaires, dans ces souffrances recherchées avec emportement, se manifeste une aspiration ardente à s'affranchir de la sujétion des instincts charnels, à délivrer les âmes des liens de la matière ». C'est de la sorte un espace propre à la metanoïa, à la transformation spirituelle, qui se crée, où vient s'inscrire tout naturellement la très antique croyance des adorateurs de la Déesse syrienne, selon laquelle, « après leur mort, un aigle transportait leur âme vers le soleil, source divine de toute vie terrestre ». Comment Mithra, néanmoins, s'insère dans cet ensemble — puisque Commode, non seulement fut initié à ses mystères, mais accéda, semble-t-il, au plus haut grade de l'initiation, au titre de Pater ? Quand Aelius Lampridius l'accuse d'avoir souillé les mystères par un meurtre, « on présume que, en effectuant l'initiation d'un miles (soldat) en qualité de Père, Commode aurait tué le candidat, alors qu'il ne devait que simuler sa mise à mort ». Accusation fausse ou vraie, on ne peut trancher, une fois de plus. Il n'en reste pas moins que la religion de Mithra n'est pas encore à l'époque totalement militaire et d'essence masculine. Ce n'est pas un hasard, en effet, si le grand prêtre d'Isis, dans l'Ane d'or d'Apulée, s'appelle aussi Mithra — et que Lucius, le héros, lui est spirituellement uni par « une divine conjonction d'étoiles ». Or, que fait découvrir ce Mithra à Lucius, à la fin de l'initiation aux mystères de la Mère ? «Je tenais de la main droite une torche allumée, et ma tête était ceinte d'une noble couronne de palmes dont les feuilles brillantes se projetaient en avant comme des rayons. Ainsi paré à l'image du soleil, on m'expose comme une statue et, des rideaux s'écartent brusquement, c'est un défilé de passants désireux de me voir. Je célébrai ensuite l'heureux jour de ma naissance à la vie religieuse par un repas de fête et de joyeux banquets». Selon le commentaire pertinent de Marie-Louise von Franz, «cela semble indiquer que l'initiation de Lucius ne lui fait pas seulement suivre le même chemin que le Dieu-soleil, mais qu'il est assimilé au principe lumineux et devient lui-même, au matin, le Dieu-soleil... Cela se pratiquait aussi dans les mystères mithriaques ; c'est à rapprocher de la fameuse solificatio à laquelle, de leur côté, les textes alchimiques font allusion. Dans ces derniers, le moment de la réalisation de l'œuvre est souvent décrit comme l'apparition d'un nouveau soleil qui monte au-dessus de l'horizon, ce qui signifie qu'une nouvelle forme de conscience naît à la suite d'une descente dans l'inconscient ». En termes psychologiques, c'est ce qu'on dénomme aussi aussi l'apparition du Soi, c'est-à-dire de cet archétype recteur du processus d'individuation, comme le centre de l'âme qu'il ordonne dans le vide, ce qui fonde notre être et le mène sur les chemins de sa totalité intérieure, dans le même temps qu'il représente ce qu'il y a de plus impersonnel en nous, puisque ce n'est rien d'autre, en fin de compte, que l'image de la divinité qui nous meut et nous guide. Nous voyons comment nous sommes ici renvoyés à Néron et à sa naissance prodigieuse sous les rayons du soleil levant (et dix-huit jours avant les calendes de janvier, c'est- à-dire aux alentours de cette date du 25 décembre qui préside à la naissance d'Attis, tout autant que d'Horus, de Mithra ou du Christ) (Michel Cazenave, Roland Auguet, Les empereurs fous: essai de mythanalyse historique, 1981 - books.google.fr).

