L’antre de Mithra à Rome

L’antre de Mithra à Rome

 

X, 20

 

2191-2192

 

Tous les amys qu'auront tenu party

Pour rude en lettre mis à mort & saccagé

Bien oubliez par fisc grands neanty

Que Romain peuple ne fut tant outragé.

 

"bien publiez" : "biens publiés"

 

Cf. quatrain X, 77 - Mithra et Commode - 2233-2234.

 

Cette expression répond au latin "boni publicati" employée par Cicéron : biens confisqués (Lettre XIX, à Brutus) (Marcus Tullius Cicero, Œuvres Complètes, traduit par MM. Andrieux, Agnant, Tome 26, 1835).

 

Quand le paganisme fut proscrit, les biens des temples furent attribués au fisc; Gratien décréta la confiscation, Théodose l'exécuta. Nous savons, par les lois des empereurs, qu'une partie de ces biens furent donnés à l'Église chrétienne, et les auteurs de l'Histoire ecclésiastique disent la même chose (L. 20 C. Theod., XVI, 10) (François Laurent, L'Église et L'état, Tomes 1 à 2, 1865).

 

Certaines Ă©ditions ont "fisc" pour "fixe" dans d'autres.

 

"L'ami"

 

Chez les Iraniens, c'est seulement sous une forme Ă©voluĂ©e que nous retrouvons le culte du feu. L'Avesta, livre sacrĂ© d'une religion dĂ©jĂ  Ă©purĂ©e, ne connaĂ®t plus de dieux du feu ni du soleil. Ses sectateurs, anciens et modernes, ont cependant Ă©tĂ© appelĂ©s les adorateurs du feu, en raison de la place que tient cet Ă©lĂ©ment dans leur rituel. En rĂ©alitĂ©, ils ne vĂ©nèrent plus le feu que comme l'image d'Ormuzd, tout au moins dans la pure doctrine de Zoroastre. La vĂ©ritable religion des anciens Perses devait diffĂ©rer sensiblement de cette doctrine et y mĂŞler des Ă©lĂ©ments plus grossiers ; il semble notamment que le feu y ait Ă©tĂ© adorĂ© sous une forme concrète et identifiĂ© avec le dieu lumineux Mithra. C'est le mĂŞme que le Mithra vĂ©dique, mais son rĂ´le a dĂ» ĂŞtre plus important. Il devait ĂŞtre un des plus grands dieux des Indo-iraniens primitifs, ainsi que le prouve la dĂ©couverte de son nom sur les tablettes de Boghaz-Koei, datĂ©es d'environ 1500 ans avant J.-C. Cependant l'Avesta n'en parle que comme d'une divinitĂ© secondaire, jouant le rĂ´le de mĂ©diateur et de protecteur des hommes, comme l'indique son nom qui signifie «l'ami». C'est un dieu de lumière, physiquement et moralement et Ă  ce double point de vue, il prit une importance de plus en plus grande dans la religion mazdĂ©enne. C'est surtout par lui que cette religion fut sur le point de conquĂ©rir le monde civilisĂ©. «Vers l'an 400 avant  J.-C., le culte de Mithra commença Ă  rayonner de l'Iran vers l'Asie-Mineure. Au commencement de notre ère, il avait atteint la  MĂ©diterranĂ©e. Il n'Ă©tait plus alors la lumière mĂ©diatrice entre le ciel et les hommes ; bien que l'idĂ©e de mĂ©diation, attachĂ©e Ă  sa conception primitive, ne fĂ»t pas abolie et dut subsister jusqu'Ă  la fin, Mithra devenu Dieu par excellence, Ă©tait assimilĂ© au Soleil lui-mĂŞme. C'est ainsi du moins que le concevait Strabon (Salomon Reinach, Cultes, mythes et religions, Tome 2).

 

Ce culte se répandit dans l'empire romain, pour les mêmes causes qui amenèrent la diffusion d'autres cultes orientaux. A l'époque de Trajan, vers l'an 100 après J.-C., le mithraïsme commence à devenir une grande puissance religieuse, en particulier dans la région du Danube. "Quatre-vingt-dix ans après, l'empereur Commode lui-même se fait initier aux mystères de Mithra. Dès la fin du second siècle de l'empire, il n'y a pas de région du monde romain où le mithraïsme n'ait trouvé d'adeptes. Au IIIe siècle et au IVe, il s'étend encore malgré la concurrence que lui fait le christianisme grandissant. Si la conversion de Constantin arrête un moment sa croissance, il reprend une force nouvelle lors de la réaction païenne sous Julien. Au Ve siècle, il disparaît avec tout le paganisme non sans laisser des traces profondes dans l'esprit des populations orientales. On a dit souvent que si le mithraïsme n'avait pas trouvé sur son chemin le christianisme, il serait devenu la religion unique de l'ancien monde. On a montré d'ailleurs qu'il avait bien des points communs avec le christianisme et que sa morale." (Salomon Reinach, Cultes, mythes et religions, Tome 2). Seulement par Ses rites, tels que le baptême du Sang, par l'assimilation trop directe de Mithra au soleil, il conservait des traces d'un matérialisme primitif qui lui ont fait préférer une religion plus idéale. Quoi qu'il en soit, le mithraïsme fut certainement la forme la plus élevée du culte du Soleil . Dans le parsisme, Mithra a conservé son caractère de dieu du feu. Le temple du feu s'appelle chez les Parsis de l'Inde Dar-i-Mihir «palais de Mithra» (Georges Poisson, L'origine celtique de la légende de Lohengrin: Extrait de la Revue celtique, 1913 - books.google.fr).

