L'âge d'orX, 892242-2243De brique en marbre seront les murs reduits, Sept et cinquante annees pacifiques: Joye aux humains, renoué Laqueduict, Santé, grandz fruict, joye et temps melifique. X.89. Auguste et Louis XIV : passéistes vs futuristes. Ce quatrain est le parfait exemple d'un Janus bifrons, une face tournée vers le passé,
l'autre vers l'avenir. Nostradamus captive par son condensé romain en nous faisant presque oublier que le quatrain s'énonce au futur.
Auguste "se vanta avec raison d'avoir trouvé une ville de briques et d'en avoir laissé une de marbre" ("marmoream se relinquere, quam latericiam accepisset", Suétone, Vie d'Auguste, 28).
(Patrice Guinard, X.89, 2018
- cura.free.fr). C'est en effet chez Suétone (Vie d'Auguste, 40) que l'on trouve l'acception de restaurer pour "reducere" ("reduicts") mais pour l'habillement (Gaffiot).
Auguste a régné 40 ans, et instaure la Pax Romana, après la guerre civile menée contre Marc-Antoine.
Qu'il y ait des réminiscences romaines dans les quatrains, on ne le niera pas.
Louis XIV a régné 72 ans. Ses derniers conseils sont de ne pas l'imiter dans son goût pour les bâtiments, de soulager la misère de ses peuples,
«ce que j'ai le regret de ne pas avoir fait» et de vivre en paix avec ses voisins. Il avoue même : «J'ai trop aimé la guerre» et «C’est la ruine des peuples»
(fr.wikipedia.org - Mort de Louis XIV). On peut faire le décompte des années de guerre :
Le règne de Louis XIV connaît trente-trois ans de guerres (guerres de Dévolution de Hollande, des Réunions, de la ligue d'Augsbourg,
de Succession d'Espagne)
(Hugo Billard, Alain Nonjon, GĂ©opolitique des continents, 2019
- books.google.fr). Le compte n'y est pas 72 - 33 = 39, sans compter la guerre civile de la Fronde.
"7 et 50"
C'est le néopythagorisme qui a fourni aux Thérapeutes la méthode éprouvée des allégories numériques. Il est inutile d'énumérer ici
toutes les vertus, longuement décrites par Philon, du chiffre 7 et du chiffre 50. [...]
Ils sont végétariens et abstinents, se nourrissent de pain et de miel (on retrouve ce miel dans Joseph et Aseneth), et prient le matin au
lever du soleil. Les Hypomnemata nous décrivent les Pythagoriciens vêtus de blanc pour le culte et la prière [ils aimaient manger du miel et du pain]. Certains groupes pratiquent l'ascétisme sexuel.
Tous considèrent les liens de la communauté comme plus puissants que ceux du sang
(P. Geoltrain, Le traité de la vie contemplative de Philon, Semitica, Volumes 8 à 12, 1958
- books.google.fr,
Emilie Pécheul, Marco La Loggia, Sacrés thérapeutes: Les Pères du désert !, 2018
- books.google.fr). Bis septenis annis declaratur iam ex principio condita atque renovata (sub Noe) forma mundi; sapiens autem vivit (bis septem) vigesimis quintis:
quatuordecies vero vigesimum quintum est septies quinquagesimus annus, sive quinquaginta septies. Anni demum septimi ratio, et quinquagesimi, ordinem privatum habet in Levitico expositum decretumque
(Karl Tauchnitz, Philonis Iudaei Opera omnia ad Librorum optimorum fidem edita, Tome 6, 1853
- books.google.fr). Noé vécut 350 années après le Déluge.
"melifique"
D'après une tradition, au temps de l'âge d'or instauré par Kronos, les hommes vivaient sans travailler la terre, se nourrissaient de fruits
sauvages et du miel dégouttant des arbres. Si le miel est bien une occurrence de la rosée céleste, il incarne les forces génératrices venues d'en haut sous la forme d'une nourriture éthérée.
Dans la mythologie grecque, il entre dans la composition du nectar et de l'ambroisie, Ces aliments transmettent une vitalité sans restriction et sont appropriés au nourrissage des dieux nouveau-nés
(Gilles TĂ©tart, Le sang des fleurs : une anthropologie de l'abeille et du miel, 2004
- books.google.fr). Nectar et miel sont pour Ovide les aliments de l'âge d'or, produits sans travail par la terre. On croyait en effet dans l'Antiquité que
«le miel était une sorte de rosée, que les abeilles recueillaient toute formée à la surface des feuilles» et ne faisaient qu'affiner. «Dans l'âge d'or il était plus pur et le travail des abeilles inutiles»
(G. Lafaye, Les MĂ©tamorphoses d'Ovide)
(Laurence Gosserez, Poésie de lumière: une lecture de Prudence, 2001
- books.google.fr). Acrostiche : DSIS, disis
Oriens anathole, occidens disis, septentrio arctos, meridies mesimbria
(Remigius d'Auxerre, Sedvlii Opera omnia, Volumes 10 Ă 11, 1885
- books.google.fr). Dans un ouvrage apocryphe d'origine juive, Le livre des secrets d'Hénoch (30, 14) 2, il est question du nom Adam dérivé des quatre
parties de la terre que Dieu assigne Ă Adam sans donner Ă chacune un nom
particulier. Quatre étoiles lui sont aussi accordées. Une allusion plus précise au nom Adam se trouve dans un opuscule attribué à tort à saint Cyprian, Liber demontibus Sina et Sion. Ici on voit les noms des
quatre étoiles posées par Dieu aux quatre coins de la terre : anatole, dysis, arctos, mesembria, d'où le tétragramme. L'Aurora de Petrus Riga, poème latin écrit par un chanoine de Reims entre 1170 et 1200 eut
un succès considérable. Là , nous lisons les vers suivants : Aspiciat quid Adam sive quid Eva notet. Anathole, disis, arctos, mesembrios orbis Sunt partes : ex his nomen habetur Adam. (v. 316-318).
