André de la Vigne

André de la Vigne

 

X, 28

 

2197-2198

 

Second & tiers qui font prime musique

Sera par Roy en honneur sublimee,

Par grasse & maigre presque demy eticque

Raport de Venus faux rendra deprimee.

 

"faulx" : la faux de Saturne

 

Comme au quatrain IV, 67 - La syphilis et l'homéopathie - 1827-1828, il s'agirait, au vers 4, de la syphilis, mal vénérien (cf. Vénus).

 

Le mal de Naples est classé parmi les maladies associées à l'astre de la mélancolie et pour de nombreux médecins et astrologues, l'origine de l'épidémie de syphilis trouvait sa cause dans la conjonction, le 25 novembre 1484, de Saturne et de Jupiter dans le signe du Scorpion et la maison de Mars. Fracastoro - dont le poème Syphilidis donnera son nom à cette maladie place le morbus gallicus sous le signe de Saturne : "Ergo hanc per miseras terras Saturnus agebat Pestem atrox, nec saeva minus crudelis (...)". Villalobos attribue aussi l'origine du mal de bubas à Saturne et conseille, de "consommer l'acte de Vénus et de Mars" hors de l'influence  de l'astre de la mélancolie : de Venus y Mares, vamos a mirar no esté. "Astrologos dizen que por conjuncion de Saturno y Mares (sic) el tal daño ha sido ; Saturno es señor de la adusta passion, y Mars (sic) de los miembros de generacion ; y en hallarse Mares (sic) en este lugar tan muy fiero , quando hora los actos queremos usar de Venus y Mars vamos á mirar no esté allí Saturno que es mal compañero". Juan Almenar, astronome et médecin de Valence, consacre à la syphilis un Libellus ad evitandum et expellendum morbum gallicus (Venise, 1502), où d'emblée, il propose d'appeler cette maladie "passio turpis saturnina" car elle est car elle est, selon lui, due à Saturne : "Convenerunt sapientes quidam ut hic morbus [quod] apud Italos appellatur gallicus, nunc dicatur Patursa, quod interpretatur passio turpis saturnina turpis enim morbus est, qua mulieres incastas ac religiosas reputari facit, & generaliter omnes deturpat. Et saturninus, quia a Saturno propter eius ingressum in ariete, allis coeli dispositionibus coadiuvantibus originem traxit. Et si illi influxus cessaverint, non propter hoc morborum cessare necesse fuit, quoniam plura corpora infecta remanserunt".

 

Nombreux sont les médecins à mettre le mal de Naples sur le compte de la mélancolie Niccolò Leoniceno attribue le morbus gallicus à la bile noire adusta mêlée au phlegme et à la cholère ("Necesse est illic ex melancholia & phlegmate quae admiscentur cholerae" ; "Sed cur tale apostema factum ex sanguine grosso malo  adusto") et conclut que le mal de Naples "sit ex sanguine melancholico superassato". Gaspar Torrella affirme que la syphilis naît des humeurs viciées et, en particulier, de la mélancoliet et, pour Villalobos, la "sarna egipiciaca" - c'est ainsi qu'il nomme la syphilis, est due à la bile noire mêlée à du phlegme : "Los medicos  dizen (de las pestiferas buvas) que fué de abundança (sic) de humor melanconico y flema salada que en todos miembros a hecho su estança" (Christine Orobitg, L'humeur noire: mélancolie, écriture et pensée en Espagne aux XVIème et XVIIème siècles, 1997 - books.google.fr).

 

"deprimee" : mélancolie

 

On trouve l'esprit sujet à "depression" dans une traduction de Cicéron par Etienne Dolet (Marcus Tullius Cicero, Les Questions Tvscvlanes de Marc Tulle Ciceron. Nouuellement traduictes de Latin en Francoys, par Estienne Dolet, 1543 - books.google.fr).

 

Et plus tard chez François de Sales :

 

…que quiconque a vn vray desir de seruir nostre Seigneur, & fuyr le peché, ne doit nullement se tourmenter de la pensée de la mort, ny des iugemens diuins : car encor que l'vn & l'autre soit à craindre, si est ce que cette crainte ne doit pas estre de ce naturel terrible & effroyable, qui abbat & déprime la vigueur & la force de l'esprit (Les epistres du bien-heureux messire François de Sales, recueillies par messire Louys de Sales, 1626 - books.google.fr).

 

Première guerre d'Italie

 

L'invasion Ă©tant prĂ©vue, attendue de jour en jour, que devait faire Alfonse de Naples pour l'Ă©carter de son royaume ? Occuper fortement les voies de terre, c'est-Ă -dire le Bolonais et la Toscane; ne point laisser la mer libre Ă  la flotte française, qui faisait ouvertement ses prĂ©paratifs Ă  GĂŞnes. Il espĂ©rait y rĂ©ussir sans grand dĂ©ploiement de forces : sur terre, les dĂ©filĂ©s des montagnes, les passages fortifiĂ©s des rivières pouvaient ĂŞtre dĂ©fendus par un petit nombre d'hommes'; sur mer, il tenait les grosses escadres pour un embarras.

 

Aux derniers jours de juin 1494, son armĂ©e et sa flotte se mettaient en mouvement, commandĂ©es l'une par son fils aĂ®nĂ©, Ferdinand d’Aragon, duc de Calabre, Ă  vingt-cinq ans rĂ©putĂ© bon capitaine ; l'autre par son frère, don Federigo. Comme on ne croyait point que Charles VIII dĂ»t passer par la Toscane, Calabre s'avançait vers la Romagne, pour y donner la main Ă  ses alliĂ©s, Annibale Bentivoglio et Astorre Manfredi, pour provoquer, s'il se pouvait, un soulèvement en Lombardie avant l'arrivĂ©e des Français”. Au passage, Ă  CittĂ  di Castello, il avait une entrevue avec Piero des Medici, et en obtenait l'autorisation de traverser le val de Lamone, d'y faire des levĂ©es. Alexandre VI l'aurait voulu retenir dans le sud, pour Ă©craser les Colonna, secrètement engagĂ©s Ă  la solde de la France, et retranchĂ©s dans leurs fiefs. Mais le sachant sans puissance, on ne tenait pas compte de ses volontĂ©s.

