Louis XII, la Bretagne et Milan

Louis XII, la Bretagne et Milan

 

X, 26

 

2196-2197

 

Le successeur vengera son beau frere,

Occuper regne souz ombre de vengeance,

Occis ostacle son sang mort vitupere,

Long temps Bretaigne tiendra auec la France.

 

Le beau-frère de Charles VIII

 

Devenu roi, Louis XII s'appliqua à tranquilliser ceux que son avènement pouvait faire trembler. Il n'est pas décent et à honneur à un roi de France, répétait-il, de venger les querelles d'un duc d'Orléans. Il fît dire qu'il ne changerait de place rien ni personne ; il fut pour tous des plus prévenants : on le trouva parfait. Anne de Bretagne, surtout, que la douleur accablait, n'eut qu'à se louer de ses attentions. Il s'occupait beaucoup d'elle. Aux termes du contrat de mariage de Charles VIII avec la duchesse, celle-ci, devenue veuve, devait épouser le successeur de son mari. C'est à quoi songeait Louis XII. Il voyait à ce projet trois avantages : garder la Bretagne ; épouser une princesse qu'il aimait depuis longtemps sans le dire ; répudier sa propre femme, qui était laide, lui était indifférente et n'avait pas d'enfants. Ce fut la première affaire de son règne. La femme de Louis XII, Jeanne de France, fille de Louis XI, personne aux traits masculins - à en juger d'après le masque de plâtre moulé sur sa figure après sa mort et conservé au Louvre - était sèche, sans grâce, comme fermée, par surcroît petite, noire, voûtée et boiteuse. Jadis Louis XI ayant trouvé ce mariage à sa convenance, avait marié les deux enfants ensemble lorsque le duc d'Orléans n'avait que onze ans ; celui-ci, ne voulant pas et pleurant, le vieux roi l'avait menacé de le faire prêtre ou moine et il avait fallu céder. Depuis, le petit prince n'était jamais revenu à des sentiments bien tendres. Le projet d'épouser Anne de Bretagne résolu, Louis XII s'occupa tout d'abord de faire annuler en cour à Rome sa première union. Le pape était à ce moment Alexandre VI, le fameux Borgia. Georges d'Amboise s'aboucha avec le triste fils du pontife. César Borgia, et ils convinrent ensemble de combinaisons. L'instance en nullité de mariage était recevable pour huit raisons canoniques, jeunesse des époux, leur parenté, leur non-consentement, etc. Le procès suivit favorablement et pour la peine Louis XII donna à César Borgia le comté de Valentinois qu'il transforma en duché, plus 20.000 livres de pension. En retour César apporta à Paris le chapeau de cardinal à Georges d'Amboise. Jeanne de France se défendit avec dignité et fermeté ; on la plaignit ; Louis XII ne fut pas brillant. Les juges, naturellement, prononcèrent en faveur de l'annulation qui fut décidée. La malheureuse Jeanne, que des visions consolaient, accepta avec humilité la volonté de Dieu ; elle se retira à Bourges où elle fonda l'ordre de l'Annonciade et où elle devait mourir en 1505, inaperçue, obscurément, et tenue pour une sainte.

 

Anne de Bretagne avait accepté Louis XII ; ayant aimé Charles VIII, elle allait aimer son nouveau mari. Elle avait goûté aux grandeurs de la royauté, elle ne se souciait pas de redevenir simple duchesse. Le mariage des deux époux eut lieu à Nantes en janvier 1490. La fine Bretonne, comme l'appelait en riant Louis XII, eut soin de faire stipuler que si elle n'avait pas d'héritier, la Bretagne reviendrait non au roi de France, mais aux siens. Le couple alla s'installer au château de Blois : ce devait être un ménage modèle par la tendresse réciproque, le dévouement et la fidélité de l'un et de l'autre.

 

Après cette première affaire du règne, la seconde, beaucoup plus grave, fut l'idée qu'eut Louis XII d'aller en Italie conquérir le Milanais. Il n'y a pas eu de rapport immédiat entre cette entreprise et celle de Charles VIII ; les motifs sont différents, les buts dissemblables. Tout en étant moins déraisonnable que d'aller conquérir Constantinople en passant par Naples, le projet de Louis XII n'était pas moins impolitique. Comme le disait au conseil du roi Etienne Pencher, qui combattait vivement l'idée, le roi de France eût mieux fait de s'occuper à borner son royaume. Pendant des années Louis XII a dépensé quantité d'argent et d'hommes afin de maintenir cette conquête précaire ; il s'est trouvé engagé dans des séries interminables et fastidieuses de complications internationales renouvelées pour aboutir à évacuer finalement l'Italie ! Peu de règnes offrent le spectacle d'une politique aussi vaine avec autant d'efforts stériles. Le conseil, ou plutôt dans ce conseil, Georges d'Amboise a soutenu et encouragé le roi. Le fait que pendant l'occupation du Milanais Georges d'Amboise a cherché par tous les moyens à devenir pape semble indiquer la raison d'être de cette constance de Louis XII à soutenir ses droits sur le duché de Milan.