 

Mithra - Hermès

 

Les liens entre Mithra et Hermès-Mercure sont attestés un peu partout dans le monde romain. Le culte de Mercure était associé à celui de Mithra, perpétuant ainsi une très ancienne tradition hellénistique qui identifiait Mithra à Apollon, à Hélios et à Hermès-Mercure. Cette assimilation s'était faite d'autant plus facilement que ces trois dernières entités partageaient un caractère solaire marqué. L'assimilation Hermès-Mercure et Mithra fut reprise ensuite par Plutarque; l'Hermès-Logos, l'Hermès des Stoïciens, incarnait la raison et la génération et était, comme Mithra, le dieu bon et juste (Isabelle Tassignon, Iconographie et religion dionysiaques en Gaule Belgique et dans les deux Germanies, 1996 - books.google.fr).

 

Telle que la présente Porphyre, la citation donnerait à penser que, selon Eubule, la liturgie mithriaque illustrait la doctrine de Platon. On aurait expliqué au candidat sous une forme mystérique les conditions dans lesquelles l'âme déchoit dans le monde terrestre pour s'y incarner, avant de regagner le ciel au terme de ses épreuves expiatoires. Qu'est-ce à dire ? Ou bien on commentait au myste des représentations symboliques (comme l'échelle dont parle Celse), ou bien on lui faisait accomplir fictivement les étapes correspondant aux tribulations de l'âme à travers les sphères et les «zones» du monde. On songe au récit allusif que Lucius fait de son initiation aux mystères d'Isis au livre XI des Métamorphoses: per omnia vectus elementa remeavi. Les «éléments célestes» du texte porphyrien représentent probablement les astres. Les deux noms "kathodon" et "exodon" nous réfèrent plus précisément aux deux portes du ciel que l'âme franchit pour descendre dans la génération (Cancer) ou pour remonter dans l'Empyrée (Capricorne). Cette doctrine des deux portes zodiacales ne se lit dans aucun texte de Platon. Typiquement platonicienne en revanche est celle de l'âme déchue, emprisonnée dans un corps, et du par la désincarnation posthume. L'identification du monde avec la caverne l'est aussi et, comme la doctrine de l'âme, d'origine pythagoricienne. Quant à Mithra, il est explicitement assimilé au démiurge du Timée (Robert Turcan, Mithras Platonicus, 1975 - books.google.fr).

 

Le quatrain X, 79 aborderait, sous un vocabulaire latin (Mercure, Hercule), l'Egypte fatimide et son calife Al Hakim, inspirateur de la religion des Druzes, possiblement ceux qui fĂŞtent le jeudi.

 

Mithra et Ismaélisme

 

Plutarque appelle Mithra Mesitès, épithète qui n'apparaît pas dans la littérature mazdéenne. Mésitès peut traduire le sens fonctionnel du nom même de Mithra, le «lien» qui engage réciproquement les contractants, qui les «médiatise» en quelque sorte. Pour E. Benvéniste, Mithra est le garant-médiateur du traité qui règle les règnes alternés d'Oromazès et d'Areimanios, dans une perspective zervaniste. Dans la mesure où le sacrifice du taureau force les âmes à s'incarner, à animer le monde, Mithra médiatise la relation du monde supérieur au monde inférieur (Robert Turcan, Mithras Platonicus, 1975 - books.google.fr).

 