 

"saccagé"

 

Le culte de Mithra fut tolĂ©rĂ© Ă  Rome jusqu'au règne de Valentinien II, qui fit ouvrir et saccager l'antre de Mithra, par le prĂ©fet Gracchus (378) comme nous l'apprend saint JĂ©rĂ´me dans son Epitre Ă  Læta : "Gracchus nonne specum Mithræ et omnia portentosa simulacra quibus corax, gryphus, miles, perses, heliodromos, leo, pater initiantur, subvertit, fregit, excussit". Mais il subsista jusqu'au cinquième siècle de l'ère chrĂ©tienne; Ă  en juger par l'âge des monuments retrouvĂ©s dans les diverses provinces de l'empire, exceptĂ© la Grèce, l'Espagne et la Bretagne. -Y eut-il un culte public de Mithra ? Aucun Ă©crivain grec ou romain n'en fait mention expresse. Mais l'examen des monuments, dont plusieurs, par exemple celui de Bourg Saint-AndĂ©ol (Ardèche), occupaient une position apparente; la dĂ©couverte d'inscriptions sur les temples, avec des ex-voto Ă  Mithra, rendent le fait vraisemblable. Les fĂŞtes avaient lieu aux Ă©quinoxes du printemps et de l'automne et la plus grande, celle oĂą l'on cĂ©lĂ©brait le jour de naissance de Mithra, coĂŻncidait avec le solstice d'hiver. Elle a Ă©tĂ© conservĂ©e jusqu'Ă  nos jours dans le calendrier persĂĄn sous son antique nom de Mihrgam (25 dĂ©cembre). En outre, le seizième jour de chaque mois Ă©tait consacrĂ© au hĂ©ros de la lumière (EncyclopĂ©die des sciences religieuses, Volume 12, 1882 - books.google.fr).

 

Saint JĂ©rĂ´me note que Gracchus est apparentĂ© Ă  Laeta, destinataire de la lettre 107 : propinquus vester. En fait, la parentĂ© est du cĂ´tĂ© du mari de Laeta, Julius Toxotius, et de la mère de celui-ci, sainte Paule ; la mère de Paule, Blaesilla appartenait en effet Ă  la gens Furia : elle Ă©tait peut-ĂŞtre seur ou tante de Gracchus. La prĂ©fecture de Gracchus est datĂ©e par deux lois adressĂ©es ad Gracchum p. u., l'une reçue Ă  Rome le 1er dĂ©cembre 376, l'autre expĂ©diĂ©e de Trèves le 4 janvier 377. Le prĂ©fet est donc entrĂ© en charge entre juin et dĂ©cembre 376 et a abandonnĂ© sa fonction entre janvier et septembre 377 (AndrĂ© Chastagnol, Les fastes de la prĂ©fecture de Rome au Bas-Empire, 1962 - books.google.fr).

 

"rude lettre"

 

A AGLASIA. Lettre XLI. Cette Dame envoya des extremitez des Gaules Apodemius à Saint Jerôme , pour luy proposer quelques questions, les luy ayant resoluës, il la prie de faire voir son ouvrage au Prestre Aletivis.

 

Apodemius a rĂ©pondu Ă  l'Ă©tymologie de son nom par la longueur de son voyage. Il est arrivĂ© des extrĂ©mitez de l'Ocean & des Gaules, & a laissĂ© Rome derriere pour se venir rassasier Ă  Bethleem du pain divin ; afin de pouvoir dire Ă  Dieu, Mon coeur se rĂ©pand pour dire de bonnes choses, & c'est Ă  la gloire du Roy que je les consacre ; Il m'a aportĂ© de votre part un petit livre plein de questions importantes ; & je voy par lĂ  que vous ressemblez Ă  la Reine de Saba, qui vint du bout du monde consulter Salomon. Ce n'est pas que je fois ce grand homme qui a surpassĂ© en sagesse tous ceux qui ont estĂ© devant & aprĂ©s luy : mais on peut vous prendre pour cette Princesse, estant exempte de pechĂ© ; & vous estant entierement tournĂ©e vers Dieu, qui vous dira un jour, Revenez, revenez, Sunamite ; car, Saba en nĂ´tre langue signifie retour. [...]