 

Ces droits, il les tenait de sa grand'mère, Valentine Visconti, fille de Jean-Galéas Visconti, premier duc de Milan, et femme de Louis d'Orléans assassiné par Jean sans Peur. La lignée de Jean-Galéas s'étant éteinte, c'étaient les héritiers de Valentine qui devaient être les maîtres de Milan. Mais au cours du XVe siècle les d'Orléans, prisonniers à Londres, ou trop jeunes, n'avaient pu s'occuper de cette affaire et des condottiere, les Sforza, s'étaient emparés de leur héritage. Tout au plus avaient-ils conservé en Piémont la dot de Valentine, le comté d'Asti. Monté sur le trône, Louis XII se résolut à revendiquer ces droits, en déshérence depuis 1447, depuis cinquante ans. Bonhomme, Louis XII ne vengeait peut-être pas sur des particuliers les rancunes du duc d'Orléans, mais médiocre politique il employait l'argent de ses peuples à soutenir un procès personnel du duc indifférent au royaume (Louis Batiffol, Le siècle de la Renaissance, 1909 - www.mediterranee-antique.fr).

 

Le futur François Ier épousera Claude France héritière d'Anne de Bretagne. La Bretagne restera sous le giron de la France.

 

Ludovic Sforza

 

La grande affaire du mariage breton réglée, Louis XII envahit le Milanais de concert avec les Vénitiens. Le duc Ludovic Sforza était au fond un prince éclairé et habile, mais auquel on reprochait la mort assez douteuse de son neveu Jean Galéas. Il fut néanmoins abandonné de tous. La terreur marcha devant les Français ; une seule ville résista : tout y fut massacré. Le peuple, chargé d'impôts, espéra avoir moins à payer sous un grand roi et se précipita à sa rencontre jusqu'à une lieue de Milan. Quelque temps après, Sforza revint avec une armée d'aventuriers suisses, levés sans le consentement de leurs cantons; mais lorsqu'ils se virent en face des Suisses légalement attachés au service de France et déployant les bannières de leur pays, ils refusèrent de combattre, et l'un d'eux trahit le duc, qui fut envoyé en France où il périt avec plusieurs autres membres de sa famille dans les prisoas de Loches et de Bourges (Adam Vulliet, Esquisse d'une histoire universelle: envisagée au point de vue chrétien : à l'usage des écoles secondaires et des maisons d'éducation. Histoire moderne : première partie, 1862 - books.google.fr).

 

En janvier 1500, la population milanaise, durement opprimée par Trivulce, se révolte et il faut au condottiere de Louis XII une nouvelle campagne pour reconquérir le pays. Les nobles milanais, qui avaient espéré un retour à une forme de gouvernement communal libéré de la tutelle ducale sont déçus. Profitant du soulèvement populaire, Ascanio, le frère de Ludovic, entre dans Milan le 2 février, et Ludovic, à la tête d'une troupe de mercenaires suisses, le suit le 5 février et reprend son trône. Il ne reste qu'une seule journée et repart pour Pavie pour organiser l'armée. Mais, le 10 avril, trahi par des mercenaires suisses lors du siège français de la ville de Novare, il tombe entre les mains de l'armée française alors qu'il tente de s'enfuir en se dissimulant sous des vêtements de simple soldat et est livré au général français La Trémoille. Il est aussitôt emmené en France et incarcéré d'abord au château de Pierre Scize à Lyon, puis au château de Lys-Saint-Georges, près de Bourges. En 1504, il est transféré au château de Loches où il vivra ses dernières années. Il meurt dans sa prison le 27 mai 1508. Officiellement, il est mort le jour de sa libération, "ébloui par la lumière du soleil". Cette étrange cause de décès camouflerait une mort de maladie ou un assassinat. Son corps aurait été, dans un premier temps, enseveli près de la collégiale Saint-Ours, à Loches, puis transféré à Milan dans l'église de Santa Maria delle Grazie auprès de celui de Béatrice d'Este, mais il semblerait que les Milanais n'aient pas voulu du corps de celui qu'ils n'ont jamais reconnu comme duc de Milan. Aucune sépulture connue à ce jour, ne lui est consacrée (fr.wikipedia.org- Ludovic Sforza).