 

Instruit de cette marche en avant, Charles VIII n'en restait pas moins à Lyon, retenu par «les délices et plaisirs d'icelle ville, et aussi pour la bonne grâce d'aucunes dames lionnoises».

 

Une ballade d'André de la Vigne (Vergier d'honneur) lui disait :

 

Laissez VĂ©nus cropir Ă  la fenestre,

Et pour vos yeuls d'autre gibier repaistre....

Marchez avant, roy qui portez le ceptre !

 

Il fallut, pour le faire partir, les objurgations de Belgiojoso, ambassadeur du More, celles des poètes de la cour, et surtout la peste (22 juillet). Mais le duc d'Orléans l'avait précédé. D'Asti, où il était chez lui, ce prince courait à Gênes, pour faire face à la flotte ennemie. Plus rapide en ses mouvements, don Federigo aurait pu l'y devancer; mais il avait laissé un mois pour mettre en défense cette importante cité. Il ne peut rien contre la Spezzia ; il échoue par terre et par mer contre Porto-Venere, et il revient piteusement à Livourne, autorisé par Piero à y réparer ses avaries, à y remplir, dans ses équipages, les vides de la désertion. Quand il reprit la mer, l'armée française entrait en Piémont, la flotte française était prête à déployer ses voiles, et Gênes pouvait braver toute attaque des Napolitains.

 

Pour y entrer, plus d'autre espoir, dès lors, que de rallumer, sur la côte ligurienne, les querelles de parti. Des navires de Naples jettent au petit port de Rapallo trois mille hommes avec Obietto del Fiesco; la faction adverse, ralliée autour du duc d'Orléans, les coupe de Gênes et du rivage, les force à fuir dans les montagnes ; cent des leurs restent sur le terrain, perte considérable, dit Guicciardini, dans un temps où la guerre se faisait avec l'écritoire, où le siège d'une bicoque prenait tout l'été". De Sestri, don Federigo avait entendu sans bouger la canonnade. Une seconde fois il regagna Livourne, d'où il repartait presque aussitôt pour couvrir Naples, livrant ainsi la mer aux Français, et en même temps la Toscane : ses rivages, ses ports n'étaient-ils pas exposés les premiers aux agressions d'un adversaire irrité, enhardi.

 

Belle occasion pour le seigneur de Milan de faire la leçon Ă  Piero, de l'amener Ă  rĂ©sipiscence. - Vos magnifiques seigneurs et le magnifique Piero, disait-il Ă  l'orateur Ridolfi, peuvent encore Ă©viter leur ruine : qu'ils sĂ©parent leur cause de celle du roi Alfonse, qu'ils accordent le passage et les vivres", sans quoi, avant huit jours, vous aurez chez vous, sur le dos, tout ce qui vient de troupes du cĂ´tĂ© de GĂŞnes, par terre et par mer; avant quinze, le roi lui-mĂŞme, et moi avec lui. Mais il Ă©tait bien tard, et la maladie de Charles VIII, la petite vĂ©role, disait-on, encourageait Piero comme Alfonse : que le mal durât, et les Français impatients, courts d'argent, dĂ©couragĂ©s, peu jaloux d'une campagne d'hiver, rebrousseraient chemin. EĂ»t-on su, Ă  Florence, que, dès le 21 septembre, le jeune roi Ă©tait sorti de son lit, on eĂ»t espĂ©rĂ© une rechute. On comptait sur Comines, dont on s'exagĂ©rait le crĂ©dit; on spĂ©culait sur les divisions de cette cour oĂą les deux partis ensemble, selon le mot du More, ne faisaient pas la moitiĂ© d'un homme sage ; on n'y voyait plus que «le gĂ©nĂ©ral et le sĂ©nĂ©chal» qui fussent pour la guerre, encore Briconnet paraissait-il bien refroidi (François-Tommy Perrens, Histoire de Florence depuis la domination des MĂ©dicis jusqu'Ă  la chute de la RĂ©publique: 1434-1531, Tome 3, 1889 - books.google.fr).

 

Avec un goût très vif pour l'architecture, la musique, la peinture, Charles VIII, en dépit de l'état de plus en plus précaire de sa santé, n'avait point trouvé, dans sa croisade, le chemin de Damas. Au milieu des Lyonnaises, il oublia un peu trop Naples.., il s'oublia lui-même. La cour entraina à sa suite, dans ses déplacements, une escorte de pauvres filles, plutôt dignes de suivre les armées, selon leur habitude..., et qui, pourtant, tenaient un rang en quelque sorte reconnu. […]

 

Dans le Vergier d'Honneur, un poète, chantant le retour de Naples de Charles VIII, engage, en termes cyniques, les dames «à se remettre en état» (René Maulde-La-Clavière, Histoire de Louis XII, 1ère partie : Louis d'Orléans, 1891 - books.google.fr).

 

"demy eticque" : André de la Vigne

 

L'opinion la plus répandue veut que la syphilis soit une maladie d'orig. amér., apparue à la fin du xves. Sa première et importante diffusion a eu lieu parmi les soldats de Charles VIII qui assiégeaient Naples (1494), d'où le nom de mal de Naples sous lequel elle fut connue en fr. (v. FEW t. 7, p. 9, s.v. Naples; grayne de Naples, 1496, André de La Vigne, Mystère Saint Martin, éd. A. Duplat, 2269; malle grayne, id., 63; aussi appelée bubon, pouplain). Les rivalités politiques aidant, chaque peuple a accusé un voisin de lui avoir transmis ce fléau: cf. esp. el mal francés, ital. il mal francese, all. die Franzosen, angl. the French disease (dès 1503, the Frenche pox, v. NED). Pour célébrer la découverte du remède tiré de la plante médicinale appelée le gaïac, Fracastoro raconte l'aventure du jeune berger amér. Syphilus qui entraîne le peuple à la révolte contre le dieu du soleil. Apollon se venge en le frappant ainsi que tout son peuple d'un mal redoutable dont la nymphe Ammerica leur donnera le remède (le gaïac). Fracastoro a puisé chez Ovide le nom de son berger et le thème de la vengeance d'Apollon: Sipylus est, chez Ovide, Métamorphoses, VI, 231, le nom du fils aîné de Niobé, qui est né près du mont Sipylus en Lydie. Qq. mss d'Ovide portent la var. siphylus, d'où Fracastoro aurait tiré Syphilus, nom du jeune berger amér. Syphilis est non seulement le titre du poème mais aussi le nom de la maladie même, et a été formé p. anal., avec Aeneis, Thebais, etc. pour désigner le « poème de Syphilus », tout comme Aeneis est le poème d'Enée (www.cnrtl.fr).