 

A la mĂŞme lettre XLIII :

 

Je vous conjure donc de pardonner à ma rudesse; Si je suis grossier (peu instruit pour la parole, dit S. Paul, il n'en est pas de même pour la science ; quoy qu'il eût la science & la beauté du langage, il se deffend cependant de cette derniere ; & je n'ay ny l'une ny l'autre ; car ayant oublié ce qui me plaisoit dans ma jeunesse, je n'ay pas apris ce que je prétendois sçavoir, & j'ay fait comme le chien de la fable, quitant un petit morceau , pour courir aprés un grand que je n'ay point eu (Les Lettres choisies de S. Jerôme. traduction nouvelle, Avec une Preface, 1700 - books.google.fr).

 

"tant outragé"

 

Il paraît résulter des explications données par Tertullien qu'on accusait les chrétiens de sacrilège parce qu'ils refusaient de rendre hommage aux dieux de Rome, – Deos non colitis; – mais cette interprétation ne se concilie pas facilement avec les lois romaines telles que nous les avons aujourd'hui. Elles appellent sacrilège le crime de ceux qui dévastent les temples et en enlèvent les objets sacrés. Ce crime est, on le voit, assez restreint, et, pour empêcher qu'on ne l'étende, la loi a grand soin de définir ce que le mot «objets sacrés» veut dire. Il ne s'applique pas à tout ce que contient un temple, «et si, par exemple, un particulier y a déposé son argent, celui qui le vole ne commet pas un sacrilège, mais un simple larcin». Il en résulte qu'aux termes de la loi ceux-là seuls étaient coupables de sacrilège parmi les chrétiens qui se laissaient entraîner, comme Polyeucte, par l'ardeur de leur zèle et allaient briser les idoles dans les temples. [...]

 

Après la majestĂ© divine, c'est la majestĂ© impĂ©riale qu'on les accuse d'outrager. Le reproche est beaucoup plus grave, car, dit Tertullien, CĂ©sar est plus respectĂ© et plus craint que Jupiter .La loi de majestĂ©, par sa formule vague et gĂ©nĂ©rale, pouvait se prĂŞter Ă  tout, et l'on sait l'usage terrible que les mauvais empereurs en ont fait. On entendait par crime de majestĂ©, ou de lèse-majestĂ©, comme nous disons aujourd'hui, «tout attentat commis contre la sĂ©curitĂ© du peuple romain». A la rigueur, on pouvait prĂ©tendre que les chrĂ©tiens en Ă©taient coupables, car l'introduction d'une religion nouvelle jette toujours quelque trouble dans un État. Avec l'empire, ces accusations Ă©taient devenues plus communes : le peuple romain s'Ă©tait personnifiĂ© dans un homme qui croyait toujours qu'on voulait attenter Ă  sa sĂ»retĂ© (Gaston Boissier, La fin du paganisme: La victoire du christianisme. Le christianisme et l'Ă©ducation romaine. ConsĂ©quences de l'Ă©ducation paienne pour les auteurs chrĂ©tiens, Tome 1, 1891 - books.google.fr).

 

Acrostiche : TP BQ, tempus - bene quiescat

 

TP : tempus

 

BQ : bene quiescat (Que vos os reposent tranquilles : ossa tua bene quiescant) (Abréviations tirées du «Dictionnaire des Abréviations latines et italiennes» de A.Capelli  - www.arretetonchar.fr).

 

Certaines Ă©ditions ont "Onc Romain peuple" au lieu de "Que Romain...".

 

La religion de Mithra connaissait un étrange dieu du temps, Aion, avatar de Kronos, que l'on surnommait Deos leontocephalus, c'est- à-dire à tête de lion. Il était représenté par un homme à tête de lion, debout, enlacé par un serpent sur les anneaux duquel sont figurés les signes du zodiaque. Cet homme-zodiaque connut un grand succès iconographique. On peut voir au Musée lapidaire de Nîmes un de ces Saturnes mithraïques. Dressé comme une colonne, l'Aion est enveloppé dans les replis d'un énorme serpent dont la tête  est en bas, sous les pieds du dieu, qui en tient la queue dans sa main gauche. Les anneaux monstrueux du reptile délimitent autour du corps de l'homme les zones où résident les signes du zodiaque. Selon Montfaucon de Villars (qui publia en 1722 son bizarre ouvrage sur L'Antiquité expliquée et représentée en figures) les tortils du serpent marquent les circuits que fait le soleil dans sa course autour des signes du ciel. On remarquera avec un peu d'attention que deux de ces signes, sur le monument de Nîmes, sont inversés : le scorpion et le cancer, alors que dans la figure publiée par Montfaucon le scorpion est bien en face du sexe du dieu comme sur les reliefs tauroboles de Mithra (Jean-Paul Clébert, Bestiaire fabuleux, 1971 - books.google.fr).