A notre connaissance, le seul qui, avec Robert de Blois, ait parlé en français du nom d'Adam est Macé de la Charité qui
traduit plus ou moins fidèlement le poème de Petrus Riga. Mais puisque la Bible de Macé
de la Charité ne fut terminée qu'entre 1283 et 1312, Robert de Blois, écrivant sans doute une vingtaine d'années plus tôt, n'avait pas ce texte sous les yeux. Il est possible, nous semble-t-il, que
Robert ait emprunté l'explication du nom Adam ou bien directement au poème latin ou à une version d'une vie latine d'Adam, traduction en français de la Vita Adae et Evae ou la Poenitentia Adae
faite par un moine nommé Andrius. L'explication du nom d'Adam par les quatre initiales des quatre points cardinaux se trouve également dans l'Elucidarium d'Honoré d'Autun, I, 64
(Florence McCulloch, La création du monde de Robert de Blois. In: Romania, tome 91 n°362, 1970
- www.persee.fr). Cronos ou Saturne, le père de Jupiter et le maître du monde pendant l'âge d'or, régnait spécialement sur les îles Fortunées de l'Océan occidental,
oĂą les dieux eux-mĂŞmes avaient pris naissance; c'est aussi
dans les régions occidentales que la mythologie des Grecs place le combat des Titans, frères de Saturne, contre Jupiter et les dieux; enfin, c'est dans une contrée d'occident, c'est dans l'Italie, que Cronos
reparaît après sa chute, sous le nom de Saturne. C'étaient donc les mers occidentales, et même l'Océan, que les anciens Grecs voulaient désigner sous le nom de mer de Cronos ou de Saturne. L'auteur des
Argonautiques, attribuées à Orphée, dit expressément que «les mortels donnent à l'Océan le nom de mer Cronienne, Hyperboréenne ou Morte.»
(Victor Adolphe Malte-Brun, GĂ©oographie universelle de Malte-Brun, Tomes 1 Ă 2, 1861
- books.google.fr). 2242, une recréation ?
"reduicts... aqueduict"
"reduicts" : du verbe latin "reduco" qui signifie ramener, mais aussi restaurer, ramener dans un autre Ă©tat (Gaffiot),
et pas forcément diminuer de taille.
Si le courant de la grâce fut si longtemps desséché pour le genre humain, c'est qu'il n'avait pas encore cet aqueduc si désirable, dont je vous
parle. Et vous, mes frères, vous ne serez point surpris qu'on l'ait attendu longtemps, si vous vous rappelez combien d'années le saint homme Noé, a travaillé à la construction d'une arche où si peu d'âmes, huit seulement,
se sauvèrent et encore pour bien peu de temps
(Oeuvres complètes de Saint Bernard, Tome 3, 1867
- books.google.fr). En la fête de la Nativité de la Vierge (p. 275-288), Bernard va traiter de la communication du ciel avec la terre, des splendeurs
divines avec les obscurités de la condition humaine, de la pleine jouissance
avec le goût à peine anticipé : il utilise dès le début tout un jeu de termes à la fois poétiques et précis, ceux qui expriment le caractère présent de l'eschatologie qui attend son achèvement : hic ibi,
umbra splendor, gustus satietas. Des versets bibliques oĂą il est question de boire et de s'enivrer orientent peu Ă peu vers l'image de ce qui coule (n. 1-2). Et, tout Ă coup, une cataracte de mots parle de
source, de fontaine, d'irrigation, de puits, d'eaux jaillissantes, de fleuve, d'impétueux cours d'eaux. Nous sommes ainsi préparés au symbole qui va devenir le leit-motiv de tout le reste : celui de
l'aqueduc permettant à cette plénitude de se répandre sur la terre aride (n. 3). Et aussitôt voici les flots du temps de Noé (n. 4), la surabondance des désirs et l'effusion de l'huile (n. 5), la rosée,
le jardin bien irrigué, la mer au milieu de laquelle une étoile permet qu'on se dirige (n. 6). Et jusqu'au bout, tout ce sermon d'une quinzaine de pages — et c'est presque un traité sur la médiation
de Marie, reste centré sur l'image de l'aqueduc et sur tous les bienfaits de l'eau. Ici, le fil conducteur a été une comparaison aux multiples applications
(Dom Jean Leclercq, Recueil d'Ă©tudes sur saint Bernard et ses Ă©crits, Tome IV, 1987
- books.google.fr). Une recréation, un recommencement, une seconde chance.
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