 

LUCIFFER, en se tourmentant

 

Haro, haro, brou, j'enraige, je foigne,

Deables d'enffer, je creve de despit !

Levez vous sus ! Que la maudicte roigne,

Grayne de Naples, vous tiengne sans respit ! (André de La Vigne, Le Mystere de Saint-Martin (1496), 1979 - books.google.fr).

 

André de La Vigne est un poète français né vers 1470 à La Rochelle et mort vers 1526. Il fut l'un des premiers Grands rhétoriqueurs. Très tôt il fut choisi pour être le chroniqueur de l’expédition de Charles VIII à Naples qu'il retranscrivit entre 1494 et 1495. Après avoir perdu son emploi à la cour, il proposa ses services aux Ducs de Lorraine et de Savoie avant de retrouver sa place à la cour en devenant le secrétaire d'Anne de Bretagne en 1504. François Ier lui confia la responsabilité d'écrire une chronique de son règne qu'il n'acheva jamais. Il fut le premier poète français à composer un sonnet en italien. En 1496, il composa et fit représenter Un mystère de Saint Martin, La Moralité de l'aveugle et du boiteux ainsi que La farce du Meunier. En 1500, il publia son œuvre la plus connue, Le Verger rassemblant de nombreux genres poétiques. On y voit des influences assez hétéroclites : ballades, pièces épicuriennes, ou encore des triolets. Il composa le Blason de la guerre du pape contre le roy tres chretien, composé d'épîtres et de pièces ayant pour sujet François Ier en 1501. Il endossa également le rôle de traducteur en présentant en 1534 une nouvelle traduction des XXI épîtres d'Ovide (fr.wikipedia.org - André de La Vigne).

 

Après avoir été attaché â la personne du duc Amédée de Savoie, André de La Vigne déjà secrétaire de la Reine Anne de Bretagne, suit l’armée de Charles VIII en Italie (1494), écrit le Journal de cette expédition et le présente à son souverain, dès le retour en France de celui-ci. Ce Journal fait partie du Vergier d’Honneur, ouvrage publié par le poète après la mort de Charles VIII. Dans l’année qui suivit le retour d’Italie, André de La Vigne s’établit â Seurre, en Bourgogne (1496) et traite avec la municipalité et les notables de cette ville pour la composition du Mystère de Saint-Martin (Edouard L. de Kerdaniel, Un rhétoriqueur: André de La Vigne, 1919  - archive.org).

 

Le Vergier d'honneur, texte encore mal connu, s'ouvre par un débat allégorisé qui sous le titre de Ressource de la Crestienté représente une invitation à l'expédition napolitaine considérée comme le premier pas vers un nouvelle croisade. Le poème fait donc fonction de prologue au Voyage de Naples, qui suit immédiatement ce premier ouvrage et occupe presque la moitié du recueil. Il est suivi à son tour de la célébration de la victoire du roi Charles en vers batelés, par Honneur, Prouesse, Noblesse et Eglise, de la Complainte d'Octovien de Saint-Gelais et de six cents poèmes environ, une faible partie desquels est due probablement à la main de quelques amis écrivains, de ton et de contenu très variés, mais obéissant pour la plupart à une inspiration amoureuse ou de circonstance (www.cirvi.eu).

 

Se besoing est lors du sommeil noturne,

Se clariffie par le vueil de Saturne,

Dont est l'engin aleigre et esveillé,

Se par avant n'a resvé ou veillé.

Quoy que le soir de hault jour on se couche

Sur mol duvet, sur estrain ou sur couche

Pour reposer la sensualité,

Ne s'a l'envers soit la comme une souche,

Le dormir est a l'engin trop farouche

S'aulcunement est du soir alité,

Et oultre plus se la charnalité

De son sommeil ne se peult atourner

On ne se fait que virer ou tourner.

Doncques par force de vouloir fantastique,

En atrossant ma cervelle acatique,

Je trespassis le mydi chabrouillé,

Prevaricant dë Isis le cantique.

Mon esprit fut comme demy estique

De tant l'avoir tourmenté et brouillé,

Mais quant j'eux bien maint propos barbouillé,

Vexacion par ung traveil acreux

M'asomeilla et me fit songer creux.

 

Acumulé de liqueur vapeureuse, perplex de vigillante vacacion, perturbé de sens, desnué d'avoir et de voir, offusqué par le dormitoire qui lors coaguloit le sens naturel de ma personne avec boursouffleuse oysiveté, qui permectoit a mon organe taisibleté, a mon serveau ruralité a mon sens bestialité, a mes membres labilité, a mon engin debilité, repox a sensualité et au corps seul felicité et utilité naturelle, n'ayant aulcune vigueur de force, de pouoir ne de savoir fors seulement a mon povre cueur qui hanneloit et souffloit selon commune usance par les conduys ad ce determinez, touteffois, moy en cest affaire labourant par le vueil de Dame Nature pour la grant sterilité de ma povre capacité qui avoit toute la nuyt jusques a celle heure veillé, resvé, fantastiqué et pencé en quelque chose trop longue a reciter, je commançay a entrer en la plus estrange vision du monde. Car advis m'estoit que je fusse en ung desert ou que ronces espines, chardons, genestz et joncmarins faisoient leur croissance selon la disposicion de Nature. Et a l'un costé d'iceluy desert avoit une grant et enorme forest en laquelle arbres, herbes boys, buyssons, bocaiges et petis remaiges estoyent ainsi que chose creue sans art et sans mesure. D'aultre costé avoit une grant, enorme, terrible et accreuse riviere qui couroit plus tost c'un carreau d'arbaleste, de quoy l'eau estoit toute terreuse et sablonneuse et descendoit si impetueusement des rochiers et haultes montaignes qui alentour dudit desert estoient que jamais le Ras Sainct Mahé, le Pertuys d'Anthioche ne le Trou de Maumuson, lequel de dix lieux a l'environ de luy se faict ojr quant oraige et tormente se veulent en mer eslever, ne firent tel bruyt ne telz tempeste qu'elle faisoit (Cynthia Jane Brown, La ressource de la chrestienté d'André de La Vigne, 1989 - books.google.fr).