 

vitupérer : 1328 «faire injure à, outrager» (Cart. d'Oudenbourg, p. 9, Van de Casteele ds Gdf.: en vituperant nostre signorie et noblece); 1337 vituperer [aucune chose] «commettre (des méfaits), proférer (des injures)» (ds Trésor des chartes de Rethel, éd. S. Saige et H. Lacaille, t. 2, p. 38. Empr. au lat. vituperare (propr. «trouver des défauts») «reprendre, critiquer, blâmer» (www.cnrtl.fr).

 

Les rigueurs du roi envers les Sforza contrastaient singulièrement avec sa bienveillance habituelle. Louis XII n'observa pas envers le More sa maxime, que le roi de France devait oublier les injures du duc d'Orléans. Vers le même temps où Louis XII jetait l'ex-duc de Milan dans une cage de six pieds de large sur huit de long, il se laissait jouer et blasonner en plein théâtre par les clercs de la Basoche du Palais, qui, organisés en confrérie dramatique sous le titre d'Enfants Sans-Souci, fondaient la comédie en France, dans leurs Sotties (sottises) et Moralités (Louis Henri Martin, Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, Tome 8, 1844 - books.google.fr).

 

Cf. quatrain X, 28 - André de la Vigne - 2197-2198.

 

Le combat de Louis XII contre la "tyrannie" poétisé par Jean Marot ne concernait pas seulement Ludovic Sforza et Milan, mais aussi la cité de Gênes qui, après s'être révoltée contre le roi de France, venait d'être soumise à son autorité.  [...] En 1508, André de La Vigne publia un court poème, intitulé Le Libelle des cinq villes d'Italye contre Venise, Rome, Gênes et Milan. Si les discours tenus par la Ville éternelle et par la cité du lys se bornent à des considérations sur les trahisons et les usurpations vénitiennes passées, les propos des trois autres cités font directement référence au bon gouvernement de Louis XII et à son image de "libérateur de la tyrannie" (Didier Le Fur, Louis XII, 2016 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 2197 sur la date pivot 1508 donne 819.

 

A peine établis en Armorique, les Bretons se trouvèrent aux prises avec les Francs, les uns et les autres voulant assurer et même reculer leurs frontières respectives. La lutte entre ces deux peuples se poursuivit incessante et à peu près égale, jusque vers la fin du VIIIème siècle. Charlemagne, le premier, soumit la Bretagne tout entière et l'on dut croire qu'elle ne se relèverait jamais de ce coup terrible. Cependant, au lendemain même de la mort du grand empereur, son fils, Louis-le-Débonnaire, jugea nécessaire de conduire contre les Bretons une armée formidable et de les dompter une fois encore. [...] L'épisode qui aboutit à la mort de Morvan, roi élu des Bretons armoricains, est certainement l'un des plus pittoresques et des plus dramatiques de notre histoire. [...]

 

Eginhard, qui a noté, année par année, les faits et gestes de Louis-le-Débonnaire, dit très peu de chose de sa campagne en Bretagne ; il se borne à ces quelques lignes : «L'empereur conduisit lui-même en Bretagne une puissante armée et ce fut à Vannes qu'il tint l'assemblée générale (conventum). Etant ensuite entré dans cette province, memoratam provinciam, il s'empara des lieux fortifiés par les rebelles, et il eut bientôt, sans beaucoup de peine, non magno labore, réduit tout le pays sous son obéissance (in suam potestatem redegit). En effet, une fois que Morvan qui, au mépris des usages de son pays (proeter solitum Brittonibus morem), avait usurpé le titre de roi, eût été tué par les troupes impériales, on ne rencontra plus chez les Bretons aucune résistance. Pas un d'eux ne refusa d'exécuter les ordres qui furent donnés ou de livrer les otages que l'on exigea» (Traduction de Teulet) (Vincent Audren de Kerdrel, Expedition de Louis le Débonnaire contre les Bretons en 818, Bulletin archéologique de l'Association bretonne, 1882 - www.infobretagne.com, Jean-Jacques Prado, La Bretagne avant Nominoë, 1986 - books.google.fr).

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