Plutarque, mentionnant le rite inouĂŻ de Mages […], fait intervenir parmi les dramatis personae une nouvelle figure, celle de Mithra le mĂ©diateur. Une nouvelle tĂ©trade zervânite est prĂ©supposĂ©e ici : Zervân, Ohrmazd, Ahriman, Mithra. C'est prĂ©cisĂ©ment cette idĂ©e de mĂ©diateur que met en relief l'exposĂ© du zervânisme, tel que nous le devons Ă  cet honnĂŞte historien persan des religions que fut ShahrastânĂ® (XIIe siècle). C'est elle qui altère radicalement le schĂ©ma du zervânisme intĂ©gral, et fait cesser toute ambiguĂŻtĂ© dans l'anthropologie et l'Ă©thique qui lui correspondent. TĂ©nèbres et Lumière ne s'affrontent pas dès l'origine en un dualisme irrĂ©ductible, mais naissent d'un mĂŞme ĂŞtre, qui fait se « temporaliser » le Temps, et cette idĂ©e est certes zervânite. Seulement cet ĂŞtre qui est l'UnitĂ© supĂ©rieure et mĂ©diatrice donnant origine aux contraires, n'est plus la divinitĂ© absolue originelle. Zervân est l'un des des ĂŞtres de Lumière, le plus grand des Anges : il se produit donc un dĂ©calage, une rĂ©gression du niveau auquel Ă©clate la dualitĂ©, et avec elle le Temps cyclique. L'objet du doute de Zervân est formulĂ© en termes plus mĂ©taphysiques que dans le mythe d'Eznik : « Peut-ĂŞtre cet univers n'est-il rien ? Â», ou comme chez ceux que ShahrastânĂ® appelle les GayĂ´martiens (du nom de GayĂ´mart, l'AnthrĂ´pos primordial) : « Si j'avais un Adversaire, comment serait-il ? Â» Vertige de nĂ©ant, pensĂ©e de l'Autre qui, comme telle, engendre cet Autre et dĂ©chaĂ®ne un combat dans le Ciel, un combat de trois millĂ©naires. Ce sont les Anges dans leur ensemble qui assument alors ici le rĂ´le de Mithra ou de l'Archange Michel, dans ce rĂ´le mĂ©diateur qui a permis aussi bien de reconnaĂ®tre les traits de l'une et l'autre figure dans ceux de l'Ange MĂ©tatron, dominant une si grande partie de la littĂ©rature mystique juive. Dans le rĂ©cit de ShahrastânĂ®, les Anges imposent Ă  Ahriman un  temps de sept millĂ©naires pendant lesquels le monde lui sera livrĂ©, mais au terme desquels il devra le restituer Ă  la Lumière. [...] Dans le schĂ©ma ismaĂ©lien de la mytho-histoire, l'Ange qui correspond Ă  l'Ange Zervân est non seulement le mĂ©diateur donnant origine Ă  la Lumière et aux TĂ©nèbres ainsi qu'Ă  leurs Cycles respectifs, mais qu'il est aussi le mĂ©diateur de la victoire sur les TĂ©nèbres, le mĂ©diateur de sa propre victoire sur lui-mĂŞme. A cette victoire doivent ensuite contribuer tous les siens, faits Ă  son image, ceux dont il est l'archĂ©type, en assumant Ă  tour de rĂ´le un Combat que rythment les heptades de millĂ©naires. ShahrastânĂ®, en conclusion de la mĂ©diation angĂ©lique, rappelle l'Ă©pisode fondamental du choix et de la descente des Fravartis sur terre. Au combat de l'archange Michel rĂ©pond ici non pas l'idĂ©e d'une « chute des Anges » (jamais en termes mazdĂ©ens, un Ange, Izad, Fereshta, ne peut ĂŞtre «mauvais»), mais une descente volontaire, un renoncement volontaire Ă  la Demeure de Lumière pour assumer le pĂ©rilleux combat sur terre. C'est une semblable structure angĂ©lologique qu'affirmera l'anthropologie ismaĂ©lienne. (Henry Corbin, Temps cyclique et gnose ismaĂ©lienne, 1982 - books.google.fr).

 

Dans leurs forteresses, en Asie, en Perse, dans l'lrak, en Syrie, les chevaliers ismaêliens, vêtus d'une robe blanche, portaient une ceinture rouge. Ils étaient coiffés du bonnet rouge, dit «phrygien», qui désignait dans l'Antiquité les sectateurs de Mithra. On peut remarquer, à ce propos, que cette coiffure singulière orne la tête de la statue de l'«Alchimiste» qui figure sur l'une des tours de Notre-Dame de Paris et qu'elle orne le chef d'un personnage sculpté au-dessus de la toiture du palais de Jacques Cœur à Bourges (René Alleau, Les sociétés secrètes: leurs origines et leur destin, L'Encyclopédie Planète, 1963 - books.google.fr).

 

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