 

Musique

 

La musique tient une place importante dans le Mystère de Saint Martin : c'est au son de nombreux instruments que les acteurs se rendent à l'église de Seurre et sur le lieu de la représentation (fos. 262a et b). Tout au long de la pièce, l'intervention des musiciens marque la fin d'un épisode, correspond à une pause dans le dialogue, permet aux acteurs qui ont terminé leur séquence de regagner leurs échafauds, tandis que d'autres avancent jusqu'aux mansions vers lesquelles l'action s'est déplacée. D'autre part, les spectateurs entendirent des chants religieux qu'ils connaissaient bien, mais dont Andrieu n'a pas jugé utile de reproduire la musique ni les paroles, laissant parfois même toute liberté de choix aux acteurs (apr. v. 1880, apr. v. 9715, apr. v. 9791). Dans deux passages il est fait seulement allusion à des "respons" (apr. y. 5897, apr. v. 6873). En revanche, les paroles du rondeau que chantent les anges emportant l'âme de Martin au paradis sont reproduites intégralement, mais sans aucune indication de la musique qui les accompagnait (apr. v. 10231). Lors d'une cérémonie religieuse, le chœur exécute sous la direction du chantre des morceaux à plusieurs voix ainsi que le montrent les répliques échangées par "la teneur" (vv. 9712-9713) et "la contre" (vv. 9714-9715), c'est-à-dire par le ténor et le contralto. Il est regrettable que l'emplacement réservé aux musiciens ne soit pas spécifié ; on peut néanmoins le situer non loin du paradis, sur un échafaud surélevé. Le Mystère contient également des chansons populaires (vv. 3213-3218, 3233-3236, 3250), toutes fredonnées par des brigands, mais il n'est pas interdit de penser que les spectateurs aient pu les reprendre en chœur (André Duplat, Le Mystere de Saint-Martin (1496) d'André de La Vigne, 1979 - books.google.fr).

 

Cuisine

 

L'Ă©tymologie, qui lie farce Ă  farcire, donc la farce dramatique Ă  la farce culinaire, a Ă©tĂ© reconnue par tous et confirmĂ©e encore rĂ©cemment par O. Jodogne qui Ă©crit («La farce et les plus anciennes farces françaises», in MĂ©langes R. Lebègue, Paris, 1969, pp. 12-13) : «Farce vient du latin farsa , participe passĂ© fĂ©minin de farcire. Le masculin fars signifiait «farci» au XIIIe siècle : nous en avons deux exemples dans le dictionnaire de Godefroy III 725, reproduits par Tobler-Lommatzsch TTT 1640. Le fĂ©minin farse ou farce, devenu substantif, avait le mĂŞme sens que notre mot culinaire actuel, mais il signifiait aussi ce qui remplissait un coussin, par exemple ; en somme, c'est bien le sens gĂ©nĂ©ral de «ce qu'on introduit, ce dont on a bourrĂ©, ce qui sert d'enveloppe». Cette dĂ©finition du mot, qui permet d'expliquer l'insertion de farces dans certains mystères, est celle retenue par tous les dictionnaires contemporains. Ainsi le Grand Larousse de la langue française (1973) mentionne d'abord le sens culinaire du mot (sens no 1), puis explique ainsi la signification dramatique : «Emploi mĂ©taphorique de «farce» (c'est-Ă -dire, le sens culinaire), les farces bouffonnes ayant d'abord Ă©tĂ© introduites dans la reprĂ©sentation des mystères un peu comme la farce proprement dite est introduite dans le corps d'une volaille. C'est la mĂŞme dĂ©finition que propose V.-L. Saulnier au colloque de Goutelas en 1978 : «En fait, la farce de théâtre se rattacherait Ă  farcire, bourrer : elle garnit le mystère comme la farce de cuisine fourre une volaille.» On cite, Ă  l'appui de cette explication, des exemples prĂ©cis de farces insĂ©rĂ©es dans un contexte sĂ©rieux, sans qu'un lien soit nĂ©cessairement Ă©tabli entre les deux spectacles. [...]

 

Comme deux de ces farces, la Farce du Munyer d'André de La Vigne, insérée dans la Vie Monseigneur saint Martin, et celle «meslée par manière de faire resveiller ou rire les gens» au Mystère de saint Eloi, à Dijon en 1447, et qui donna lieu à un procès criminel, relaté d'après les archives de la Côte-d'Or par Petit de Julleville. Ces cas ne sont pas isolés. [...]

 

Dans le mystère de La vie de Monseigneur saint Fiacre, on lit au deux tiers de la pièce : «Cy est interposĂ© une farsse.» La farce du Munyer d'AndrĂ© de La Vigne, jouĂ©e Ă  Seurre en octobre 1496, Ă  l'occasion du mystère de la Vie Monseigneur saint Martin, prĂ©cĂ©da la reprĂ©sentation du mystère, retardĂ©e Ă  cause du mauvais temps. Aussi, frappĂ©s  par ces exemples, les critiques vont-ils, Ă  partir d'eux, confirmer l'Ă©tymologie mĂŞme du mot. V.-L. Saulnier rĂ©sume l'opinion accrĂ©ditĂ©e depuis L. Petit de Julleville selon laquelle «la farce de de théâtre se rattacherait Ă  farcire, bourrer : elle garnit le mystère comme la farce de cuisine fourre une volaille». Cependant Ă  cette explication Ă©tymologique traditionnelle s'en joint une autre, nouvelle, et qui ouvre d'autres perspectives. Sans rĂ©cuser l'explication gĂ©nĂ©ralement admise, O. Jodogne remarque : «Dès son premier emploi dramatique, farce dĂ©signait probablement davantage une scène plaisante faite de railleries qu'un intermède comme a pu le suggĂ©rer son sens culinaire primitif.» Puis après l'Ă©tude de quelques emplois du mot, il prĂ©cise : «Il faut en dĂ©duire que si farce, Ă  lui seul, pourrait dĂ©signer ce qu'on insère dans un drame, il indique aussi, sinon davantage, un type d'intermède, une bouffonnerie au sens large du terme. Et donc , dans la Vie de monseigneur saint Fiacre conservĂ©e dans le mĂŞme recueil, nous devons comprendre cy est interposĂ© une farsse, non pas comme un pleonasme ou farce Ă©voquerait l'interposition d'une scène, mais une expression oĂą les termes portent chacun, farce signifiant un Ă©pisode badin.» Ainsi, Ă  partir d'un exemple fĂ©cond, O. Jodogne a-t-il approchĂ© de fort près ce qui nous paraĂ®t ĂŞtre la vĂ©ritĂ© du problème, lorsqu'il dĂ©finissait la farce comme un «mauvais tour», très proche de notre propre notion de «tromperie».