 

Quand l'outre-tombe eut passĂ© de l'enfer souterrain Ă  l'au-delĂ  cĂ©leste, la porte de l'Hadès fut assimilĂ©e tantĂ´t au signe du Cancer (par oĂą les âmes descendent sur terre pour sombrer dans la gĂ©nĂ©ration), tantĂ´t au signe du Capricorne (par oĂą elles remontent jusqu'Ă  l'EmpyrĂ©e). Qu'on identifiât l'enfer Ă  la vie terrestre ou aux Iles FortunĂ©es ; ces deux signes correspondaient aux portes de Pluton dont le Temps mithriaque dĂ©tient les clĂ©s (Robert Turcan, Les religions de l'Asie dans la VallĂ©e du RhĂ´ne, 1972 - books.google.fr).

 

Nourrices des jeunes divinités, les abeilles furent aussi, dès l'origine, les nourrices des âmes. Elles présidaient à la résurrection de la partie intellectuelle de notre être, comme l'indique le mythe des abeilles naissant des flancs du taureau égorgé. Cette idée reparaît dans le culte de Mithra ou du taureau immolé par ce dieu; et d'ailleurs, puisque l'abeille rappelait l'âge d'or, n'était-il pas naturel qu'elle rappelât aussi cet autre âge d'or qui attend l'homme au delà des bornes de la vie ? Les anciens se figuraient que les âmes s'envolaient, guidées par les abeilles, vers les îles Fortunées, où elles se nourrissaient de miel en compagnie des dieux. De là vint cette antique coutume d'offrir de la cire et du miel en l'honneur des morts (Georg Friedrich Creuzer, Religions de l'antiquité considérées principalement dans leurs formes symboliques et mythologiques, traduit par J.D. Guignaiaut, Tome 3, 1851 - books.google.fr).

 

Pour les Îles Fortunées, cf. quatrains X, 22 et VI, 27.

 

Typologie

 

Le report de 2192 sur la date pivot 377 donne -1438.

 

Comment Zoroastre a-t-il pu arriver qu'il ait Ă©tĂ© revendiquĂ© par les Juifs, identifiĂ© avec EzĂ©chiel, avec Nemrod, avec Seth, avec Balaam, avec Baruch ? MĂŞlĂ©, ainsi intimement Ă  toute l'histoire de la prophĂ©tie, il est devenu un prophète du Christ ; il y a eu une apocalypse mazdĂ©enne ; mais les Ă©crivains chrĂ©tiens ont rejetĂ© et condamnĂ© Zoroastre (LĂ©on Homo, Les mages hellĂ©nisĂ©s OstanĂ©s et Zoroastre. In: Journal des savants, Juillet-aoĂ»t 1939 - www.persee.fr).

 

Des interprétations verront un parallèle entre ces rois mages et la prophétie du mage Balaam dans le Livre des Nombres 24, 17, évoquant le surgissement d’une étoile d’Orient comme l’annonce de la venue du messie. Cette lecture pourrait être à la racine des rois mages (www.lemondedesreligions.fr).

 

Balaam intervient à la sortie du désert des Hébreux. Un siècle et demi environ plus tard, l'année -1438 est comprise, selon le comput samaritain, dans le règne d'Aod (Ehud) comme juge du peuple d'Israël confronté au royaume de Moab. Aod a tué le roi Eglon et libéré son peuple de la servitude de cette nation (Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l'hist. univers., sacrée et proph., ecclésiast. et civile, depuis la création du monde, jusqu'à l'an 1762, 1763 - books.google.fr).

 

Le culte de Mithra forme une des parties les plus essentielles de la doctrine de Zoroastre, et des passages nombreux du Zend-Avesta s'expliquent avec beaucoup de détail sur la nature et les fonctions de Mithra, médiateur de la création, de ce protecteur très vigilant, de ce héros très fort, triomphateur invincible, de ce génie de l'amour et de la vérité, dont l'emblème le plus vrai et le plus magnifique est le soleil (Joseph de Hammer, Mithra, Revue universelle: bibliothèque de l'homme du monde et de l'homme politique, Volume 8, 1833 - books.google.fr).

 

Le Mithra gallo-romain dérive de ce Mithra persan.

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