 

Il a existé un mot farce (descendant du latin farsus), apparenté à un mot fars, de la même famille, signifiant «artifice de la toilette féminine», d'où «tromperie». Ce mot a été contaminé par un terme de sens très voisin fart signifiant, comme en français moderne, «fard», au sens propre comme au sens figuré, c'est-à-dire, là encore, «tromperie». Cette confusion sémantique a conduit alors à une véritable identification, du fait que les deux mots fars et fart étaient homonymes au pluriel et parfois au singulier. Un point est donc sûr, le mot farce au sens dramatique est étayé de deux façons par deux étymons distincts mais de sens analogue qui est celui de tromperie.» (Bernadette Rey-Flaud, La farce, ou, La machine à rire: théorie d'un genre dramatique, 1450-1550, 1984 - books.google.fr).

 

"grasse & maigre"

 

Dans le Verger d'Honneur, il est question de temps "maigre ou gras" dans le texte intitulé du Compaignon et du Douloureux (Le Vergier d'honneur, 1515 - books.google.fr).

 

Et d'une chanson joyeuse de mardi gras (Le Vergier d'honneur, 1515 - books.google.fr).

 

La structure du jeu-combat de Carnaval est d'ailleurs une structure signifiante courante du théâtre populaire : AndrĂ© de la Vigne l'utilise dans sa moralitĂ© polĂ©mique de L'Estrif du Pourveu et de l'ellectif. On a toujours recours Ă  elle pour emporter insidieusement l'adhĂ©sion du public dans un sens dĂ©terminĂ© (Jean-Claude Aubailly, Théâtre mĂ©diĂ©val et fĂŞtes calendaires. In: Bulletin de l'Association d'Ă©tude sur l'humanisme, la rĂ©forme et la renaissance, n°11/1, 1980. La littĂ©rature populaire aux XVème et XVIème siècles - www.persee.fr).

 

L'attribution à André de la Vigne est remise en cause par Jelle Koopmans (Du texte à la diffusion ; de la diffusion au texte : l'exemple des farces et des sottie, 1998).

 

La Sotise à huit personnages semble une préfiguration d'un même auteur de la Moralité du Nouveau Monde. Il y est question du mal de Naples ("napleuz" : individu atteint de la maladie) (Olga Anna Duhl, Sotise a huit personnaiges (Le Nouveau Monde), 2005 - books.google.fr).

 

La moralité de L'Estrif traite des plaintes de l'Université de Toulouse devant le désordre qui régnait dans les bénéfices en France, ses préoccupations plus compliquées qu'un simple conflit entre Louis et Jules. Les plaintes des érudits de Toulouse se comprennent mieux sur le plan national ou régional. C'est pour cette raison que son auteur concentre ses attaques les plus acharnées non seulement sur Georges d'Amboise, mais aussi sur l'Ambitieux, en apparence une allégorie typique du genre de la moralité, mais qui devait avoir ici une pertinence bien plus locale. Quant au pontife, il joue dans cette pièce un rôle quelque peu marginal par rapport aux vrais coupables, bien qu'il soit irrévérencieusement caricaturé. [...] 

 

Le roi Louis XII, à peine voilé sous le nom de Quelcun, n'en est pas moins visé (il est invité à faire comme ses aïeux qui ont remis sur pied La Pragmatique...). Son aspect physique dans la pièce nous rappelle la position ambiguë de Louis vis à vis la Pragmatique : s'en déclarant souvent son défenseur afin de renforcer son image, dans la réalité et avec la complicité de Georges d'Amboise, il l'observait en effet très peu. La Pragmatique représente donc «une pomme de discorde non seulement entre la France et le saint-Siège, mais aussi entre le roi et nombre de ses sujets influents» surtout les membres de l'Université (Alan Hindley, Théâtre antipapal : trois textes dramatiques du début du XVIe siècle, Le théâtre polémique français (1450-1550), 2016 - books.google.fr).

 

Les jeux de carnaval, comme la bataille entre Carême et Charnage, font penser à la bataille des Andouilles chez Rabelais, où les capitaines Rifflandouille et Tailleboudin le jeune apparaissent dans le camp de Pantagruel. L'opposition centrale paraît être celle de la cuisine grasse et de la cuisine maigre ou - si l'on veut - de Carnaval et de Carême. [...] Le monde chrétien figure comme image de Carême et les ennemis incarnent la pléthore carnvalesque assimilée au monde criminel et de la prostitution (Jelle Koopmans, Le théâtre des exclus au Moyen Age, 1997 - books.google.fr).

 

Musique royale

 

La cour de Louis XI, Charles VIII et Louis XII abrita quelques-unes des grandes figures musicales de la fin du Moyen Âge et des débuts de la Renaissance : Jean Ockeghem, Josquin des Prés, Antoine Févin, Claudin de Sermizy ou Loyset Compère (Bertrand Depeyrot, La musique à la cour du roi de France (1461-1515), 2009  - theses.enc.sorbonne.fr, Henri Burgaud des Marets, Edme Jacques Benoît Rathéry, Oeuvres de Rabelais, Tome 2 : Quart Livre, 1858 - books.google.fr).

 

La chapelle royale, la plus ancienne entité musicale de la cour, était aussi la plus importante. À l'origine, elle devait assurer quotidiennement la célébration des offices divins. Elle était itinérante : chaque fois que le roi allait dans un endroit éloigné de sa résidence habituelle, il se faisait suivre au moins d'une partie de ses membres. Par exemple, la présence de la Chapelle est attestée lors de l'expédition italienne de Charles VIII en 1495 - 1496. [...]

 

En 1494, lors de sa première expédition en Italie, Charles VIII recruta quatre «tabourins suisses» et six trompettistes italiens. Sans doute avait-il trouvé les instrumentistes italiens particulièrement talentueux. En effet, à plusieurs reprises lors de son entrée à Pise et à Florence, ainsi que pour son expédition jusqu'à Rome, il demanda à Hercule Ier d'Este de lui prêter ses piffari et ses meilleurs instrumentistes à vent. [...]

 

À l'époque de Charles VIII et de Louis XII, des musiciens célèbres faisaient partie de la Chapelle. Depuis 1452 environ, Johannes Ockeghem (1410 - 1497) était à sa tête ; il semble qu'il ait continué à la diriger jusqu'à sa mort (Christelle Cazaux, La musique à la cour de François Ier, 2002  - books.google.fr).

 

Acrostiche à l'envers : RPSS, herpesse (herpès)

 

On trouve écrit herpès "herpesse" (Etienne Binet, Les oeuvres anatomiques et chirurgicales: traictant amplement de l'anatomie du corps humain, 1656 - books.google.fr, Lettres de La Marquise du Deffand, 1864 - books.google.fr).

 

La syphilis favorise les éruptions herpétiques : herpès parasyphilitique. Tantôt l'herpès survient à une époque plus ou moins éloignée du chancre et reparaît plus ou moins souvent sous forme d'herpès récidivant, tantôt l'éruption d'herpès est contemporaine du chancre (Georges Dieulafoy, Manuel de pathologie interne, Tome 2, 1911 - books.google.fr).

 

Messe

 

Ainsi, traditionnellement, la liturgie des Heures des monastères est répartie en sept offices du jour et les Vigiles de la nuit. En effet, saint Benoît précisait dans la règle sa raison (chapitre 164) : « Le Prophète a dit : Sept fois le jour j’ai chanté tes louanges (Ps 119,164). Nous remplirons aussi nous-mêmes ce nombre sacré de sept, si aux Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies, nous nous acquittons des devoirs de notre service. Car c’est à ces heures du jour que s’applique la parole?: J’ai célébré tes louanges sept fois le jour, comme c’est au sujet des Vigiles de la nuit que le même Prophète a dit : Au milieu de la nuit, je me levais pour te louer (Ps 119,62). Offrons donc à ces Heures-là nos louanges à notre Créateur des jugements de sa justice?: c’est-à-dire aux Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres, Complies?; et la nuit, levons-nous pour le louer » (fr.wikipedia.org - Liturgie des Heures).

 

A six heures, chaque jour, on psalmodiait matines et laudes et, pendant les nocturnes, un prĂŞtre cĂ©lĂ©brait la messe matutinale. Les laudes Ă©taient suivies d'une seconde messe, dite Ă©galement au maĂ®tre-autel. La messe de Notre-Dame se cĂ©lĂ©brait Ă  huit heures ; Ă  trois quarts pour neuf heures, comme l'on disait alors, on se rĂ©unissait pour rĂ©citer prime et entendre la lecture du Martyrologe, et celle du NĂ©crologe aux jours d'obit. Pendant cette petite heure, un chanoine disait la messe de prime et, après les prières du «pretiosa», on rĂ©citait tierce ; l'on chantait la messe capitulaire, avec diacre et sous-diacre, et l'on se sĂ©parait, après avoir rĂ©citĂ© sexte (Eugène Martin, Histoire des diocèses de Toul, de Nancy & de Saint-DiĂ©, publiĂ©e ...: De la rĂ©union de Toul Ă  la France au dĂ©membrement du diocèse, Tome 2, 1901 - books.google.fr).

 

Dans le lectionnaire de Luxeuil, l'office de Seconde, office matinal, correspondant à celui de Prime, dans l'usage romain (Duchesne, Origines du culte chrétien: étude sur la liturgie latine avant Charlemagne, 1889 - books.google.fr).

 

Les humanistes classifient les genres musicaux, polyphoniques ou monodiques, selon les trois grandes catĂ©gories littĂ©raires : la «grande» (ou «sublime»), la «moyenne» (ou «mĂ©diocre»), et la «commune» (ou «basse»). Chaque catĂ©gorie musicale doit ressembler - du fait du couple texte - mĂ©lodie qui est le propre du chant - Ă  la catĂ©gorie textuelle qui lui correspond. Le «grand» style rĂ©unit toutes les formes de musique religieuse, monodiques ou polyphoniques. Au-delĂ  de raisons religieuses Ă©videntes, cela reflète l'importance de la pensĂ©e de saint Augustin dans l'humanisme ficinien. Le style «moyen» comprend toutes les formes vocales accouplĂ©es Ă  des vers lyriques de type savant, et aussi les formes instrumentales destinĂ©es aux danses pratiquĂ©es Ă  la cour. Finalement, le style «commun» correspond Ă  toutes les formes d'inspiration populaire. Les Ă©coles musicales de toute l'Europe expriment les particularitĂ©s d'une multitude dynamiques et influentes partagent le mĂŞme principe technique et esthĂ©tique. Presque toutes se trouvent en Italie, dans l'ancien duchĂ© de Bourgogne, en France et en Espagne. En cette fin du XVe siècle, les meilleurs compositeurs de polyphonie religieuse et profane sont souvent français ou flamands. Leur influence se fait sentir en Italie et en Espagne, oĂą les meilleurs musiciens savent s'inspirer de Josquin Desprez, d'Ockeghem (1410-1495 ?) et d'autres maĂ®tres franco-flamands pour crĂ©er leurs propres Ă©coles de polyphonie religieuse. Les Italiens sont les maĂ®tres inĂ©galĂ©s de la thĂ©orie musicale et de l'improvisation ad lyram, c'est-Ă -dire de la rĂ©citation chantĂ©e et accompagnĂ©e de manière improvisĂ©e, par le mĂŞme musicien. L'improvisateur le plus cĂ©lèbre, Baccio Ugolino (seconde moitiĂ© du XVe siècle), compte rien moins que Laurent le Magnifique parmi ses admirateurs. Ses improvisations scĂ©niques (Mantoue, 1471) sur L'OrphĂ©e du poète florentin Ange Politien, ont marquĂ© la naissance de l'opĂ©ra. Les royaumes d'Espagne possèdent de fortes traditions musicales, mais ils reçoivent et assimilent les influences françaises, flamandes et italiennes en les adaptant Ă  une sensibilitĂ© analogue au «rĂ©alisme vital» de leur littĂ©rature et de leurs arts plastiques. Les influences extĂ©rieures arrivent grâce Ă  la politique italienne du royaume d'Aragon, Ă  travers les liens traditionnels avec les anciens territoires du duchĂ© de Bourgogne, et grâce aussi au mĂ©cĂ©nat des Rois Catholiques et de quelques grandes familles (L'Etat du monde en 1492, 1992 - books.google.fr).

 

A l'époque, Glareanus écrivit à propos de la Missa Beata Vergine de Josquin des Prés (1510) : «Il me semble qu'aucune musique plus sublime ne puisse être créée» (Synthèses, Numéros 198 à 203, 1962 - books.google.fr).

 

Ă€ la diffĂ©rence des messes dites de l'homme armĂ© et donc de la messe prĂ©cĂ©dente, la Missa la sol fa re mi de Josquin des Prez ne comprend pas, musicalement ou vocalement, de motif ayant partie liĂ©e avec la croisade. Cependant, l'un des tout premiers manuscrits de cette seconde messe composĂ©e par Josquin, le Vatican, chapelle Sixtine 41 (Vat. CS 41), en raison, d'une part, de son hypothĂ©tique dĂ©dicataire, Charles VIII, et d'autre part, d'un Turc figurĂ© dans le mĂŞme manuscrit, nous conduit, après d'autres, Ă  l 'une des Ĺ“uvres suscitĂ©es Ă  Rome par la croisade de Charles VIII. L'une des premières difficultĂ©s Ă  lever est celle de la datation de la messe et du manuscrit. Richard Sherr puis Adalbert Roth sont allĂ©s jusqu'Ă  reconnaĂ®tre en cette Missa l'Ĺ“uvre vocale exĂ©cutĂ©e pour la cĂ©lĂ©bration pontificale du 20 janvier et, par consĂ©quent, Ă  faire de ce manuscrit le strict contemporain de la cĂ©lĂ©bration ; Ă  la diffĂ©rence de James Haar qui, prĂ©fĂ©rant dissocier composition de l'ouvre et copie manuscrite (le Vat. CS 41), a proposĂ© comme possible datation pour ce dernier 1494-1495. Ă€ notre connaissance, la question demeure, Ă  ce jour, irrĂ©solue du point de vue musicologique. Un faisceau d'indices d'ordres divers permet, toutefois, d'Ă©tayer l'hypothèse d'une dĂ©dicace du manuscrit Vat. CS 41 au roi de France Charles VIII. On doit Ă  Richard Sherr d'avoir mis en Ă©vidence un premier lien existant entre le Vat . CS 41 et la croisade envisagĂ©e par Charles VIII. Les indices avancĂ©s sont de deux ordres : palĂ©ographique et idĂ©ologique (Guy Le Thiec, Le roi, le pape et l'otage. La croisade, entre thĂ©ocratie pontificale et messianisme royal (1494-1504), Revue d'histoire de l'Église de France, Volume 88, NumĂ©ros 220 Ă  221, 2002 - books.google.fr).

 

AndrĂ© de la Vigne, racontant la vie du roi Ă  Naples, dit invariablement : «Ce matin le roi alla ouĂŻr la messe... Après dĂ®ner, le roi alla jouer et se divertir». […] Le roi est arrĂŞtĂ© dans cette rĂ©formation par la guerre; derrière lui, l'Italie s'Ă©tait fermĂ©e. Une ligue, formĂ©e Ă  Venise Ă  l'insu de Comines, qui dut avouer plus tard qu'il ne l'avait connue que quand le doge la lui avait annoncĂ©e, rĂ©unit les Italiens et les Allemands; 40,000 hommes s'assemblèrent sur le revers septentrional des Apennins. Charles comprit le danger et fut prompt Ă  agir. Il laissa Ă  Gilbert de Montpensier et Ă  d'Aubigny, pour maintenir Naples 782 lances et 2,700 hommes de pied; et, avec 5,780 fantassins, 970 lances et ses 200 gentilshommes, il partit. «Je ne demande rien, Ă©crit-il, Ă  qui ne me demande rien; mais si on m'attaque, je saurai me dĂ©fendre». Il put croire qu'on ne l'attaquerait pas; le Pape s'Ă©tail cachĂ© Ă  OrviĂ©to, et tout cĂ©da en Toscane; le passage de l'Apennin fut pĂ©nible; il fallut tirer Ă  bras les canons ĂĄ travers le col encore impraticable de Pontremoli; enfin, on dĂ©boucha dans la vallĂ©e du PĂ´, mais en se heurtant Ă  Fornoue contre 10,000 ennemis : les 8,000 soldats de Charles VIII les dispersèrent. La journĂ©e fut brillamment conduite; Comines avoue lui-mĂŞme que le petit roi paraissait grand de deux pieds au-dessus de sa taille. [...]

 

Que deviennent à Naples Montpensier et d’Aubigny ? Battus par don Frédéric, ils perdent en quelques jours les avantages acquis; Montpensier meurt, et d’Aubigny ramène en France quelques débris de l'armée. Comme le dit Pointet, jeune gentilhomme, c'est à Charles que revient l'honneur (Henry Chotard, Charles VIII et l'expédition d'Italie, 1494-1495, d'après les lettres du Roi et de son secrétaire Robertet, 1864 - books.google.fr, Le vergier d'honneur, 1504 - books.google.fr).

 

Messe des vérolés

 

En France, la syphilis prend le nom de mal napolitain, parce que, dit-on, les soldats français en sont infectés lors d'un séjour à Naples sous Charles VIII. Au même moment, les Italiens l'appellent le mal français sous prétexte qu'ils ne le connaissent que depuis l'arrivée des militaires de France. Pour les uns, la syphilis devient le mal allemand. Il y a plus D'aucuns l'appellent même le mal du saint homme Job. Durant le XVe siècle, selon un missel imprimé à Venise en 1542, une messe annuelle est célébrée «à l'honneur de Saint Job pour être guéri de la vérole par son intercession» (cité par le Dictionnaire universel français et latin, édition de 1737, tome. V). Ce personnage biblique, paraît-il, aurait grandement souffert de la terrible maladie. C'est sans doute pour cette raison que la société du temps le rejette si brutalement (Robert-Lionel Séguin, La vie libertine en Nouvelle-France au XVIIe siècle, Tome 1, 1972 - books.google.fr).

 

On supposait, ajoute un commentateur, que la vérole était l'ulcère dont Job s'était plaint constamment. Dans son poème latin, Fracastor est beaucoup plus positif encore Cette messe était une messe ordinaire, mais dédiée à saint Job, et agrémentée par la suite de diverses formules magiques, auxquelles s'ajoutèrent bientôt des manifestations de sorcellerie, qui furent cause que cette messe tomba en désuétude. Mais les procédés de sorcellerie perdurèrent longtemps encore, et dans sa savante «Sorcellerie des campagnes»,  Charles LANCELIN cite plusieurs procédés en usage actuellement encore dans certaines régions  (La Chronique médicale, Volumes 27 à 28, 1920 - books.google.fr).

 

L'Ă©vangile de cette messe Ă©tait Saint Luc.

 

Un chroniqueur du temps a composé, au sujet de la mort de François Ier, une sorte d'épitaphe:

 

Ce fut en quinze cent quarante-sept,

Le sept du mois de juillet,

Que le Roi mourut Ă  Rambouillet

De la vérole qu'il avait.

 

Nous risquerons aussi notre quatrain, tout en demandant d'avance pardon au lecteur :

 

Quand VĂ©nus te ravit la couronne de France,

Le pouvoir absolu, le trĂ´ne Ă  fleur de lis,

Ignorais-tu, François, dans ta concupiscence,

Que nous sommes égaux devant la syphilis ? (Frédéric Buret, La Syphilis a travers les âges, Tome 2, Tome 2, 1894 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 2198 sur la date pivot 1494 donne 790, 1484, 770. Epoque de Charlemagne.

 

Le roi des Francs, Pépin, attaque les Lombards pour une première fois en 755 à la demande du pape, première étape de la conquête de l'Italie. En 774, son fils Charlemagne conquiert l'Italie et devient roi des Lombards. Le Mezzogiorno (région du Midi) sera la seule partie de l'Italie à échapper aux Lombards et à repasser durablement sous le contrôle de Byzance (Louise Gaboury, Fabuleuse Italie du Sud, 2020 - books.google.fr).

 

Tel le Charlemagne lĂ©gendaire, Charles VIII prit l'oriflamme et partit pour le royaume de Naples, première Ă©tape d'un voyage qu'il espĂ©rait poursuivre jusqu'Ă  Constantinople et JĂ©rusalem. Tel aussi le Roland des chansons de geste, car ce jeune roi avait le dĂ©sir «daller a Napples pour faire du roland», comme le dit AndrĂ© de La Vigne. Il est significatif que, dans ces dĂ©buts de l'absolutisme royal, le roi semble vouloir jouer tous les rĂ´les Ă  la fois : celui de roi et celui de son meilleur vassal. La fascination de Charles VIII pour Charlemagne trouve largement de quoi se nourrir du cĂ´tĂ© de l'Italie. Nous connaissons bien toute la tradition française qui incitait la monarchie Ă  s'Ă©riger en protecteur de l'Eglise et Ă  entreprendre la reconquĂŞte de la Terre sainte. La «mission universelle» faisait partie de son identitĂ© historique, et c'est en grande partie par son histoire qu'elle se dĂ©finissait. Nous savons aussi que le rĂ´le de Charlemagne dans cette «mythistoire» Ă©tait fondamental, car les demandes rĂ©itĂ©rĂ©es d'aide et de protection que les papes adressaient aux rois français remontaient Ă  lui. Mais on le trouve au centre d'autres discours originaires, qui unissaient leurs voix Ă  cet ensemble polyphonique appelant la France au-delĂ  des Alpes, ou du moins lĂ©gitimaient une dĂ©marche dans ce sens. Tel fut le cas de Florence qui  faisait de Charlemagne le restaurateur des libertĂ©s de la citĂ© : il aurait ainsi affranchi les Florentins du joug des barbares germaniques, et aurait accordĂ© les privilèges assurant leur indĂ©pendance. Ces liens entre la figure de Charlemagne et la ville de Florence sont devenus indissociables dans l'esprit des gens Ă  l'Ă©poque de la montĂ©e en puissance de la maison d'Anjou, en Italie. Les prophĂ©ties faisaient de l'empereur allemand un AntĂ©christ et prĂ©disaient l'avènement d'un dernier empereur, du nom de Charles, qui sortirait de la lignĂ©e des Carolingiens et de la maison de France ; il deviendrait «le prince et et monarque de toute l'Europe». Les prophĂ©ties d'un nouveau Charlemagne revenant tel le Messie sont assimilĂ©es aux polĂ©miques entre les Guelfes, partisans du pouvoir du pape, et les Gibelins, partisans de l'empereur. Au cours du XIVe siècle, on trouve ces prophĂ©ties dĂ©veloppĂ©es au nom d'un guelfisme qui se dĂ©finit comme le parti de la libertĂ©, de la latinitĂ© et de la vraie piĂ©tĂ© en lutte contre le pouvoir impĂ©rial et la barbarie germanique. Ă€ partir de 1375 et de la guerre entre Florence et le pape GrĂ©goire XI, les prophĂ©ties annoncent un roi de France qui serait Ă©lu empereur des Romains et monarque du monde entier. Ainsi, ce Charlemagne fondamentalement antigermanique, vĂ©ritable hĂ©ritier de la tradition romaine, devient une figure de la libertĂ© et de l'empowerment dĂ©tenant la puissance et la lĂ©gitimitĂ© nĂ©cessaires pour accorder aux autres la maĂ®trise de leur propre sort (Robert Morrissey, L'empereur Ă  la barbe fleurie: Charlemagne dans la mythologie et l'histoire de France, 1997 - books.google.fr).

 

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